Séance en hémicycle du 31 mai 2010 à 15h00

Résumé de la séance

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  • dialogue
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  • pénibilité
  • syndicale

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation à Gaza appelle, de notre part, une réaction à la fois indignée et inquiète.

Le sang qui a coulé lors de l’opération de janvier dernier n’est pas encore sec et les cicatrices ne sont pas encore refermées que, déjà, l’armée israélienne attaque une flottille humanitaire. Certes, nous ne sommes pas totalement naïfs et savons bien qu’un contrôle était nécessaire, mais on aurait vraisemblablement pu y procéder autrement. Le Président de la République a condamné cette opération, de même que le ministre des affaires étrangères et européennes.

Quant au journal israélien Haaretz, il a titré : « L’hystérie israélienne a eu raison de la flottille » !

Madame la présidente, de tels agissements ne servent ni la paix, ni les belligérants, ni l’image d’Israël au sein de la communauté internationale. Je demande donc que la conférence des présidents décide de l’organisation d’un débat sur ce sujet. Même si, je le crains, celui-ci ne sera pas plus utile que les débats que nous avons eus précédemment, il aura le mérite de montrer aux victimes qu’elles ne peuvent pas être bombardées impunément et que le Sénat se préoccupe au plus haut point de la situation.

En effet, nous ressentons une inquiétude grandissante face à l’impunité dont jouissent l’État d’Israël et son gouvernement lorsqu’ils recourent à la force, de façon disproportionnée, contre des populations civiles.

M. Nicolas About applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Je ne manquerai pas d’en faire état devant la conférence des présidents.

(Textes de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle l’examen de sept projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces sept projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifiée.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée la ratification de la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, signée à Lanzarote le 25 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (projet n° 407, 2008-2009 ; texte de la commission n° 479, rapport n° 478).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée la ratification de la convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc, signée à Rabat le 18 avril 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la convention d’extradition entre la République française et le Royaume du Maroc (projet n° 571, 2008-2009 ; texte de la commission n° 475, rapport n° 474).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc signée à Rabat le 18 avril 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (projet n° 572 2008-2009 ; texte de la commission n° 477, rapport n° 476).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc et du protocole annexe à la convention de sécurité sociale relatif au libre transfert des cotisations à la Caisse des Français de l'étranger, signés à Marrakech le 22 octobre 2007, et dont les textes sont annexés à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (projet n° 604 2008-2009 ; texte de la commission n° 473, rapport n° 472).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord relatif à la coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise, signé à Beyrouth le 20 novembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise (projet n° 583, 2008-2009 ; texte de la commission n° 460, rapport n° 459).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée la ratification de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la sélection, à la mise en œuvre et au financement de deux projets d'autoroutes de la mer entre la France et l'Espagne sur la façade Atlantique-Manche-mer du Nord, signé à Madrid les 28 avril et 10 novembre 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la sélection, à la mise en œuvre et au financement de deux projets d’autoroutes de la mer entre la France et l’Espagne sur la façade Atlantique-Manche-mer du Nord (projet n° 403, texte de la commission n° 456, rapport n° 455).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la mise en place d'un service de ferroutage entre la France et l'Italie, signé à Luxembourg le 9 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la mise en place d’un service de ferroutage entre la France et l’Italie (projet n° 404, texte de la commission n° 471, rapport n° 470).

Le projet de loi est définitivement adopté.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 490, texte de la commission n° 498, rapport n° 497) et l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (401).

Ces deux textes feront l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au cas où vous l’auriez oublié, je vous rappelle que le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire qui sont soumis à votre examen doivent permettre la mise en œuvre d’une procédure originale, souhaitée par le Président de la République, et concourant à rendre notre démocratie irréprochable.

Les parlementaires pourront, en effet, exercer un contrôle effectif sur les principales nominations du chef de l’État aux fonctions publiques les plus importantes pour la garantie des libertés ou la vie économique et sociale de notre pays.

Les deux lectures réalisées dans chacune des assemblées ont été marquées par un débat très approfondi, et je veux, de nouveau, rendre hommage à la contribution particulièrement déterminante de votre commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs. À cet égard, je tiens à saluer le président de la commission et le rapporteur, qui ont beaucoup animé toutes nos discussions.

Si les deux textes proposés par le Gouvernement ont été notablement enrichis, je dois à la vérité de reconnaître que leur adoption définitive n’a pas été possible, pour le moment en tout cas !

La commission mixte paritaire est, toutefois, parvenue à un accord sur le projet de loi ordinaire, en retenant les dispositions introduites par votre assemblée en deuxième lecture.

Ainsi, le principe de la publicité des auditions sera inscrit dans la loi et un délai de huit jours devra être respecté entre la communication du nom de la personne dont la nomination est envisagée et son audition par les commissions permanentes compétentes.

En revanche, la commission mixte paritaire n’a pu résoudre le différend existant entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur le projet de loi organique.

Au cours de cette nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a campé sur ses positions et, de même, la commission des lois du Sénat souhaite maintenir les positions qu’elle a prises au cours des deux lectures précédentes.

Elle a donc supprimé, dans le texte qui lui a été soumis, l’interdiction des délégations de vote lors du scrutin destiné à recueillir l’avis de la commission compétente.

Elle a également réintroduit, dans le projet de loi organique, la possibilité pour les commissions compétentes de s’opposer, à une majorité des trois cinquièmes, aux nominations proposées par les présidents des assemblées au Conseil constitutionnel et au Conseil supérieur de la magistrature.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite voir cette réforme mise en œuvre le plus rapidement possible - à mon avis, tant les sénateurs que les députés partagent ce sentiment -, d’autant qu’un certain nombre de nominations doivent intervenir prochainement, dont l’importance justifie le recours à cette nouvelle procédure offerte par le projet de loi.

Je souligne cependant que l’absence d’accord entre les deux assemblées à l’issue de cette nouvelle lecture contraindrait le Gouvernement à recourir à la procédure prévue par la Constitution pour permettre une adoption définitive du projet de loi organique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’adoption prochaine de ces deux textes constituera, nous en sommes convaincus, les uns et les autres, un moment important pour l’application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et, partant, pour la revalorisation du rôle du Parlement.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Nicolas About applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour une troisième lecture après l’échec de la commission mixte paritaire – le premier depuis la dernière élection présidentielle ! –, au cours de laquelle les sept sénateurs se sont opposés aux sept députés.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Comme vient de le préciser M. le ministre, nous sommes cependant parvenus à un accord sur le projet de loi ordinaire, qui a été enrichi par les deux amendements proposés par notre commission des lois.

Mais revenons-en au principal, c’est-à-dire au projet de loi organique, sur lequel persiste un désaccord entre les deux assemblées.

Ce désaccord persistant porte essentiellement sur deux articles : l’article 3, qui interdit, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, la délégation de deux mandats, et l’article 4, que nous avons introduit et qui nous semble essentiel, car il permet de saisir les commissions permanentes des nominations effectuées par le seul président du Sénat ou le seul président de l’Assemblée nationale.

Voyons maintenant plus avant les causes de ce désaccord.

Tout d’abord, l’article 3 impose de nouvelles règles de fonctionnement au Sénat, nous contraignant ainsi à modifier notre règlement intérieur. Le texte n’est donc plus un projet de loi organique ordinaire, si je puis dire, mais un projet de loi organique qui concerne directement le Sénat, et, de ce fait, ne peut être adopté qu’en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Ce point peut, il est vrai, être source de divergences.

Si l’on se réfère à la définition formulée par le doyen Vedel, le texte qui nous est soumis aujourd’hui fait clairement partie de cette catégorie des lois organiques qui concernent le Sénat.

En revanche, si l’on se réfère à la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, la solution est moins nette, moins sûre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous serons particulièrement heureux que le Conseil constitutionnel nous donne à cette occasion une définition claire de ce qu’est une « loi organique relative au Sénat ».

Plus grave, si l’on considère cette fois l’interprétation de l’Assemblée nationale, on voit que celle-ci, en fin de compte, se permet de modifier l’article 27 de la Constitution, dont je rappelle les termes du quatrième alinéa : « La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. » On voit donc, d’une part, que la loi organique a précisément vocation d’énumérer les cas pour lesquels la délégation de vote est autorisée ; d’autre part, qu’elle ne peut l’interdire, puisque l’article 27 de la Constitution ne le permet pas.

La seule interdiction de délégation de vote figure à l’article 68 de la Constitution et concerne la destitution du chef de l’État : toute délégation de vote est alors interdite aux membres de la Haute Cour.

C’est au Conseil constitutionnel qu’il reviendra d’examiner la question en profondeur, mais le désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale n’est de toute manière pas d’ordre constitutionnel.

La véritable explication, c’est le président Jean-Luc Warsmann qui l’a donnée lui-même ; je le cite : « De plus, la disposition introduite par les sénateurs aurait pour inconvénient de modifier le poids relatif des deux assemblées, puisque, si l’Assemblée nationale continuait d’interdire le vote par délégation alors que le Sénat l’autorisait, le nombre des suffrages exprimés serait bien supérieur au Sénat qu’à l’Assemblée. Or, le constituant n’a pas souhaité modifié le poids réel des deux assemblées. »

En réalité, le vrai problème est bien là : l’Assemblée nationale a tout simplement peur que le nombre des votants au Sénat soit supérieur au nombre des votants à l’Assemblée nationale !

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission maintient les deux amendements que le Sénat a adoptés en deuxième lecture.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut bien le reconnaître, nous avons déjà passé beaucoup de temps sur un sujet d’une importance infime, et je vise ici non pas l’article 13 de la Constitution, mais la possibilité de délégations de vote.

Quant à l’article 13 de la Constitution, il a son importance, surtout dans un système constitutionnel hyper-présidentiel. Nous nous y étions opposés, dans la mesure où le rôle imparti aux commissions permanentes du Parlement concernant les nominations, par le Président de la République, aux plus hautes responsabilités de l’État est quasi fictif. En effet, dans le cadre des institutions actuelles, réunir les trois cinquièmes des votes au sein des commissions compétentes des deux assemblées est mission quasi impossible.

Je maintiens néanmoins ma position, qui est conforme à celle de la commission, concernant la délégation de vote, en insistant sur le fait que, si les parlementaires peuvent déléguer leur vote dans le cadre d’une révision constitutionnelle – j’écarte le cas de la destitution du chef de l’État, pour laquelle la délégation de vote est justement proscrite par la Constitution -, on ne saurait, par une loi organique ou a fortiori par une norme inférieure, leur interdire cette possibilité pour toute autre décision.

Je partage donc le point de vue unanime de la commission des lois sur ce point. Il serait d’ailleurs assez curieux que les parlementaires s’arrogent le droit de se mettre en porte-à-faux pour ce qui constitue pour eux l’acte le plus important, l’acte constitutionnel.

Cela étant, je ne peux pas conclure sur cette querelle picrocholine avec l’Assemblée nationale sans m’interroger : on peut en effet se demander si le chef de l’État n’aura pas eu le loisir de procéder, avant 2012, à toutes les nominations qu’il souhaite, sans que l’article 13 de la Constitution ait pu être appliqué.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le groupe CRC-SPC votera donc, et pour la troisième fois, contre le projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, tous ceux qui m’ont précédé à la tribune l’ont dit, le projet de loi organique qui nous est soumis aujourd’hui soulève une question certes d’apparence secondaire, qu’il faut néanmoins traiter.

Tout d’abord, je souhaite rappeler notre position sur le fond, c’est-à-dire sur l’article 13 de la Constitution.

Au cours de la révision constitutionnelle, qui va bientôt fêter ses deux ans, et dont nous n’avons visiblement pas tout à fait fini de tirer les conséquences, l’article 13 avait suscité un débat. Nos positions sont connues ; nous avions considéré à l’époque que la possibilité d’émettre un avis sur les nominations effectuées par le Président de la République constituait une avancée, car elle n’existait pas antérieurement, tout en insistant sur le fait qu’un véritable progrès sur la voie de cette « démocratie irréprochable » que vous évoquiez, monsieur le ministre, aurait été un « trois cinquièmes positifs », au lieu de ce « trois cinquièmes négatifs ». On aurait ainsi vu l’ensemble des participants contraints de se mettre d’accord, ce qui aurait abouti à des nominations indiscutables.

Aujourd’hui, pour qu’une nomination puisse être mise en cause, il faut qu’il y ait une crise au sein de la majorité, car il s’agit bien d’une crise quand la majorité s’oppose au Président de la République.

On a beaucoup écrit sur cet article. Un certain nombre de constitutionnalistes l’ont qualifié de fausse avancée, de faux nez ou de leurre. Je vous laisse le choix des termes ! S’il constitue certes un progrès, ce n’est certainement pas pour nous un progrès décisif.

Notre position sur ce projet de loi organique ne changera donc pas : nous nous étions abstenus en première lecture, puis en deuxième lecture ; nous nous abstiendrons de la même façon aujourd’hui en nouvelle lecture.

Cela n’épuise pas pour autant le sujet.

En effet, le projet de loi ordinaire a, lui, fait l’objet d’un accord. Nous souhaitions que les auditions soient publiques ; notre proposition a été reprise. Puisque nous avions voté le texte en deuxième lecture, nous voterons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire.

Permettez-moi cependant de revenir d’un mot sur la curiosité institutionnelle que constitue la nouvelle lecture du projet de loi organique. Il s’agit d’une innovation, qui réjouira au moins les spécialistes du droit constitutionnel, toujours prompts à relever les situations atypiques. Comme Jean-Jacques Urvoas l’a rappelé, pour retrouver les traces d’une telle situation, c'est-à-dire l’échec d’une CMP alors qu’il y a identité de majorité entre les deux assemblées, il faut remonter à 1980, à propos du statut des magistrats.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Trente ans après, pourrait-on dire à la manière d’Alexandre Dumas… Mais, là, c’est 50 % de plus !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Cette mise en perspective nous permet donc de prendre conscience à la fois du caractère éminemment secondaire de la question posée et de son importance constitutionnelle. Quelle position adopter face à cette opposition curieuse, sept sénateurs contre sept députés ?

Nous connaissons sinon l’issue, du moins l’itinéraire…

Nous allons, nous, Sénat, confirmer la position du Sénat, et, M. le ministre ayant affirmé qu’il appliquerait la Constitution, ce dont nous ne doutions pas, le texte va repartir à l’Assemblée nationale, qui tranchera, en dernière lecture.

On peut penser sans trop risquer d’être démenti que l’Assemblée nationale confirmera sa position. Comme nous sommes en présence d’une loi organique, c’est le Conseil constitutionnel qui tranchera et rendra, en définitive, l’interprétation qu’il considère comme bonne. L’Assemblée nationale, dont l’interprétation ne sera pas confirmée, continuera au fond d’elle-même à penser qu’elle avait raison ! §Mais le Conseil constitutionnel aura choisi.

Pour notre part, nous reprenons l’argumentation qu’ont développée M. le président Hyest, en commission, et M. le doyen Gélard ainsi que Nicole Borvo Cohen-Seat, à l’instant : puisque l’on autorise la procuration pour la révision constitutionnelle, qui constitue l’acte plus important, à savoir l’élaboration de la loi suprême, pourquoi l’interdire dans le cadre d’un avis émis par une commission compétente ? Je sais bien que, dans le cas, impossible, disons-le, où l’on trouverait ces trois cinquièmes de votes négatifs, cela n’irait pas sans emporter un certain nombre de conséquences. Mais ce n’est qu’un avis, tout de même !

Or, quand on relit l’article 27 de la Constitution, sur lequel les députés fondent leur argumentation, on voit qu’il ne concerne jamais le fond, c'est-à-dire que l’on n’y trouve jamais d’énumération des sujets sur lesquels il serait impossible de donner procuration. Le seul cas, vous l’avez rappelé, pour lequel une telle interdiction est prévue, concerne, à l’article 68 de la Constitution, la destitution du chef de l’État. Mais c’est la Constitution elle-même qui le prévoit.

Quant à l’ordonnance organique qui découle de l’article 27 de la Constitution, elle ne cite que des problèmes de forme : cas de force majeure, service militaire, missions à l’étranger, notamment.

La position de nos collègues députés revient donc, dans le cadre d’une loi organique, à priver de son droit de vote un parlementaire qui se trouverait dans un cas de force majeur !

Or, selon moi, il n’est pas du pouvoir d’une assemblée, fût-elle aussi respectable que l’Assemblée nationale et aussi persuadée qu’elle de son bon droit et de sa primauté constitutionnelle sur le Sénat, de priver un parlementaire, représentant du peuple, de la possibilité d’utiliser son droit le plus élémentaire, c’est-à-dire son droit de vote.

Notre position est très claire : nous soutenons la position défendue par le rapporteur, comme nous l’avons fait lors de la commission mixte paritaire. Nous nous abstiendrons sur le texte parce que nous votons sur l’ensemble, mais le Conseil constitutionnel tranchera. En effet, il n’apparaît pas indispensable d’ajouter une quatrième, voire une cinquième lecture sur ce sujet qui, si passionnant soit-il, reste tout de même d’une importance relativement secondaire par rapport à d’autres questions qui peuvent être débattues par le Parlement. Je crois que nous y avons consacré suffisamment de temps.

