Le rapport Pomel montre qu'il faut d'abord se réformer avant de reconquérir les parts de marché perdues à l'extérieur. Aujourd'hui, notre position est affaiblie dans les discussions multilatérales et bilatérales. Les négociations sur les indications géographiques, notamment viticoles, sont au point mort au sein de l'OMC, et l'accord entre les États-Unis et l'Union européenne sur le vin, signé le 10 mars 2006 à Londres, mérite un examen attentif. C'est surtout sur ce point que portera mon intervention.
Certes, il faut défendre notre « modèle viticole » devant l'invasion des vins du nouveau monde, mais comment faire alors que ce modèle est illisible pour la majorité des consommateurs, français et européens ?
Je crois qu'il faut distinguer deux catégories de vins, relevant les uns d'un marketing de l'offre, les autres d'un marketing de la demande.
Le marketing de l'offre, c'est ce que nous connaissons actuellement, à savoir une politique de qualité exigeante, authentifiée par les AOC.
Le marketing de la demande vise à proposer des vins répondant aux attentes du consommateur. C'est la stratégie adoptée par les producteurs de vins du nouveau monde, avec le succès que l'on sait.
Cette distinction entre catégories de vins, le rapport Pomel prévoit sa mise en oeuvre. Dans cette optique, les indications géographiques doivent retenir toute notre attention. Aujourd'hui, notre offre est beaucoup trop complexe, avec 450 AOC et 140 vins de pays. À cela s'ajoutent les mentions sur les étiquettes, telles que celles des cépages, des méthodes, des châteaux, etc. La diversité de notre offre, loin de nous servir, rebute nombre de consommateurs. Notre politique de qualité viticole a, en fin de compte, perdu de sa crédibilité au fil du temps. La notion d'AOC est devenue excessivement compliquée et totalement illisible.
Il faudrait non pas abandonner cette politique, bien sûr, mais la réorganiser, pour lui redonner crédibilité et lisibilité. Cela doit passer par la gestion de la filière au sein de grands bassins de production.
En outre, les pratiques oenologiques devraient être adaptées en fonction de la catégorie des vins considérés. Dans cette perspective, les producteurs de vins de pays auraient le droit d'employer des méthodes aujourd'hui interdites, telles l'utilisation de copeaux ou les techniques de désalcoolisation. A contrario, les vins produits sous AOC seraient soumis à des règles strictes de qualité, telles que nous les connaissons actuellement.
Ce sont là certaines des conclusions du rapport Pomel. Je les approuve sans détour, car consolider notre système d'indications géographiques, c'est se donner les moyens de le défendre et de le promouvoir à l'extérieur. Les négociations sur les indications géographiques relèvent du cycle de Doha. L'accord dit « ADPIC » sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce prévoit des modalités spécifiques pour le vin.
Par ailleurs, la Commission européenne doit engager un second cycle de négociations bilatérales avec les États-Unis sur la question viticole. Le premier cycle de ces négociations s'est achevé par la signature, le 10 mars 2006 à Londres, d'un premier accord.
La délégation pour l'Union européenne du Sénat, comme d'ailleurs son homologue de l'Assemblée nationale, a souligné le caractère controversé de cet accord, conclu, en quelque sorte, sous la menace. En effet, la législation américaine impose désormais que tous les vins en provenance d'un pays n'ayant pas signé un accord bilatéral avec les États-Unis soient certifiés. En pratique, cela signifiait une perte de parts de marché significative, alors que les États-Unis restent le premier débouché pour la viticulture européenne, à hauteur de 40 % de nos exportations, ce qui représente quelque 2 milliards de dollars.
Controversé, déséquilibré, cet accord résulte surtout d'un rapport de force. Cependant, comme le remarque la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, il doit malgré tout être défendu, car c'est la solution la moins pénalisante dans la situation actuelle. Je pense qu'il faut avoir le courage politique de le dire. La Commission a reconnu certaines pratiques oenologiques américaines, aujourd'hui interdites sur le territoire européen ; en contrepartie, les États-Unis s'engagent à faire évoluer le statut des appellations dites « semi- génériques ». J'y reviendrai.
En ce qui concerne les pratiques oenologiques, doit-on s'inquiéter des concessions de la Commission européenne, alors que l'organisation commune des marchés « vin » n'a pas encore été revue ?