En posant le principe d'une péréquation à l'intérieur de la zone de desserte de chaque gestionnaire, l'article 8 s'attaque à la péréquation des tarifs de distribution de gaz, qui est issue de l'article 33 de la loi de 1946.
Ce système a pourtant permis de garantir l'égalité de traitement entre les citoyens sur l'ensemble du territoire, en répartissant les coûts de distribution du gaz entre les usagers. Ceux-ci bénéficient ainsi de prix identiques, qu'ils habitent à Marseille, non loin du gaz provenant d'Algérie, ou dans le centre du Massif central. Le coût de distribution, inégal selon les régions, est intégré dans le prix final grâce au calcul du coût moyen d'acheminement en tout point du territoire.
En précisant que la péréquation ne se fera que sur la zone de desserte de chaque gestionnaire et en prévoyant l'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, vous préparez, monsieur le ministre, la fin de cette péréquation. Et en l'absence de limite à la définition des gestionnaires, comment empêcherez-vous GRD de créer des sous-filiales par zone géographique, dans le seul but de réduire la péréquation des coûts de distribution ?
De telles dérives ne feront que renforcer le morcellement du système de distribution sur l'ensemble du territoire, sans que soit pris en compte l'intérêt des consommateurs et des communes.
Ajoutons que les opérateurs privés risquent de se positionner sur les zones de distribution les plus rentables lorsque les contrats de concession arriveront à échéance. Que restera-t-il alors à l'opérateur historique, ou à sa filiale de distribution, sinon la desserte des zones les plus difficiles à approvisionner en gaz, à l'image de ce qui s'est déjà passé dans le secteur de la téléphonie ? En effet, seule l'entreprise France Télécom est contrainte de maintenir une présence minimale de cabines téléphoniques sur le territoire, en dépit du coût relativement élevé de ces dernières. La perte des concessions les plus rentables empêchant l'opérateur historique d'appliquer une véritable péréquation des coûts de distribution, les zones les moins rentables risqueront de payer au prix fort leur desserte en gaz ! Les consommateurs peuvent déjà deviner ce qui les attend : des coûts de distribution très variables d'une commune à l'autre, faute de péréquation entre les différents opérateurs privés, comme c'est déjà le cas dans le secteur de l'eau.
Dans de telles conditions, on peut douter que le raccordement au gaz continue à présenter un intérêt pour les communes. À quel coût cette desserte pourra-t-elle être réalisée si la solidarité nationale ne joue pas ?
Enfin, vos propositions auront un effet négatif sur le prix final du gaz, monsieur le ministre, puisque les coûts de distribution avoisinent 25 % du prix. Les consommateurs les plus malchanceux, ceux qui habitent dans des zones où la distribution du gaz est coûteuse, subiront non seulement la hausse drastique des prix, mais aussi les conséquences de la mise à mal de la péréquation tarifaire.
Malgré le maintien du tarif réglementé, l'article 8 démontre donc une fois encore votre échec à concilier réellement les intérêts des usagers et l'ouverture au marché du secteur énergétique !