Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mondialisation du commerce induit une âpre concurrence. De plus, l'aviculture française doit faire face à de fortes baisses de consommation, qui sont directement liées à la psychose de la grippe aviaire.
Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les conséquences économiques de l'infuenza aviaire sur la filière avicole française, et plus particulièrement sur la crise que traverse l'aviculture fermière gersoise.
L'aviculture française représente 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 600 millions d'euros d'exportations.
En février 2006, la consommation de volaille a chuté de 20 % et les exportations ont diminué de 20 % à 30 % pour les mois de janvier et de février. Une baisse de consommation de 20 % entraîne 60 millions d'euros de perte sèche mensuelle pour la filière. En dépit de l'allongement obligatoire des vides sanitaires, la production reste excédentaire, car la consommation peine à retrouver son niveau habituel.
L'équilibre n'est donc pas rétabli. C'est l'avenir de toute une filière, l'emploi de milliers d'hommes et de femmes et la survie de nombreuses exploitations et entreprises qui sont menacés, car ces élevages sont souvent le complément indispensable aux petites exploitations céréalières.
L'origine du dysfonctionnement réside principalement dans la chute des volumes de consommation. La confiance du consommateur est essentielle : comment éviter qu'il ne déserte à nouveau les rayons « volaille » si de nouveaux foyers de grippe aviaire se révélaient ?
Il faut souligner que le droit à l'information ne doit pas dégénérer en une sur-médiatisation frisant l'hystérie, due surtout à l'absence de sujets majeurs, et provoquer une psychose chez les consommateurs.
Gardons notre sang-froid ! En effet, si la grippe aviaire a fait 91 morts dans le monde depuis son début, chaque année, en France, 3 000 personnes sont victimes de la grippe classique.
Il faut prolonger la campagne nationale d'information lancée par le ministère de l'agriculture par des relais locaux, en particulier dans les bassins régionaux de production : le Gers, les Landes, le pays de Loué, pour ne citer que les principaux d'entre eux.
En effet, les associations professionnelles avicoles, notamment celles du Gers, ont déjà des stratégies de communication prêtes, jouant la transparence et insistant sur la sécurité et la traçabilité de leurs produits.
Les professionnels attendent également que la campagne nationale s'appuie sur des arguments irréfutables, comme la vigilance sanitaire constante de 5 000 vétérinaires sur le territoire français. Ils sont attentifs et informés pour faire face à l'hypothèse d'un volatile infecté dans leur élevage.
Cette vigilance des autorités sanitaires françaises est, de plus, portée au maximum de ce qu'il est possible de mettre en place aujourd'hui au regard de l'évolution de l'influenza sur notre territoire.
Dans ce contexte perturbé, les professionnels les plus touchés sont, en amont, les éleveurs de volailles, en particulier ceux dont les investissements sont lourds et récents, comme les jeunes exploitants et les producteurs sous label de qualité.
Le Gers, qui tire 18 % de son revenu brut de l'activité avicole, est particulièrement ébranlé. On estime à 5 millions d'euros mensuels, dont 2 millions pour la partie production, les pertes de la filière dans le département. De nombreux éleveurs, travaillant souvent dans des exploitations familiales et de taille modeste, craignent aujourd'hui à juste titre pour la survie de leur exploitation.
L'allongement obligatoire des vides sanitaires se répercute fortement sur leur revenu : jusqu'à 30 %.
Les éleveurs ont donc besoin en urgence d'aides financières afin de compenser leurs coûts structurels. Ces coûts pourront être réduits par un regroupement de la production et donc la fermeture d'un certain nombre de bâtiments, mais il faudra faire face aux conséquences sociales induites.
La plupart des groupes de la filière ont ajusté leur production au niveau de la demande et cinq grands groupes nationaux ont déjà annoncé des mises au chômage partiel pour fin avril. De nombreux contrats à durée déterminée ou contrats en intérim ne seront pas renouvelés.