Telle est, mes chers collègues, la position du groupe socialiste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est donc à nouveau saisi des textes d’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Si le projet de loi ordinaire ne soulève pas de difficulté, la commission mixte paritaire ayant trouvé un accord, nos deux assemblées restent en désaccord sur deux dispositions du projet de loi organique : l’interdiction des délégations de vote, lors d’un scrutin destiné à recueillir l’avis d’une commission sur un projet de nomination ; l’application du veto des trois cinquièmes des membres des commissions aux nominations faites par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Situation inédite depuis bien longtemps, les membres de la commission mixte paritaire n’ont pu se mettre d’accord et ont provoqué une nouvelle navette.

D’une façon générale, les appréciations que nous avions formulées lors des précédentes lectures restent valables.

La révision constitutionnelle a modifié le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution pour permettre désormais aux commissions permanentes de chacune des assemblées de se prononcer sur les nominations aux fonctions ou emplois importants pour « la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Les nominations à la discrétion du Président de la République, qui étaient effectuées sous l’empire de l’ancien article 13, n’ont pas honoré l’histoire de notre République. Cet anachronisme a été indifféremment utilisé par les majorités successives, à des fins qui avaient souvent peu à voir avec le seul intérêt général.

Notre pays a toujours refusé l’instauration d’un spoil system à l’américaine, mais force est de constater que l’opacité qui a présidé à nombre de ces nominations a joué en faveur de l’émergence d’un État trop souvent partisan.

Nous approuvons donc naturellement le principe de la réforme, mais nous déplorons que les conditions d’application de ce nouveau dispositif ne soient pas à la hauteur des attentes suscitées.

En choisissant de retenir une majorité des trois cinquièmes pour qu’un veto soit opposé, on a en partie vidé de son efficacité la procédure. Dans notre pays, où la marche forcée du fait majoritaire étouffe les velléités à s’écarter du bipartisme, il est difficilement concevable qu’une partie substantielle de la majorité s’oppose à une nomination décidée par le Président de la République.

Cette observation a été déjà largement rappelée, mais elle garde toute sa pertinence.

La liste des établissements publics et des autorités administratives indépendantes figurant dans le projet de loi organique suscite toujours quelques interrogations.

Si le présent projet de loi organique permet un premier recensement de certains de ces emplois, leur détail demeure éparpillé entre divers textes de natures tout aussi diverses. Nous regrettons ainsi que l’hypothèque de la complexité et de l’opacité, qui ont régi les processus de nomination, n’ait pas été complètement levée.

Je regrette également que deux omissions aient été maintenues au fil de la navette : la Commission consultative du secret de la défense nationale et la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, même s’il a pu être dit que le mode de nomination spécifique de leurs membres résulte de la singularité de leurs missions.

J’en viens au cœur de la discussion du projet de loi organique, à savoir le désaccord persistant entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

La Haute Assemblée, par la voix de M. le rapporteur, a supprimé à deux reprises l’article 3 introduit par les députés. M. le rapporteur nous propose une nouvelle fois cette suppression, et nous lui apporterons notre soutien.

L’argumentation, déjà développée, nous paraît tout à fait pertinente : aucune disposition de l’article 13 de la Constitution ne fait mention de la délégation de vote, et nous savons qu’il n’appartient pas au législateur organique de légiférer ultra petita.

A fortiori, la seule disposition constitutionnelle prohibant, explicitement, une délégation de vote se retrouve à l’article 68, qui porte sur la destitution du chef de l’État. En revanche, la délégation de vote est possible pour tous les autres types de scrutin, y compris au Congrès du Parlement.

L’article 27 de la Constitution pose, en outre, le principe selon lequel la loi organique « peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote ». Or il est d’interprétation constante, y compris dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que cette disposition a vocation à être utilisée non pas pour prévoir la délégation par type de scrutin, mais simplement pour prévoir les cas d’empêchement – maladie, mission temporaire confiée par le Gouvernement, force majeure – pouvant frapper un parlementaire.

Il nous semble donc aventureux d’aller au-delà de la lettre de la Constitution, et il nous paraît fondamental de nous en tenir à une stricte interprétation du texte constitutionnel. La réorganisation, interne à l’Assemblée nationale, des commissions permanentes n’est pas un motif recevable pour violer la Constitution.

De surcroît, comme l’a également relevé M. le rapporteur, le présent projet de loi organique est un texte « relatif au Sénat », au sens du quatrième alinéa de l’article 46 de la Constitution. Dans ces conditions, l’accord du Sénat est constitutionnellement requis et il ne saurait être question de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale.

En toute hypothèse, et même si la navette devait néanmoins s’orienter dans cette direction, le Conseil constitutionnel sera saisi de ce texte et ne manquera pas de donner son interprétation.

Nous approuvons également le rétablissement par la commission de l’article 4, qui rappelle que le principe posé par l’article 13 de la Constitution, selon lequel la majorité des trois cinquièmes d’une commission peut faire obstacle à une nomination, s’applique aussi aux désignations faites par les présidents des assemblées, à savoir les membres du Conseil constitutionnel et du Conseil supérieur de la magistrature.

Monsieur le ministre, je souhaite que les divergences entre nos deux assemblées se résolvent sereinement, ce qui ne signifie pas pour autant que les membres du RDSE renieront leur attachement à l’application intangible des règles de droit.

Au vu des observations que je viens de formuler sur l’économie générale des deux projets de loi, la majorité des membres de mon groupe votera pour, les autres maintenant leur vote d’abstention.

Applaudissements les travées du RDSE, de l ’ Union centriste, de l ’ UMP et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien entendu, la position du groupe de l’UMP n’est pas différente de celle qu’a exprimée M. le rapporteur, dont nous partageons totalement l’analyse. Aussi notre groupe votera-t-il l’ensemble du projet de la loi organique, qui constitue une grande avancée.

Au-delà de la question du veto des trois cinquièmes des membres des commissions aux nominations faites par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, le vrai débat qu’a ouvert la révision constitutionnelle de 2008, c’est celui de la transparence de leur examen grâce à l’audition publique des candidats. Le principe de cette publicité me paraît plus important que les règles de majorité applicables, car l’on imagine difficilement qu’un candidat dont la prestation aurait été médiocre ou qui n’aurait recueilli sur son nom qu’une majorité douteuse puisse échapper à la sanction de l’opinion.

La commission mixte paritaire n’est donc pas parvenue à trouver un accord sur l’interdiction des délégations de vote lors d’un scrutin destiné à recueillir l’avis d’une commission sur un projet de nomination.

M. le rapporteur a précisé fort justement que le seul cas où la Constitution interdit explicitement toute délégation de vote, c’est lorsque le Parlement constitué en Haute Cour doit se prononcer sur la destitution du chef de l’État. Pour tous les autres cas, la délégation peut être autorisée exceptionnellement pour des raisons techniques, et non pour des raisons tenant au fond du texte.

À titre personnel, je dois cependant ajouter que, si je soutiens le point de vue de M. le rapporteur, je ne me ferai jamais tuer pour une question comme celle-ci, qui me paraît somme toute assez secondaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. C’est une sage position !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Surtout, monsieur le rapporteur, j’avoue que je suis pris d’un léger doute.

On distingue deux catégories de vote : le vote sur des textes, le vote sur des personnes. Dans le second cas, le vote est personnel. Ainsi, on vote personnellement une motion de censure, la destitution ou non du Président de la République. Aussi, à titre individuel, je serais satisfait que la Constitution interdise explicitement toute délégation dans le cas d’un vote sur une personne. Pour le moment, notre loi fondamentale ne le dit pas, autorisant ainsi le doute, et l’interprétation de M. le rapporteur me semble légitime.

Le principal intérêt que je vois dans cette divergence qui subsiste entre le Sénat et l’Assemblée nationale, c’est qu’elle obligera le Conseil constitutionnel à se prononcer souverainement. C’est ce que j’attends !

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ? …

La discussion générale commune est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous passons à la discussion des articles du projet de loi organique.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

Le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat ne peut procéder aux nominations mentionnées aux articles 56 et 65 de la Constitution qui relèvent de sa compétence lorsque les votes négatifs au sein de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

L'article 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.

Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

Y a-t- il des demandes d’explication de vote ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici le résultat du scrutin n° 208 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous passons maintenant à l’examen du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement et que, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

Les commissions permanentes de chaque assemblée parlementaire compétentes pour émettre un avis sur les nominations aux emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions fixées au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution sont celles figurant dans la liste annexée à la présente loi.

L'avis mentionné au premier alinéa est précédé d'une audition par les commissions permanentes compétentes de la personne dont la nomination est envisagée. L'audition est publique sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale.

Cette audition ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Sur l’article 1er, seul article restant en discussion, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

Le projet de loi est adopté.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (projet n° 414, texte de la commission n° 486, rapports n° 485 et 453).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être parmi vous à l’occasion de l’examen de ce projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, projet initié par Éric Woerth et que j’ai l’honneur de porter devant vous aujourd’hui.

Ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, est indispensable pour faire évoluer la culture du dialogue social dans la fonction publique.

Du dialogue social dans la fonction publique, en effet, on ne doit surtout pas retenir uniquement les manifestations et les grèves, qui sont l’expression d’une conflictualité malheureusement inscrite dans la durée puisque les chiffres ont peu varié au cours des quinze dernières années.

La constance de ces conflits ne peut nous satisfaire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a recherché les racines profondes de cette conflictualité.

Le constat a été sans équivoque : l’organisation même du dialogue social dans la fonction publique suscite toutes les critiques de la part tant des employeurs que des représentants des personnels.

Dans la fonction publique de l’État, ce dialogue est tout entier organisé autour des corps et, plus spécialement, des commissions administratives paritaires, les CAP, qui examinent les décisions individuelles, par exemple en matière d’avancement ou de mutation. Toutes les autres instances – le conseil supérieur, les comités techniques, les comités d’hygiène et de sécurité – sont composées de façon indirecte, à partir des résultats aux élections de ces commissions ; elles ne sont donc pas directement élues.

Les CAP ont évidemment leur légitimité, mais les agents n’ont pas les mêmes attentes selon qu’il s’agit de leur situation individuelle ou des enjeux collectifs de leur service. Par ailleurs, dans ce système, les agents contractuels ne sont pas consultés.

Dans la pratique, on le voit bien, ce dialogue social est empreint de beaucoup de formalisme, hérité d’un modèle de confrontation entre employeur et représentants des agents. Les syndicats se plaignent de ne pas voir leur avis suffisamment retenu. L’administration, de son côté, conteste régulièrement des stratégies qu’elle juge dilatoires.

Il était temps d’assumer autrement les responsabilités, de quelque côté de la table que l’on soit. Ce projet de loi nous y invite.

Dans une administration qui se réforme en profondeur, ce régime n’est clairement plus adapté aux enjeux actuels du dialogue social.

Le Gouvernement, je tiens à le dire, en a pris conscience non pas en un jour, mais de façon progressive et c’est la raison pour laquelle nous vous présentons ce texte.

Non, le Gouvernement n’a pas organisé une conférence sociale à l’improviste. Il l’a fait dès octobre 2007 avec les partenaires sociaux, pour modifier en profondeur le cadre du dialogue social dans la fonction publique, changer les pratiques et promouvoir une véritable culture de négociation.

Le secteur privé, d’ailleurs, je tiens à le souligner, a franchi le pas de la réforme avec la loi de rénovation de la démocratie sociale du 20 août 2008. Le présent projet de loi en est le pendant – malgré quelques retards – pour la fonction publique, avec toutefois quelques spécificités importantes sur lesquelles, bien entendu, je vais revenir.

Au cours de cette négociation, le Gouvernement a su faire des compromis permettant d’aboutir. Ainsi, il a entendu les inquiétudes des syndicats sur la question très importante des compétences des commissions administratives paritaires qu’il a accepté de séparer de la négociation.

Ce projet de loi est donc la traduction au niveau législatif des accords de Bercy du 2 juin 2008, qui marquent l’aboutissement de cette intense phase de négociation de près de neuf mois.

Je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs, insister sur le consensus remarquable qui entoure ces accords : en effet, ils ont été signés par six des huit syndicats de la fonction publique – CGT, CFDT, FO, UNSA, FSU, CGC –, représentant plus de 75 % des personnels, ce qui n’était jamais arrivé auparavant.

En conséquence, il nous appartient d’entendre ce consensus et d’être prêts, quel que soit le banc ou la travée sur lesquels nous siégeons, à reconnaître la novation et les avancées qu’apportent ces accords.

Trois points, mesdames, messieurs les sénateurs, auront certainement retenu votre attention.

Sur la forme, d’abord, j’y reviens, c’est la première fois qu’en matière de fonction publique le Gouvernement transpose aussi fidèlement en matière législative un accord signé avec six organisations représentant plus de 75 % des agents. Je crois que nous devons tous partager cet objectif de fidélité aux accords qui marque une nouvelle pratique du dialogue social dans la fonction publique.

Sur le fond, ensuite, l’élection sera désormais le fondement de la représentativité syndicale. C’était le cas dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière. Ce sera désormais également le cas dans la fonction publique d’État, et c’est une bonne chose.

Par ailleurs, tout syndicat légalement constitué depuis plus de deux ans pourra se présenter aux élections professionnelles. C’est un signe fort d’ouverture.

La culture de négociation, enfin, doit se généraliser dans la fonction publique à tous les niveaux pertinents de l’administration. La novation me semble tout aussi essentielle.

Il faut à la fois élargir le champ de la négociation au-delà des questions salariales et fixer les conditions dans lesquelles un accord signé sera considéré comme valide.

Dans nos travaux préparatoires, lors de mon audition et lors de l’examen en commission, nos débats ont été particulièrement riches et je souhaite revenir sur trois points importants.

Indéniablement, en premier lieu, il y a une sensibilité particulière sur le sujet du paritarisme.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Contrairement à ce que certains peuvent prétendre, et à la différence de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l’État, nous avons souhaité maintenir l’essentiel des principes du paritarisme dans la fonction publique territoriale. À cet égard, le Gouvernement a très clairement entendu les souhaits exprimés sur ce point, en particulier par les employeurs territoriaux.

Il est bien prévu, à tous les niveaux, l’existence de deux collèges : un collège employeur et un collège pour les représentants des agents.

Les collectivités restent totalement libres de maintenir un paritarisme numérique si elles le souhaitent. Je le répète, les collectivités sont libres de maintenir ce paritarisme numérique.

Par ailleurs, si une délibération de la collectivité le prévoit, donc en toute indépendance, mais aussi en toute transparence, la collectivité sera libre de prévoir le vote des représentants du personnel et, en outre, l’avis des représentants de la collectivité.

Seule évolution sur ce point du paritarisme, nous remplaçons une obligation par une faculté.

Le Gouvernement est donc particulièrement respectueux de la libre administration des collectivités territoriales, et c’est un élu local qui vous confirme ici, mesdames, messieurs les sénateurs, combien nous sommes légitimement attachés à ce principe.

Nous avons poursuivi dans ce sens en déposant, lors de l’examen en commission, un amendement qui permettra également aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la fonction publique territoriale de rendre leurs avis de façon paritaire.

Le deuxième point qui ne doit pas faire l’objet de malentendus est la création d’une nouvelle instance inter-fonctions publiques, le Conseil commun de la fonction publique.

Certains pourraient y voir le risque d’une dépossession des conseils supérieurs de leurs attributions. Je souhaite être très clair, ce n’est en aucun cas la volonté du Gouvernement. En effet, l’État sera le seul employeur qui ne votera pas dans le Conseil commun. En conséquence, il n’y a que peu de chance qu’il prenne le pouvoir au sein de ce conseil et en modifie les avis. Son champ de compétence est clairement défini par la loi : il se limite aux seuls textes communs et exclut, par conséquence, les textes spécifiques, qu’il s’agisse de lois, de décrets d’application ou de décrets autonomes.

La maîtrise de son ordre du jour est partagée entre son président, le ministre chargé de la fonction publique, et ses membres.

En revanche, ce conseil commun présente un intérêt réel, car il permettra aux employeurs territoriaux et hospitaliers de pouvoir s’exprimer dès l’origine sur les textes qui concernent les trois versants de la fonction publique.

Combien de fois a-t-on vu arriver devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, des textes qui avaient déjà été examinés par le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, le CSFPE, et sur lesquels il n’y avait plus de débat possible, car l’avis du CSFPE avait déjà été rendu !

Nous avons tous critiqué cette façon de faire, et je pense que nous ne pourrons que nous réjouir de la création de cette nouvelle instance.

Afin de renforcer l’indépendance de ce conseil commun, le Gouvernement a suivi la commission, qui, dans sa sagesse, propose que le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale en soit membre de droit, de même que le président du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.

Nous sommes très attachés au respect des prérogatives légitimes de chaque conseil supérieur.

Je sais enfin que la question des règles de validité des accords mérite que l’on y revienne.

Il n’y avait jusqu’à présent aucune règle en la matière. Nous avons souhaité engager un processus qui, à terme, nous permettra de passer à des accords majoritaires. C’est ambitieux, mais c’est possible. Les deux derniers accords que nous avons signés, qui portaient, l’un, sur le dialogue social, l’autre, sur la santé et la sécurité au travail, ont réuni respectivement 75 % et 80 % des représentants des agents.

Une période transitoire nous a toutefois semblé nécessaire. C’est pourquoi, dans un premier temps, seront valides les accords réunissant au moins 20 % des représentants des agents, sans faire l’objet d’une opposition de plus de 50 % de ces représentants.

En accord avec les organisations syndicales, nous avons retenu ce double seuil, qui est légèrement différent de celui qui est retenu dans le privé, où le « 30-50 » prévaut. C’est que les deux systèmes ne sont pas identiques : en effet, nous prenons dès maintenant dans le projet de loi l’engagement d’aller plus loin vers l’accord majoritaire, ce que n’a pas fait le code du travail.

