Intervention de Robert Badinter

Réunion du 17 mai 2006 à 15h00
Réforme des successions et des libéralités — Article 5

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Un des traits fondamentaux du rapport est de constituer une opération de partage, c'est-à-dire de se réaliser dans le partage entre copartageants, d'où la règle posée par l'article 843 du code civil et maintenue par ce projet de réforme : « Tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit rapporter à ces cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ... ». Cette règle est en parfaite cohérence avec l'article 785 du code civil, repris dans la rédaction de l'article 805 prévue à l'article 1er du projet de loi : « L'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier ». La suite logique figure à l'article 845 du code civil en son état actuel, qui dispose que le renonçant peut retenir la libéralité dont il a bénéficié jusqu'à concurrence de la quotité disponible.

Cette même logique se prolonge dans l'article 847, que le projet de loi ne modifie pas, aux termes duquel le rapport n'est dû que par le cohéritier à son cohéritier ; il n'est dû ni aux légataires ni aux créanciers de la succession.

Les dispositions dont nous demandons la suppression détruisent cette cohérence.

Premièrement, le rapport cesse d'être une opération de partage.

Deuxièmement, la renonciation étant souvent, voire toujours, motivée par l'insolvabilité de la succession, le rapport profitera dès lors indirectement aux créanciers en passant par le patrimoine des héritiers acceptants.

Troisièmement, l'opération, telle qu'elle se présente dans le cas prévu dans le projet de loi, équivaut à une vente dont le prix est payable au décès du vendeur, ce qui ne manquera pas de susciter un débat sur la qualification fiscale lorsque la libéralité sera faite à un parent éloigné.

Enfin, les dispositions proposées suppriment l'intérêt réel qu'il peut y avoir dans certains cas, pour un légataire particulier, à renoncer à la succession en acceptant le testament, ce qu'autorise l'article 769, alinéa 2, dans la rédaction proposée par le projet de loi.

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