La loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique a permis aux chefs d'entreprise de rendre insaisissable leur résidence principale. L'exercice familial des professions artisanales a, de son côté, été pris en compte par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises qui institue des règles relatives au conjoint collaborateur.
En revanche, l'outil de travail de la famille demeure mal protégé, compte tenu de la non-réactualisation de la loi du 12 juillet 1909. Cette loi permet, en effet, la constitution d'un bien insaisissable dénommé « bien de famille ».
Aux termes de l'article 2 de cette loi, cette constitution peut porter notamment sur « une maison avec boutique ou atelier et le matériel ou outillage le garnissant, occupés et exploités par une famille d'artisans ».
Cependant, la limite de valeur déterminée par ce même article, soit 7 622, 45 euros, rend aujourd'hui ce droit inapplicable dans les faits pour les familles.
En effet, cette loi n'a pas été modifiée depuis l'intervention de la loi du 12 mars 1953. Depuis, l'inflation de la fin du XXe siècle conjuguée aux spectaculaires hausses de l'immobilier ont rendu désormais impossible la constitution d'un tel bien de famille.
Un amendement d'inspiration similaire, mais dont la rédaction était différente, a été débattu à l'Assemblée nationale en première lecture.
En dépit de l'avis favorable de la commission des lois, le Gouvernement s'est opposé à son adoption pour le principal motif que la récente loi du 1er août 2003 permettait d'ores et déjà de rendre insaisissable la résidence principale de l'artisan ou de l'agriculteur.
Si nous convenons volontiers de l'indéniable avancée qu'a constituée cette réforme attendue de longue date par ces entrepreneurs, nous pensons toutefois que ce nouvel amendement est non pas redondant, mais bel et bien complémentaire de l'insaisissabilité de la résidence principale, ce que souligne sa rédaction en précisant que les dispositions de la loi de 1909 s'appliquent sans préjudice des dispositions des articles L. 526-1 à L. 526-3 du code de commerce relatifs à la protection de l'entrepreneur individuel et de son conjoint.
En effet, la loi de 2003 n'offre pas la possibilité de mettre à l'abri l'outil de travail ; de surcroît, elle ne permet pas une protection aussi absolue.
L'expérience montre d'ailleurs que la loi de 2003 présente surtout un intérêt pour un artisan déjà établi qui rencontre un revers de fortune.
En revanche, les agriculteurs qui s'installent ou les artisans débutants ne disposent pas de la même protection puisque ceux-ci s'endettent généralement avant de pouvoir protéger leur résidence principale, par un emprunt pour l'achat d'un fonds. Or seules les créances nées après la déclaration d'insaisissabilité peuvent se voir opposer cette garantie. En conséquence, cette insaisissabilité théorique n'a pas d'effet pour ceux qui viennent de s'installer.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît souhaitable de redonner toute sa pertinence au bien de famille, qui tombe en désuétude.
Par ailleurs, pour tenir compte d'autres objections légitimes, la rédaction que nous vous proposons diffère substantiellement de celle qui a été retenue par l'Assemblée nationale.
En premier lieu, il convient seulement de modifier la loi de 1909 et non plus d'inscrire ces dispositions dans le code civil. En effet, il semble souhaitable de ne pas modifier indûment l'architecture des dispositions générales relatives à l'acquisition de la propriété. Cet amendement vise à limiter l'intervention du législateur à cette loi, sans toucher au code civil.
En second lieu, il tend à supprimer l'idée de la validation de la valeur du bien par l'administration fiscale. Outre le fait que cette précision était créée ex nihilo, son adoption aurait pour effet d'infirmer la valeur de l'acte notarié.
En revanche, il est essentiel de relever le plafond de ce bien en le portant à 150 000 euros. Ce seuil constitue un juste équilibre. Il est suffisamment élevé, d'une part, pour garantir aux familles, et plus particulièrement s'agissant des petites entreprises familiales, la pérennité de leur logement et de leur outil de travail, et, d'autre part, pour éviter la constitution d'un patrimoine trop vaste et qui dérogerait aux règles du droit commun de la propriété.