Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 23 novembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Article 2

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous examinons, avec cet article, le barème de l'impôt sur le revenu pour 2008, il est important de remettre en perspective cet impôt et d'appréhender son évolution d'un point de vue historique.

Force est de constater que l'on peut dire aujourd'hui : « Pauvre impôt sur le revenu ! » En effet, alors qu'il constitue la composante la plus progressive de notre fiscalité, il ne cesse de se réduire sous les coups de boutoir - je pense notamment au bouclier fiscal - que vous lui portez avec une certaine opiniâtreté, depuis plusieurs années. Les gouvernements se succèdent, mais la politique reste la même.

Il faut également mettre cette évolution en perspective avec les mesures en faveur des plus-values que vous ne cessez de prendre, depuis 2002, au cours des projets de loi de finances successifs, et encore aujourd'hui avec ce texte. Tout à l'heure, nous parlerons des dividendes.

L'impôt progressif pèsera désormais presque exclusivement sur les revenus du travail. Au moment où vous célébrez la valeur travail, cela devrait vous interpeller ! Il est vrai que ce mouvement n'est pas né d'hier : tous les gouvernements y ont contribué depuis nombre d'années, je le reconnais par honnêteté intellectuelle.

Aujourd'hui, 80 % des revenus du patrimoine échappent à l'impôt sur le revenu.

Votre conception de la modernité fiscale au XXIe siècle consiste peut-être à faire reposer la fiscalité sur les revenus du travail. Je suis très sceptique face à votre défense de la TVA sociale au nom de l'allègement des charges qui pèsent sur le travail.

Quant à l'impôt minimal sur le revenu, il est mort avant d'être né ! En réponse à la demande de notre collègue député M. Méhaignerie sur ce sujet, madame la ministre, vous avez remis au Parlement un rapport qui conclut à son infaisabilité. J'ai lu ce document attentivement : outre les formules académiques qui relèvent classiquement de l'exercice, aucune des quatre options proposées n'est retenue. Aussitôt ouvert, le dossier est refermé.

Pourtant, l'imposition minimale a été mise en place dans d'autres pays. Les exemples canadiens et nord-américains repris dans le rapport ont ainsi particulièrement retenu mon attention. Tant au Canada qu'aux États-Unis, l'imposition minimale a très nettement été introduite à destination des ménages les plus riches : « le nombre de contribuables assujettis à l'AMT [l'imposition minimale] a crû progressivement, si bien qu'il concerne aujourd'hui une fraction de la population bien supérieure à l'objectif initial ».

C'est bien la preuve que si l'on veut que les ménages les plus aisés contribuent à hauteur de leurs facultés, l'impôt minimal est efficace. Mais cela n'entre certainement pas dans votre schéma : pour vous, il convient d'abaisser le plus possible l'impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés et, parallèlement - j'insiste sur cette évolution fiscale -, de fixer un taux unique, le plus bas possible, pour l'imposition du capital. Vous y parvenez d'ailleurs grâce au prélèvement libératoire sur les dividendes : c'était la seule pièce qui manquait à l'édifice !

Telle est donc votre philosophie fiscale ; la nôtre lui est rigoureusement opposée. Vous avez instauré le bouclier fiscal ; il nous semble juste et nécessaire pour nos finances publiques de mettre en place un plancher fiscal. Car il nous semble impératif, vital même, de redonner à l'impôt sur le revenu son rôle redistributif.

C'est peut-être du rabâchage à vos yeux, mais il est temps de prendre conscience de la situation à laquelle nous sommes parvenus au fil du temps : l'impôt sur le revenu, qui focalise le plus l'attention de nos concitoyens, s'est réduit comme peau de chagrin.

C'est dommage ! C'est dommage pour les finances publiques. C'est dommage pour le lien citoyen. C'est surtout dommage pour ceux qui en sont écartés, précisément parce qu'ils sont les plus aisés. Au regard de l'évolution de nos finances publiques, c'est un drame !

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