Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.
Ce texte est né de l’émotion suscitée par le cas de Chantal Sébire, cette femme atteinte d’une tumeur au cerveau qui la défigurait, souhaitait finir dignement sa vie entourée de sa famille : la loi française le lui interdisait.
À l’issue de ce drame, le Gouvernement a mis en place une mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, mission qui s’est interrogée sur les conditions d’accompagnement des personnes. Elle a conclu ses travaux par une proposition d’allocation de congé d’accompagnement.
Le congé d’accompagnement, on l’a rappelé, a été créé par la loi du 9 juin 1999, mais il s’agissait alors d’un congé sans solde. Ce qui est aujourd’hui proposé, c’est de donner à une personne salariée qui accompagnerait l’un de ses proches en fin de vie à domicile, et à la condition qu’il fasse l’objet de soins palliatifs, la possibilité de recevoir une allocation d’environ 50 euros par jour pendant trois semaines.
C’est un progrès, et, naturellement, je voterai ce texte.
Néanmoins, j’observe que cette mesure créera environ 20 000 allocations, alors que l’on compte en France 530 000 décès par an – même si tous, bien sûr, n’entrent pas dans le champ visé. De plus, elle demandait à être complétée puisque se trouvaient exclus de son champ d’application les accompagnants non salariés, c’est-à-dire les artisans et les professions libérales, et toutes les personnes accompagnées ne bénéficiant pas de soins palliatifs et n’étant pas à leur domicile.
Je rappelle qu’en France moins de 15 % des personnes qui peuvent y prétendre bénéficient de soins palliatifs, en raison du manque de crédits, mais aussi parce que tous les accompagnants n’ont pas la possibilité d’accueillir des lits médicalisés chez eux. Il faut donc faire plus dans ce domaine.
Ainsi que de nombreux parlementaires, je pense aussi qu’il faut aller plus loin dans la réflexion sur la fin de vie. Notre République ne pourra faire plus longtemps l’impasse sur une vraie législation, une législation qui permettra à chacun de nos concitoyens, comme c’est déjà le cas dans certains pays tels les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et plusieurs États américains, de choisir en conscience, pour lui-même et pour lui seul, les conditions de sa propre fin de vie, qu’il opte pour un accompagnement en soins palliatifs ou pour une aide active à mourir.
Je rappelle, madame la ministre, qu’en octobre 2008 j’ai déposé une proposition de loi relative à l'aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés. Ce texte, cosigné par plusieurs sénateurs, apportait une réponse à la question majeure de la fin de vie en garantissant un certain nombre de conditions sécuritaires.
Pour ma part, j’ai accueilli favorablement l’initiative parlementaire prise à l’Assemblée nationale voici quelques semaines et votée par 203 députés de différents horizons.
De nombreux Français – tous les sondages le prouvent – demandent une telle évolution. Nous nous trouvons dans la même configuration que pour l’interruption volontaire de grossesse ou le pacte civil de solidarité : de nombreux responsables politiques qui, jadis, n’avaient pas voté les textes dépénalisant l’un ou instaurant l’autre déclarent qu’aujourd’hui ils les voteraient.
Madame la ministre, qu’on le veuille ou non, l’issue du combat que mènent les familles, soutenues parfois par des associations comme l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, l’ADMD, des familles qui ont vécu la souffrance physique et morale de l’un des leurs, est inéluctable. Chaque frein, chaque refus d’écouter la demande de réformes ne fait qu’engendrer des souffrances intolérables pour celles et ceux qui les subissent.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas un combat de boutique politique, c’est un débat de société.
Il faudra donc – c’est ce que, pour ma part, comme de nombreux Français, je souhaite –, dans des conditions bien définies, légiférer sur l’ultime choix, celui qui, dans la conscience, permet à une personne de fixer la date de sa disparition. C’est bien là la vraie liberté !