Afin de limiter le coût social de la crise avicole, il faut prévoir des plans de formation et de reclassement. Je pense particulièrement aux salariés de mon département, habitant un territoire très rural et ayant passé parfois plusieurs dizaines d'années dans un abattoir : leur reconversion et leur reclassement sans formation sont difficiles. Il faut absolument les aider.
Pour ce qui est des outils industriels, les deux abattoirs du département annoncent des mesures de chômage partiel et un regroupement en un seul site, pour lequel ils ont besoin d'une aide de l'État.
Il faut écouler les stocks en trouvant de nouveaux débouchés et vider les congélateurs sans casser le marché national. Les instances européennes doivent réexaminer et redéfinir les conditions d'exportation.
La volaille française, extrêmement sécurisée, est victime des embargos décidés sans aucune concertation par les pays importateurs, alors même que les volailles étrangères entrent en Europe sans des contrôles d'origine et d'identification aussi rigoureux.
Dans mon département, l'aviculture fermière est une tradition ; les éleveurs travaillent dans le respect de leur environnement et du consommateur. Il serait catastrophique que cette branche traditionnelle de l'aviculture, tenant une place majeure dans l'économie locale, disparaisse.
Certes, monsieur le ministre, vous n'êtes pas resté inactif. Depuis le mois de novembre, vous avez débloqué, sur le plan national, 63 millions d'euros pour la filière. En février, une enveloppe de 20 millions d'euros, à laquelle s'ajoutent les 5 millions d'euros annoncés en janvier 2006, a ainsi été consacrée au financement de nombreuses mesures en faveur des éleveurs : indemnisations pour le manque à gagner résultant d'une réduction volontaire de production, allégement des charges d'emprunts pour les éleveurs qui ont investi récemment et pour les jeunes aviculteurs, ou encore prise en charge des cotisations de la Mutualité sociale agricole pour les producteurs en difficulté.
Ces mesures étaient vitales, et je me félicite de la réactivité du Gouvernement.
Toutefois, d'autres acteurs de la filière avicole ne bénéficient pas d'une telle aide, alors qu'ils se trouvent dans une situation financière particulièrement délicate. Tel est le cas de grands accouveurs et de petits abattoirs.
Comment le Gouvernement entend-il donc soutenir ces acteurs économiques aussi essentiels de la filière avicole ? Leur accordera-t-il des aides spécifiques, notamment une indemnisation de pertes d'exploitation, un allégement ou une exonération de charges ? Le cas échéant, pouvez-vous nous dire quand et comment seront calculées puis réparties ces aides ?
Par ailleurs, vous avez annoncé une avance de 1 000 euros par exploitation. Or les conditions d'accès à ces aides sont vivement critiquées par la profession : il semble que de nombreux éleveurs en soient exclus ou partiellement écartés, notamment ceux qui ont choisi de diversifier leurs productions mais pour qui l'atelier « volaille » représente une grande partie du revenu de l'exploitation.
Quoi qu'il en soit, ces dispositions d'urgence ne doivent constituer qu'une première étape, car elles ne suffiront pas à couvrir les pertes déjà enregistrées et à venir de la filière. Je le rappelle, ces pertes sont de l'ordre de 40 millions d'euros par mois.
Enfin, qu'en est-il, monsieur le ministre, des mesures de gestion de marché ? La profession les réclame depuis novembre.
Vous avez alerté le conseil des ministres européens en janvier et en février, mais la Commission tarde à réagir. Le Conseil européen du 20 mars dernier a pris une décision : surtout, ne rien décider !
Quand l'Europe va-t-elle se réveiller ? Espérez-vous des mesures adaptées dès ce mois d'avril et seront-elles rétroactives ?
Pour que l'État soit efficace dans son soutien à la filière, une concertation doit être mise en place avec la profession afin de définir les actions indispensables au maintien de cette activité.
Monsieur le ministre, vous avez prouvé que vous étiez un homme de dialogue. Nous comptons sur vous !