Les travaux en commission ont aussi permis de préciser les dispositions qui vont s’appliquer dans la période transitoire afin d’organiser une convergence des dates d’élections aux comités techniques et aux commissions administratives paritaires, les CAP, sur les trois versants de la fonction publique.

Reconnaissons ici que la fonction publique de l’État s’inspire de ce qui existe déjà, de façon très satisfaisante, et dans la fonction publique hospitalière et dans la fonction publique territoriale. L’opération est néanmoins complexe à réaliser, puisqu’il faut unifier les durées de mandats et synchroniser les élections de la fonction publique de l’État, qui se déroulaient au fil de l’eau. Plusieurs milliers d’instances sont ainsi concernées ; le Gouvernement et les organisations syndicales devront donc mener ensemble un véritable travail d’horloger.

C’est en tout cas une solution pragmatique, en deux temps, qui a été envisagée. Il s’agira tout d’abord d’organiser, à la mi-2011, la constitution des nouvelles instances de la fonction publique de l’État et de la fonction publique hospitalière, dont le mandat naturel devrait s’achever à la fin de 2011. Il s’agira ensuite de laisser la fonction publique territoriale poursuivre ses mandats jusqu’à leur terme naturel, à la fin de 2014, et de prévoir à ce moment d’organiser les élections générales sur les trois versants de la fonction publique.

Cette solution, respectueuse des mandats en cours, doit également éviter de remettre en cause des CTP qui viennent d’être élus en 2010 par un corps électoral très proche de celui qui se prononcera en 2011.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes de ce texte particulièrement novateur.

Vous me permettrez de terminer mon propos introductif en remerciant très chaleureusement le président de la commission, Jean-Jacques Hyest, ainsi que le rapporteur, Jean-Pierre Vial, du travail accompli par la commission des lois, et de la qualité des échanges que nous avons sur ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP - M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Jean-Pierre Vial, rapporteur, applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, suite à une légère intervention chirurgicale, je devais normalement rester allongée, la jambe surélevée… J’ai néanmoins tenu à être présente aujourd’hui, par respect pour la Haute Assemblée. Vous ne m’en voudrez donc pas d’intervenir depuis le banc des ministres, et de suivre le reste du débat dans mon bureau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Nous vous souhaitons un prompt rétablissement, madame la ministre !

Marques de sympathies sur différentes travées.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je voudrais tout d’abord rappeler – je me tourne plus particulièrement vers Anne-Marie Payet – que c’est aujourd’hui la journée mondiale anti-tabac.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Sauf au Sénat, où l’on fume dans les couloirs !

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

C’est en effet regrettable, cher Nicolas About…

Mais à bon entendeur, salut !

Revenons à l’article 30 de ce projet de loi, puisque c’est le cœur de mon propos. Pourquoi l’examiner à l’occasion de l’examen d’un projet de loi consacré à la rénovation du dialogue social plutôt que dans le cadre de la discussion du texte consacré à la réforme des retraites ?

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une réforme des retraites. L’objet est ici d’accompagner la réforme LMD – licence, master, doctorat –, qui offre une avancée considérable dans la reconnaissance des infirmiers et, plus largement, de l’ensemble des professionnels paramédicaux.

Si vous me le permettez, je voudrais revenir en quelques mots sur cette réforme, à juste titre qualifiée d’historique.

Reconnaître le diplôme infirmier au niveau de la licence correspond à une demande forte des infirmiers et des infirmières depuis près de vingt ans, et c’est une promesse du Président de la République.

Depuis 1992, le diplôme d’État d’infirmier nécessite trois années d’études, et il était pourtant reconnu seulement au niveau « bac + 2 », et non au niveau « bac + 3 ».

Pourtant, les compétences et les responsabilités des infirmiers n’ont cessé de progresser, parallèlement aux évolutions scientifiques majeures qu’a connues notre système de santé.

C’est pourquoi, dès mon arrivée au ministère de la santé, je me suis saisie de ce dossier essentiel de la formation ; ce fut l’une de mes toutes premières priorités.

Depuis 2007, j’ai mené une très large concertation avec l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles des personnels paramédicaux. De nombreuses réunions, associant les personnels, l’appareil de formation et le monde universitaire ont permis d’élaborer un nouveau référentiel de formation.

Le nouveau diplôme d’État d’infirmier a donc été remanié et enrichi pour être reconnu, par le monde universitaire – ce n’était pas gagné !- au grade de licence. Les étudiants infirmiers qui ont entamé leur formation en 2009 en bénéficieront pleinement lorsqu’ils seront diplômés en 2012.

La même démarche est d’ailleurs entamée pour l’ensemble des professions paramédicales dont la durée des études est d’au moins trois années après le bac, soit au total près de quinze professions. Imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail de réingénierie des formations qu’il faut mener.

C’est une étape majeure dans l’histoire de la formation de ces professions.

Parallèlement à ces profondes évolutions, les formations des cadres de santé seront également réformées. J’ai d’ailleurs récemment confié à l’Inspection générale des affaires sociales une mission sur la rénovation de la formation des cadres hospitaliers.

Vous le voyez, il s’agit donc d’une réforme ambitieuse, d’une réforme qui participe de la modernisation de notre système de santé, d’une réforme qui vise la qualité des soins en nous donnant les moyens d’intégrer les progrès paramédicaux et de mieux répondre aux besoins de la population.

La réforme LMD permettra aux infirmiers et aux professionnels paramédicaux d’accéder à des formations supérieures et à de nouveaux modes d’exercice. Il s’agit donc d’une réforme non pas seulement « en stock », mais également « en flux ».

En disposant d’un diplôme d’État reconnu au grade de licence, ils pourront poursuivre plus facilement un cursus universitaire et développer une plus grande mobilité tout au long de leur carrière professionnelle, grâce à des équivalences avec tous les pays de l’Union européenne.

Celles et ceux qui s’intéressent à des prises en charge pointues ou à la recherche pourront construire des parcours professionnels innovants.

Cette réforme rend possible l’exercice de nouveaux métiers, des métiers paramédicaux experts, formés au niveau master. Aujourd’hui, en effet, il existe un hiatus entre les personnels paramédicaux, généralement formés à « bac + 3 », et les médecins, formés à « bac + 10 », en moyenne. C’est la gradation des soins qui s’en trouve empêchée, et à cela aussi, je tiens à remédier. C’est pourquoi j’ai décidé de lancer une mission sur ce sujet, confiée à Laurent Hénart, Yvon Berland et Danielle Cadet, que beaucoup d’entre vous connaissent.

Grâce à cette réforme, chacun pourra se recentrer sur son cœur de métier, en participant à la prise en charge sur les aspects qu’il connaît le mieux.

Chacun l’aura compris, cette réforme a des conséquences statutaires, et je veux m’y attarder à présent.

Nous avons voulu, sous l’impulsion du Président de la République, que cette reconnaissance du diplôme infirmier au niveau de la licence entraîne un recrutement en catégorie A, la catégorie la plus élevée de la fonction publique.

Ainsi, les étudiants entrés en formation en septembre 2009 achèveront leur scolarité en juin 2012 avec un diplôme reconnu au grade de la licence. Celles et ceux qui choisiront d’exercer dans la fonction publique hospitalière y seront donc tout naturellement et immédiatement recrutés en catégorie A. Nous aurions pu en rester là, et exclure de cette promotion les personnels titulaires formés antérieurement. Telle n’est pas ma volonté.

Je souhaite en effet que les professionnels paramédicaux titulaires dans la fonction publique hospitalière puissent eux-aussi, et dès aujourd’hui, bénéficier de cette revalorisation, au même titre que leurs jeunes collègues prochainement diplômés.

Bien que n’étant pas titulaires de la licence – la maquette de leur formation ne correspond pas à ce niveau de diplôme –, les personnels déjà en fonction pourront ainsi, s’ils le souhaitent, demander à bénéficier de ces mêmes dispositions. Il nous aurait en effet semblé profondément injuste qu’ils ne bénéficient pas de cette mesure.

Pour définir les modalités précises de ce reclassement, j’ai mené une intense concertation, qui a conduit à un protocole d’accord signé le 2 février dernier.

Le protocole définit les conditions applicables aux personnels qui choisiront les nouveaux corps, notamment en matière de rémunération et de régime de retraite. Il précise donc les termes des futurs décrets portant statut particulier des nouveaux corps d’infirmiers de catégorie A, lesquels s’appuieront, en matière de régime de retraite applicable à ces nouveaux corps, sur les dispositions discutées aujourd’hui.

Le protocole définit aussi un calendrier de mise en œuvre – il sera lui-même mis en œuvre par voie réglementaire - et j’entends le respecter.

Je veux que, dès la publication des décrets portant statut particulier des nouveaux corps d’infirmiers de catégorie A, tous les infirmiers et toutes les infirmières qui le souhaitent puissent opter pour le passage en catégorie A, et donc bénéficier d’un supplément de rémunération immédiatement, c'est-à-dire dès décembre 2010.

C’est la raison pour laquelle nous avons intégré cette réforme dans le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Si nous ne l’avions pas fait, l’ensemble de la réforme aurait été reporté au-delà de 2010, ce qui ne correspondait pas à l’engagement fort que nous avions pris, et qui figure comme tel dans le protocole d’accord du 2 février.

Dans le cadre de cette réforme, j’ai souhaité que soit mis en place un droit d’option assorti d’un délai de réflexion.

Les professionnels qui souhaitent conserver leurs droits à un départ à la retraite à cinquante-cinq ans pourront rester dans leur corps actuel. Ils auront également une revalorisation, dans le cadre du reclassement dans le nouvel espace statutaire de la catégorie B.

Ceux qui choisiront le nouveau corps y seront reclassés dès le mois de décembre 2010 et percevront donc, dès la fin de cette année, un traitement plus élevé.

Cela implique, pour eux, de renoncer individuellement aux conditions dérogatoires en matière de retraite, comme le prévoit l’article 30 du projet de loi.

La revalorisation proposée est de 82 points d’indice brut pour les infirmiers en fin de carrière : c’est un effort considérable de la Nation en faveur des professionnels paramédicaux, un effort que le Gouvernement a décidé d’engager malgré la crise économique que nous traversons, parce qu’il constitue une juste reconnaissance et qu’il accompagne l’amélioration de notre système de soins et des 310 000 agents paramédicaux de l’hôpital public.

Les grilles salariales seront augmentées deux fois, en 2013, puis en 2015. À l’issue de ces deux glissements, les infirmières en milieu de carrière bénéficieront d’une rémunération totale annuelle majorée de 2 000 euros nets en moyenne.

Les infirmiers spécialisés et les cadres de santé qui sont déjà en catégorie A pourront également intégrer ce nouveau corps à partir de 2012.

Un grade spécifique sera créé pour les cadres et l’indice sommital du grade de cadre supérieur, prévu dans le protocole d’accord, est très sensiblement augmenté.

Ainsi, au cours des prochaines années, dès qu’une formation paramédicale sera rénovée et reconnue par l’Université, un nouveau corps, revalorisé, sera créé.

J’insiste sur ce point, car il est crucial : de manière générale, cette réforme attribuera aux personnels reconnus au grade de licence l’équivalent d’un treizième mois de salaire tout au long de leur carrière, mais aussi d’un treizième mois de pension tout au long de leur retraite.

Si elle ne relève pas de la réforme des retraites, comme je l’ai dit tout à l’heure, la réforme LMD se traduira bien cependant par une nette revalorisation des retraites pour les professionnels paramédicaux qui auront fait le choix d’une carrière plus longue, mais aussi plus riche et plus diversifiée.

Concernant le délai de réflexion, je tiens à apporter à votre assemblée des informations très précises.

Je rappelle tout d’abord que le droit d’option de six mois prévu dans le protocole d’accord du 2 février débute dès la publication du décret créant le nouveau corps.

Pour les infirmiers, le projet de décret, actuellement travaillé avec les organisations syndicales, sera publié après promulgation de la loi dont nous discutons aujourd’hui, et après avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et du Conseil d’État.

J’envisage donc que ce décret soit publié au plus tôt au début d’août 2010.

Les personnels disposeront alors de six mois pleins, c’est-à-dire jusqu’au début de février 2011 au plus tôt, pour faire connaître leur choix. Le reclassement, en catégorie A ou en nouvelle catégorie B – les infirmières et les infirmiers le décideront – prendra néanmoins effet au 1er décembre 2010, conformément à nos engagements, c’est-à-dire que les personnels qui se décideront en fin de période de réflexion bénéficieront de la mesure de façon rétroactive.

Autrement dit, les personnels ont largement le temps de faire leur choix, y compris au regard du calendrier de la réforme des retraites.

Vous l’aurez compris, la réforme LMD marque une avancée majeure dans l’histoire de notre système de santé et des professions paramédicales.

Fondée sur un souci d’équité et de cohésion – autant de valeurs que notre service public a à cœur de défendre –, cette réforme répond aux nouvelles évolutions démographiques.

Qui songerait à nier, en effet, que la démographie et l’exercice paramédical ont considérablement changé depuis 1969, date à laquelle le corps des infirmiers a été classé en catégorie active ?

L’espérance de vie des infirmières s’allonge : elle est aujourd’hui semblable à celle des autres femmes françaises.

L’âge de départ à la retraite recule dans les faits. De nos jours, les infirmiers cessent en moyenne leur activité à cinquante-sept ans, tendant ainsi à s’aligner sur le régime des infirmiers du secteur privé, qui partent à la retraite à partir de soixante ans, comme ceux des autres pays de l’Union européenne, quel que soit leur mode d’exercice.

Enfin, c’est aussi une mesure de cohésion et de justice sociale que de faire évoluer leur statut vers un meilleur équilibre avec celui de la majorité de nos concitoyens.

Pour l’ensemble des professionnels exerçant à l’hôpital, l’enjeu consiste davantage aujourd’hui à penser des conditions de travail « durables », favorables à l’entretien tout au long de la vie du « capital compétences » et du « capital santé » de l’agent : formation, mobilité, rendez-vous de carrière réguliers.

C’est bien l’individualisation des parcours professionnels, la variété des modes d’exercice, la qualité des organisations, des équipements et du fonctionnement des équipes qui sont garants de la qualité de vie au travail et, au final, de la qualité des soins.

C’est donc une gestion des ressources humaines innovante que j’appelle de mes vœux. Je sais que les spécialistes de la gestion des ressources humaines dans nos hôpitaux y consacrent beaucoup d’énergie et je veux les aider. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de confier une mission sur la rénovation de la GRH à Michel Yahiel, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, et Danielle Toupillier, directrice du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Je le redis, la création de nouveaux corps en catégorie A à la suite de la reconnaissance universitaire des formations paramédicales constitue, pour toutes et pour tous, bien plus qu’une revalorisation statutaire, une reconnaissance sans précédent des talents et des potentiels, mais aussi une nouvelle façon d’envisager les conditions de travail. C’est, en somme, une véritable chance.

À chacune et à chacun de faire le meilleur choix, en conscience et en toute liberté, en fonction de ses besoins et de ses projets de vie.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est aujourd’hui saisi du dernier volet du triptyque « dialogue social », après le vote de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale dans le secteur privé et l’adoption de loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental et sa composante « salariale ».

Ce projet de loi constitue une étape nouvelle et importante. Résultat d’un accord négocié entre les pouvoirs publics et les organisations syndicales, il modernise profondément la concertation.

Mais le projet de loi déborde de son objet initial pour aborder divers aspects du statut de la fonction publique par des ajouts divers et d’importance inégale.

C’est ainsi que la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis, sur le rapport de notre collègue Sylvie Desmarescaux, de l’article 30 supprimant le classement en catégorie active des corps et cadres d’emplois d’infirmiers et de personnels paramédicaux accédant à la catégorie A.

Le texte a été déposé le 1er avril 2009 sur le bureau de l’Assemblée nationale, qui l’a adopté le 27 avril 2010. Il comporte trois parties distinctes.

La première partie est consacrée à la rénovation du dialogue social, transcription d’un accord signé entre les partenaires sociaux à l’origine du projet de loi.

La deuxième partie, c'est-à-dire le volet « infirmières », introduit par lettre rectificative adoptée en conseil des ministres le 23 février 2010, constitue la mise en œuvre d’un engagement du Président de la République.

Enfin, la troisième partie contient des retouches au statut dans le sens des évolutions souhaitées par le Gouvernement, votées par l’Assemblée nationale.

L’Assemblée nationale a notamment adopté les fondements législatifs de la nouvelle politique de rémunération des agents publics par la prise en compte dans le régime indemnitaire de la performance individuelle du fonctionnaire et de la performance collective des services, la création d’un grade à accès fonctionnel dans les corps et cadres d’emplois de la catégorie A.

La commission des lois du Sénat a tenu à ce que les évolutions souhaitées se fassent dans le respect des particularismes : « ratifier » l’accord du 2 juin, oui, mais sans niveler la diversité des fonctions publiques, monsieur le ministre ; nous avons eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises.

Il a été volontiers pris acte des négociations conduites avec succès par le Gouvernement. Elles aboutissent sans conteste à une modernisation, dans le cadre légal, du dialogue social dans la fonction publique, qui doit en améliorer les pratiques.

Cependant, l’unité ne doit pas être l’unification.

La rénovation entreprise ne doit pas conduire à niveler les particularismes des trois fonctions publiques – fonction publique de l’État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière –, qui tiennent notamment au cadre d’exercice des agents.

