Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, tout d'abord, à remercier l'auteur de la question, M. Guy Fischer. Ce débat, dans lequel je remplace Mme Catherine Vautrin, qui n'a pu y participer pour une raison de force majeure, fut très intéressant à la fois par les échanges qu'il a permis et parce qu'il offre au Gouvernement l'occasion de faire le point sur un sujet majeur, concernant à la fois la solidarité mais aussi les finances des départements.
Je tiens également à saluer les travaux de MM. de Raincourt et Mercier, travaux qui, aujourd'hui, sont soumis aux réflexions de l'Assemblée des départements de France et du Gouvernement et qui trouveront leur conclusion de façon pratique et concrète sur le terrain.
Les propos tenus par les uns et par les autres me semblent pouvoir être regroupés en trois chapitres importants : le principe même de la décentralisation, la compensation du transfert et la nécessaire évaluation de la décentralisation.
La question du principe même de la décentralisation du revenu minimum d'insertion a, tout d'abord, été évoquée.
Il m'apparaît nécessaire, au regard des questions cruciales qui ont été posées, notamment la perspective évoquée d'un éventuel retour à la situation originelle, c'est-à-dire avant la décentralisation du revenu minimum d'insertion opérée par la loi du 18 décembre 2003, de rappeler très brièvement les raisons majeures qui ont conduit, en 2003, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, et le Gouvernement à confier aux départements la gestion et le pilotage du RMI.
Avant la décentralisation, le RMI, filet de sécurité créé, à l'époque, pour 450 000 de nos compatriotes - nous n'échapperons pas à une réflexion visant à comparer la situation d'alors et celle d'aujourd'hui - était géré dans une architecture institutionnelle complexe : l'allocation était financée par l'État, l'insertion était largement financée par le département et copilotée par l'État et le département.
Il est bon de rappeler que l'insertion est le principe même du RMI.
Le législateur a décidé, en 2003, de confier à un acteur et financeur unique la responsabilité des deux volets de la prestation, l'allocation et l'insertion.
Il a ainsi suivi, monsieur Retailleau, la logique de bloc de compétences qui est celle de la décentralisation depuis ses débuts, en 1982. Il a mis fin au copilotage, propice à la dilution des responsabilités, et qui était une manière, en fait, de ne pas assumer les responsabilités - j'ai, à titre personnel, mais comme chacun, ici, sans doute, le souvenir de commissions locales d'insertion qui semblaient ne pas prendre leurs responsabilités - comme il l'a fait pour d'autres dispositifs, que ce soit le fonds de solidarité logement ou le fonds d'aide aux jeunes.
Il a conforté la fonction de chef de file de l'action sociale des départements. Souvenons-nous des débats sur le rôle et la place de chef de file que nous avons eus dans cette enceinte à l'occasion d'autres textes, notamment en matière d'aménagement du territoire !
Il a voulu remédier ainsi aux lacunes de l'insertion, en la confiant à un acteur pleinement responsable. Vous avez raison, monsieur de Raincourt, quand vous évoquez la responsabilité des départements en ce qui concerne l'insertion.
Ces lacunes étaient reconnues par tous. Elles avaient, d'ailleurs, été relevées dans le rapport de votre commission des affaires sociales : manque de pilotage au niveau local, faiblesse tant qualitative que quantitative des contrats d'insertion, grande variabilité des taux d'insertion, qui pouvaient fluctuer de un à vingt selon les départements, tant les réalités économiques et sociales étaient contrastées, faiblesse des résultats en matière de retour à l'emploi, même pendant les périodes de forte croissance, à trois ou quatre points par an.
Ces constats, monsieur Fischer, vous les partagiez en 2003, si j'en crois la lecture des débats d'alors : vous estimiez que le rapport de M. Bernard Seillier illustrait la parfaite connaissance qu'il avait du sujet, dont avait déjà témoigné son rapport sur la loi d'orientation contre l'exclusion.
La loi n'a pas donné aux conseils généraux que des responsabilités. Elle leur a aussi donné, monsieur Domeizel, les marges de manoeuvre nécessaires à leur exercice.
