Intervention de Philippe Nogrix

Réunion du 12 avril 2006 à 15h00
Conséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Philippe NogrixPhilippe Nogrix :

Plus exactement, elle nous a guéris de la peur panique qui s'était emparée du pays à l'idée d'une pandémie grippale venue des airs.

Si nous semblons revenus de notre phobie, la filière avicole, elle, souffre, hélas ! plus que jamais. C'est la raison pour laquelle je remercie Dominique Mortemousque d'avoir posé cette question orale. J'aimerais cependant rappeler, monsieur le ministre, que notre collègue du groupe UC-UDF Jean Boyer avait déjà attiré votre attention le 7 mars dernier, dans une question orale sans débat, sur les difficultés rencontrées par la filière avicole à la suite des menaces de grippe aviaire.

Toute cette affaire de grippe du poulet laisse une désagréable impression de flou et d'irrationnel.

Nous pouvons comprendre le flou. Les données scientifiques ne semblent pas permettre d'évaluer précisément le risque de pandémie. Faiblement probable, donc fortement improbable, la mutation du virus en un agent hautement pathogène transmissible entre humains est aujourd'hui totalement imprévisible.

Dans ces conditions, il est bien naturel que le principe de précaution inscrit dans notre Constitution trouve à s'appliquer.

Le Gouvernement a, il est vrai, réagi rapidement, avec un plan « pandémie grippale » pertinent et adapté, pour faire face à la crise à tous ses niveaux de développement.

Les mesures prises dans le cadre de ce plan, telles que l'interdiction d'importation de produits potentiellement porteurs du virus, le renforcement de la surveillance des oiseaux migrateurs et leur vaccination, l'approfondissement des contrôles sanitaires dans les aéroports, la commande d'importantes quantités d'antiviraux, le confinement de tout le territoire métropolitain depuis le 18 février dernier, la constitution de stocks de masques de protection et la mise en réserve de 62 millions de vaccins prêts à être distribués dès l'apparition du virus, ne nous paraissent pas excessives.

Elles le sont d'autant moins qu'à la fin du mois de février ont été signalés les premiers cas d'élevages infectés en France.

En revanche, le principe de précaution doit être appliqué de façon maîtrisée, progressive et adaptée. Or ce n'est pas ce à quoi nous avons assisté.

À partir du moment où des risques de pandémie ont été évoqués, s'est développée dans le pays une peur panique irraisonnée, largement entretenue plusieurs fois par jour par les médias. Alors qu'à la Réunion l'épidémie de chikungunya faisait des ravages réels, ici, on ne se préoccupait que d'une très hypothétique pandémie grippale. Cette dimension irrationnelle, nous ne pouvons la tolérer et il faut la combattre.

Nous ne pouvons la tolérer parce qu'elle a suscité chez nos concitoyens une défiance relativement absurde à l'encontre de tout produit avicole. Résultat : sans raison valable, c'est toute une filière qui se trouve sinistrée, comme les chiffres très alarmants que Mme Herviaux, qui est originaire de la même région que moi, vient de citer le démontrent.

On sait pertinemment que le poulet et les oeufs cuits ne font courir absolument aucun risque au consommateur. Qui mange du poulet cru et, hormis les chanteurs d'opéra, qui gobe des oeufs ? Pourtant, les ventes de volailles ont chuté de 10 % depuis deux mois, après avoir atteint un creux de moins 25 % à la fin de l'année.

Éleveurs professionnels, accouveurs, personnels d'établissements d'abattage, revendeurs, ce sont des milliers d'emplois qui, dans mon département, l'Ille-et-Vilaine, pourraient être menacés.

L'industrie avicole française est la troisième du monde et la première de l'Union européenne, avec un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros chaque année et un cheptel de 125 millions de têtes.

Elle souffre déjà fortement de la concurrence brésilienne, qui lui a imposé depuis 2002 une baisse des prix de vente de 5 % à 8 % par an. Tous les ans les prix baissent ! On conçoit à quelle évolution la profession a été contrainte et quelle maîtrise elle a dû acquérir. Sans qu'elle ait commis la moindre faute, voilà que, sans raison, la grippe aviaire risque de faire disparaître 15 % des emplois de cette filière d'excellence, voire, à terme, si rien n'est fait, l'ensemble de la filière.

Pis, la crise de la filière avicole rejaillit sur les producteurs de céréales. Une partie importante de l'ensemble de l'agriculture de notre pays pourrait ainsi être atteinte. Allons-nous rester les bras croisés, sans rien faire ? Une telle attitude correspondrait-elle à notre tempérament ? Allons-nous laisser tomber notre agriculture, alors qu'elle a fait la preuve de son sérieux, de sa capacité à répondre aux défis qui lui ont été lancés ? Certainement pas !

Le Gouvernement a commencé à réagir. Nous ne pouvons que nous en féliciter, et vous en féliciter, monsieur le ministre.

Les mesures financières que vous avez annoncées, bien qu'encore trop timides à notre avis - mais il en va toujours ainsi -, sont vitales pour la filière avicole. Les éleveurs devront être totalement indemnisés. Je rappelle qu'ils n'ont commis aucune faute. Au contraire, et c'est un exemple bien nécessaire aujourd'hui, ils nous ont démontré ce qu'était un métier, ce qu'était le travail, ce qu'était la ténacité, ce qu'était la volonté de s'adapter.

Si les éleveurs n'étaient pas indemnisés, la nation ne comprendrait qu'ils doivent faire face seuls à de tels dégâts. Mais nous ne sommes pas certains que les 20 millions d'euros prévus soient suffisants.

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