Par cet amendement, nous posons une question de fond : nous sommes favorables à l'ouverture des portes de l'Europe ; encore faut-il savoir comment, à qui elles s'ouvriront, et quels seront les contours de cette Europe nouvelle.
Chacun se souvient que, au cours de nos débats, nous sommes revenus sur ce sujet à plusieurs reprises.
L'adoption d'une directive-cadre relative aux services d'intérêt économique général doit être une condition sine qua non mise à l'ouverture des marchés de l'énergie le 1er juillet 2007 ; le sommet de Barcelone l'avait déjà prévue.
L'incertitude juridique qui pèse sur l'organisation, les missions et la mise en oeuvre des services publics, en particulier les services d'intérêt économique général, doit être impérativement levée.
Les services d'intérêt économique général ne peuvent plus seulement relever du droit de la concurrence, de la législation du marché unique, des règles relatives aux aides d'État et aux marchés publics. À notre sens, une directive-cadre doit notamment définir des principes communs, clarifier les obligations de service public, et préciser la question de leur financement.
La fourniture des services d'intérêt général - eau, électricité, éducation, soins, santé, pour ne citer que ceux-là - est au coeur du modèle européen de société.
L'article 16 du traité reconnaît la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union européenne, ainsi que le rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Europe.
Ces services contribuent en effet aux principaux objectifs qui caractérisent la mission dévolue à l'Union européenne et qui sont énoncés à l'article 2 du traité : « un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé », « un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres ».
La multiplication des textes sectoriels d'ouverture du marché intérieur des services d'intérêt économique général révèle une confusion, voire des contradictions conceptuelles, génératrices de contentieux et de litiges.
Il apparaît nécessaire d'y remédier par un cadre juridique transversal visant à préciser et à stabiliser des concepts et principes communs, ce afin d'améliorer l'environnement juridique de la législation sectorielle en matière de services d'intérêt économique général et d'améliorer la sécurité juridique au bénéfice tant des autorités publiques nationales, régionales et locales, que des citoyens qui bénéficient de ces services et des entreprises qui sont chargées de les gérer ou de les fournir.
Selon nous, un cadre juridique européen adéquat devrait clairement délimiter les responsabilités des États membres, d'une part, de l'Union européenne, d'autre part. Il devrait également introduire des critères distinguant les services à caractère commercial de ceux qui sont non commerciaux, les uns et les autres étant régis par des dispositions légales bien distinctes ; il devrait maintenir en l'état la souveraineté des autorités locales dans la conception et la gestion des services publics dont elles ont la charge, garantir le droit des citoyens à un approvisionnement local, de sorte que leurs besoins, attentes et problèmes, soient traités rapidement et directement, et protéger les droits des consommateurs et les droits civils. Enfin, il devrait obéir aux principes de transparence, d'ouverture et de solidarité, assurer une qualité élevée de service, l'universalité, un accès égal, et définir les principes gouvernant le financement des services d'intérêt général.
Cependant, la définition, la formulation, l'organisation et le financement réels des services d'intérêt général, économique ou non, doivent rester une attribution des États membres et de leurs autorités régionales et locales.
Nous souhaitons un cadre juridique transversal afin de compléter l'application des règles du marché intérieur et de la concurrence aux services d'intérêt économique général par des règles communes garantissant la protection de l'intérêt général et la satisfaction des bénéficiaires de ces services en tant qu'usagers et consommateurs.
Ainsi, il devra notamment être rappelé, dans une telle directive-cadre, que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ne seront soumises aux règles du traité, notamment aux règles de la concurrence, que si cela ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission qui leur a été impartie.
On ne peut pas, aujourd'hui, ouvrir les portes de l'Europe à la concurrence sans en connaître les contours, sans donner une information plus transparente non seulement à chacun des citoyens, mais également aux entreprises.
Voilà deux ans, un certain nombre d'entreprises ont voulu s'expatrier, croyant trouver mieux ailleurs, mais, aujourd'hui, elles font marche arrière, compte tenu de la libéralisation.
Prenons garde, monsieur le ministre délégué !