Je tiens à remercier M. Dominique Mortemousque d'avoir provoqué ce débat par cette question orale afin de faire le point sur les conséquences économiques et en termes d'emplois de cette épidémie d'influenza aviaire dans notre pays.
Comme cela a été dit par beaucoup d'entre vous, les consommateurs ont manifesté leurs inquiétudes, lesquelles ont entraîné dès la mi-octobre une baisse de la consommation française de viandes de volaille. Cette consommation s'est rétablie au cours des fêtes de fin d'année, diminuant ensuite à nouveau.
Que peut-on dire aujourd'hui ? Que la baisse de consommation s'est stabilisée la semaine passée en moyenne à moins 11 % selon les industriels et les représentants de la distribution. Naturellement, c'est encore trop, et nous devons poursuivre notre effort.
La baisse des ventes en volume de poulets en label est tombée à moins 4 % la semaine dernière en raison, notamment, des promotions commerciales.
Comme Mme Herviaux l'a rappelé, ces baisses de consommation sont heureusement moindres que celles que connaissent à nos frontières d'autres pays européens, avec des diminutions de l'ordre de 30, de 40 ou de 50 %. Cela n'empêche pas que nous devons naturellement réagir, comme vous l'avez toutes et tous indiqué.
Sur la partie sanitaire et vétérinaire, la gestion de l'épidémie a été organisée en complète transparence par le Gouvernement, comme le souhaitait le Premier ministre. Elle a eu lieu en temps réel et en informant nos concitoyens, ce qui, naturellement, entraîne parfois quelques désagréments dans les réactions psychologiques. Mais cette gestion a eu le mérite de donner aux consommateurs des informations en temps réel. C'est la raison pour laquelle la consommation a repris plus rapidement chez nous que dans les autres pays voisins.
Cela m'amène à dire quelques mots en réponse à Mme Bricq sur le confinement. Nous avons pris des mesures de prévention et de précaution dès le mois d'octobre, au moment où l'épizootie était encore loin de nous. Ces mesures sont ensuite montées en puissance au fur et à mesure que l'épidémie se rapprochait. La suite des événements nous a, hélas ! donné raison. Nous avons d'ailleurs pu, pendant cette période, améliorer notre connaissance de la maladie, de son épidémiologie, notamment le rôle des oiseaux migrateurs.
Cela permettra, en liaison avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ou AFSSA - nous nous conformerons à son avis -, d'affiner et d'adapter ces mesures de prévention, notamment le confinement, pour les rendre supportables dans le temps.
Nous allons voir ce que nous faisons à compter du 31 mai. À cet égard, le rapport publié aujourd'hui à l'Assemblée nationale par la commission présidée par M. Le Guen, et dont le rapporteur général est M. Jean-Pierre Door, montre bien que ce dispositif a été jugé efficace.
Au-delà de la veille sanitaire et des mesures de précaution, il y a l'aspect économique : beaucoup de Français ont découvert à cette occasion l'importance de la filière avicole. La France est en effet le premier pays producteur de viandes de volaille de l'Union européenne. Ce secteur emploie 50 000 salariés, et 15 000 éleveurs professionnels, auxquels s'ajoutent des éleveurs privés, sont présents sur l'ensemble du territoire.
Face à cette filière, le Gouvernement s'est assigné trois objectifs : d'abord, relancer la consommation de viandes de volaille en France par des campagnes d'information et de promotion; ensuite, assurer un soutien national de la filière avicole ; enfin, renforcer ce plan de soutien par des aides structurelles communautaires.
S'agissant de la première orientation, informer pour relancer la consommation, l'État a engagé des campagnes de communication non négligeables : 4, 5 millions d'euros depuis le mois d'octobre. Il s'agissait notamment - vous avez raison, monsieur Détraigne - de lutter contre les effets néfastes de certaines images de personnes en tenue de cosmonaute, dignes d'On a marché sur la lune.
Les premières campagnes radiodiffusées de promotion des volailles festives ont été lancées dès l'automne et ont permis de rétablir la consommation durant les fêtes de fin d'année.
Nous avons par ailleurs beaucoup travaillé avec le Centre d'information des viandes, qui avait montré toute son utilité et son efficacité pour la reprise de la consommation de viandes bovines après la crise de l'ESB. Ainsi, durant la première quinzaine du mois de février, une plaquette d'information a été transmise à huit millions de foyers français. Des messages radio d'informations sur la consommation de viandes de volaille ont par ailleurs été diffusés durant cette période.
