Alors que nous abordons l’examen de cet article 17, je tenais à rappeler les grands principes qui ont présidé à l’élaboration de la position unanime de la commission des affaires économiques sur ce dispositif.
Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer lors de la discussion générale, la commission des affaires économiques ne souhaite pas relancer, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, un débat portant sur les conditions d’application de l’article 55 de la loi SRU.
Tout en reconnaissant la contribution importante apportée par ce dispositif à la politique du logement et au développement du logement social dans notre pays, je tiens à redire qu’il ne saurait pour autant en constituer le fondement. Or c’est une tentation récurrente du législateur, si j’en juge au nombre d’heures passées à discuter de cet article 55 à l’occasion de l’examen des derniers projets de loi relatifs au logement, position qui n’est d’ailleurs pas complètement exempte de considérations de politique politicienne tout à fait étrangères au sujet.
Nous jugeons tout d’abord que l’équilibre auquel sont parvenues les deux assemblées lors de l’élaboration de la loi portant engagement national pour le logement est satisfaisant.
En effet, les commissions départementales ont tout juste commencé à sillonner les communes pour examiner les impossibilités réelles de faire. Dans mon département, les Yvelines, le préfet et ses services sont allés à la rencontre des communes en état de carence voilà quelques jours seulement.
Quant à la commission nationale, qui pourrait recommander un aménagement des obligations, elle ne s’est, pour l’instant, jamais réunie !
Surtout, nous considérons que l’intégration, dans le calcul du quota de 20 %, des logements en accession sociale à la propriété change radicalement la logique du dispositif.
Nous le savons tous, l’article 55 de la loi SRU tend à favoriser une répartition spatiale équilibrée des logements locatifs sociaux sur le territoire des communes en déficit à cet égard et connaissant des tensions immobilières importantes, de façon à ne pas renouveler les erreurs commises dans les années soixante et soixante-dix.
Il s’attache donc au développement du logement locatif social, et c’est en fonction de cette logique qu’un taux de 20 % a été retenu. Je vous rappelle qu’aujourd’hui la France compte 4 250 000 logements sociaux sur 27 millions de résidences principales, soit un peu moins de 16 %, alors que 70 % des français sont éligibles aux logements sociaux, compte tenu de leurs revenus.
Élargir successivement l’assiette des logements comptabilisés dans ce quota, comme l’a fait le législateur au cours des dernières années, ne peut donc conduire qu’à reposer la question du niveau de ce taux, au risque de vider totalement l’article 55 de sa substance, ce que nous ne souhaitons pas, personnellement.
S’agissant des deux catégories de logements qu’il est proposé d’ajouter dans le décompte, une stricte analyse en termes d’occupation sociale montrerait certainement que les logements financés à l’aide d’un prêt social location-accession – PSLA - ou d’un Pass-foncier s’adressent effectivement à des ménages modestes. Leurs revenus se rapprochent néanmoins du plafond de ressources exigé pour l’obtention d’un logement social, alors que, pour prendre un exemple que je connais bien, la quasi-totalité des personnes qui logent dans la ZUP du Val-Fourré ont des revenus inférieurs à 60 % du plafond, et n’ont donc aucun espoir, si les choses restent en l’état, de pouvoir un jour accéder à la propriété.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, la commission est très attachée au développement de l’accession à la propriété en général, et de l’accession sociale en particulier. C’est donc avec la plus haute bienveillance qu’elle accueillera toute proposition du Gouvernement tendant à atteindre un tel objectif. Mais, de grâce, mes chers collègues, ne nous leurrons pas, et ne faisons pas croire à certains de nos compatriotes qu’ils ont la capacité d’accéder à la propriété !
Que cela ne nous empêche cependant pas d’aider tous les ménages qui ont cette capacité. Nous devons le faire pour trois raisons principales. D’abord, parce que l’accession à la propriété est l’accomplissement d’un rêve et souvent la condition de l’épanouissement familial. Ensuite, parce que l’on injecte moins d’argent public dans les logements en accession à la propriété que dans les logements locatifs sociaux. Enfin, si l’on compare le mode de vie de deux retraités, l’un propriétaire et l’autre locataire, la comparaison est éminemment favorable au premier. Et l’on sait que le niveau des retraites n’ira pas nécessairement en s’améliorant…
Cependant, les vertus de l’accession sociale à la propriété ne doivent pas nous empêcher de rester réalistes. En effet, une frange importante de la population ne pourra pas accéder à la propriété, et nous avons le devoir de permettre à ces personnes de vivre décemment, notamment dans le logement social.
Mes chers collègues, l’article 55 a pour stricte vocation le développement du parc locatif social. À l’inverse, l’article 17 du projet de loi n’apporte qu’une solution temporaire aux communes soumises aux obligations de construction, puisque les logements intégrés dans le calcul ne sont comptabilisés que pour une durée de cinq ans. Ce caractère éminemment provisoire pourrait même, à l’usage, être de nature à détourner temporairement l’attention des élus locaux de la finalité même de l’article 55, au risque d’entraîner des difficultés encore plus grandes à l’issue de la période de comptabilisation. Et, comme certains parmi vous l’ont fort justement rappelé, mes chers collègues, il faut compter un minimum de trois ou quatre ans pour faire sortir de terre une opération.
Toutes ces raisons ont conduit la commission à retenir une approche pragmatique. Nous sommes, certes, sensibles à la question de l’accession sociale à la propriété, mais nous estimons qu’il ne faut pas la confondre avec celle du logement locatif social.