Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de deux considérations préliminaires au propos que je tiendrai en ma qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » : La première concerne la nature macroéconomique de la crise et la seconde est d'ordre budgétaire.
Les dernières données macroéconomiques de l'INSEE, communiquées au début du mois de mars dernier, font une première estimation des effets économiques de la grippe aviaire en France.
Estimant ainsi que « l'impact global serait toutefois très limité », l'INSEE précise que, d'un point de vue économique, la grippe aviaire touche la production agroalimentaire avicole, qui représente 4, 1 % de la production agricole et 2, 2 % de l'industrie agroalimentaire. Dans l'hypothèse où le virus resterait cantonné aux animaux, la grippe aviaire aurait essentiellement un impact sur les exportations avicoles de la France. Eu égard à l'embargo total des pays qui l'ont signifié à ce jour et à un repli prévisible de 10 % des importations des autres pays, les exportations avicoles diminueraient de 22 % dès le premier trimestre 2006, soit une perte d'environ 70 millions d'euros.
En outre, l'INSEE souligne que l'impact de la grippe aviaire devrait être également sensible sur la production de l'industrie agroalimentaire, via l'indice de la production industrielle de cette branche. Le repli devrait surtout être enregistré au deuxième trimestre. Dans un premier temps, les abattages de volailles ne cesseraient pas et la chute des demandes interne et externe se traduirait par une montée des stocks. Dans un second temps, l'adaptation de la production interviendrait, faisant chuter l'activité.
Ainsi, en termes de production, l'impact sur les exportations avicoles se traduirait par une baisse de 0, 02 % de la croissance du PIB du premier trimestre 2006. Selon l'ampleur de la chute de la consommation de volailles, mais aussi selon le degré et l'orientation de la substitution de la consommation alimentaire, l'impact final sur le produit intérieur brut pourrait être plus important d'après l'INSEE.
Si l'impact macroéconomique de cette crise doit être relativisé, l'impact économique sur la filière avicole est bien réel, comme en témoigne le décret d'avance portant ouverture et annulation de crédits publié par le Gouvernement le 27 mars 2006, destiné à financer, à hauteur de 68 millions d'euros, les mesures relatives à l'épizootie de grippe aviaire et sur lequel la commission des finances du Sénat a été amenée à se prononcer, en vertu des dispositions de la LOLF.
Ce décret d'avance a en effet permis l'ouverture de 52 millions d'euros au titre du soutien économique en faveur de la filière avicole - vous avez évoqué ce point, monsieur Mortemousque -, et de 16 millions d'euros au titre du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission dont j'ai l'honneur de présenter les crédits. Cette dernière somme doit permettre de financer les visites sanitaires obligatoires dans les exploitations situées en zone de protection, la vaccination des palmipèdes dans certains élevages ainsi que l'indemnisation des éleveurs dont l'élevage doit être abattu.
À cet égard, je tiens à souligner que, si cette ouverture de crédits était nécessaire, elle aurait pu être anticipée par le Gouvernement puisque j'avais moi-même proposé au Sénat, lors de l'examen du budget de la sécurité sanitaire le 6 décembre dernier, un amendement visant à transférer un montant de 15 millions d'euros du programme « Veille et sécurité sanitaires » vers le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». Cet amendement avait été repoussé par le Sénat, notamment à la suite de l'intervention du ministre de la santé et des solidarités, qui avait précisé ceci : « l'abondement de 15 millions d'euros auquel vous souhaitez procéder, madame Bricq, est [...] inutile, puisque nous serions tout à fait en mesure de faire face au risque lié à l'épizootie ».
Le décret d'avance publié au cours du mois dernier n'a fait que confirmer l'analyse formulée par la commission des finances à la fin de l'année 2005.