Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 13 janvier 2010 à 14h30
Accompagnement d'une personne en fin de vie — Discussion d'une proposition de loi

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports :

Madame la présidente, chère Monique Papon, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Muguette Dini, monsieur le rapporteur, cher Gilbert Barbier, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il me soit permis, en ce début d’année, de vous présenter tous mes vœux pour une fructueuse année de travail parlementaire.

Ce n’est pas sans émotion que je m’adresse à la Haute Assemblée pour évoquer de nouveau la question de la fin de vie, cette fois sous l’angle de la situation des accompagnants. Nous avons souvent évoqué ensemble ce sujet, à l’occasion de débats à la fois émouvants et pertinents.

Issue des travaux conduits par le député Jean Leonetti au titre de l’évaluation de la loi du 22 avril 2005, la proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est en parfaite adéquation avec mes propres objectifs et ceux du Gouvernement. J’y souscris donc entièrement.

Comme j’ai pu l’indiquer lors des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale en février dernier, je veux en effet améliorer significativement la prise en charge des accompagnants des personnes en fin de vie. Il s’agit de leur permettre de mieux vivre ce moment si singulier de leur relation à cet autre qui achève son existence.

Quoi de plus naturel, pour les proches concernés, que de vouloir accompagner la personne aimée jusqu’au terme de sa vie ?

Quoi de plus compréhensible que de se consacrer pleinement à celle ou celui que l’on chérit, alors qu’il vit ses dernières heures ?

Quoi de plus légitime que de souhaiter être aux côtés de celle ou de celui qui souffre pour le réconforter et l’entourer de son affection ?

Si cette idée semble théoriquement aller de soi, elle n’est pourtant pas aisée à mettre en œuvre à l’heure actuelle.

Outre le bouleversement émotionnel lié à l’approche d’une disparition, les accompagnants doivent aujourd’hui assumer toutes sortes de contraintes pratiques, à commencer par les conséquences financières d’un arrêt de travail momentané.

Porteuse des valeurs humanistes qui fondent notre pacte républicain, notre société doit évoluer. Pourquoi ajouter au chagrin l’inquiétude liée à la situation matérielle ? Pourquoi entraver le cheminement vers l’acceptation de la perte par des considérations d’un autre ordre ?

Pourquoi ne pas faciliter la disponibilité d’un entourage qui, dans ces instants exceptionnels, n’aspire qu’à se recentrer sur l’essentiel ?

À ces questions, nous devons apporter des réponses précises et adaptées. À cet égard, la proposition de loi permet d’aller plus loin dans la nécessité d’exprimer notre empathie, en accompagnant, à leur domicile, nos proches en fin de vie, en leur prodiguant nos soins et en les entourant de notre présence dans les derniers jours de leur vie.

C’est là le souhait même de la majorité des Français, qui préféreraient mourir chez eux plutôt qu’à l’hôpital. Nous devons l’entendre.

L’instauration de cette allocation, certes, ne lèvera pas tous les obstacles. Mais cette prise en compte financière, même si elle est limitée, constituera une valorisation de l’interruption d’activité, laquelle est déjà possible grâce au congé de solidarité familiale.

Elle favorisera également une meilleure reconnaissance du rôle de l’accompagnement par les proches d’une personne qui va mourir.

Cette démarche non seulement participe de la culture des soins palliatifs, qui doit encore se développer dans notre pays, mais aussi, plus largement, est liée à la question de l’avenir que nous voulons construire, dans lequel la mort ne serait plus occultée, comme c’est encore souvent le cas.

Loin des traditionnels clivages politiques, nous nous sommes retrouvés autour de la nécessité de faire évoluer la législation pour améliorer la qualité de la fin de vie, par une meilleure prise en compte de la situation des accompagnants.

En ce sens, je tiens à saluer la remarquable qualité des travaux menés, avec Gilbert Barbier, par la commission des affaires sociales du Sénat, en parfaite cohérence avec l’esprit de consensus qui avait prévalu à l’Assemblée nationale.

Au-delà des seules améliorations rédactionnelles, le dispositif que vous avez dessiné, mesdames, messieurs les sénateurs, me semble à la fois plus cohérent et plus ouvert.

Vous avez en effet poussé la logique de rapprochement des régimes applicables aux salariés de droit privé et aux fonctionnaires.

Vous avez aussi eu à cœur de préciser la situation des bénéficiaires du congé de solidarité familiale, en sécurisant en particulier leur couverture sociale.

J’approuve également, bien entendu, l’extension du bénéfice de l’allocation à la personne de confiance. Cette possibilité relève de la volonté de ne laisser personne seul durant ses derniers instants, et surtout pas les malades sans famille.

Enfin, j’approuve l’élément de souplesse important que constituera la possibilité d’ouvrir le bénéfice de l’allocation à plusieurs accompagnants, tout en indiquant que les conditions de mise en œuvre devront ne pas favoriser un alourdissement excessif en termes de gestion par les caisses.

Vous l’aurez compris, le point d’aboutissement de vos travaux est, à mes yeux, conforme aux objectifs du Gouvernement, qui ont été évoqués par le Premier ministre. Je m’en réjouis.

Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez appelé de vos vœux plusieurs clarifications, et je souhaite vous les fournir.

Dans cet esprit, j’ai déposé des amendements permettant de préciser la durée de versement de l’allocation, la précédente formulation en « semaines » ayant été, à juste titre, jugée incomplète.

Les règles applicables en matière de cumul avec d’autres revenus ou prestations doivent être énoncées, ce qui n’était pas le cas auparavant. Là encore, c’est un progrès significatif.

Les modalités de gestion de la prestation par la caisse de l’accompagnant, pour étudier, le cas échéant, des demandes multiples, voire concurrentes, doivent être mieux définies.

Ce sont là autant de réelles avancées qui ont permis d’aboutir à un texte qui me semble tout à fait satisfaisant.

Vous l’aurez compris, l’adoption de cette allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie constituera une véritable avancée, non seulement pour les personnes directement concernées, mais aussi pour nous tous.

Avancée pour les malades, bien sûr : rassurés et chez eux, ils pourront partir plus sereinement.

Avancée également pour l’entourage : plus disponible et partiellement libéré du fardeau des contingences matérielles, chacun pourra accompagner un proche dans de meilleures conditions et, ainsi, engager un travail de deuil plus apaisé.

Avancée, enfin, pour une société qui, en accompagnant mieux la fin de vie, sera plus harmonieuse, plus ouverte et plus attentive aux autres.

Une société qui, peut-être, apprendra à envisager différemment le deuil et l’absence. Une société qui saura donner à ces étapes de la vie et de la condition humaine toute la place qui doit leur revenir.

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