Intervention de François Autain

Réunion du 13 janvier 2010 à 14h30
Accompagnement d'une personne en fin de vie — Discussion d'une proposition de loi

Photo de François AutainFrançois Autain :

Venons-en maintenant à la proposition de loi proprement dite qui, il n’est pas inutile de le répéter, présente la particularité d’être cosignée par des députés membres des quatre groupes parlementaires. Il faut malheureusement reconnaître que, malgré cet unanimisme, cette proposition de loi est largement insuffisante, comme l’a d’ailleurs souligné M. le rapporteur lui-même.

Sa principale insuffisance réside dans le dispositif qu’elle met en œuvre. L’allocation journalière d’accompagnement des personnes en fin de vie ne concerne en effet que les seules personnes décédant à leur domicile. Or, en raison des progrès médicaux qu’a connus le siècle passé, 75 % des personnes décèdent actuellement à l’hôpital. D’après l’estimation de notre collègue Leonetti, l’allocation que vise à instaurer cette proposition de loi ne concernerait au mieux que 20 000 décès par an, soit à peine 4 % d’entre eux.

Cette exclusion des personnes finissant leur vie à l’hôpital nous interroge d’ailleurs sur la capacité des familles et des proches au sens large à accueillir chez eux ou à leur domicile les personnes en fin de vie. Cet accueil exige que les accompagnants disposent des ressources financières et matérielles suffisantes, ce qui exclura de fait les familles les plus démunies, qui sont mal logées ou qui ne disposent pas d’une pièce supplémentaire pour accueillir l’un de leurs proches.

Cela nous laisse, mon groupe et moi-même, dubitatifs. Nous redoutons en effet que cette disposition ne soit discriminatoire et n’aboutisse, à terme, à créer deux catégories de personnes en fin de vie : d’une part, celles qui ont, ou dont leurs proches ont, les moyens nécessaires à un accompagnement de la fin de vie dans des conditions matérielles décentes ; d’autre part, toutes les autres, qui seraient de fait exclues du bénéfice de cette allocation.

Nous nous interrogeons également sur la portée réelle de ce dispositif, et plus largement sur l'information à destination des accompagnants. En effet, les seuls à pouvoir bénéficier de cette allocation sont des proches d'hommes et de femmes mourant à domicile, et la proposition de loi devrait prévoir expressément les conditions de sa publicité auprès de ces éventuels bénéficiaires. La navette parlementaire, nous l’espérons, permettra de combler cette lacune.

De même, le délai de versement de cette allocation ne correspond, selon nous, à aucune réalité. Parler de la fin de vie, c'est d’abord et avant tout parler de l’humain, de l’imprévisible. Dès lors, ce délai, fixé à trois semaines, paraît répondre plus à une réalité économique qu’aux besoins réels des familles.

Au-delà de ces carences déjà importantes, force est de le constater, la proposition de loi est également insatisfaisante au regard du contexte général en matière de soins palliatifs. Elle ne remédie ni au manque d’information rencontré par les personnes en fin de vie et leurs proches, ni aux difficultés d’accès aux soins palliatifs eux-mêmes.

Ainsi, selon une estimation de la Cour des comptes, deux tiers des demandes d'admission au sein d’une unité de soins palliatifs font l’objet d’un refus. Ce constat témoigne de l’insuffisance des moyens consacrés à ces traitements, et ce alors même que neuf Français sur dix s’y déclarent favorables. Aujourd’hui, pour nos concitoyens, les soins palliatifs ne sont « plus associés à la mort comme il y a quelques années mais à un refus de la souffrance ».

Dès lors, nous considérons de notre responsabilité de tout faire pour développer ce type de soins. Je le sais, il s’agit également d’une priorité de ce gouvernement.

À ce jour, si l'ensemble des régions sont théoriquement dotées d'une unité de soins palliatifs, ces unités ne sont pas encore toutes ouvertes. L’ensemble des agences régionales de l’hospitalisation - demain, les agences régionales de santé - demandent la création d’une unité au sein de chaque département. Quant aux équipes mobiles de soins palliatifs, normalement rendues incontournables par l’adoption de cette proposition de loi, leur nombre est notoirement insuffisant. Marie de Hennezel propose d’ailleurs, dans son rapport intitulé La France palliative, de mettre en place au moins une unité par hôpital de plus de quatre cents lits.

Enfin, je souhaiterais saluer le travail accompli par notre rapporteur, sous la bienveillante autorité de la présidente de la commission, et me féliciter des quelques améliorations apportées au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.

C’est pourquoi, malgré ses importantes réserves quant à la portée réelle de cette proposition de loi, mais conscient de la nécessité de soutenir toutes les mesures permettant un meilleur accompagnement des personnes en fin de vie par leurs proches, le groupe CRC-SPG votera en faveur de cette proposition de loi.

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