Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 12 avril 2006 à 15h00
Crise de la filière viticole française — Discussion d'une question orale avec débat

Dominique Bussereau, ministre :

Nous avons pris d'importantes mesures d'assainissement du marché. Je dois malheureusement noter que la distillation de crise pour les vins AOC n'a été souscrite que pour un peu plus de 1 million d'hectolitres, alors que j'avais obtenu 1, 5 million d'hectolitres de la Commission européenne. En revanche, la distillation pour les alcools de bouche a connu un succès inhabituel : 1, 5 million d'hectolitres ont été souscrits, notamment en raison de l'effondrement des prix des vins de table sur le marché.

Je sais, monsieur Courteau, que cela ne suffit pas toujours à traiter les situations dramatiques comme celles que vous avez, à juste titre, évoquées. C'est la raison pour laquelle il faut aller plus loin et répondre à deux défis : restructurer notre secteur viticole au niveau national, et préparer la réforme de l'Organisation commune de marché qui aura lieu l'an prochain à l'échelon de l'Union européenne.

Au-delà des aides conjoncturelles, M. Mercier l'a très bien dit, la question concerne plus généralement la gouvernance et les produits. Je voudrais vous exposer quels types de réponses nous pouvons mettre en oeuvre ensemble.

Premièrement, pour aider le secteur à faire face à cette crise, dans le prolongement des propositions de l'accord conclu avec Hervé Gaymard et la filière en juillet 2004, j'ai décidé de lancer une réflexion au niveau des bassins vitivinicoles.

La mise en place des comités de bassin, regroupant les acteurs de la production, de la transformation et du commerce, était devenue urgente. Le but est de faire émerger des propositions concrètes, adaptées à chaque bassin de production et à la gestion des mesures structurelles au plan local. La concertation a été menée de janvier à mars dans tous les bassins viticoles et s'est déroulée avec succès.

Le préfet Pomel, à qui j'avais confié la charge de coordonner cette concertation, m'a remis son rapport récemment. Je reconnais, monsieur Bizet, qu'il reprend des idées contenues dans le rapport, commandité par Jean-Pierre Raffarin, que vous avez remis récemment à Dominique de Villepin.

Les mesures phares du rapport de M. Pomel sont les suivantes.

Tout d'abord, un conseil national de la viticulture de France, sur le rôle duquel je reviendrai, est créé.

Ensuite, les conseils de bassin sont pérennisés. Monsieur César, le décret fixant la composition de ces conseils est en préparation et sera prêt avant l'été. Chacun d'entre eux regroupera tous les acteurs de la filière ainsi que les partenaires économiques et politiques de la région - je pense naturellement aux collectivités territoriales. Ils ne se substitueront pas aux interprofesssions, à l'INAO et à l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, du vin et de l'horticulture, VINIFLHOR.

Par ailleurs, la qualité des produits est renforcée grâce à la réforme de l'INAO, qui devient l'Institut national de l'origine et de la qualité, inscrite dans la loi d'orientation agricole.

En outre, grâce à VINIFLHOR, des outils beaucoup plus fins de connaissance du marché sont mis en place, bassin par bassin.

Enfin, Bernard Pomel propose d'encourager le regroupement des coopératives et des entreprises aval - les sénateurs du Languedoc-Roussillon le savent, la très grande dispersion des coopératives n'est pas toujours adaptée au marché. Monsieur Vidal, cette proposition doit répondre à votre souhait de restructurer la coopération pour qu'elle joue un rôle véritablement économique.

Les mesures proposées par Bernard Pomel seront mises en oeuvre.

Deuxièmement, il faut soutenir les exploitations et l'exportation.

Le Premier ministre, je vous l'ai indiqué, a décidé de consacrer une nouvelle enveloppe de 90 millions d'euros sous forme d'aides. Ces aides visent à la fois à apporter un soutien conjoncturel aux entreprises viables, à faciliter la reconversion des entreprises les plus en difficulté, à soutenir les efforts de celles qui se battent à l'exportation et à encourager le regroupement des entreprises d'aval.

Concernant les viticulteurs eux-mêmes, ces mesures se décomposent ainsi : l'attribution d'aides de trésorerie et la prise en charge des cotisations sociales de viticulteurs en difficulté ; des plans d'aide au départ ou de reconversion pour ceux qui sont structurellement, sur plusieurs campagnes, en difficulté et qui le souhaitent - préretraites, en modifiant les conditions réglementaires, stages de formation.

Monsieur Delfau, monsieur Courteau, s'il a pu y avoir des retards dans le paiement des aides certaines années, ce ne sera pas le cas en 2006 ; j'ai même autorisé VINIFLHOR à emprunter à cet effet.

Nous avons ajouté un plan de regroupement et de restructuration des entreprises coopératives de négoce et de mise en marché, auquel sera lié le soutien public à ces entreprises si elles sont en difficulté.

Un plan de reconversion de zones de production inadaptées à la production viticole est prévu, qu'il s'agisse de mesures d'arrachage et de reconversion foncière ou agricole - DPU, autres productions.

Il est vrai qu'en plus de ce dispositif les banques, les caisses de MSA et l'État procèdent à des allégements très importants de charges et d'impôts, efforts que M. Le Cam a évoqués.

Ces mesures nationales seront naturellement complétées par des mesures de distillation demandées au niveau communautaire.

Le Premier ministre est intervenu personnellement auprès du président de la Commission européenne. J'ai rencontré la commissaire chargée des questions agricoles la semaine dernière et j'ai demandé à la Commission une distillation de crise portant sur 2 millions d'hectolitres pour les vins de table et sur 2 millions d'hectolitres pour les AOC, à des prix revalorisés. Cette distillation vise à alléger le marché afin de permettre un redressement des cours.

Toutefois, je vous le dis clairement, elle ne s'avérera efficace que si tous les bassins participent à l'assainissement du marché...

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