Nous abordons là un sujet fondamental, qui concerne notre conception même de la société.
Notre objectif est simple : nous souhaitons protéger autant que faire se peut nos concitoyens contre l'insécurité dans laquelle vous les plongez volontairement.
Ainsi, après les avoir soumis à l'insécurité publique, après avoir instauré l'insécurité professionnelle en détricotant le code du travail et en généralisant la précarité, vous faites peser sur eux, au travers de cette privatisation, la menace d'une insécurité énergétique.
Or, ne vous en déplaise, votre politique a durablement et profondément marqué notre société : les bénéficiaires des minima sociaux sont de plus en plus nombreux et les travailleurs pauvres deviennent légions, tandis que vous osez parler de recul du chômage...
Mais quelle conception avez-vous donc de la vie, ou plutôt de la survie ?
Croyez-vous que les contrats de travail de 8, 10, 12, 26 ou 30 heures par semaine, qui fleurissent dans le commerce et les services, par exemple, suffisent pour vivre aujourd'hui ?
Pourtant, c'est la réalité que connaissent des millions de nos concitoyens. Notre pays compte ainsi 3, 5 millions de personnes, dont 80% de femmes, vivant sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 600 euros de revenus par mois. C'est tout de même inquiétant !
C'est l'esprit de solidarité, celui que cette majorité n'éprouve qu'à l'endroit des plus nantis et des privilégiés, qui avait présidé à l'adoption de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.
Or, nous ne cessons de le dire, le texte que vous nous proposez va constituer une véritable catastrophe pour nos concitoyens, et notamment pour les plus modestes d'entre eux.
Ce n'est pas pour rien que le commissaire européen à l'énergie et aux transports estimait récemment qu'« un des dangers de la concurrence pourrait être une approche différente du risque, de la part des fournisseurs d'électricité et du gaz », à savoir la tentation de n'approvisionner que les clients considérés a priori comme solvables. Les conséquences de cette politique vont se surajouter aux effets désastreux de votre politique libérale et de renonciation.
Chaque année, plus de 650 000 foyers sont privés d'électricité, soit deux fois la population d'un département comme le Tarn. Il est donc plus que jamais indispensable de garantir à tous nos concitoyens un accès continu à l'eau, à l'énergie et aux services téléphoniques dans leur logement.
Le droit à l'énergie ne se conçoit pas comme l'accompagnement social du marché, mais comme la reconnaissance d'un droit qui dépasse largement le simple maintien de l'alimentation en énergie.
Actuellement, la loi assure ces accès du 1er novembre au 15 mars. Or, depuis quinze ans, l'application de cette mesure de bon sens a montré ses limites. Nous devons en effet constater que l'accès à l'énergie conditionne la vie sociale de nos concitoyens.
L'importance de l'accès à l'énergie, indispensable à notre santé, dépend notamment de la nature du consommateur final et de son lieu de résidence. Nous le savons tous, l'habitant de Savoie ou des Vosges aura certainement besoin de chauffage avant le 15 novembre ! Et quand, au petit matin, la température est de 4 degrés à Modane, en Savoie, elle est de 16 degrés à Menton.
Le besoin en énergie dépend aussi de l'âge des consommateurs. Est-il envisageable qu'une personne âgée, dépourvue de revenus, attende encore près d'un mois pour se chauffer ? Est-ce cela, faire oeuvre de solidarité ?
De plus, pour ajouter un argument financier, est-ce vraiment faire oeuvre de prévention sanitaire que de laisser nos concitoyens sans moyens de chauffage ? Je ne le crois pas.
Enfin, comment ne pas opposer à cette détresse sociale les bénéfices faramineux engrangés par les opérateurs et les fournisseurs ? Comment ne pas imaginer qu'une partie de leurs bénéfices pourrait être mise à contribution afin que ces personnes défavorisées puissent vivre dignement ? Le fait de ne pas avoir accès aux sources d'énergie n'est-il pas à l'origine de bien des drames ?
Considérant la réalité sociale et économique de notre pays aujourd'hui, estimant que le devoir de solidarité est un devoir premier et que la fraternité n'est peut-être pas un concept vide de sens, même à l'heure actuelle, nous jugeons tout à fait indispensable que l'accès à ces biens de première nécessité soit garanti à l'ensemble de nos concitoyens, et ce tout au long de l'année.