Elle m’a donc demandé de la suppléer, ce que je fais bien volontiers même si, depuis le début de notre discussion, nombre de choses ont déjà été dites.
Comme l’a rappelé M. le rapporteur, la loi du 9 juin 1999, dont l’objet était de garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, avait instauré un congé d’accompagnement de la fin de vie, mais n’avait pas prévu qu’il soit rémunéré. Cette situation empêchait un certain nombre d’accompagnants exerçant une activité professionnelle de se consacrer à leur proche en fin de vie.
Comme l’ont rappelé de nombreux intervenants, ces personnes devaient avoir recours à des arrêts de travail pour pouvoir assister un proche. Ainsi, dans la pratique, ce droit à congé a été peu utilisé, car il était inadapté face à la diversité des situations.
Aujourd’hui, chacun le reconnaît, des inégalités demeurent entre ceux qui peuvent se permettre d’arrêter de travailler et ceux qui ne le peuvent pas. Certaines personnes peuvent suspendre leur activité professionnelle pour accompagner un proche en fin de vie, tandis que d’autres, faute de moyens matériels suffisants, se trouvent contraintes « d’organiser » un arrêt de maladie. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la création d’une allocation journalière d’accompagnement de la fin de vie, allocation qui permettra la présence permanente auprès du malade d’un membre de sa famille ou d’un proche.
Cependant, comme l’ont souligné les orateurs qui m’ont précédé, ce texte comporte des lacunes et sa portée reste limitée. En effet, sont exclues les personnes qui accompagnent des malades dans des hôpitaux ou des établissements spécialisés. Il est évidemment regrettable que les personnes accompagnant un proche à l’hôpital ne puissent pas bénéficier de cette allocation journalière, et ce même si leur présence est considérée comme indispensable.
Or, nous le savons, 75 % des personnes meurent à l’hôpital, le plus souvent hors de la présence de leurs proches, et 85 % décèdent en dehors de tout parcours de soins palliatifs.
Madame la ministre, pourquoi limiter l’allocation journalière au seul accompagnement à domicile d’un patient en fin de vie ? L’immense majorité de nos concitoyens qui meurent à l’hôpital seront ainsi privés de cet accompagnement de proximité.
Cette proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, ne s’adressera donc qu’à un nombre très faible de bénéficiaires, environ 20 000 selon les estimations de Jean Leonetti. Ce chiffre est à rapprocher des 200 000 personnes qui, selon les estimations, pourraient chaque année entrer dans un protocole de soins palliatifs.
Limiter l’allocation aux seuls aidants des patients à domicile constitue dès lors, me semble-t-il, une réelle discrimination. Bien souvent, il se révèle impossible de sortir « le patient » de l’hôpital pour des raisons matérielles ou médicales liées aux contraintes techniques exigées par la nécessité des soins.
En outre, l’aidant qui accompagne un malade à domicile doit surmonter des difficultés d’organisation de tous ordres, ce qui est une lourde tâche, et, bien souvent, il se sent seul et livré à lui-même.
En effet, en dépit des progrès qui ont pu être réalisés, les moyens déployés à domicile restent nécessairement moins importants que ceux qui sont proposés à l’hôpital, notamment en ce qui concerne la lutte contre la douleur.
Et puis, il y a dans l’accompagnement à domicile cette dimension psychologique souvent ambivalente, volonté inébranlable d’être là jusqu’au bout mais, en même temps, pétrie de culpabilité ou, pour le moins, de doute sur la pertinence médicale et morale de cette prise en charge à domicile. Dans ces domaines, il n’y a pas d’évidence.