À l’État, employeur unique et pour tout dire « désincarné », s’oppose la réalité du dialogue social dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale, qui réunit responsables et délégués d’établissements et de collectivités.

La suppression du paritarisme ne doit pas conduire à une dilution de ce dialogue.

La commission a apprécié l’avancée réalisée à l’Assemblée nationale pour atténuer la radicalité de la suppression du paritarisme numérique dans la fonction publique territoriale en offrant à chaque collectivité la possibilité de la maintenir dans les comités techniques.

La commission a prévu la même règle pour les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Elle a renforcé l’articulation entre le Conseil commun et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. À cet effet, elle a, d’une part, prévu dans l’instance inter-fonctions publiques la présence de droit du président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et, d’autre part, précisé la compétence matérielle du Conseil commun en en excluant l’examen des textes spécifiques propres à chaque fonction publique, notamment les décrets d’application des modifications du statut général. La commission a complété cette coordination en prévoyant la participation aux séances, sans voix consultative, du président du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.

Le CSFPT ne doit pas être dessaisi des sujets relevant de la fonction publique territoriale : il doit pouvoir émettre un avis sur les orientations des nouveaux dispositifs, quand bien même ceux-ci relèveraient du Conseil commun.

Il ne s’agit ni d’affaiblir celui-ci ni de s’opposer aux convergences nécessaires entre les trois versants de la fonction publique ; il s’agit de reconnaître l’identité de chacun et de préserver un fonctionnement harmonieux des trois versants de la fonction publique.

La commission a complété le volet « dialogue social », en premier lieu, pour ajuster la représentation des personnels dans les instances de la fonction publique hospitalière et, en second lieu, pour préciser l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

Elle a tenu compte des résultats des élections aux comités consultatifs nationaux, qui représentent les personnels de direction et les directeurs des soins pour la répartition des sièges au CSFPH. La même précision a été apportée pour la période transitoire.

La commission a exclu les agents des corps de direction du collège « personnels » des comités techniques des établissements hospitaliers et sociaux et médico-sociaux. Recrutés et gérés à l’échelon national et, à ce titre, relevant d’un comité consultatif national, ces agents président les comités ou peuvent être amenés à suppléer le président.

La commission a enfin modifié le dispositif d’entrée en vigueur des nouvelles règles de désignation des membres des instances consultatives dans les trois versants de la fonction publique. Ces ajustements doivent permettre au Gouvernement d’organiser l’harmonisation voulue des cycles électoraux.

Une première étape interviendrait à la mi-2011, avec les élections dans la fonction publique d’État et dans la fonction publique hospitalière, pour parvenir à la convergence à la fin de 2014 avec la fonction publique territoriale.

En un mot, la nécessaire convergence des statuts de la fonction publique ne doit pas être une raison de supprimer les originalités qui caractérisent et enrichissent chacune d’elle, en particulier dans l’exercice du dialogue social.

Réformer le régime de retraite des infirmières en toute transparence, tel est l’objet de l’article 30.

La commission des lois a décidé de s’en remettre à la commission des affaires sociales, saisie pour avis, pour l’examen de l’article 30 fixant les conséquences pour leur retraite de l’accession en catégorie A des personnels infirmiers et paramédicaux du secteur public.

Je rappelle que l’objet de la réforme est, d’une part, de classer les personnels infirmiers en catégorie sédentaire, en contrepartie de leur intégration à la catégorie A par application du dispositif « LMD » et de la revalorisation salariale correspondante ; d’autre part, d’ouvrir un droit d’option aux personnels en place, aujourd’hui classés en catégorie B en fonction à la date de publication de la loi, entre le maintien de leur situation actuelle en classe active ou l’intégration à la catégorie A en passant en catégorie sédentaire.

Tout en reconnaissant la nécessité d’harmoniser la mise en place du dispositif « LMD » avec les personnels en activité, votre rapporteur s’interroge sur les incidences de l’exercice du droit d’option sur les effectifs, que nul aujourd’hui n’est en mesure d’évaluer. En effet, un effet mécanique pourrait résulter de l’exercice du droit d’option par une partie des agents demandant leur mise à la retraite plutôt que de s’engager sur le prolongement de leur activité.

Or, dans ce métier plus qu’ailleurs, l’expérience est irremplaçable et la transmission des savoirs est précieuse pour la formation des jeunes infirmiers et la bonne marche des services. La disposition proposée devrait permettre le maintien en fonction des personnels de façon à « lisser » les à-coups de la pyramide des âges et atténuer les difficultés de recrutement déjà constatées.

Ainsi que nous avons eu l’occasion de l’évoquer à plusieurs reprises, j’attire l’attention du Gouvernement, madame le ministre, sur la nécessité impérieuse de permettre aux agents d’opter en toute clarté, c’est-à-dire de disposer de toutes les informations concernant leur situation personnelle.

Mme la ministre fait un signe d’approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Madame le ministre, lors de votre audition, vous avez évoqué – vous l’avez rappelé à l’instant – les divers moyens d’information prévus par le Gouvernement. Il importe de permettre à chaque agent de disposer des calculs nécessaires à l’établissement d’un état comparé de sa situation selon l’une ou l’autre option.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

La précision des informations délivrées suppose que le nouveau dispositif ait été stabilisé, notamment en ce qui concerne les grilles indiciaires.

La commission des lois prend donc acte des conclusions de la commission des affaires sociales, qui nous seront présentées dans un instant par Mme Desmarescaux.

Concernant les ajustements techniques, la commission des lois a réglé un certain nombre de dispositions du statut.

Elle a renforcé la protection des agents territoriaux en élargissant le suivi médical post-professionnel, introduit par l’Assemblée nationale, aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques. En effet, cette notion comprend non seulement les substances, mais également les préparations et les procédés.

Elle a clarifié le calendrier d’entrée en vigueur de la loi.

Elle a reporté de deux ans, en conséquence d’un retard de deux années du début de l’expérimentation de l’entretien professionnel d’évaluation dans la fonction publique territoriale, la date de présentation au Parlement du bilan global. C’est également un point sur lequel nous avons eu l’occasion de vous interpeller directement, monsieur le secrétaire d’État.

Elle a reporté de deux ans, comme pour la fonction publique territoriale, l’expérimentation de l’entretien professionnel dans la fonction publique hospitalière, faute de texte réglementaire d’application, et elle a déconcentré l’évaluation des directeurs des soins.

Elle a harmonisé la durée du temps partiel de droit en allongeant la durée maximale du cumul d’activités pour création ou reprise d’entreprise, portée à deux ans par la loi du 3 août 2009, et elle a supprimé la consultation de la commission de déontologie sur la demande de temps partiel de droit.

Enfin, elle a régularisé, à la demande du Gouvernement, le transfert des personnels du service technique interdépartemental d’inspection des installations classées de la préfecture de police de Paris en conséquence de la nouvelle organisation territoriale de l’État en Île-de-France.

Le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis comporte des avancées et des innovations importantes pour la démocratie sociale, la gestion et la rémunération des fonctionnaires. Il permettra d’associer plus étroitement aux évolutions de l’administration ceux qui l’incarnent, c’est-à-dire la communauté des agents publics.

Compte tenu de l’ensemble de ces dispositions et de ces observations, la commission des lois vous proposera, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur, M. Jean-Pierre Vial, des échanges fructueux que nous avons eus.

Les 270 000 infirmières et infirmiers qui travaillent dans nos hôpitaux revendiquent depuis longtemps, et à juste titre, une revalorisation de leur statut. Les gouvernements des années 1990 et 2000 ont reporté la réforme, mais le Président de la République, dès 2007, s’est engagé à la mettre en œuvre. Le moins que l’on puisse dire est donc qu’il s’agit d’une amélioration très attendue par la profession.

Vous l’avez dit, madame la ministre, la revalorisation sera à la fois statutaire et financière.

Statutaire, puisque les infirmières et les infirmiers, qui relèvent aujourd’hui de la catégorie B de la fonction publique, seront promus en catégorie A dès le 1er décembre 2010.

Financière, puisque cette promotion statutaire s’accompagnera naturellement d’un gain monétaire. Le glissement indiciaire s’effectuera en trois temps : 2010, 2012 et 2015. À cette échéance, un infirmier ou une infirmière en début de carrière percevra 176 euros nets supplémentaires par mois, soit 2 118 euros de plus par an. En fin de carrière, son traitement mensuel aura augmenté de 317 euros nets, soit 3 801 euros par an.

On peut donc en conclure que, incontestablement, le Gouvernement a tenu sa promesse à l’égard des infirmières et des infirmiers.

Cela étant, il faut le reconnaître, la réforme est plus complexe dans ses modalités que les chiffres ne le donnent à entendre.

Je pense évidemment au droit d’option : les personnels infirmiers pourront choisir de passer en catégorie A ou de demeurer en catégorie B. Ce choix ne sera pas neutre, car la revalorisation aura des contreparties. Les infirmières et les infirmiers qui choisiront de passer en catégorie A perdront le bénéfice de deux avantages : le droit de partir à la retraite à 55 ans et la majoration d’assurance retraite d’une année pour dix années de service. Ils seront donc classés en catégorie dite « sédentaire », avec un âge légal de départ à 60 ans et un taux plein à 65 ans. Ceux qui préféreront conserver les droits spéciaux que je viens d’énoncer bénéficieront bien d’une revalorisation financière, mais elle sera moins importante : environ 110 euros nets par mois, soit 1 320 euros par an.

À mon sens – et les quatorze syndicats infirmiers dont j’ai auditionné les représentants ne sont pas loin de partager cette analyse –, la promesse est indéniablement tenue pour 60 % des infirmières et des infirmiers, c’est-à-dire ceux qui sont âgés de moins de 45 ans. En effet, ces derniers choisiront certainement de passer en catégorie A et se préparaient de toute façon, étant donné l’évolution démographique, à ne pas partir à la retraite à 55 ans.

Les choses sont plus complexes pour les 112 000 infirmières et infirmiers âgés de 45 ans ou plus. Pour eux, on peut dire que l’engagement n’est que partiellement respecté, puisque s’ils bénéficieront bien d’une revalorisation, elle sera de moindre ampleur, ce qui a provoqué quelques légers mouvements de protestation.

Sensible à leurs arguments, la commission des affaires sociales a cherché le moyen de résoudre ce problème, en étudiant notamment la faisabilité et le coût financier d’une disposition qui autoriserait les infirmières et infirmiers ayant déjà quinze années de service à bénéficier du passage en catégorie A tout en conservant le droit de partir à la retraite à 55 ans. Ils pourraient ainsi garder les anciens avantages tout en profitant des nouveaux. Une solution de ce type avait été adoptée pour les instituteurs lors de la création du cadre des professeurs des écoles, en 1991. Le coût de la mesure et la menace éventuelle de l’invocation de l’article 40 m’ont conduite à renoncer à présenter un tel amendement : d’après nos calculs, la charge supplémentaire serait de 6 milliards d’euros sur trente ans.

On peut comprendre que les infirmières et les infirmiers qui approchent 50 ans ne soient pas pleinement satisfaits par la réforme. Cependant, étant donné le contexte budgétaire et les efforts que nous allons demander à la nation pour faire face au vieillissement de la population, je considère que cette réforme, à un détail près sur lequel je reviendrai dans un instant, est socialement juste.

J’y insiste, la réforme, même si elle ne satisfait pas tout le monde, est profondément juste, car elle tend à répartir équitablement les efforts entre les générations : aux plus jeunes, on accorde une promotion statutaire et financière importante, tout en leur demandant en échange de travailler plus longtemps ; aux plus âgés, on accorde une revalorisation moindre, mais bien réelle, tout en leur permettant de conserver des avantages auxquels les générations suivantes devront renoncer.

Ce principe d’équité intergénérationnelle, dont l’oubli coupable aurait des conséquences dramatiques sur l’avenir de notre pays, est ici respecté. Je ne peux imaginer, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne le serait pas à l’occasion d’autres réformes à venir.

Je souhaite également rappeler que le coût de cette réforme sera déjà, pour l’année 2015, ultime étape de la revalorisation, de près de 500 millions d’euros par an. De plus, avec le recrutement de nouveaux infirmiers et infirmières, qui accèderont directement à la catégorie A à partir de 2012, la dépense augmentera chaque année de 25 millions d’euros environ, pour se stabiliser lorsque l’ensemble du corps relèvera de cette catégorie, sans doute vers 2020.

Au vu de l’état des finances publiques, personne ne contestera qu’il s’agit déjà là d’un effort exceptionnel en faveur des infirmières et des infirmiers. L’accroître davantage est apparu déraisonnable à la commission des affaires sociales. C’est la raison pour laquelle elle ne proposera pas d’amendement en ce sens.

Cela étant, si le principe de la réforme me paraît juste, celle-ci peut encore être améliorée dans sa mise en œuvre. En effet, à compter de la parution du décret, annoncée pour fin juillet ou début août, le Gouvernement a prévu de laisser six mois aux personnels infirmiers pour exercer leur droit d’option. Ils devront donc avoir fait leur choix avant le début du mois de février 2011.

Or la loi portant réforme des retraites ne sera pas adoptée avant le milieu du mois d’octobre et sera promulguée, au mieux, en novembre. Elle aura pourtant une incidence sur le statut des infirmières et des infirmiers, notamment pour ceux d’entre eux qui auront choisi de passer en catégorie A, puisque le Gouvernement a annoncé qu’il privilégiera la piste d’un report de l’âge légal de départ à la retraite. Dans ces conditions, les infirmières et les infirmiers n’auront que deux mois environ pour se déterminer une fois toutes les données disponibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

Or il s’agit d’une décision très lourde, qui porte en réalité sur des choix de vie. On peut donc considérer que ce délai de réflexion est trop court et qu’il serait opportun de le prolonger.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

C’est d’ailleurs là une demande unanime des organisations syndicales, qui me semble légitime.

Néanmoins, Mme la ministre vient de nous le dire, le Gouvernement n’est pas favorable à une temporisation, car il privilégie une entrée en vigueur la plus rapide possible, ce que je peux aussi comprendre.

Voilà, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire sur cet article 30, court mais difficile, que nous aurons l’occasion d’examiner en détail.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « tournant historique », « ampleur de la rénovation », « modernisation très profonde », « consensus sans précédent », « nouvelle ère de démocratie sociale » : à lire l’exposé des motifs du projet de loi initial, on pouvait s’attendre à découvrir un grand texte, de ceux qui sont votés à l’unanimité et dans un enthousiasme sans faille. Malheureusement, le Gouvernement l’a tellement truffé d’articles additionnels hors sujet que ce texte restera une belle occasion manquée…

À l’origine, l’intitulé du projet de loi était « Rénovation du dialogue social dans la fonction publique ». Il s’agissait de la première étape de la mise en œuvre des accords dits de Bercy, signés le 2 juin 2008 par six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique de l’État, à savoir la CGT, la CFDT, la FSU, l’UNSA, Solidaires, la CFE-CGC : accords majoritaires, sans aucun doute !

À ce stade, sans souscrire totalement au dithyrambe de l’exposé des motifs, nous aurions pu trouver avec vous un terrain d’entente, même si nous sommes clairement opposés à la mise à mal du paritarisme, notamment dans la fonction publique territoriale, à propos de laquelle il ne saurait être question de museler les élus par une sorte de recentralisation. Notons que le relevé de conclusions des accords de Bercy n’évoquait rien d’autre que l’« évolution de la composition paritaire des instances », ce qui n’a évidemment rien à voir avec le contenu du présent projet de loi.

Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Lors de sa séance du 19 novembre 2008, il a très majoritairement rejeté l’avant-projet de loi, au motif que celui-ci organisait la fin programmée du paritarisme dans les comités techniques locaux et en son sein même.

De la signature des accords de Bercy, début juin 2008, au dépôt du projet de loi à l’Assemblée nationale, le 1er avril 2009, il aura tout de même fallu près d’un an. L’urgence ne semblait alors guère de mise. Le texte a ensuite attendu onze mois supplémentaires dans un tiroir à l’Assemblée nationale. Puis, soudain, il a fait l’objet d’un emballement extraordinaire, au sens strict du terme, c’est-à-dire hors de l’ordinaire.

Le 23 février dernier, une lettre rectificative ajoutait un titre II intitulé « Dispositions diverses relatives à la fonction publique ». Sous ce titre sibyllin, un seul article, mais aux conséquences très lourdes, puisqu’il conditionne le passage des infirmiers à la catégorie A, ce qui correspond à la reconnaissance légitime du niveau licence de leur diplôme, par le renoncement au départ à la retraite à 55 ans. Pour les personnels en fonction, un droit d’option valide seulement six mois est prévu pour choisir entre l’accession à la catégorie A, avec revalorisation, ou le maintien en catégorie active, avec départ à la retraite à 55 ans, sans même qu’un régime transitoire soit aménagé, comme cela avait été le cas pour les instituteurs.

Les infirmiers anesthésistes seraient les plus lésés par votre réforme : en effet, ils perdraient le bénéfice du classement en catégorie active, alors que, ayant fait cinq ans d’études, ils relèvent déjà de la catégorie A. Cela explique que 95 % d'entre eux aient fait grève le 18 mai dernier et qu’ils aient été 2 500 à signifier leur désespoir par le blocage, tristement spectaculaire, de la gare Montparnasse.

Mais pourquoi imposer ce troc scandaleux aux infirmiers, alors que le Président de la République a annoncé, lors du sommet social du 15 février dernier, ne pas vouloir passer en force sur la question des retraites ? « Nous prendrons tout le temps nécessaire pour dialoguer pour que les positions de chacun soient parfaitement comprises, pour que les Français soient clairement informés des enjeux et des solutions. » Tels étaient ses propres mots !

