Quand le présentateur déclare que la consommation de volaille ne présente aucun danger à condition d'être consommée cuite - vous la mangez souvent crue la volaille, vous ?- et que, simultanément, le caméraman montre un tractopelle chargeant des volailles crevées ou anesthésiées dans un camion poubelle, une telle séquence vous étant servie à différentes reprises lors du journal télévisé de 20 heures, c'est-à-dire à l'heure de votre dîner, avouez que les conditions ne sont pas réunies pour lutter contre la sous-consommation de volaille !
Les conséquences ne se sont pas fait attendre et, depuis la mi-octobre, on peut craindre un effondrement complet de cette filière, laquelle est donc en très grand danger.
Jusqu'à maintenant les éleveurs n'ont pas encore trop souffert, car il a bien fallu élever les poussins qui avaient été mis en place et qui sortent actuellement. Certes, les vides sanitaires se sont déjà allongés - ils sont passés de trois semaines à neuf ou dix semaines - et vont encore s'allonger, mais cela constitue un manque à gagner, et non une perte.
Les abattoirs ont perdu 30 % de leur clientèle. Ils stockent, ils congèlent, et les frigos sont pleins. Les fabricants d'aliments ont pu livrer ces derniers jusqu'à maintenant, mais ils vont bientôt commencer à supporter les conséquences de la baisse de 30 % de l'activité. Quant aux accouveurs, c'est un véritable désastre, un véritable carnage économique, car ils ont dû jeter les oeufs et tuer la moitié de leurs poules pondeuses reproductrices, dont l'investissement, je vous le rappelle, s'élève à 1 500 euros au premier oeuf produit.
À moins de savoir lire dans le marc de café, il est impossible d'imaginer la durée de cette crise !
Ceux qui s'en sont le moins mal sortis sont les surfaces de vente qui, par crainte de ne pas écouler la marchandise achetée, ont anticipé, contribuant ainsi à amplifier quelque peu la crise. En effet, pendant plusieurs mois, il n'y avait plus de volailles en fin de matinée sur la plupart des étals.
Il y a bien eu l'opération « deux poulets pour le prix d'un » destinée à résorber les stocks, mais, monsieur le ministre, vous savez bien qui l'a payée ! Seuls en ont profité les consommateurs qui ne s'étaient pas laissé influencer par la télévision : ils ont rempli leurs congélateurs dans des conditions financières optimales et vont consommer tranquillement les volailles ; cela retardera d'autant la reprise, si toutefois reprise il y a un jour. Les autres consommateurs, influencés par ce dégoût collectif, n'ont pas acheté un seul poulet, les produits de substitution, tels le veau et le saumon, ne manquant pas.
La baisse de 30 % de l'activité de toutes ces entreprises va provoquer des pertes énormes. Les 63 millions d'euros que vous avez accordés à la filière ne suffiront pas à sauver cette dernière, monsieur le ministre, car la pire des catastrophes pour nos éleveurs serait l'effondrement de la filière avicole, et un seul maillon défaillant pourrait en être à l'origine.
Aujourd'hui, 1 000 emplois sont fragilisés en Auvergne : chômage complet ou partiel, licenciements, non-renouvellement de certains contrats. Telles sont les conséquences actuelles de cette situation.
Il est absolument impératif d'envisager une prise en charge de la filière pour en sauver tous les éléments. Le déplafonnement des 3 000 euros par exploitation doit être autorisé par la Commission européenne.
L'augmentation des restitutions doit se poursuivre, la congélation et le stockage privé des produits avicoles doivent être soutenus.
Jusqu'à ce jour, la Commission européenne n'a débloqué aucune aide en faveur des éleveurs victimes des conséquences de la médiatisation intempestive de la grippe aviaire, car aucun élevage n'a dû appliquer les mesures vétérinaires comme l'embargo ou l'abattage, qui ont été préconisés par l'Union européenne.
Monsieur le ministre, il faut absolument rassurer les consommateurs pour que cesse cette absurde situation de crise. Votre ministère, à l'époque de la crise de la vache folle, avait réussi une opération de communication qui avait très largement contribué à la reprise de la consommation de la viande bovine. Alors, au boulot, monsieur le ministre !