Enfin, une campagne télévisée intitulée « s'informer pour mieux consommer » a été diffusée, sur notre initiative, entre le 25 mars et le 7 avril sur TF1, France 2, France 3, M6, autrement dit sur les grandes chaînes de télévision. Cette campagne a d'ailleurs porté ses fruits, puisque le sondage IFOP qui a été réalisé par la suite nous a montré que la proportion de consommateurs qui restaient inquiets quant à la consommation de volailles était passée de 30 % à 10 % après cette campagne.
En outre, nous allons entamer une nouvelle campagne de promotion avec l'ensemble de la filière à compter du 25 avril, donc juste après la période pascale ; nous avons en effet interrompu la mise en oeuvre de ce programme pendant cette dernière période, qui voit toujours la consommation d'agneau augmenter, mais nous la redémarrerons aussitôt après.
L'AFSSA s'est également montrée très claire dans un avis du 23 février, en précisant que la consommation de volailles et d'oeufs ne présentait aucun risque dans notre pays, ce qui, je crois, a été compris par tout le monde.
Pour ma part, j'ai réuni à deux reprises toutes les associations de consommateurs pour les informer des mesures prises par la Gouvernement, et je dois dire qu'elles ont été dans ce domaine un très bon relais. De la même façon, j'ai écrit à tous les maires afin de les sensibiliser à cet avis rendu par l'AFSSA.
Comme l'a rappelé l'un des intervenants, il est vrai qu'un maire avait pris un arrêté pour suspendre la consommation de viande de volaille dans les cantines municipales ; mais il est finalement revenu sur sa décision après l'intervention immédiate du préfet. En revanche, un autre maire a été, lui, moins courageux, en organisant un référendum auprès des parents d'élèves, croyant que ceux-ci allaient lui demander de retirer les viandes de volaille des cantines scolaires. Or, manque de chance pour lui, et heureusement pour la filière, les parents d'élèves, qui se sont montrés fort sages, ont décidé que la consommation de viande de volaille dans les cantines de cette commune ne posait pas de problème. En fait, un maire de gauche et un maire de droite étaient tous deux impliqués dans une attitude coupable, chacun ayant réagi ensuite comme il le fallait.
M. le Premier ministre a lui-même réuni les organisations concernées par la consommation de viande de volaille - les restaurateurs, les associations de parents d'élèves, les consommateurs, les représentants des collectivités territoriales. À cette occasion, nous n'avons cessé de marteler que les volailles présentes sur notre marché étaient saines et faisaient l'objet de contrôles sanitaires rigoureux de la part de des directions départementales des services vétérinaires. À cet égard, je remercie Mme Nicole Bricq d'avoir souligné la mobilisation exemplaire de ces services. Nous avons pu montrer que notre pays dispose d'un bon modèle sanitaire reposant sur un trépied formé d'éleveurs - ils ont manifesté un sens civique formidable -, de vétérinaires privés et de vétérinaires d'État.
Il en est résulté que nous n'avons eu à subir aucun ravage comparable à celui de la fièvre aphteuse au Royaume-Uni, en 2001, ou encore - on l'a parfois oublié - de l'influenza aviaire aux Pays-Bas, en 2003, qui a décimé presque tout l'élevage de ce pays.
Bien entendu, il nous reste à traiter le problème du soutien à la filière avicole sur lequel vous êtes intervenus les uns et les autres, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je rappelle les chiffres : 11 millions d'euros en novembre ; 52 millions d'euros supplémentaires le 23 février ; enfin, l'annonce faite le 23 mars dernier de 20 millions d'euros supplémentaires.
Il s'agit là d'un plan que nous avons élaboré avec les professionnels, dans le respect des mesures prises par l'Union européenne et sur lesquelles je reviendrai dans un instant.
Le premier volet concerne, naturellement, les éleveurs de volailles auxquels nous avons accordé, en plus des 20 millions d'euros, 5 millions d'euros supplémentaires.
Par ailleurs, nous avons délégué aux préfets une enveloppe de 18 millions d'euros dès le 7 mars pour le paiement d'avances - j'insiste bien sur le fait qu'il s'agit d'« avances » - de 1 000 euros aux éleveurs. Pour ce faire, il nous a fallu définir un critère, ce qui n'est jamais facile. Celui qui a été retenu est le nombre de mètres carrés de bâtiments ainsi que l'importance des productions en label.