« Dialoguer », c'est bien le verbe qu’il a employé ! Pourquoi confondre dialogue et monologue en traitant à part la situation des infirmiers, au lieu de l’intégrer à la réforme des retraites, dont l'examen est annoncé pour septembre ? Si votre culture du compromis se borne à un simulacre de consultations syndicales, que ne devons-nous craindre du débat sur les retraites !

En effet, au travers de cet article 30, vous escamotez au passage, par l'annulation de la majoration de durée d'assurance retraite d’un an tous les dix ans d’activité dont bénéficient jusqu’à présent les agents travaillant dans les services de soins, la question de la pénibilité, pourtant essentielle ! Vous parliez de l’espérance de vie, madame la ministre, or nous ne sommes pas du tout d’accord avec vos déclarations sur ce sujet à l’Assemblée nationale !

Dans un courrier daté du 2 mai 2007, Nicolas Sarkozy, alors candidat à la Présidence de la République, s'était adressé en ces termes aux infirmiers : « Je mesure la pénibilité croissante de vos conditions de travail, en ville comme à l'hôpital, de même que la contribution irremplaçable des infirmières et des infirmiers au bon fonctionnement de notre système de santé et à la permanence des soins. » Ces paroles semblent bien oubliées, au moment où vous organisez un véritable marché de dupes.

En effet, une fois la majoration de la durée d'assurance retraite supprimée, l'allongement du temps de cotisation conduira les infirmiers à partir à la retraite non pas à 60 ans, mais, auminimum, à 62 ans ! Le calcul est simple : ajoutez quarante et une annuités à trois années d’études après un baccalauréat obtenu à 18 ans, et l’on aboutit bien à 62 ans. Or, ne l’oublions pas, la pyramide des âges des infirmiers est très déséquilibrée. Ainsi, au 1er janvier 2009, 54 % des infirmiers des établissements publics de santé étaient âgés de 40 ans et plus, 28 % d’entre eux de 50 ans et plus ! Le nombre des départs à la retraite est en constante augmentation : un infirmier sur deux sera parti d'ici à 2015. Vous courez donc le risque de les encourager à demander dès maintenant à prendre leur retraite, quitte à poursuivre leur activité dans le privé.

De surcroît, selon l'étude d'impact présentée dans la lettre rectificative, les économies attendues pour la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales seraient de 90 millions d’euros en 2011, de 184 millions d’euros en 2012 et de 439 millions d’euros en 2015. Dans la mesure où l'incidence financière de la réforme indiciaire et du classement des infirmiers en catégorie A serait de 100 millions d’euros en 2011 et de 200 millions d’euros en 2012, on peut conclure que l'abandon du critère de la pénibilité permettra de financer les retraites !

D’un point de vue formel, le recours à une lettre rectificative est suffisamment rare pour que cela n’indique pas l'importance qu’attache le Gouvernement à cet ajout totalement hors sujet par rapport au projet de loi originel. Cette importance fut encore soulignée, dès le lendemain, par la déclaration de la procédure accélérée.

En résumé, les accords de Bercy et leur traduction législative ont sommeillé près de deux ans, mais l'adjonction d'un seul article, déconnecté du texte autant que déplacé, a justifié un empressement des plus inédits. Comble de l’aberration, cet article superfétatoire vous place en flagrant délit d'entorse à votre propre texte ! En effet, celui-ci consacre le principe majoritaire, en subordonnant la validité d'un accord à la condition qu'il ait été signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentant au moins 50 % des voix. Or la mesure concernant les infirmiers est issue d'un protocole qui n’a été signé dans son intégralité que par le seul Syndicat national des cadres hospitaliers, que l’on peut qualifier à bon droit d’ultra-minoritaire, puisqu’il n’a obtenu qu’à peine 1 % des voix. Les organisations syndicales ont d'ailleurs boycotté la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière du 12 février 2010, convoquée en urgence avec pour seul point inscrit à l'ordre du jour le futur article 30. C’est bien la preuve que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, comme tendraient à le faire croire les propos lénifiants de Mme la ministre !

Provocation et flagrant délit sont à nouveau de mise avec d’autres ajouts, introduits cette fois par le biais d’amendements gouvernementaux apparus en séance à l'Assemblée nationale et relatifs à ce que vous appelez la « refondation salariale ». Le dépôt de tels amendements subreptices témoigne une fois de plus du respect dans lequel vous tenez le Parlement ! C’est surtout une belle illustration de votre conception du dialogue social, puisque l'intéressement collectif et le grade à accès fonctionnel ont été rejetés par les organisations syndicales ! Pourtant, lors de la présentation de l'agenda social de la fonction publique, le 26 mars dernier, vous leur aviez précisé que vous n’accepteriez aucun amendement allant à l'encontre de l'esprit des accords de Bercy. Or, les nouveaux articles 30 bis à 30 quinquies font suite à des discussions engagées en mai 2009 avec les quatre syndicats signataires du relevé de conclusions salariales du 21 février 2008 : l'UNSA, la CGC, la CFTC et la CFDT.

En ce même mois de mai 2009, le député Michel Diefenbacher a présenté au Premier ministre un rapport sur l'intéressement collectif dans la fonction publique. Ce travail a débouché sur un projet d'accord-cadre, que vous avez présenté, monsieur le secrétaire d’État, le 12 mars dernier. Mais vous avez dû mettre un terme aux négociations, car aucun consensus n’a pu se dégager, y compris avec les organisations syndicales favorables au principe de l'intéressement collectif. Le projet n'a donc jamais fait l'objet d'un accord !

Pourtant, les dispositifs rejetés par les partenaires sociaux réapparaissent au détour d'amendements qui s’apparentent à des cavaliers législatifs, sinon au cheval de Troie !

Je persiste à penser que la valeur du point d'indice doit demeurer la composante centrale de la rémunération des agents. En commission des lois, vous nous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'État, l'ouverture de discussions sur le point d'indice au début de juillet. Dont acte ! J’espère que vous montrerez plus de compréhension et d'ouverture au dialogue que vos prédécesseurs.

En attendant, vous ne faites que multiplier les mesures particulières, au détriment de la base indiciaire des salaires. Pourtant, vous le savez, ces dispositifs ne sont pas compris dans le calcul des pensions de retraite.

En juin 2008, suite à un accord minoritaire – déjà ! –vous avez instauré la garantie individuelle de pouvoir d'achat, la GIPA. En réalité, cette pseudo-panacée ne permet que de mesurer la perte liée à une revalorisation trop faible du point d'indice. Aujourd'hui, intéressement collectif ou prime de fonctions et de résultats sont de nouveaux avatars de la rémunération au mérite, réponse managériale inadaptée au service public.

Cette culture de la concurrence et de la rentabilité est contestable en ce qu'elle crée des tensions et du stress. À l'heure où des suicides survenus dans des entreprises renommées ont révélé le drame que pouvait constituer une pression excessive au travail, pourquoi copier les méthodes parfois abusives du management privé ?

Le service public ne se réduit pas à des données quantifiables. Il ne repose pas sur la performance individuelle de ses agents, mais sur le sens que ceux-ci donnent à leurs missions. On aboutit sinon à des absurdités, en concluant par exemple qu’une infirmière n’est pas performante parce qu’elle a passé du temps au chevet d'un malade. La politique du chiffre conduit immanquablement à des dérives : c’est un constat tiré de l’expérience. Ainsi, nous l'avons tous observé et déploré, le nombre des gardes à vue a augmenté de manière exponentielle depuis qu'il est devenu un critère d'évaluation de l'efficacité des services de police et de gendarmerie.

Vous affirmez, monsieur le secrétaire d'État, qu’il est possible de définir des « indicateurs de résultats » et que la qualité du service rendu au public par les agents peut se mesurer à la durée du temps d’attente aux guichets. Mauvais exemple s’il en fut, car le manque de personnel dans certaines administrations anéantit tout effort individuel. Que peut faire l'employé du service des étrangers de la préfecture de Bobigny, confronté chaque matin à une longue file de centaines de résidents étrangers attendant depuis des heures dans des conditions indignes et inhumaines ? Quels que soient sa bonne volonté et son dynamisme, il ne peut pas pallier à lui seul les carences induites par une politique de suppression de postes de fonctionnaires. Autrement dit, il sera très délicat, pour ne pas dire impossible, d'établir des indicateurs pertinents et incontestables. Et que l’on ne me parle pas d'enquêtes de satisfaction auprès des usagers ! Pardonnez-moi cet humour un peu facile, mais, à en juger par les derniers résultats issus des urnes, vous risqueriez de fortes déconvenues si vous tâchiez de mesurer l'efficacité gouvernementale au moyen d’un quelconque système de sondages ! Gare à vos primes, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement !

Concernant le chapitre salarial, j’évoquerai encore le grade à accès fonctionnel, introduit dans ce texte malgré l'échec des négociations menées avec les syndicats à la fin du mois de mars dernier. Ce grade supplémentaire, réservé aux cadres occupant de hautes responsabilités depuis huit à dix ans, ne devrait concerner que quelque 8 000 personnes, sur un effectif total de 1, 2 million agents de catégorie A dans la fonction publique de l'État. Alors qu'il conviendrait d'opérer une refonte globale de la grille, afin d'assurer des déroulements de carrière motivants, vous choisissez de privilégier une petite minorité de fonctionnaires.

À force d'insérer des articles additionnels abusifs, vous avez totalement dénaturé l'économie générale du projet de loi. D’un texte pour l'essentiel acceptable initialement, comportant même des avancées, on a fait un ensemble mal rabouté, où la volonté affichée de promouvoir le dialogue social est démentie par des passages en force sur la retraite des infirmiers ou le salaire au mérite. Et dire que vous avez osé, monsieur le secrétaire d'État, nous affirmer en commission des lois que ce texte « préfigure l'avenir des discussions dans la fonction publique » ! Que nous promettez-vous ainsi, si ce n’est un simulacre de consultation des syndicats, pour mieux les ignorer ? Cette attitude est d'autant plus choquante qu’elle s’inscrit dans un contexte où la fonction publique est depuis trop longtemps malmenée.

Le 2 mars dernier, à l’occasion d’un déplacement à Laon, où il a évoqué l'avenir de la fonction publique, Nicolas Sarkozy a pourtant encensé les fonctionnaires, leur recommandant d'être « fiers ». Permettez-moi de citer ses propos lénifiants : « On ne parle pas bien des fonctionnaires. On ne respecte pas assez vos compétences. On ignore les difficultés qui sont les vôtres. » Mais qui est ce « on » ? Qui maltraite les fonctionnaires, au travers d’une politique délibérément hostile ? Le Gouvernement fait sans cesse montre d'une attitude de défiance à leur égard. Tout se passe comme si, a priori, la dépense publique était forcément mauvaise, les fonctionnaires forcément trop nombreux et la fonction publique forcément inefficace : d'où la trop fameuse RGPP, que j'appelle volontiers réduction – ou régression – générale des politiques publiques. En effet, sous prétexte de moderniser, elle fait disparaître des pans entiers du service public.

Cette tendance est particulièrement sensible concernant les effectifs, régis en fonction de votre seule politique de non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux : 100 000 postes auront ainsi été supprimés entre 2007 et 2010, et 100 000 autres le seront au cours des trois prochaines années. Quel acharnement, alors que le nombre de départs à la retraite commence à diminuer ! On annonce 34 000 suppressions de postes pour 2011 : à moins qu’il ne soit arbitraire, ce chiffre s’avère désormais surévalué et devrait, selon votre propre dogme, être revu à la baisse.

Par ailleurs, j'aimerais faire un sort à votre affirmation selon laquelle la fonction publique territoriale embauche trop. Faut-il vous rappeler que, selon la Cour des comptes, l'État a transféré depuis 2004 quelque 128 000 emplois aux collectivités territoriales ? La mise en œuvre de vos politiques induit automatiquement des créations d'emplois, en premier lieu par la création de services de gestion des personnels transférés ! Je pourrais également citer les cas des personnels des crèches, des agences postales communales ou des maisons départementales des personnes handicapées…

De façon plus insidieuse, les collectivités territoriales sont amenées à embaucher pour pallier les carences de l'État. J’évoquerai, à titre d’exemple, l'accueil à l’école des enfants de deux à trois ans.

Bien que la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 précise que l’accueil précoce à l’école maternelle est une priorité dans les secteurs présentant un environnement social défavorisé, l’éducation nationale ne remplit plus son office. Dans la ville de Seine-Saint-Denis dont je suis maire, trois cents familles attendaient une solution. Il a fallu créer des crèches. Or une crèche de soixante berceaux représente vingt-cinq emplois. Vous aurez beau jeu, ensuite, de me les reprocher !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

J’aurais pourtant bien d’autres choses à dire, madame la présidente, mais je vais conclure !

La réforme des collectivités territoriales comporte également son lot d’incertitudes et d’inquiétudes. Tout cela crée une atmosphère assez délétère. C’est pourquoi la traduction législative des accords de Bercy aurait pu, aurait dû constituer un moment privilégié pour conforter les fonctionnaires, pour assurer les bases d’un dialogue social rénové. Malheureusement, vous avez instrumentalisé ce texte afin de faire passer tout autre chose, avec des ajouts qui vont jusqu’à contredire totalement son esprit originel.

Aussi le groupe socialiste ne peut-il, en l’état – restons optimistes ! –, voter un projet de loi désormais dénaturé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1946, le dialogue social a été conçu comme un compromis visant à contrebalancer la rigidité de la subordination statutaire par une consécration des garanties individuelles et collectives des fonctionnaires, car ces derniers ne sont pas des employés comme les autres.

Ce compromis fondateur s’est forgé entre principe hiérarchique et participation. Mais, aujourd’hui, le dialogue social dans la fonction publique présente de très nombreuses imperfections.

Certes, l’intitulé du présent projet de loi sonne, à l’évidence, plutôt agréablement à l’oreille, dans la mesure où personne ne saurait être contre l’idée de rénover le dialogue social dans la fonction publique.

Cependant, on a ripoliné les menuiseries sans prendre la précaution de vérifier qu’elles n’étaient pas vermoulues ! Or nombre d’éléments ont été incontestablement oubliés. Les organisations syndicales de fonctionnaires avaient certes d’abord émis un avis favorable, mais elles se sont quelque peu ravisées par la suite…

Par ailleurs, on relève certaines curiosités. Ainsi, il a été décidé de recourir à la procédure accélérée sur ce texte, alors qu’il avait été déposé à l’Assemblée nationale le 1er avril 2009 : son examen intervient presque quatorze mois plus tard ! Comprenne qui pourra ! Peut-être l’approche de l’été n’est-elle pas étrangère à cette situation, monsieur le secrétaire d’État, et souhaitez-vous avoir fait adopter ce projet de loi avant de partir en vacances…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Ce texte vise à améliorer les règles du statut de 1946, mais sans que soit exactement précisé lesquelles. Nous pourrions néanmoins nous féliciter d’une telle initiative, car ces règles n’avaient que très peu évolué jusqu’alors. Malheureusement, de nombreuses inquiétudes se font jour.

Une première inquiétude a trait à ce que j’appellerai le « paritarisme à la carte », qui constitue à l’évidence une entorse au principe républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

La France dispose des fonctionnaires les mieux formés et les plus efficaces au monde.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Sur quoi notre principe républicain est-il fondé ?

Certes, les élus décident, mais l’indépendance des fonctionnaires qui sont à leur service doit être garantie, à l’instar de celle des magistrats de la chambre régionale des comptes, dont la mission est de relever a posteriori d’éventuelles anomalies.

Or, avec le paritarisme à la carte, il est évident que le principe républicain n’est plus observé sur l’ensemble du territoire français. Pourtant, quand une loi a été votée, mieux vaut qu’elle s’applique à tous.

Le paritarisme est une réalité dans les collectivités territoriales. Le dialogue social y est de qualité, parce que, très souvent, l’employeur et les fonctionnaires se retrouvent autour d’une table pour un dialogue certes sans concession, mais tout à fait constructif dans l’immense majorité des cas.

Il convient en outre de signaler que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, lors de sa séance du 19 novembre 2008, a émis unanimement un avis défavorable sur le projet de loi et a dénoncé « la volonté de reprise en main forte de l’État », un « néo-jacobinisme » qui va incontestablement à l’encontre du discours officiel : il y a les paroles, et leur traduction concrète sur le terrain. Au demeurant, M. le rapporteur, de façon tout à fait courtoise et pudique, l’a donné à entendre…

Cette recentralisation manifeste, qu’on le veuille ou non, une défiance de l’État à l’égard des élus locaux, qui seraient coupables de gaspillage, responsables de l’embauche d’un trop grand nombre de fonctionnaires. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, comment se fait-il que les collectivités locales soient en moyenne peu endettées, contrairement à l’État ? Si les élus locaux étaient aussi mauvais gestionnaires et gaspillaient autant que d’aucuns le prétendent, cela se traduirait par de lourdes dettes.

Je souhaiterais maintenant évoquer l’article 30 du projet de loi et le statut des infirmiers et des personnels paramédicaux. Ces professionnels de santé sont inquiets quant à l’évolution de leur métier. Ils entendent que leur qualification soit reconnue à sa juste valeur, or il me semble que vous ne répondez pas avec suffisamment de précision à leurs légitimes attentes.

