Pour autant, je considère que cette allocation, en l’état, ne constitue aujourd’hui qu’un premier pas : d’abord parce que sa durée est limitée à trois semaines, ce qui ne correspond à aucune réalité pour les allocataires, sachant que le congé de solidarité familiale dure trois mois, renouvelable éventuellement une fois ; ensuite parce que la date de fin de versement est fixée, de façon plutôt brutale, au jour suivant le décès ; enfin et surtout, parce que cette allocation ne concerne que l’accompagnement à domicile. Or, d’après les estimations du Gouvernement, environ 75 % des malades en phase avancée ou terminale d’une pathologie grave sont hospitalisés.
Ainsi, même si l’un des objectifs de cette proposition de loi et, plus largement, de la politique menée depuis de nombreuses années en France est de favoriser le maintien à domicile, cette allocation ne pourra en définitive bénéficier qu’à un nombre restreint de personnes.
Par ailleurs, certaines dispositions du texte restent particulièrement floues, notamment en ce qui concerne la possibilité de cumul de l’allocation avec d’autres ressources, le nombre d’allocations journalières qui peuvent être versées pendant la période de trois semaines et le caractère imposable ou non de cette nouvelle allocation.
Les deux premiers points font l’objet d’amendements, que nous examinerons plus tard. Mais pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer les intentions du Gouvernement en ce qui concerne le dernier point ?
En raison des règles de recevabilité financière des amendements, la commission n’a pas pu progresser autant qu’elle l’aurait souhaité et améliorer ce dispositif incontestablement utile ; elle lui a néanmoins apporté quelques modifications, à la fois pour en clarifier la rédaction et pour en faciliter l’attribution. À l’initiative du groupe socialiste, elle a par exemple permis qu’une personne de confiance puisse bénéficier de l’allocation et elle a ouvert la possibilité de l’attribuer à plusieurs bénéficiaires, dans la limite totale des trois semaines, afin de tenir compte de chaque situation individuelle et familiale.
Je ne doute pas que nous puissions faire mieux encore au cours de nos débats, notamment en confirmant explicitement que les demandeurs d’emploi seront bien éligibles à l’allocation, ou en élargissant le bénéfice du congé aux personnes de confiance éventuellement désignées par le patient.
Enfin, je me suis interrogé, madame la ministre, sur les modalités de financement de ce nouveau dispositif par le régime d’assurance maladie de l’accompagnant. J’ai lu les arguments que vous avez avancés à l’Assemblée nationale : selon vous, cette allocation permettra de diminuer le recours aux arrêts maladie, et ne sera donc qu’un redéploiement de dépenses pour les régimes sociaux.
Cette argumentation est contestable à bien des égards : si les accompagnants sont aujourd’hui contraints d’utiliser les arrêts maladie, c’est bien parce que le congé n’est pas rémunéré. Il ne faut pas inverser les données du problème ! Ne serait-il pas plus pertinent que l’État prenne à sa charge cette dépense de solidarité nationale, comme c’est le cas pour la plupart des autres allocations prévues, dans des situations analogues, par le code de la sécurité sociale ?
Qui plus est, on peut, en prolongeant le raisonnement, s’interroger sur le choix du régime d’assurance maladie : ce risque relève-t-il de la branche maladie ou de la branche famille ? L’allocation doit-elle être à la charge du régime de l’accompagnant ou de celui du patient en fin de vie ? Je ne suis pas certain que ces questions aient été suffisamment approfondies lors de la préparation du texte, et je souhaiterais qu’elles puissent l’être à l’avenir.
En conclusion, l’aménagement des modalités du congé de solidarité familiale, notamment son élargissement aux frères et sœurs, tout comme la création d’une allocation sont des avancées dont nous ne sous-estimons pas l’intérêt. Elles permettront déjà de faire évoluer les pratiques. Nous sommes toutefois convaincus que le Gouvernement, et lui seul, en vertu de l’article 40, devra envisager de les perfectionner.
Plus largement, l’examen de la proposition de loi fait apparaître la grande diversité des dispositifs d’accompagnement des personnes gravement malades ou handicapées, et je crois qu’il serait utile d’appréhender désormais cette question de manière globale, afin de rendre l’exercice des différents droits plus effectif et plus simple.
Sous ces réserves, notre commission a adopté le texte dont nous engageons l’examen.