Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 23 juillet 2009 à 14h30
Mobilité et parcours professionnels dans la fonction publique — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Petit à petit, la conception de l’intérêt général, qui fonde la notion de service public, cède du terrain à votre conception managériale de la fonction publique et du service public.

Depuis 1987, année d’adoption de la loi Galland, qui a d’ailleurs mis en place les premiers freins à la mobilité des fonctionnaires, les atteintes au statut de la fonction publique se sont multipliées.

Le Conseil d’État a publié en 2003 un rapport envisageant de faire du contrat une source autonome du droit de la fonction publique. La loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique a introduit le contrat à durée indéterminée dans la fonction publique. La loi du 2 février 2007 dite « de modernisation » de la fonction publique a rapproché davantage encore la situation des agents publics de celle des salariés du secteur privé. Puis, le rapport Silicani d’avril 2008 est venu confirmer cette orientation : l’objectif est d’aboutir à une fonction publique de métiers et non plus d’emplois, à la généralisation du contrat et à la rémunération au mérite, contre le statut et l’efficacité sociale.

Est-ce un hasard si, en moins d’une année, le Gouvernement a présenté, d’une part, son projet de suppression du le classement de sortie de l’ÉNA, véritable prime au népotisme, et, d’autre part, la possibilité, dans la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », de recruter des directeurs d’hôpitaux dans le privé sans passer par le concours, et si, enfin, 87 députés de la majorité ont déposé une proposition de loi instituant la liberté de recrutement par les collectivités territoriales, faisant du contrat la règle et du statut l’exception ?

Le Président de la République et le Gouvernement lancent aujourd’hui une véritable offensive contre la fonction publique et le service public français dans un contexte européen de libéralisation croissante du marché. Le fait que 5 200 000 fonctionnaires échappent à la logique de marché n’est visiblement plus supportable pour le pouvoir politique en place !

Pourtant, la logique libérale a montré ses limites lors de la crise que nous avons connue et qui se poursuit. Les inégalités se sont considérablement accrues – certains continuant de s’enrichir, tandis que d’autres étaient licenciés –, l’argent public a été gaspillé par le biais d’aides publiques détournées et l’immoralité de certains dirigeants a éclaté au grand jour.

À l’opposé, le service public a largement démontré son rôle d’amortisseur social de la crise, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, parce qu’il a préservé le pouvoir d’achat des fonctionnaires, malgré la stagnation de ce dernier depuis des années.

Ensuite, parce qu’il a joué un rôle en matière de préservation de l’emploi, mettant à l’abri du chômage et des plans sociaux les agents du service public.

Enfin, parce que, grâce à notre système de protection sociale et de retraites par répartition, il est facteur de solidarité.

En dépit de l’échec patent du système capitaliste et des dogmes libéraux, le Président de la République continue de vouloir appliquer une logique d’entreprise à la fonction publique ; ce projet de loi en est l’illustration.

Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Jacques-Alain Bénisti, n’a d’ailleurs pas hésité, lorsque notre collègue Marc Dolez a dénoncé cette réforme permettant de démanteler le statut de la fonction publique pour mieux mettre en place la révision générale des politiques publiques, à s’exclamer que c’était le cas !

Cinq articles – les articles 6, 7, 8, 9 et 10 – symbolisent plus précisément votre projet managérial pour la fonction publique. Ce sont ces articles qui organisent respectivement l’individualisation des rémunérations, la possibilité, sous le vocable de « réorientation professionnelle », de licencier massivement des fonctionnaires, le cumul d’emplois à temps non complet, le recours facilité à des agents contractuels et, enfin, le recours à l’intérim.

Contrairement à ce que vous n’avez cessé d’affirmer, monsieur le ministre, ces articles ont fait l’objet d’une opposition de toutes les organisations syndicales représentant les fonctionnaires. Lors de la réunion du 18 mars 2008 du Conseil supérieur de la fonction publique d’État, six organisations ont voté contre ce texte, deux se sont abstenues, et toutes ont demandé le retrait des articles que je viens de citer. Le rejet de ces articles a été identique lors du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale du 26 mars 2008.

Toutes les organisations syndicales qualifient ce texte de « boîte à outils de la RGPP ».

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