Vous leur proposez en effet de choisir entre l’intégration à la catégorie A, assortie d’une revalorisation salariale et d’un départ à la retraite plus tardif qu’actuellement, et le maintien de leur présent statut. Mais la question de la pénibilité n’est à aucun moment évoquée de façon précise, alors que nous savons tous qu’elle est essentielle pour ce type de professions. Il n’y a rien de commun entre le travail d’une infirmière ou d’un infirmier exerçant dans une maison de retraite dont nombre de pensionnaires sont quasiment grabataires et celui d’une infirmière scolaire, qui consiste surtout – ne voyez aucune connotation péjorative dans mes propos – à distribuer la pilule du lendemain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Certes, mais la pénibilité physique de leur travail n’est en rien comparable.

Si l’on ne prend pas en compte la pénibilité, on va susciter énormément de frustration chez ceux qui, trop éprouvés par leurs conditions de travail pour pouvoir retarder leur départ à la retraite, n’auront en pratique pas d’autre choix que de renoncer au passage en catégorie A. Au-delà des considérations financières, il y a la reconnaissance d’un métier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Il me semble que cet aspect n’a pas été suffisamment pris en compte, de même que l’alourdissement incessant des charges, du fait du vieillissement de la population.

Comme cela a été souligné tout à l'heure, il s’agit effectivement d’un cavalier législatif. Cet empressement est difficilement compréhensible, d’autant que la réforme des retraites sera examinée d’ici à la fin de l’année.

En définitive, nous contestons votre conception du dialogue social. Il s’agit bien là d’un passage en force, marqué par un certain mépris des partenaires sociaux, puisque les infirmiers et leurs organisations syndicales ont massivement rejeté l’intégralité de ce projet, qui n’a été accepté que par un seul syndicat.

Voilà pourquoi les membres du groupe du RDSE, dans leur grande majorité, sont extrêmement dubitatifs. Ils se montreront très vigilants au cours de la discussion de ce texte, qui comporte beaucoup trop de dispositions en trompe-l’œil, séduisantes tant que l’on ne les examine pas avec précision. Or, en l’occurrence, le diable se cache dans les détails !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 2 juin 2008, après consultation, six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique ont signé le « relevé de conclusions relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique » proposé par le Gouvernement. Ces accords, dits de Bercy, devaient entériner un certain nombre d’avancées sociales et démocratiques au sein de la fonction publique, où l’organisation du dialogue social est une tâche complexe.

Historiquement, les règles du dialogue social dans la fonction publique ont été conçues comme un compromis visant à contrebalancer une subordination statutaire rigide par une consécration des garanties individuelles et collectives des fonctionnaires. Ce choix, qui a ses avantages, notamment en termes de carrière, d’égalité de traitement et de stabilité de l’emploi, a malgré tout empêché le développement dans le secteur public d’une véritable culture de négociation sur les conditions de travail. Si des accords partenariaux existent, ils ne sont, à ce jour, pas véritablement opposables par les fonctionnaires, dont la situation relève du règlement. Il était donc impératif d’aller plus loin en créant les conditions d’une meilleure maîtrise par les fonctionnaires de leurs conditions de travail.

Depuis la signature de ces accords, nous attendions la modification du statut général de la fonction publique qui devait en découler. Nous espérions en effet que les avancées contenues dans ces accords connaîtraient une transcription législative et réglementaire fidèle, ce qui est le cas dans certains articles du projet de loi.

Ainsi, ce texte généralise la logique de l’élection aux organisations syndicales de fonctionnaires. Les élections aux comités techniques associeront l’ensemble des personnels titulaires et contractuels. Leurs résultats serviront de base au calcul de la représentativité syndicale, pour que la voix de chacun soit prise en compte à tous les niveaux.

La création d’une instance de dialogue social commune aux trois fonctions publiques, longtemps attendue, constitue également une avancée. En effet, les négociations étaient auparavant disjointes, alors que les enjeux étaient les mêmes pour les trois branches. Il était donc indispensable qu’une instance permette de les réunir autour d’une même table.

La reconnaissance des compétences développées dans l’exercice d’un mandat syndical au titre des acquis de l’expérience professionnelle est une autre avancée. Les formations reçues et les actions menées dans le cadre des activités syndicales débouchent indubitablement sur l’acquisition de savoir-faire. Elles seront désormais prises en compte dans l’évolution des carrières et auront pour effet de conforter celle-ci, ce qui pourra encourager les agents à s’engager dans la vie syndicale et dans le mouvement social.

Malheureusement, ces avancées trouvent rapidement leurs limites, et sont contrebalancées par quelques dispositions pour le moins critiquables.

Dès la fin de l’année 2008, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale nous alertait en publiant un avis défavorable au projet de loi issu des accords de Bercy. En effet, le texte qui lui avait été soumis annonçait la mort programmée du paritarisme dans les instances représentatives des fonctions publiques d’État et territoriale.

Certes, il avait été question, lors de la négociation des accords de Bercy, de modifier les règles du paritarisme, jugées parfois trop rigides pour permettre un bon dialogue, mais certainement pas de les supprimer totalement. Si tel avait été le cas, jamais une majorité ne se serait dégagée au sein des organisations syndicales pour approuver ces accords.

Cela n’a pas gêné le Gouvernement outre mesure, puisque son texte prévoit la suppression du paritarisme au sein des comités techniques, des conseils supérieurs des trois fonctions publiques, ainsi que dans l’instance commune à ces trois conseils supérieurs.

Les comités techniques ont en principe pour fonction de permettre des pourparlers entre les représentants du personnel et ceux de l’administration. Or un tel dialogue ne peut valablement s’instaurer que si les parties concernées sont représentées de façon plurielle et équitable. Si une seule d’entre elles peut prendre part au vote, la discussion devient purement formelle ; il ne s’agit plus alors que d’un semblant de démocratie.

Prévoir l’octroi du droit de vote aux seuls représentants du personnel altère considérablement les avancées contenues dans le projet de loi. L’administration ne fera plus qu’acte de présence. Dans ces conditions, comment envisager qu’elle prête une oreille attentive aux revendications des fonctionnaires ? Quel intérêt trouvera-t-elle à participer aux comités techniques ? Probablement aucun !

La disparition du paritarisme conduira à un affaiblissement de la qualité des débats entre syndicats et administration, voire à leur disparition. Il nous paraît pourtant pour le moins paradoxal que, dans un texte relatif au dialogue social, le Gouvernement introduise des dispositions qui n’ont fait l’objet d’aucun accord et qu’il supprime un outil de régulation démocratique. Cela est d’autant plus injustifiable que ces mesures figurent dans un projet de loi dont l’une des dispositions principales est l’instauration des accords majoritaires. En effet, l’accord de juin 2008 prévoit que, d’ici peu, un accord ne sera valide que s’il est signé par des syndicats représentant une base électorale de plus de 50 % des votants.

Malgré tout, les débats à l’Assemblée nationale ont permis d’infléchir quelque peu le texte en offrant à chaque collectivité territoriale la possibilité de maintenir le paritarisme dans les comités techniques. En outre, nous avons déposé des amendements tendant à renforcer ce principe, mais je crains que la commission n’ait d’ores et déjà décidé de les rejeter…

Enfin, reste la question de la concordance des élections. Telles qu’elles sont organisées aujourd’hui, les élections ne permettront pas une mise en œuvre globale et immédiate de la réforme du dialogue social. Si l’on souhaite que la représentativité syndicale prenne en compte les nouvelles règles du jeu d’ici à la fin de 2013, une période transitoire est indispensable. Or il semblerait que cela ne soit absolument pas une urgence pour le Gouvernement, en dépit des déclarations qu’il a faites. Un système bancal, alliant l’ancien et le nouveau régime, sera donc en vigueur pendant quelques années, ce qui, de fait, invalidera les avancées contenues dans le texte.

Quoi qu’il en soit, le paritarisme aurait pu être l’objet principal de ce texte. Cette question ayant été renvoyée à plus tard par les accords de Bercy, les débats auraient pu déboucher sur une avancée. Si tel n’avait pas été le cas, du moins aurions-nous pu peser le pour et le contre, entre les avancées permises par le texte et la fin du paritarisme.

Mais les modifications de dernière minute que vous avez apportées au texte nous privent de la possibilité de participer à un réel débat parlementaire. L’affaire fait désormais grand bruit : par le biais d’une lettre rectificative à ce projet de loi, vous avez ajouté au volet concernant la retraite des dispositions relatives à la mise en œuvre du protocole d’accord du 2 février 2010 sur le passage des infirmiers à la catégorie A.

Outre le chantage indigne que subissent les infirmiers –mon collègue François Autain, membre de la commission des affaires sociales, s’exprimera plus longuement sur ce sujet –, le procédé utilisé est tout simplement scandaleux. Pouvez-vous nous expliquer quel est le lien entre la rénovation du dialogue social dans la fonction publique et la retraite des professions paramédicales ? Pourquoi ne pas avoir attendu les négociations sur la pénibilité et sur les retraites concernant l’ensemble des salariés, qui devront de toute façon déboucher sur l’élaboration de textes de loi ? S’agit-il, en procédant catégorie par catégorie, de diviser les salariés, qui seront probablement opposés à votre réforme ? Cette façon de greffer au dernier moment sur le texte un autre sujet s’apparente à une basse manœuvre politicienne.

L’ajout d’un article relatif à la retraite des infirmiers n’est d’ailleurs pas le seul cavalier législatif de ce projet de loi. Le débat à l’Assemblée nationale a redessiné intégralement le texte, avec l’insertion d’articles instaurant des primes de résultats, des dispositifs d’intéressement collectif et autres parachutes dorés pour cadres de la fonction publique, bref des règles de management privé, dont on se demande d’ailleurs quel rapport elles ont avec le dialogue social !

L’introduction de l’intéressement dans la fonction publique, déjà expérimenté dans certains ministères, constitue une autre mesure n’ayant aucun lien avec les accords de Bercy. L’instauration d’une part d’intéressement dans la rémunération des fonctionnaires territoriaux faisait l’objet de négociations depuis plusieurs mois entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Bien que ces négociations se soient finalement soldées par un échec au mois de mars, le Gouvernement a décidé de passer en force en insérant une telle mesure dans le présent projet de loi.

Ces nouvelles dispositions prévoient qu’une partie de la rémunération des agents sera fondée sur la performance individuelle et mettent en place un intéressement collectif, déterminé selon la supposée « satisfaction des usagers ». De telles règles de management n’ont aucun rapport, de près ou de loin, avec le dialogue social, l’esprit de la fonction publique, les missions de service public ou l’intérêt général…

En somme, le texte que nous examinons aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le projet de loi initial. Au lieu de débattre d’un sujet clair et délimité – le dialogue social –, nous voici contraints d’aborder des thèmes aussi différents que la retraite, la pénibilité de certains métiers ou encore l’intrusion des règles du management privé au sein de la fonction publique, qui plus est après engagement de la procédure accélérée.

Vous organisez volontairement la cacophonie, la précipitation et l’éparpillement, afin de mieux diluer les responsabilités et de faire passer ainsi quelques-unes de vos réformes en toute discrétion. Le procédé commence cependant à être connu ! Vous aviez opéré de la même manière en insérant dans le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique des dispositifs permettant de licencier des fonctionnaires…

L’exposé des motifs du projet de loi a beau faire référence à un « tournant historique », à un « consensus sans précédent », à une « modernisation très profonde » ou encore à une « nouvelle ère de démocratie sociale », jamais un gouvernement n’aura fait autant de tort au service public et porté à ce point atteinte aux principes d’égalité et de modernité qui le sous-tendent. Tous les corps de la fonction publique subissent une saignée sans précédent du fait de la révision générale des politiques publiques, qui conduit à sabrer des pans entiers des services publics de la vie quotidienne.

Le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux a été justifié par un discours démagogique sur la nécessité de réduire les dépenses publiques. Or les économies ainsi escomptées ont aussitôt été perdues avec la réduction du taux de TVA applicable à la restauration. Cette politique a détruit des dizaines de milliers d’emplois utiles à des centaines de milliers de citoyens !

Les entreprises publiques qui subsistent sont quant à elles vendues à la découpe, sans aucun gain pour la société. Des services publics comme l’hôpital sont délibérément mis en faillite pour qu’ils puissent mieux être privatisés. À cette destruction en règle s’ajoute celle à venir des collectivités locales, qui, associée à la suppression de la taxe professionnelle, conduira à une déstructuration de l’équilibre économique et social de territoires déjà bien éprouvés.

Dans ces conditions, on comprendra que nous ne puissions accorder de crédit à un tel projet de loi. Sur le fond comme sur la forme, il dénature les accords initiaux et illustre un désengagement à l’égard du service public. Nous voterons donc contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Vial, le texte qui nous est soumis constitue la traduction législative des accords de Bercy, signés en juin 2008 par six syndicats représentant plus de 70 % des voix à l’échelle des trois fonctions publiques. Je tiens à saluer le large et inédit consensus trouvé il y a deux ans. Cette date marquera à jamais un changement de méthode. Ces accords concrétisent la volonté des syndicats et du Gouvernement de faire des concessions réciproques pour définir en commun les nouvelles règles du dialogue social.

Désormais, l’élection sera le premier fondement de la représentativité syndicale : elle sera organisée partout et pour tous. Tout syndicat légalement constitué pourra se présenter aux élections professionnelles. Les instances de dialogue social seront toutes composées en fonction des résultats d’élections désormais ouvertes à tout agent, qu’il soit titulaire ou contractuel.

Par ailleurs, la négociation sera le pilier fondamental du dialogue social. Elle se tiendra à tous les niveaux et sur tous les sujets.

Les accords de Bercy ont jeté les bases d’une culture de négociation et de partenariat, amenée à se substituer à une culture de confrontation plus formelle.

A également été posé le principe qu’un accord sera désormais reconnu valable s’il est signé par des syndicats représentant au moins 50 % des voix, c’est-à-dire à la seule condition qu’il soit majoritaire. Cette consécration de l’accord ne modifie néanmoins en rien son environnement juridique : la reconnaissance de sa validité n’implique pas d’effets juridiques, le fonctionnaire demeurant soumis à un statut fixé par le législateur et le pouvoir réglementaire.

En revanche, nous nous réjouissons que soient confortées la pratique de la concertation et la démarche consensuelle, par la responsabilisation des partenaires.

La démocratie sociale se concrétisera donc, pour 5, 2 millions d’agents, titulaires ou non, par l’élection de représentants au sein des instances consultatives.

La révision des règles de représentativité doit permettre de reconnaître la place des organisations syndicales qui recueillent des suffrages importants aux élections, tout en favorisant l’expression d’une diversité des sensibilités syndicales.

Le Président de la République s’était engagé à mettre fin au paritarisme numérique. Le projet de loi qui nous est soumis met un terme au caractère paritaire des trois conseils supérieurs de la fonction publique, ainsi que des comités techniques. Le groupe UMP ne peut que s’en féliciter.

J’ai entendu affirmer que « la suppression du paritarisme serait une remise en question du bon fonctionnement des collectivités territoriales et des instances de la fonction publique territoriale ». J’avoue que cet argument, avancé par l’opposition, me semble quelque peu obsolète. En quoi les collectivités territoriales connaîtraient-elles des défaillances de fonctionnement parce que la collectivité employeur ne participerait pas à égalité aux décisions prises par et pour ses employés ?

L’identification imparfaite d’un niveau de dialogue social commun aux trois fonctions publiques a trop souvent conduit à prendre pour référence la fonction publique de l’État pour le traitement des dossiers ayant des incidences sur les trois fonctions publiques.

C’est pourquoi nous trouvons tout à fait opportune la création du Conseil commun de la fonction publique.

Cette nouvelle instance examinera toute question commune aux trois fonctions publiques, s’agissant notamment des évolutions de l’emploi public dans toutes ses composantes, du dialogue social européen, de la mobilité entre les trois fonctions publiques, de la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, de l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique et de l’adaptation des conditions de travail à l’évolution des techniques, en particulier des technologies de l’information et de la communication.

Comment certains peuvent-ils encore affirmer que cette instance pourrait « condamner le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale à jouer les seconds rôles et limiter le rôle des employeurs de la fonction publique territoriale » ?

Comme l’a rappelé M. Bernard Derosier, député socialiste et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, « la création d’une instance commune de concertation aux trois conseils supérieurs est indispensable pour traiter les questions transversales aux trois volets de la fonction publique et pour s’interroger sur leurs relations ».

Ce conseil commun est une instance transversale dont la création s’inscrit dans la convergence voulue des statuts des trois versants de la fonction publique, qui me semble indispensable pour permettre les passerelles.

Cependant, une telle unité ne doit pas aboutir à niveler les particularismes. Le groupe UMP veillera à ce que le Conseil commun de la fonction publique œuvre pour l’unité, et non pour l’unification.

Comme le rappelle M. le rapporteur, il nous semble fondamental que, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, les employeurs locaux conservent un pouvoir propre d’expression sur les questions spécifiques à la fonction publique territoriale.

Par ailleurs, je tiens à saluer l’initiative du Gouvernement, qui a inséré l’article 30 du projet de loi. C’est la concrétisation législative du vaste plan de revalorisation statutaire et salariale de la profession d’infirmier et d’autres professions paramédicales voulu par le Président de la République.

Depuis vingt ans, les infirmières et infirmiers n’ont eu de cesse de demander la reconnaissance de leur diplôme au niveau de la licence et une revalorisation salariale pour les personnels qui pourront accéder à la catégorie A. Le groupe UMP se réjouit que soit désormais offerte aux infirmières et infirmiers qui le souhaitent la possibilité d’accéder à cette catégorie.

