Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui en ma qualité de président du groupe d’amitié France-Brésil, que j’ai l’honneur d’animer depuis trois ans, après avoir présidé successivement, de 1991 à 2008, les groupes régionaux France-Amérique latine et France-Amérique du Sud, dont le Brésil couvre la moitié du territoire.
Comme tous ceux qui sont très attachés au renforcement des liens avec ce continent, qui s’intéressent à son avenir, qui veulent y travailler et déplorent la perte d’influence de la langue française, j’estime qu’il est grand temps d’accorder plus d’importance aux pays d’Amérique latine, dont la plupart ont connu, en quelques années, une formidable évolution, afin d’y réaffirmer la présence française.
En ce sens, l’adoption de la proposition de résolution qui nous est aujourd’hui soumise me paraît particulièrement opportune.
En effet, que de chemin parcouru dans nos relations bilatérales depuis 1964, année où le général de Gaulle effectuait sa tournée historique en Amérique latine ! Il avait été le premier à comprendre l’immense enjeu que représentait pour l’Europe, pour la France, ce continent si proche de nous par sa volonté d’indépendance nationale et par ses références culturelles. Le premier, il avait su lui adresser le message de liberté et de fraternité de la France.
Or les vicissitudes de l’histoire politique et économique, et d’autres, celles de l’Amérique latine, ont distendu nos liens avec ce continent, un temps assimilé, dans bien des esprits, à un tiers-monde lointain et instable.
Certes, des fragilités, des difficultés persistent, qu’elles soient de nature politique, économique ou sociale, et il ne faut pas les ignorer, mais que de progrès accomplis, en quelques années, par les pays de cette région !
À cet égard, j’évoquerai plus particulièrement le Brésil, notamment nos relations d’amitié, anciennes et durables, que j’ai désormais à cœur d’approfondir.
La France, vous le savez, mes chers collègues, éprouve pour le Brésil une amitié profonde. Ce pays occupe une place toute particulière dans notre vision du monde. Il représente, pour les Françaises et les Français, une civilisation porteuse d’un art de vivre, d’une culture, notamment d’une culture politique, d’un espoir pour l’avenir. Il est une source permanente de rêve et d’inspiration.
Je pense notamment à ce grand rêve d’or et de mystère qui mena sur les côtes et dans les villes brésiliennes, et jusqu’au tréfonds de l’Amazonie, tant de Français en quête d’une nouvelle vie et d’un nouvel horizon.
Je me dis que peut-être, à sa manière, la France a pu être un rêve pour le Brésil. Je pense à la France des Lumières, à la France républicaine, dont on retrouve le bonnet phrygien sur les pièces de monnaie, ou encore à la France d’Auguste Comte, dont la formule « Ordre et Progrès » est devenue la devise du Brésil.
Ce socle commun, cette latinité partagée expliquent la proximité qui est la nôtre aujourd’hui. Il est vrai que nous nous sentons d’autant plus proches de ce pays qu’il est limitrophe de la France. Nous avons en effet une frontière commune de plus de sept cents kilomètres, dans le département d’outre-mer de la Guyane.
Bientôt, un grand pont enjambera l’Oyapock. Ce ne sera pas seulement un ouvrage d’art audacieux ; ce sera aussi la concrétisation de l’amitié franco-brésilienne.
Ensemble, il nous appartient aujourd’hui de bâtir d’autres ponts dans tous les domaines. C’est tout le sens du partenariat stratégique avec le Brésil qui a été lancé en 2006 par le président Jacques Chirac et qui a connu une impulsion grâce à l’adoption d’un plan d’action ambitieux entre les présidents Lula et Sarkozy, en 2008.
Il ne s’agit pas d’un banal accord commercial, ni d’un traité de plus dans l’agenda des relations internationales. C’est un véritable pacte qui concrétise enfin, au niveau qu’elle méritait d’atteindre, une amitié cordiale et solide.
Ce partenariat a d’ailleurs dynamisé de manière spectaculaire nos relations bilatérales dans tous les domaines : militaire, spatial, énergétique, migratoire ou encore aide au développement.
Pour autant, comment ne pas être plus attentif, plus réactif et, finalement, plus entreprenant, quand on sait que le Brésil est le cinquième pays du monde en termes de population et de superficie, et la huitième économie mondiale devant la Russie et l’Inde ?
Désormais reconnu comme un acteur incontournable sur la scène internationale, le Brésil doit être pour nous un partenaire majeur. Dans ce monde multipolaire, il partage avec nous la même vision d’une mondialisation mieux maîtrisée, plus équitable et plus juste.