Dans l'Ain, seul département à avoir été touché par l'épizootie, nous avons naturellement indemnisé en totalité M. et Mme Clerc, propriétaires d'un élevage dans la commune de Versailleux. Ce couple d'éleveurs bénéficiera, par ailleurs, d'aides destinées à se reconvertir dans la production de lait puisqu'il souhaite abandonner la filière avicole.
Nous avons, en outre, complètement indemnisé les éleveurs situés dans le périmètre de protection autour du foyer découvert dans l'Ain, dans la mesure où les zones de surveillance mises en place les empêchaient de laisser sortir leur volaille ; ainsi, ils nourrissaient des volailles qu'ils ne pouvaient vendre par la suite. Cette mesure est d'ailleurs d'ores et déjà étendue aux couvoirs et aux éleveurs de gibiers de la zone de protection de la Dombes, dans le département de l'Ain.
Nous avons également pris une mesure de soutien spécifique en faveur des éleveurs de volailles en plein air, engagés dans des filières de qualité et qui se trouvent particulièrement affectés par l'obligation de confinement. Cette mesure a été notifiée à la Commission européenne et devrait permettre d'indemniser les baisses de densité en élevages de plein air au-delà du plafond habituel de minimis, c'est-à-dire au-delà de 3 000 euros.
Enfin, nous avons demandé aux préfets de procéder à la répartition d'une enveloppe de 3 millions d'euros supplémentaires afin de venir en aide aux éleveurs ayant investi récemment, et qui sont donc en période de démarrage professionnel, ainsi qu'aux jeunes agriculteurs qui doivent pouvoir bénéficier d'allégements de leurs charges d'emprunts. Nous prendrons en charge les cotisations à la MSA de ceux qui sont le plus en difficulté. Voilà pour l'amont du dispositif.
J'en viens maintenant à l'aval, avec un soutien en direction des entreprises de la filière : une enveloppe de 30 millions d'euros a été mobilisée pour les entreprises dès le 23 février, et le Premier ministre a complété ce dispositif par une enveloppe de 20 millions d'euros le 23 mars dernier.
Ce volet comprend, en outre, deux outils complémentaires. Il s'agit tout d'abord d'une aide directe aux entreprises de la filière gérée par les préfets de région dans le cadre, dans un premier temps, du plafond de minimis de 150 000 euros. Aux quatre sénateurs de Bretagne qui se sont exprimés sur ce point, je puis répondre que cette aide sera gérée directement par Mme Bernadette Malgorne. La circulaire d'application a été signée le 9 mars, et la répartition régionale d'une première enveloppe de 18 millions d'euros a été notifiée ; elle est actuellement en cours de consommation, après examen individuel des dossiers.
Quant au second outil proposé, il s'agit d'une aide nationale au sauvetage des entreprises en difficulté dont la situation financière mettrait en péril les emplois de sites de production français et qui présenteraient un projet de restructuration.
Je répondrai à MM. Aymeri de Montesquiou et Gérard Le Cam que les petits abattoirs peuvent d'ores et déjà bénéficier du premier volet de ce dispositif de soutien et les grands accouveurs, du second volet.
Cela étant dit, au-delà de cette enveloppe, se pose le problème de la situation des salariés et de celle des entreprises de manière générale.
Des reports ou dispenses des échéances fiscales du premier semestre ont été prévus pour les entreprises du secteur avicole.
Par ailleurs, en matière de TVA et de taxes assimilées - taxe d'abattage, redevances sanitaires -, des délais de paiement ont naturellement été accordés.
S'agissant des salariés des entreprises de la filière avicole qui auraient perdu leur emploi ou qui subiraient des baisses de rémunérations - en parlant de perte d'emploi, je pense à tous ceux qui sont employés en CDD -, ils seront traités d'une manière bienveillante par les comptables du Trésor s'ils ne sont pas en mesure de régler leurs impôts, notamment l'impôt sur le revenu.
Madame Yolande Boyer, des mesures d'indemnisation totale du chômage partiel ont été mises en oeuvre dès le 26 janvier, puis assouplies. À l'heure actuelle, 53 établissements se sont manifestés auprès des directions du travail et 1 281 salariés sont concernés.