Bien évidemment, pour tout avantage, il y a une contrepartie : en l’occurrence, le passage de ce nouveau corps de la catégorie active à la catégorie sédentaire et, par conséquent, celui de l’âge de départ à la retraite de 55 ans à 60 ans.

J’en suis convaincu, l’ensemble de ces mesures permettront d’accroître l’attractivité des métiers infirmiers et paramédicaux, qui sont essentiels à la qualité de l’offre de soins dans notre pays.

Enfin, le groupe UMP salue le choix audacieux fait par le Gouvernement d’inciter les agents publics à la performance individuelle et collective. Ainsi, le projet de loi vise à modifier la politique de rémunération dans la fonction publique, avec l’instauration de la prime de fonctions et de résultats, la PFR. La rémunération sera donc déterminée selon trois critères : le grade, la fonction et le mérite.

Le groupe UMP tient à saluer l’excellent travail effectué par notre collègue et ami Jean-Pierre Vial. Nous voterons ce texte, qui a pour vocation de mieux défendre les agents publics et d’améliorer le service public rendu.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur l’article 30 du projet de loi.

Je ne reviendrai pas sur le paradoxe, déjà largement souligné, qu’il y a de voir figurer un tel article dans un projet de loi « relatif à la rénovation du dialogue social ». Outre que l’on se demande bien ce qu’il vient y faire, une telle initiative augure mal du futur dialogue social au sein de la fonction publique hospitalière !

En revanche, je m’attarderai sur ce qui m’apparaît, dans cet article, constituer un piège, dont seront victimes les infirmières et les infirmiers, spécialisés ou non, travaillant dans les structures hospitalières publiques.

En effet, voilà des années – je puis en témoigner – que les personnels paramédicaux concernés souhaitaient légitimement la prise en considération, sur les plans statutaire et financier, de leur niveau d’études, qui est au minimum de bac+3.

La réforme LMD et la reconnaissance de leur diplôme au niveau de la licence leur ouvrent l’accès à la catégorie A de la fonction publique. C’est une bonne chose. On aurait pu en rester là et opérer les reclassements qui s’imposaient pour les personnes intéressées en service dans les structures et institutions hospitalières concernées.

Tout le monde s’en serait félicité, moyennant quelques négociations salariales complémentaires, pour peu que les infirmiers anesthésistes diplômés d’État, déjà fonctionnaires de catégorie A, voient leurs cinq années d’études, soit un niveau équivalent à un diplôme universitaire de type master 2, sanctionnées par une majoration indiciaire spécifique.

Eh bien non ! Il a fallu que, dans le cadre de la réforme LMD et à la suite du protocole d’accord permettant le passage des personnels infirmiers en catégorie A, le Gouvernement introduise des dispositions visant à modifier le statut des infirmiers que nous retrouvons aujourd’hui dans ce fameux article 30 du présent projet de loi. Elles tendent à repousser de 55 ans à 60 ans la possibilité de partir à la retraite pour les infirmiers et les personnels paramédicaux.

Certes, ce faisant, le Gouvernement entend appliquer le droit commun applicable aux fonctionnaires en matière de retraite à l’occasion d’un passage de la catégorie B à la catégorie A. Toutefois, n’aurait-il pas fallu prendre le temps de négocier davantage avec les administrations et le régime de retraite concerné, afin d’obtenir une dérogation à ce principe de droit commun s’agissant du personnel infirmier et de chercher à lui conserver le bénéfice d’un classement dans la catégorie active pour son régime de pension, nonobstant son nouveau statut et le surcoût induit, d’ailleurs tout relatif par rapport à d’autres dépenses beaucoup plus critiquables ? Je pense que si ! Tel n’a pas été le choix du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, et nous le regrettons.

Dès lors, les organisations syndicales ont, presque unanimement, boycotté la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière qui avait été convoquée en urgence pour émettre un avis sur le projet. Par ce boycott, elles entendaient marquer leur désapprobation et leur refus de ce qu’elles considèrent comme un coup de force. Mon groupe dénonce et déplore la situation dans laquelle sont placés les personnels infirmiers hospitaliers.

Car enfin, pourquoi une telle précipitation ? Ne nous annonce-t-on pas depuis des semaines que nous serons bientôt saisis de projets de loi visant à remettre à plat tous les systèmes de retraite, au regard notamment de leur financement ? N’était-il pas possible de prendre en compte le cas spécifique du personnel paramédical hospitalier dans ces concertations sur les retraites ? La proposition qui nous est soumise aujourd’hui est-elle un ballon d’essai ? Dans ce cas, la cible serait pour le moins mal choisie, s’agissant de corps de métiers dont tous nos concitoyens louent les services éminents, tout en s’inquiétant de la pénibilité, due au stress croissant, au rythme de travail soutenu, à la station debout prolongée, au travail de nuit astreignant, à la nécessaire vigilance de chaque instant, au côtoiement continu de la souffrance, et souvent de la mort… Pendant plus de trente ans, j’ai pu le constater dans les hôpitaux publics que j’ai eu l’honneur de diriger !

Ainsi, le choix proposé à ce personnel est à la fois déstabilisant et injuste eu égard au classement en catégorie A d’autres corps de fonctionnaires voilà peu d’années. Je pense par exemple aux instituteurs, reclassés professeurs des écoles en 1991 sans que pareil dilemme leur ait été imposé.

Si l'article 30 est adopté, les infirmières et infirmiers qui choisiront d’être reclassés en catégorie A, outre qu’ils ne pourront plus partir à la retraite à 55 ans, se verront également privés du bénéfice de la validation d’une année d’assurance retraite supplémentaire pour dix ans de service accomplis.

Par ailleurs, les infirmiers anesthésistes diplômés d’État, qui relevaient déjà de la catégorie A, ne pourront désormais plus partir à la retraite à 55 ans, ce qui est inacceptable !

Le dispositif de cet article 30 représente un marché de dupes dont seront victimes les personnels infirmiers des hôpitaux publics. Cette question ne peut nous être soumise aujourd’hui à la sauvette, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, sujet dont le champ est suffisamment vaste pour se suffire à lui-même.

Je ne saurais terminer sans reprendre à mon compte une question que se pose le personnel infirmier : la pénibilité au travail s’achète-t-elle ? Notre réponse est non ! C’est pourquoi nous présenterons un amendement de suppression de l’article 30 et, si nécessaire, un amendement de repli.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

« Défiance » : tel est le mot qui me vient à l’esprit lorsque je cherche à caractériser l’idée que vous vous faites, de manière générale, des collectivités locales et de la fonction publique !

Sans doute me rétorquerez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que je vous fais là un procès d’intention. Pourtant, malgré vous peut-être, cette défiance transparaît sans cesse ! Je vais tenter de le montrer par quelques exemples.

Récemment, le Président de la République a annoncé que les dotations de l’État aux collectivités locales allaient être gelées. En soi, c’est déjà une mauvaise nouvelle. Mais il a ajouté qu’elles seraient de surcroît réparties selon des critères de bonne gestion !

Mes chers collègues, comment ne pas voir, dans une telle formule, le retour de la tutelle dans ce qu’elle a de plus détestable ? Si je comprends bien, monsieur le secrétaire d’État, cela signifie que des technocrates décideront d’en haut, si je puis dire, que telle collectivité est bonne gestionnaire et que telle autre l’est moins… Cela est indéniablement contraire au principe de la libre administration des collectivités locales ! Qui juge de la qualité d’une gestion ? Cela peut être, le cas échéant, la chambre régionale des comptes, mais ce sont d’abord les électeurs ! Comment ne pas voir dans cette affaire une volonté de reprise en main et, surtout, une marque de défiance à l’égard des élus locaux ?

Par ailleurs, s’agissant des effectifs de la fonction publique, le regretté Philippe Séguin avait montré l’absurdité de cette règle générale voulant qu’un départ à la retraite sur deux ne soit pas compensé.

M. le ministre de l'intérieur, M. le Premier ministre et M. le Président de la République sont intarissables sur le thème de la sécurité. J’aimerais leur demander de nous rappeler le nombre de postes de gendarme ou de policier supprimés dans la loi de finances de 2010…

L’idée qu’il faudrait, en toute circonstance et dans tous les secteurs, ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux débouche sur des absurdités totales ! Certains services sont sinistrés, des missions ne peuvent plus être remplies, mais toujours se manifeste une sorte de défiance à l’égard des fonctionnaires.

À l’échelon départemental, on connaissait naguère, entre autres, la direction de l’agriculture et de la forêt, la direction de l’équipement – mot désormais banni, paraît-il, mais auquel je suis attaché –, celle de la jeunesse et des sports… Tous ces services étaient bien identifiés par les citoyens. Aujourd’hui, ne subsistent plus que deux ou trois directions, dont nul ne comprend l’organisation technocratique ni ne retient l’intitulé interminable !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Comme le soulignait M. Mahéas, la réalité, ce sont les queues que l’on constate, par exemple, au service des étrangers de certaines préfectures, c’est l’incapacité de traiter humainement les problèmes !

En ce qui concerne le paritarisme, monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites, la main sur le cœur, qu’il subsistera.

M. le secrétaire d'État sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai longuement présidé des instances paritaires. La force du paritarisme, c’est qu’il impose le dialogue, la recherche du consensus. Sa vertu, c’est que lorsque ce dialogue, parfois très direct et difficile, débouche sur un accord, celui-ci est solide, respecté par les parties prenantes. Cela permet de faire de grandes choses ! Certains pays, comme l’Allemagne, en sont bien conscients.

Vous affirmez être favorable au paritarisme, mais en faire une option, comme vous le proposez, revient à le mettre en cause. Comme l’a souligné M. Fortassin, la loi républicaine doit s’appliquer partout. Or le texte qui nous est soumis permettra que ne soit plus pratiqué, dans un certain nombre d’instances, ce paritarisme républicain qui a pourtant porté ses fruits !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Sans reprendre l’excellente démonstration de mon ami Jacky Le Menn, je terminerai en évoquant la question du statut des personnels infirmiers et paramédicaux.

Manifestement, le dispositif de l’article 30 ne fonctionne pas.

Il a été dit et répété, y compris par le Président de la République, que vous ne passeriez pas en force sur la question des retraites et que vous feriez en sorte de mener la négociation jusqu’à son terme. Or, sur ce sujet, une seule organisation syndicale a donné son accord à votre texte, et elle ne représente que 1 % de la profession ! Vous vous félicitez néanmoins d’un magnifique dialogue, allant tout à fait dans le sens de l’histoire et conforme à vos promesses concernant le traitement de la question des retraites… Comment voulez-vous que l’on vous croie, monsieur le secrétaire d'État ?

Nous savons tous que ce dossier est difficile, que le dialogue et la concertation sont absolument indispensables. Cette concertation, vous la mettez certes en œuvre, mais vous ne pouvez affirmer qu’elle sera menée jusqu’à son terme, quitte naturellement à ce que le Parlement tranche au mois de septembre prochain, et vous satisfaire aujourd’hui que votre proposition ait recueilli l’accord d’un seul syndicat de personnels infirmiers, ayant obtenu 1 % des voix lors des élections professionnelles. Non, non et non !

Monsieur le secrétaire d'État, nous reparlerons de la réforme territoriale et du rôle que le Gouvernement entend faire jouer à l’État. Il est d’ailleurs heureux que le Sénat ait amélioré les choses, mais j’ai vu que, à l’Assemblée nationale, on revenait sur les dispositions que nous avions introduites pour défendre les libertés locales. Pour l’heure, j’indiquerai simplement que tant que vous serez dans un esprit de défiance à l’égard des collectivités locales, de leurs élus et des fonctionnaires, cela ne marchera pas !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention portera sur l’article 30.

Le classement en catégorie A des personnels infirmiers et paramédicaux a pour conséquence inattendue de les faire passer de la catégorie active à la catégorie sédentaire, ce qui les conduira à prendre leur retraite à 60 ans au lieu de 55 ans !

La perte de cet acquis, pour des raisons contestables et peu précises, suscite une certaine incompréhension. De plus, elle intervient à la veille d’une réforme des retraites annoncée à grand fracas. Je rappelle que le Gouvernement avait assuré que cette réforme tiendrait compte de ceux qui ont eu une vie professionnelle plus difficile. J’y reviendrai ultérieurement.

Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement avance en zigzag dans cette affaire. Aujourd'hui, il propose de revenir sur le classement en catégorie active des infirmiers. Or, assez récemment, le Gouvernement, par décret, a ouvert le bénéfice d’un tel classement à toute une série de personnels des douanes. Tout cela n’est ni très logique ni très cohérent !

D’ailleurs, les rapports de la commission des lois et de la commission des affaires sociales sont peu convaincants. Il en transpire même une certaine gêne…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Le rapport de la commission des lois consacre ainsi plusieurs pages et de nombreux développements, parfois hâtifs, à ce sujet, pour finalement botter en touche en renvoyant la question à la commission des affaires sociales. Cette dernière, quant à elle, en conclusion de brèves considérations très peu argumentées, s’exclame : « Vive le Gouvernement et vive le Président de la République ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Selon moi, l’article 30 a deux objectifs véritables.

Premièrement, il s’agit de répondre à un problème de démographie professionnelle. M. Vial l’écrit d’ailleurs dans son rapport : « L'objectif affiché par le Gouvernement est de permettre le maintien en fonction d'infirmiers en contrepartie de la revalorisation salariale résultant de leur classement en catégorie A. » L’ambition est donc de conserver du personnel en poste.

Deuxièmement, il s’agit d’étudier ce qui se passera si le Gouvernement décide demain de supprimer certains des avantages dont bénéficie actuellement telle ou telle profession. Ce dispositif est donc une sorte de ballon d’essai.

Nous demanderons la suppression de l’article 30 parce que la négociation a été bâclée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Lorsque des infirmiers se couchent sur les rails de la gare Montparnasse, lorsque les organisations syndicales boycottent le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, lorsqu’un accord est signé par une seule organisation, ne représentant que 1 % des voix, cela ne peut pas fonctionner !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Il est nécessaire de revoir le dispositif, d’autant qu’il figure dans un projet de loi « relatif à la rénovation du dialogue social » : il fallait oser !

Il vaut mieux tout reprendre de zéro et supprimer cet article 30. Cela permettra de ne pas dissocier le cas des personnels infirmiers en vue de la réforme des retraites annoncée, de reprendre les négociations et enfin de manifester notre respect à des professionnels qui travaillent dans des conditions astreignantes et pénibles, souvent de nuit, qui sont assujettis à une vigilance de tous les instants et qui côtoient au quotidien la souffrance et la mort.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier de vos interventions, même si certaines d’entre elles ne m’ont pas semblé refléter parfaitement la réalité des choses ! Mes propos porteront sur trois points qui méritent à mon sens quelques précisions.

J’évoquerai tout d’abord une question formelle, mais néanmoins importante : doit-on être choqué par le fait que le Gouvernement introduise des amendements complémentaires dans un texte relatif à la transposition d’accords ?

Évidemment, madame Mathon-Poinat, monsieur Mahéas, il est sain de rechercher des accords avec les organisations syndicales. De ce point de vue, nous avons d’ailleurs très nettement progressé ces dernières années. Ainsi, j’ai cité tout à l’heure deux accords, relatifs respectivement au dialogue social et à la santé au travail, qui ont été approuvés par des organisations syndicales représentant plus de 80 % des voix. Nous nous inscrivons donc dans une logique de négociation d’accords.

Cela interdit-il pour autant au Gouvernement d’introduire dans un projet de loi des dispositions supplémentaires…

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

… quand il considère qu’elles vont dans la bonne direction ? La réponse à cette question est bien entendu négative !

Je rappelle que les accords nous lient non pas juridiquement, mais politiquement. Le Gouvernement et les organisations syndicales les respectent, naturellement, mais le Gouvernement n’est nullement empêché d’agir en l’absence d’accord. Cela est très clair pour tout le monde. En 1945, Maurice Thorez lui-même affirmait nettement que la participation syndicale devait être compatible avec le pouvoir de décision des autorités responsables. Au demeurant, il arrive régulièrement que des dispositions ne figurant pas dans un accord parce qu’elles n’ont pas été approuvées par les organisations syndicales soient cependant mises en œuvre et recueillent finalement, à l’expérience, leur approbation. Dans un cadre statutaire, comme c’est le cas en l’occurrence, il est tout à fait légitime que le Gouvernement dispose de la liberté d’introduire par voie d’amendements des dispositifs qui lui semblent aller dans la bonne voie.

Je souhaite maintenant aborder la question du paritarisme, évoquée notamment par Mme Mathon-Poinat, ainsi que par MM. Mahéas et Fortassin.

Certains annoncent la fin du paritarisme, ce qui ne correspond pourtant pas au contenu du projet de loi. Pour ma part, je préfère tenter d’examiner objectivement comment les choses fonctionnent aujourd’hui.

J’observe tout d’abord que le système que nous souhaitons étendre est déjà en place, notamment dans la fonction publique hospitalière, où personne ne se plaint du fonctionnement des comités techniques d’établissement.

Ensuite, dans la fonction publique d’État, personne ne conteste non plus que les choses évoluent de façon positive. Que les représentants de l’État votent des dispositifs qu’ils ont présentés n’a vraiment aucun sens et n’aboutit qu’à une perte de temps, car un tel mode de fonctionnement est tout à fait chronophage et n’apporte aucune valeur ajoutée !

