Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 20 octobre 2008 à 15h00
Logement et lutte contre l'exclusion — Article 15

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Madame la ministre, pourquoi le cacher, c’est avec déception que nous avons pris connaissance de l’article 15, relatif au deuxième recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif Robien et Borloo sur les zones où la situation du logement est le plus tendue, à savoir les zones A, B1 et B2.

Depuis longtemps, nous vous mettons en garde contre les effets pervers de ces dispositifs et nous vous demandons de les supprimer afin de les remplacer par un dispositif plus équilibré, ou à défaut de les recentrer. Mais vous nous « renvoyez dans nos buts » sans jamais reconnaître la validité de nos arguments.

Il aura fallu un rapport, publié voilà quelques mois, émanant de votre ministère – ce qui prouve l’intérêt des rapports présentés au Parlement, qui recèlent parfois des données intéressantes, bien qu’ils ne soient, prétend-on, jamais lus –, suivi d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale, relevant tous deux l’utilisation prédominante de ces dispositifs dans les zones non tendues, voire en zone de revitalisation rurale, à hauteur de près de 40 % de la production, pour mettre l’État face à ses responsabilités.

Avec cet article, vous nous proposez un recentrage sur les trois zones où la situation du logement est le plus tendue. Mieux vaut tard que jamais ! En effet, les dispositifs d’aide à l’investissement locatif continuent de provoquer de nombreux dégâts, comme en témoignent les investisseurs se considérant « victimes du Robien », qui ne cessent de nous faire part de leur désarroi et ont tenu à nous rencontrer avant l’examen de ce projet de loi par le Sénat.

Nous avons relayé leurs plaintes sans relâche, car les logements relevant de ce dispositif présentent d’incompréhensibles paradoxes : ils sont subventionnés sans qu’aucune obligation sociale soit prévue et, surtout, tant leur coût d’achat que leur loyer se situent généralement au-dessus des prix du marché.

De plus, ce dispositif donne lieu à des effets pervers. Ainsi, il contribue à l’inflation du marché immobilier et engendre une construction de logements totalement déconnectée de la demande. Certains qui croyaient bénéficier d’avantages fiscaux se retrouvent endettés sans pouvoir ni louer ni revendre leur logement, le pire étant qu’il s’agit le plus souvent de ménages modestes.

Malheureusement, l’article 15 ne comporte aucune disposition permettant de lutter contre les pratiques de certains réseaux de commercialisation peu scrupuleux, qui ont systématiquement séparé de plusieurs centaines de kilomètres les constructions et les acheteurs, tout en vantant à ces derniers les qualités d’un marché local du logement qu’ils ne pouvaient pas eux-mêmes connaître.

Cette situation a été poussée jusqu’à l’absurde : certains Aquitains se sont vu proposer des appartements Robien dans les Alpes, alors que ceux qui étaient construits dans leur département étaient vendus, par exemple, à des Franciliens.

L’inadéquation entre le type de logements construits, le niveau de loyer et le marché local devenait très difficile à appréhender pour les acquéreurs, qui de ce fait n’avaient guère conscience du risque qu’ils prenaient.

Aujourd’hui, trop nombreux sont ces logements, situés dans des territoires où le marché du logement est peu tendu, qui restent vides de tout occupant et ne procurent donc aucun loyer à leurs acquéreurs.

En conséquence, ce qui devait constituer une aubaine pour les nouveaux acquéreurs s’est parfois transformé en cauchemar ! Et ce n’est pas la « mesurette » que vous nous proposez qui permettra de remédier à ce problème, qui mine tout l’intérêt de ce type de dispositif.

Pourquoi ne pas passer le cap du « prêt-à-porter » pour faire du « sur mesure », pour paraphraser l’excellente formulation employée dans son rapport d’information par mon collègue et ami Jean-Yves Le Bouillonnec ?

Si l’on dresse un bilan de l’efficacité de ces programmes, force est de constater qu’ils coûtent cher, comme cela a été dit, puisque les dépenses fiscales liées à ces dispositifs d’investissement locatif ont atteint 2, 97 milliards d’euros au total pour la période 2003-2008, et ce pour une efficacité plus que relative, de nombreux logements restant vacants, ce qui oblige les propriétaires à les revendre à perte, quand ils y parviennent, avec une moins-value pouvant aller jusqu’à 30 %, avant même de les avoir loués une seule fois.

Une telle vacance est due au fait que la majorité de ces constructions ont été réalisées dans des zones peu urbanisées, où elles ont excédé les besoins.

De plus, la taille de ces logements n’est pas adaptée à la demande, car ils sont trop petits pour accueillir des familles.

On est très loin de ce que certains commerciaux ont vanté comme un dispositif « permettant d’acquérir un bien immobilier sans apport et avec un faible effort d’épargne » !

Devant tous ces constats, madame la ministre, vous ignorez encore une fois le fond du problème. À l’article 15, vous ne touchez ni aux plafonds des loyers ni aux contreparties sociales demandées aux investisseurs.

En conclusion, ce nouveau recentrage n’est pas de nature à assainir la situation d’un secteur qui a contribué à produire une offre totalement déconnectée de la demande et à tirer les prix vers le haut, surtout si les zones concernées sont élargies au point que le recentrage serait en partie gommé.

Dès lors, pourquoi vouloir maintenir ces programmes sous cette forme ? Pourquoi n’avez-vous pas retenu les préconisations du rapport de nos collègues députés François Scellier et Jean-Yves Le Bouillonnec, telles que l’instauration de contrats territoriaux de l’habitat, qui permettraient aux élus locaux et aux services déconcentrés de l'État de participer à la mise en œuvre de réponses efficaces aux besoins des territoires, aux besoins de nos concitoyens ?

Pourquoi, en parallèle, ne pas avoir profité de l’élaboration de ce projet de loi pour encourager l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, à développer ses conventionnements en zone tendue et pour des logements très sociaux ?

Si vous aviez eu l’ambition de mener une véritable réforme redéfinissant de fond en comble les dispositifs d’aide à l’investissement locatif, vous nous auriez .proposé des outils permettant de prendre en compte les besoins locaux, et ainsi de passer du « prêt-à-porter » au « sur mesure ».

Enfin, je confirme les propos tenus voilà quelques instants par mon collègue Daniel Raoul : les loyers pratiqués dans le dispositif Besson ne sont pas au niveau de ceux des logements financés par le biais de PLAI.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion