Intervention de Guy Fischer

Réunion du 23 novembre 2007 à 10h20
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Comment pouvez-vous accepter de faire payer aux victimes les conséquences de l'irresponsabilité d'un tiers ? Ce faisant, vous inventez une nouvelle théorie, très éloignée de celle du « pollueur-payeur » : la théorie de « l'empoisonné-payeur » ! La vérité, c'est que, pour accepter cet amendement, le Gouvernement aurait dû faire un pas qu'il lui est dogmatiquement impossible de faire, dans le sens de la reconnaissance du statut de victimes aux salariés accidentés du travail ou atteints d'une maladie professionnelle.

Au demeurant, les franchises médicales sont aussi injustes pour les victimes de maladies chroniques et aggravées, qui, en raison de leur état, ont des revenus très amputés, ne peuvent souscrire une mutuelle complémentaire et multiplient les frais, dont la plupart, conséquence indirecte de leur maladie, ne sont pas pris en charge à 100 %.

Lors de la défense de l'amendement visant à supprimer les franchises médicales, j'avais pris l'exemple d'une malade, non imaginaire, atteinte de la mucoviscidose. Pour étayer mon propos, je prendrai aujourd'hui un autre exemple, celui d'une personne séropositive.

Très souvent, la maladie précarisant le salarié, celui-ci est obligé de renoncer à travailler et perçoit l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, soit 621, 27 euros par mois, ce qui l'exclut de fait du bénéfice de la CMU, la couverture maladie universelle. Pour ce malade, le « reste à charge » sera donc pour 2008, avec l'application de vos franchises médicales, de 501 euros. D'après le réseau d'associations Chroniques Associés, ce reste à charge s'élevait, en 2007, à 451 euros, soit 7 % des revenus. Il augmentera donc de 50 euros, auxquels il faut ajouter les 50 euros de vos franchises. Pour cette seule maladie, c'est déjà 100 euros que le malade devra financer sur ses propres revenus, le plaçant de manière notable au-dessous du seuil de pauvreté. Voilà la réalité vécue par de très nombreux salariés, madame la ministre, et voilà ce que vous niez.

Cela étant, les franchises médicales sont inefficaces. Elles rapporteront, selon vous, 850 millions d'euros et, plus probablement 650 millions d'euros, selon les économistes que nous avons consultés. Elles rapporteront donc peu. Pis, sur la durée, elles coûteront cher à l'État. Il ne pourra en être autrement, car les plus modestes retarderont leur accès aux soins, quitte à aggraver leur état de santé. Ils renonceront peu ou prou à la prévention et au contrôle médical, au profit d'une médecine d'urgence, qui intervient en bout de course et pour laquelle les coûts sont très supérieurs à ceux de la médecine de ville.

Le risque est également grand de voir resurgir certaines pathologies jusqu'alors oubliées ou endiguées. Je pense, par exemple, à la syphilis, dont les cas sont de plus en plus nombreux, et qui se développe en raison du relâchement des mesures de précaution et de protection ainsi que du recul de la prévention. Alors que cette maladie était devenue rare en 2001, au point de ne plus être soumise à la déclaration obligatoire, une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 13 janvier 2004 a montré que le nombre de nouveaux cas de syphilis augmentait sensiblement en France.

Nous considérons, comme l'atteste la dérive du déficit de la sécurité sociale en 2007, que vous gérez notre système de protection sociale au coup par coup, avec comme seule référence non pas les règles médicales, mais les règles comptables qui sont appliquées dans les sociétés privées. Selon une enquête menée par Médecins du monde, 32 % des malades retardent les soins dont ils ont besoin ou y renoncent. À n'en pas douter, cette situation, dont le Gouvernement porte l'entière responsabilité, va s'aggraver.

C'est sur la base de cette même logique comptable que le Gouvernement a décidé de précipiter le passage à la T2A à 100 % dans les hôpitaux publics. Admiratifs du modèle libéral, vous transposez au service public les règles de financement des cliniques privées. Or c'est en raison de leur mission très particulière que les hôpitaux bénéficiaient d'un financement différent.

Nous étions les seuls à nous opposer de manière frontale à la T2A - à tort, peut-être -, et ce pour plusieurs raisons.

Ce nouveau mode de tarification est tellement « poussé » que l'on ne trouve son équivalent nulle part ailleurs en Europe. Vous ne pourrez pas me démentir sur ce point, madame la ministre : la France sera sans doute le seul pays européen à appliquer une T2A à 100 %. Chez nos voisins, cette tarification est en général graduée entre 50 % et 100 %.

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