Nous avons également décidé d'élargir le soutien initialement prévu. C'est ainsi que seront éligibles au dispositif de report de charges fiscales les entreprises de prestations de services, d'alimentation animale et de commerce de détail - les rôtisseurs, notamment - du secteur avicole.
Nous allons aussi faire bénéficier du dispositif de soutien direct, dans le cadre du plafond de minimis de 150 000 euros, les éleveurs qui commercialisent les volailles vivantes dites « démarrées » - voilà qui devrait répondre au souci exprimé par M. Le Cam - et, par dérogation, les entreprises prestataires de services, en particulier les transporteurs.
Je n'aurai garde, madame Bricq, d'oublier les fermes pédagogiques. À cet égard, nous avons demandé au ministère de l'éducation nationale de sensibiliser les enseignants au fait que les visites de ces fermes par les élèves n'avaient pas à être interrompues. Les fermes pédagogiques pourront donc, comme vous le souhaitez, madame la sénatrice, bénéficier de ce soutien.
En outre, afin de contribuer à l'assainissement du marché, nous avons souhaité que les associations caritatives puissent disposer gratuitement de 1 060 tonnes de volailles congelées. Un appel d'offres a été lancé le 20 mars pour acheter ces stocks, qui sont équivalents à la demande totale de leurs besoins actuels.
Enfin, je tiens à remercier les collectivités territoriales, notamment les régions et les départements, qui participent au financement complémentaire de ces mesures de soutien.
En matière d'exportation, une soixantaine de pays ont placé nos produits sous embargo, et l'on estime la diminution de consommation de viandes de volaille dans le monde entre 20 % et 30 %, à laquelle il faut ajouter la baisse des prix de la viande de volaille au niveau mondial.
Dans cette perspective, nous avons engagé des négociations, qui sont actuellement en cours. Chaque fois que je rencontre des ministres étrangers, je discute avec eux de ce problème - et je n'oublie pas le très gros travail réalisé par nos ambassadeurs - afin que, dans le strict respect des règles de l'Organisation mondiale de la santé animale, l'OIE, les embargos soient limités aux volailles du département de l'Ain et ne concernent pas des départements dans lesquels l'épizootie n'a pas été constatée.
Dans le cadre du plan de soutien à la filière, nous avons prévu 10 millions d'euros pour soutenir les entreprises exportatrices les plus en difficulté. Plusieurs d'entre elles, après avoir adressé une demande de soutien le 24 mars à la Commission européenne, ont reçu un avis favorable. Il convient ici de rappeler que ces aides au sauvetage des entreprises ont permis de préserver des bassins d'emplois importants, et je pense en particulier à la commune de Châteaulin, administrée par Mme Yolande Boyer.
La Commission européenne a, de surcroît, décidé d'augmenter progressivement les restitutions à l'export de poulets entiers : ces dernières s'élèvent actuellement à 48 euros pour 100 kilos.
Nous avons également diffusé, auprès des autorités des pays importateurs, des documents traduits concernant notre système de contrôle sanitaire.
Par ailleurs, toutes les interventions internationales visant une mobilisation pour lever les embargos ont été mises en oeuvre : nos ambassadeurs et nos conseillers agricoles effectuent des démarches pour présenter notre dispositif de prévention et demander la levée des embargos.
Le délégué interministériel à l'industrie agroalimentaire, M. Nicolas Forissier, s'est rendu la semaine dernière en Algérie. Il sera la semaine prochaine au Yémen et dans les Émirats arabes unis. Quant à Mme Christine Lagarde, elle a, pour sa part, entamé une tournée dans les pays du Maghreb et en Égypte ainsi qu'auprès des autorités d'Arabie saoudite, du Koweït et des Etats-Unis, où elle se trouve encore aujourd'hui même.
Pour répondre à la question posée par Mme Yolande Boyer, qui m'interrogeait sur le cas particulier de nos collectivités territoriales ultramarines, je rappellerai que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie disposent de gouvernements autonomes qui, en matière sanitaire, édictent leurs propres règles, distinctes de celles qui sont établies par l'État central. Madame Boyer, ce sont malheureusement ces gouvernements locaux qui ont adopté les mesures d'embargo que vous avez évoquées. Ils disposent, en effet, de compétences importantes, qui ne sont plus du ressort de l'État, notamment en ce qui concerne les plantes et la lutte contre les maladies.