Pour ce qui concerne l'allocation, elle a mis gratuitement à leur disposition le réseau des CAF, les caisses d'allocations familiales, et des CMSA, les caisses de mutualité sociale agricole, pour un niveau de service égal à celui qui existait à la date du transfert.
Le transfert n'a donné lieu à aucune rupture dans la continuité du versement de l'allocation. Le rapport remis en 2005 par M. Mercier au nom de l'Observatoire de la décentralisation, a souligné le caractère « globalement satisfaisant » des relations entre les départements et les CAF.
Pour l'insertion, la loi a donné aux départements une totale autonomie, dans le plus grand respect de leur libre administration : libre choix des partenaires, liberté d'organisation en interne, libre programmation des actions d'insertion, présidence du conseil départemental d'insertion et des commissions locales d'insertion, enfin, libre définition de l'organisation et du périmètre des commissions locales d'insertion.
En outre, la loi de décentralisation, suivie par le plan de cohésion sociale, a donné aux conseils généraux de nouveaux instruments de retour à l'emploi : le contrat d'avenir - j'y reviendrai dans un instant, pour évoquer le cas de la Seine-Saint-Denis, dont Mme Assassi a parlé tout à l'heure - et le CI-RMA.
Je me permets de noter au passage que le CI-RMA est, selon moi, un outil qu'il faut développer davantage, à l'exemple de ce qui se fait dans l'Yonne ou dans le Rhône. Plusieurs départements permettent ainsi à un bon nombre de ceux qui bénéficient du RMA d'entrer de manière durable dans l'emploi au travers de contrats de travail qui se transforment en réels contrats à durée indéterminée.
Contrairement aux contrats emploi-solidarité, qui les précédait, ces contrats sont non contingentés : les conseils généraux peuvent en disposer librement. La récente loi sur le retour à l'emploi, qui a supprimé la condition d'ancienneté de plus de six mois dans le RMI, en facilitera l'usage.
Enfin, lors de sa rencontre du jeudi 9 février avec une délégation de l'Assemblée des départements de France, l'ADF, le Premier ministre a souhaité que, au-delà de cet engagement de l'État, une concertation plus large s'ouvre pour contribuer à la maîtrise des dépenses publiques, à une responsabilité plus grande des départements dans la gestion des compétences qui leur ont été transférées et à une simplification des normes et des procédures.
Un point d'étape a eu lieu aujourd'hui même, à l'occasion d'une réunion entre Jean-Louis Borloo et une délégation de l'ADF, dont vous faisiez partie, monsieur Mercier. Je rappelle que seize propositions, que vous avez synthétisées dans votre intervention, monsieur de Raincourt, avaient été présentées par le Premier ministre.
Sous réserve de l'expression formalisée de la position de l'ADF, quatre ou cinq de ces propositions pourraient faire rapidement l'objet de textes législatifs ou réglementaires, notamment sur le problème des indus, dont vous avez à juste titre souligné l'importance, monsieur de Raincourt. Par ailleurs, sept d'entre elles pourraient donner lieu à des échanges d'informations entre organismes payeurs et organismes décideurs, et être récapitulées dans un texte valorisant les orientations et les bonnes pratiques communément mises en oeuvre dans les conseils généraux.
Quelques autres propositions n'ont pas fait l'unanimité parmi les représentants présents des conseils généraux, notamment celles qui sont relatives à la consultation obligatoire des CLI en cas de sanction ; elles ont donné lieu à débat, y compris ce soir.
Vous avez également évoqué la compensation du transfert : conformément à la Constitution, les départements ont bénéficié, à l'euro près, d'une compensation égale à ce que l'État dépensait au moment du transfert, sous forme de parts de la taxe intérieure sur la consommation des produits pétroliers.
En application de la loi, les départements ont ainsi perçu, au titre de 2004, la somme de 4, 941 milliards d'euros, auxquels se sont ajoutés environ 820 000 euros au titre du RMA. Cependant, le Gouvernement le reconnaît, l'année 2004 a été une année extrêmement difficile. La situation du marché de l'emploi et la réforme de l'assurance chômage, dont je tiens à rappeler, monsieur Fischer, qu'elle a résulté d'une décision des partenaires sociaux et non du Gouvernement, ...