Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être parmi vous à l’occasion de l’examen de ce projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, projet initié par Éric Woerth et que j’ai l’honneur de porter devant vous aujourd’hui.
Ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, est indispensable pour faire évoluer la culture du dialogue social dans la fonction publique.
Du dialogue social dans la fonction publique, en effet, on ne doit surtout pas retenir uniquement les manifestations et les grèves, qui sont l’expression d’une conflictualité malheureusement inscrite dans la durée puisque les chiffres ont peu varié au cours des quinze dernières années.
La constance de ces conflits ne peut nous satisfaire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a recherché les racines profondes de cette conflictualité.
Le constat a été sans équivoque : l’organisation même du dialogue social dans la fonction publique suscite toutes les critiques de la part tant des employeurs que des représentants des personnels.
Dans la fonction publique de l’État, ce dialogue est tout entier organisé autour des corps et, plus spécialement, des commissions administratives paritaires, les CAP, qui examinent les décisions individuelles, par exemple en matière d’avancement ou de mutation. Toutes les autres instances – le conseil supérieur, les comités techniques, les comités d’hygiène et de sécurité – sont composées de façon indirecte, à partir des résultats aux élections de ces commissions ; elles ne sont donc pas directement élues.
Les CAP ont évidemment leur légitimité, mais les agents n’ont pas les mêmes attentes selon qu’il s’agit de leur situation individuelle ou des enjeux collectifs de leur service. Par ailleurs, dans ce système, les agents contractuels ne sont pas consultés.
Dans la pratique, on le voit bien, ce dialogue social est empreint de beaucoup de formalisme, hérité d’un modèle de confrontation entre employeur et représentants des agents. Les syndicats se plaignent de ne pas voir leur avis suffisamment retenu. L’administration, de son côté, conteste régulièrement des stratégies qu’elle juge dilatoires.
Il était temps d’assumer autrement les responsabilités, de quelque côté de la table que l’on soit. Ce projet de loi nous y invite.
Dans une administration qui se réforme en profondeur, ce régime n’est clairement plus adapté aux enjeux actuels du dialogue social.
Le Gouvernement, je tiens à le dire, en a pris conscience non pas en un jour, mais de façon progressive et c’est la raison pour laquelle nous vous présentons ce texte.
Non, le Gouvernement n’a pas organisé une conférence sociale à l’improviste. Il l’a fait dès octobre 2007 avec les partenaires sociaux, pour modifier en profondeur le cadre du dialogue social dans la fonction publique, changer les pratiques et promouvoir une véritable culture de négociation.
Le secteur privé, d’ailleurs, je tiens à le souligner, a franchi le pas de la réforme avec la loi de rénovation de la démocratie sociale du 20 août 2008. Le présent projet de loi en est le pendant – malgré quelques retards – pour la fonction publique, avec toutefois quelques spécificités importantes sur lesquelles, bien entendu, je vais revenir.
Au cours de cette négociation, le Gouvernement a su faire des compromis permettant d’aboutir. Ainsi, il a entendu les inquiétudes des syndicats sur la question très importante des compétences des commissions administratives paritaires qu’il a accepté de séparer de la négociation.
Ce projet de loi est donc la traduction au niveau législatif des accords de Bercy du 2 juin 2008, qui marquent l’aboutissement de cette intense phase de négociation de près de neuf mois.
Je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs, insister sur le consensus remarquable qui entoure ces accords : en effet, ils ont été signés par six des huit syndicats de la fonction publique – CGT, CFDT, FO, UNSA, FSU, CGC –, représentant plus de 75 % des personnels, ce qui n’était jamais arrivé auparavant.
En conséquence, il nous appartient d’entendre ce consensus et d’être prêts, quel que soit le banc ou la travée sur lesquels nous siégeons, à reconnaître la novation et les avancées qu’apportent ces accords.
Trois points, mesdames, messieurs les sénateurs, auront certainement retenu votre attention.
Sur la forme, d’abord, j’y reviens, c’est la première fois qu’en matière de fonction publique le Gouvernement transpose aussi fidèlement en matière législative un accord signé avec six organisations représentant plus de 75 % des agents. Je crois que nous devons tous partager cet objectif de fidélité aux accords qui marque une nouvelle pratique du dialogue social dans la fonction publique.
Sur le fond, ensuite, l’élection sera désormais le fondement de la représentativité syndicale. C’était le cas dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière. Ce sera désormais également le cas dans la fonction publique d’État, et c’est une bonne chose.
Par ailleurs, tout syndicat légalement constitué depuis plus de deux ans pourra se présenter aux élections professionnelles. C’est un signe fort d’ouverture.
La culture de négociation, enfin, doit se généraliser dans la fonction publique à tous les niveaux pertinents de l’administration. La novation me semble tout aussi essentielle.
Il faut à la fois élargir le champ de la négociation au-delà des questions salariales et fixer les conditions dans lesquelles un accord signé sera considéré comme valide.
Dans nos travaux préparatoires, lors de mon audition et lors de l’examen en commission, nos débats ont été particulièrement riches et je souhaite revenir sur trois points importants.
Indéniablement, en premier lieu, il y a une sensibilité particulière sur le sujet du paritarisme.