La France et le Brésil ont donc naturellement vocation à agir ensemble, avec les mêmes objectifs. Le partenariat stratégique permettra justement à nos deux pays de parler d’une même voix dans les grands rendez-vous internationaux.
Voilà pourquoi, comme le président Sarkozy et le gouvernement français, je suis favorable à l’accession du Brésil à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous devons adapter les institutions internationales au xxie siècle. Le Brésil, et à travers lui l’Amérique latine, ne peut en être exclu.
Je souhaite en cet instant souligner l’excellence des liens politiques qui unissent le Brésil et la France. Ils forment un arrière-plan très propice au développement de nos échanges économiques et commerciaux.
Notre coopération scientifique et technique, fondée sur le partenariat et le cofinancement, est également considérée comme exemplaire. La France est ainsi le deuxième partenaire scientifique du Brésil, après les États-Unis.
Bien que l’enseignement de l’espagnol tende à prendre le pas sur celui du français dans le cursus scolaire, notre coopération culturelle est également très encourageante. En effet, trois lycées français accueillent deux mille élèves, dont cinq cents Français. Les alliances françaises constituent le réseau le plus ancien et le plus dense du monde, avec trente-neuf implantations pour plus de trente-six mille quatre-cents élèves.
Pour autant, la France doit être attentive au maintien et au renforcement de ses liens politiques, économiques et commerciaux avec le Brésil.
Grâce à ce partenariat sans précédent, je suis convaincu que le Brésil saura accepter l’ouverture de ses propres marchés en réponse aux efforts significatifs opérés, notamment par l’Union européenne, en particulier dans le secteur agricole, et que le savoir-faire de nos entreprises, grandes ou petites, pourra s’exprimer pleinement dans ce pays ami.
La convergence d’analyse et d’initiative entre la France et le Brésil me conforte dans la certitude que l’amitié franco-brésilienne, aujourd’hui plus dense et plus riche de promesses que jamais, sert non seulement les intérêts de nos deux pays, c’est évident, mais encore ceux du monde, d’un monde plus juste et plus sûr qu’ensemble nous voulons construire.
Dans cette perspective, il me semble que la France ne tire pas suffisamment profit de sa situation et de sa position en Amérique du Sud ; elle doit se considérer comme partie intégrante de l’Amérique latine.
Je ne suis pas sûr que nous ayons suffisamment perçu le profond changement qui s’est opéré sur ce continent. Je sens que subsiste un décalage entre l’image que conserve une large partie de l’opinion publique française, même éclairée, de l’Amérique latine et ce que celle-ci est réellement devenue depuis quelques années. À mon sens, ses transformations appellent une mobilisation des énergies françaises pour répondre à un nouvel impératif : créer, recréer avec tous les pays d’Amérique latine qui le veulent la relation intense et forte qu’ils sont en droit d’attendre de notre pays et, au-delà, de l’Europe.
Nous devons aussi mieux faire connaître ce que nous sommes et, pour cela, mieux diffuser l’image et la voix de la France. Les distances sont largement abolies aujourd’hui. À nous d’en profiter pour diffuser notre langue et nos savoir-faire, pour assurer le rayonnement de nos idées et de notre culture.
Mais changer l’image de la France en Amérique latine, c’est aussi donner en France une image de l’Amérique latine conforme à la réalité, afin de sensibiliser l’opinion à ce que représentent aujourd’hui les pays de ce continent, notamment dans le domaine de la création artistique et culturelle.
Si, avec l’instauration d’une journée de l’Amérique latine et des Caraïbes en France chaque année, notre proposition de résolution contribuait à cette prise de conscience, je crois que, rien que sur ce seul aspect, elle ferait déjà œuvre utile ! Le message que ses auteurs souhaitent finalement adresser à l’Amérique latine tient en quelques mots : la France, et au premier rang le Sénat, veut consolider avec les pays qui constituent l’Amérique latine des liens toujours plus étroits, respectueux de leur indépendance et de leur spécificité, et fondés sur une culture partagée, des valeurs et des intérêts communs ainsi que sur des objectifs définis ensemble.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’apporter votre soutien à la présente proposition de résolution, dont l’objet est de marquer la force des liens qui unissent la France aux pays de l’Amérique latine et des Caraïbes.
Enfin, je remercie mon collègue Jean-Marc Pastor de son initiative. Il nous appartient en effet de vivifier ce capital de sympathie !