Reste enfin la fonction publique territoriale. Il existe quelque 55 000 employeurs locaux : au nom de quoi un modèle unique de fonctionnement paritaire devrait-il leur être appliqué uniformément ? De fait, ce projet de loi, contrairement à ce que j’ai souvent entendu dire, ne s’inscrit pas dans une logique de suppression du paritarisme numérique : il s’agit de laisser le choix aux collectivités territoriales, pour tenir compte de la diversité des situations.

C’est la raison pour laquelle – justement parce que nous sommes respectueux du principe de libre administration des collectivités territoriales, monsieur Mahéas – le projet de loi a évolué et accorde aujourd’hui aux collectivités locales qui le souhaitent la possibilité de maintenir ou non le paritarisme numérique. J’estime que, dans le monde actuel, c’est la souplesse qui doit caractériser nos modes d’administration ! Dans cette perspective, la mesure que nous préconisons va dans la bonne direction.

Enfin, j’aborderai la question des rémunérations.

Ce que nous avons fait ces dernières années dans ce domaine n’est pas aussi négligeable que certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ont donné à entendre.

La garantie individuelle du pouvoir d’achat, la GIPA, ce n’est pas rien ! La refonte de la grille indiciaire de la catégorie C, au travers des « accords Jacob » de 2006, ce n’est pas rien ! La refonte de la grille indiciaire de la catégorie B, menée par Éric Woerth et André Santini, avec la création du « nouvel espace statutaire », ce n’est pas rien non plus !

Dans le présent projet de loi, l’introduction du grade à accès fonctionnel, le GRAF, ne concerne pas simplement 8 000 agents, comme l’a rappelé à juste titre M. Mahéas, car cela s’accompagne d’une refonte du pied de la grille A, avec une bonification pour les premiers échelons. Le dispositif va donc nettement plus loin que la seule mise en place du GRAF.

En ce qui concerne la politique des effectifs, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ne s’applique pas uniformément à toutes les administrations, monsieur Sueur. Je n’aurais aucune difficulté à vous démontrer qu’elle est mise en œuvre dans certaines administrations mais pas dans d’autres : ce n’est pas un couperet qui s’abat de façon aveugle.

En outre, l’application de cette règle permet le financement de mesures catégorielles tout à fait importantes. Pour être précis, sur quelque 950 millions d’euros économisés annuellement, 450 millions d’euros sont « restitués » aux fonctionnaires sous forme de mesures catégorielles : nous sommes au-delà de la barre théorique des 50 %, et je crois pouvoir vous dire que ce sera encore plus vrai pour 2009.

J’ajoute qu’il ne s’agit en aucun cas, pour nous, de crier haro sur la fonction publique territoriale ; nous constatons simplement que ses effectifs ont beaucoup augmenté ces dernières années, puisqu’elle comptait, en 2008, 330 000 agents de plus qu’en 1998. Nous avons eu l’occasion d’en parler ensemble, monsieur Mahéas, lors de mon audition par la commission des lois : c’est là un chiffre objectif, non un jugement, et je souligne à nouveau ici qu’il s’agit d’une augmentation hors transferts de compétences. Par ces rappels, je souhaite simplement indiquer que notre politique mérite peut-être mieux que des jugements lapidaires.

Pour ma part, je m’abstiens de porter de tels jugements, me bornant à relever que nous pouvons sans doute améliorer notre système de gestion. À cette fin, le projet de loi prévoit la possibilité d’introduire l’intéressement collectif et la prime de fonctions et de résultats. Je me permets de vous rappeler, à cet instant, que le statut de la fonction publique de 1946 mentionnait à la fois l’intéressement collectif et la reconnaissance du mérite dans la rémunération du fonctionnaire : nous procédons donc non pas à un bouleversement, ni même à un aggiornamento, mais à une remise en ordre.

En effet, la situation actuelle manque totalement de transparence : il existe plus de 1 800 primes différentes dans la fonction publique d’État, et cet imbroglio rend difficile une mobilité répondant pourtant parfaitement aux desiderata des agents et à la nécessité de moderniser l’administration.

De plus, la clarification facilitera les évaluations. Si, au terme d’une discussion avec les organisations syndicales, nous parvenons à bien déterminer les trois critères d’attribution excellemment évoqués par M. Frassa, nous y verrons enfin un peu plus clair dans un régime indemnitaire fort compliqué. Voilà quelques jours, le président de l’Association des régions de France m’a d’ailleurs demandé que l’État envisage comment on pourrait rétablir un peu d’ordre dans tout cela, afin qu’un modèle d’organisation des primes puisse être proposé à la fonction publique territoriale. C’est sans doute là ce que M. Sueur appelle du néo-jacobinisme !

En résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement revendique la possibilité d’introduire dans un projet de loi un amendement complémentaire au texte d’un accord négocié avec les organisations syndicales, car il serait invraisemblable de ne pas le faire si le dispositif est dans l’intérêt des agents.

En ce qui concerne le paritarisme numérique, personne ne pourra valablement prétendre qu’il est supprimé dans la fonction publique territoriale.

Enfin, en matière de politique des rémunérations, je vous confirme que nous engagerons une large discussion avec les organisations syndicales à la fin du mois de juin. Elle se poursuivra jusqu’au mois de juillet, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre. Soyez assurés de notre volonté d’écoute. Cette discussion portera sur les évolutions indiciaires, certes, mais aussi, plus largement, sur le pouvoir d’achat : en 2009, si l’augmentation indiciaire s’est élevée à 0, 5 %, l’augmentation du pouvoir d’achat a été nettement supérieure.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Tout au long de la discussion des articles, je répondrai très précisément, comme je le fais toujours, aux diverses observations qui m’ont été adressées, par la majorité aussi bien que par l’opposition.

En cette fin de discussion générale, je voudrais simplement insister sur trois points.

Premièrement, un certain nombre des remarques que j’ai entendues semblent indiquer que la catégorie active aurait disparu. Or, ce n’est nullement cas ! Les infirmières et infirmiers qui souhaitent rester dans l’ancien système n’ont aucune obligation de rejoindre la catégorie A ! Ils bénéficieront même des augmentations de rémunération qui ont été prévues dans le nouvel espace statutaire. C’est donc un choix qui leur est ouvert, nous n’y revenons pas ! Un certain nombre de déclarations des sénateurs de l’opposition révélaient une confusion, ou la volonté de semer la confusion !

Deuxièmement, s’agissant des infirmiers anesthésistes, je répondrai beaucoup plus complètement à l’occasion de la discussion de l’article 30, mais je tiens à indiquer d’ores et déjà que, dans l’adaptation au dispositif LMD, nous procédons par étapes. Nous avons d’abord entièrement revu la conception des études au niveau de la licence. Il a toujours été convenu qu’à la suite du remodelage de la maquette des études à ce niveau, nous nous attaquerions aux masters. Un certain nombre de réunions sur ce thème ont déjà eu lieu au ministère de la santé et des sports, d’autres se tiendront en juin, en juillet et en septembre, parce qu’un tel travail s’effectue non pas dans la rue, mais autour d’une table, avec les organisations syndicales, les médecins anesthésistes, les sociétés savantes d’anesthésie, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Actuellement, la maquette de formation d’un infirmier anesthésiste ne correspond pas aux critères exigés, à juste titre, par ce dernier pour homologuer ce diplôme.

Bien entendu, je ne renvoie pas cette réforme aux calendes grecques : nous avons établi un calendrier et mon objectif est bien d’avoir réformé la maquette du master d’infirmier anesthésiste d’ici à la fin de l’année 2010. Nous devons donc respecter des délais serrés, mais j’estime qu’ils sont tout à fait tenables si nous travaillons sérieusement. J’aurai l’occasion de vous donner ultérieurement de plus amples informations sur cette question du master d’infirmier anesthésiste. Le dialogue n’a jamais été rompu, contrairement à ce que certains ont voulu faire croire, et les concertations se succèdent.

Troisièmement, sur la question de la pénibilité, j’aurai l’occasion, au cours de la discussion des articles, de vous présenter une argumentation très développée, ainsi qu’un certain nombre de chiffres. Ce sujet est inscrit à l’ordre du jour de nos discussions avec les organisations syndicales, qu’il s’agisse des deuxièmes parties de carrières ou d’une meilleure prise en compte de la pénibilité pour certaines catégories de personnels infirmiers. À cet égard, la reconnaissance universitaire des diplômes apportera d’ailleurs, par les possibilités qu’elle ouvrira aux infirmières et aux infirmiers, une première réponse.

En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt toutes vos interventions, auxquelles je répondrai de façon beaucoup plus détaillée dans la suite de notre débat. Je tiens à remercier M. Frassa de l’appui qu’il a bien voulu apporter au Gouvernement.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie, par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 54, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (486, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. François Autain, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’en venir à l’article 30 du projet de loi, qui constitue la raison essentielle de notre opposition à ce texte, je voudrais vous faire part de notre mécontentement quant à la méthode utilisée par le Gouvernement pour imposer la suppression de la pénibilité reconnue à la profession d’infirmier. Car c’est bien de cela qu’il s’agit !

Le texte dont nous discutons aujourd’hui avait initialement vocation à transposer dans la loi ce qu’il est convenu d’appeler les accords de Bercy.

Ces accords, signés par six organisations syndicales – la CGT, la CFDT, la FSU, l’UNSA, Solidaires et la CGC –, prévoyaient à la fois d’asseoir la représentativité des organisations syndicales sur leur audience et de favoriser la concertation. Sur ce dernier point, il était notamment envisagé de reconnaître les « accords majoritaires », c’est-à-dire de considérer comme valides les accords qui seraient signés par des organisations syndicales ayant obtenu au moins 50 % des voix à l’occasion des élections professionnelles.

Mais si ce projet de loi fait parler de lui, c’est moins en raison de ces deux dispositions que de deux autres, qui ne sont pas prévues par les accords de Bercy et que, madame la ministre, vous imposez contre l’avis des organisations syndicales.

Je veux parler, d’une part, de l’intéressement, qui constitue un pas supplémentaire dans le démantèlement de la fonction publique, et, d’autre part, du chantage odieux auquel vous avez soumis les infirmiers et personnels paramédicaux des établissements publics de santé en subordonnant le renforcement du pouvoir d’achat et la reconnaissance professionnelle au report de l’âge de départ à la retraite.

Avec cette méthode, nous sommes bien loin des déclarations que M. Éric Woerth, alors ministre du budget, des comptes et de la fonction publique, faisait en 2008, selon lesquelles le Gouvernement privilégierait la voie de la discussion.

Madame la ministre, vous aviez connaissance de l’opposition des organisations syndicales avant même le dépôt de cet article 30.

Lors des négociations sur le protocole d’accord relatif au passage de la profession d’infirmier en catégorie A, une seule organisation syndicale a approuvé votre proposition tendant à conditionner cette reconnaissance légitime par la suppression du droit à la retraite anticipée. Cette organisation, faut-il le rappeler, a obtenu moins de 1 % des suffrages, tous collèges confondus, lors des dernières élections professionnelles, et aucune voix dans le collège infirmier…

Avouez, mes chers collègues, qu’il est quelque peu singulier d’imposer par une loi censée sacraliser le principe de l’accord majoritaire une disposition assise sur un accord ultra-minoritaire !

Les organisations syndicales ont encore exprimé leur opposition à cette disposition à deux reprises, lors de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique, qui s’est d’ailleurs très majoritairement prononcé contre cette mesure, et au sein du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, qui lui aussi l’a rejetée.

La méthode n’est malheureusement pas nouvelle. Je me souviens qu’en 2008, vous aviez eu recours à un procédé identique pour mener une attaque sans précédent contre les 35 heures. Vous aviez alors intégré des mesures relatives au temps de travail n’ayant pas été approuvées par les organisations syndicales à un texte destiné précisément à transposer dans la loi un accord national interprofessionnel portant sur la représentativité des organisations syndicales dans le secteur privé. Les textes se succèdent et, malheureusement, les basses manœuvres politiques se ressemblent !

Mais, au-delà de la forme, déjà très contestable, c’est le contenu même de cet article 30 que nous entendons dénoncer.

Il s’agit en effet, sous prétexte de satisfaire une ancienne et légitime revendication des personnels infirmiers et paramédicaux des établissements publics de santé – le passage de la catégorie B à la catégorie A –, de supprimer le droit à bénéficier d’une retraite anticipée à 55 ans.

Or, contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, cette disposition ne représente pas une simple attaque scandaleuse contre un droit acquis. Elle est une traduction concrète de ce que nous dénonçons depuis le début du débat sur les retraites : la volonté du Gouvernement de ne pas traiter, voire de nier, la question de la pénibilité.

En effet, le Gouvernement propose ni plus ni moins que de demander aux infirmiers de choisir entre, d’un côté, le passage en catégorie A et les hausses de rémunération, d’ailleurs très faibles, qui l’accompagnent, et, de l’autre, le maintien du droit à la retraite à 55 ans.

Or, ce droit à la retraite anticipée à été accordé à ces professionnels en raison de la pénibilité de leurs conditions de travail. Leur demander aujourd’hui d’y renoncer, même volontairement, c’est considérer au mieux que cette pénibilité peut être financièrement compensée, au pire qu’elle n’existe pas.

Telles sont d’ailleurs les conclusions que nous tirons des propos que vous avez tenus, madame la ministre, le 7 avril dernier à l’Assemblée nationale : « Puis-je rappeler que le taux de ceux qui partent à la retraite avec une invalidité est de 6, 7 % dans la totalité de la fonction publique hospitalière et de 4, 7 % pour les infirmières ? Puis-je rappeler que la gravité de l’invalidité ne cesse de baisser pour les infirmières ? »

Pourtant, les faits sont tenaces. Si l’on s’en tient au recueil statistique réalisé en 2008 par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, sur 1 070 infirmiers pensionnés décédés, 192 étaient titulaires d’une pension d’invalidité, soit un sur cinq. Ces éléments relativisent quelque peu les statistiques que vous avez présentées devant l’Assemblée nationale !

De la même manière, comment ne pas tenir compte du nombre important d’infirmiers qui renoncent à exercer à l’hôpital public au bout de cinq ans d’activité à peine ? Ils représentent 8 % de l’effectif de la profession et citent majoritairement deux causes pour expliquer leur départ de la fonction publique hospitalière : le manque de travail en équipe et, surtout, l’épuisement lié aux conditions de travail.

Si tous ces arguments ne parviennent pas à vous convaincre, madame la ministre, je vous invite à lire le rapport du député Jean-Frédéric Poisson. Celui-ci fait la démonstration que l’espérance de vie d’un infirmier ayant effectué une carrière complète est réduite de six ans.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il suffit d’ailleurs d’aller visiter un service de nuit pour se rendre compte de la difficulté du travail. Les contraintes sont multiples, et les facteurs qui dégradent les conditions de travail et abîment tant le corps que le psychisme sont nombreux : exposition permanente à des lumières artificielles, recherche incessante du silence afin de ne pas réveiller les patients, manque de sommeil, lutte fréquente contre la somnolence qui pourrait porter atteinte à la qualité des actes, manque d’effectifs – au vu des projets actuellement à l’étude, la situation n’ira pas en s’améliorant – induisant un accroissement de la charge de travail, stress professionnel dû à l’impossibilité ou à la difficulté de résoudre de nuit des problèmes administratifs, obligation de se former pendant les temps de repos, enfin et surtout désocialisation, tant dans le champ de la vie privée que dans celui de la vie professionnelle.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

C’est totalement faux ! C’est Cosette !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Tous ces éléments, et bien d’autres encore, comme tout simplement le travail de nuit, qui ne correspond pas aux rythmes de l’organisme, …

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Personne n’est obligé de travailler la nuit !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

… sont la cause d’une pénibilité qu’il est impossible de nier. C’est pourtant ce que vous faites aujourd’hui, au travers de ce projet de loi.

En échange, me direz-vous, vous proposez une revalorisation de la profession et des hausses de salaire. C’est un peu comme si, pour vous, tout était marchand, échangeable ou quantifiable financièrement. Vous donnez un prix à la santé et à l’espérance de vie des infirmiers : c’est d’un rare cynisme !

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

N’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mais, à vrai dire, cela ne nous étonne guère.

En effet, lors du débat d’initiative sénatoriale intitulé « Pénibilité, emploi des seniors, âge de la retraite : quelle réforme en 2010 ? », les sénatrices et sénateurs qui sont intervenus au nom du groupe UMP proposaient de compenser en espèces la pénibilité. Pour notre part, nous considérions – et c’est la position que nous défendrons encore lors du débat sur le projet de réforme des retraites – que le travail ne devait pas réduire le temps de vie à la retraite, d’où la nécessité que la reconnaissance de la pénibilité ouvre droit à un départ anticipé.

D’une manière plus générale, madame la ministre, on voit bien que votre conception de la pénibilité est très restrictive. Votre volonté de soumettre l’octroi du bénéfice des mesures particulières liées à la pénibilité au contrôle d’une commission médicale l’atteste. La pénibilité n’est pour vous que la constatation d’un état de santé à un moment donné –celui de l’examen médical –, alors que nous considérons, pour notre part, que sa reconnaissance doit être fondée sur la carrière du salarié et ouvrir droit à une compensation en temps de retraite de la réduction de l’espérance de vie.

Cet article 30 démontre que le Gouvernement, dès lors qu’il est en situation d’employeur, ne se comporte pas différemment des organisations patronales. Celles-ci, je le rappelle, ont refusé la signature de l’accord sur la pénibilité, alors même qu’un terrain d’entente avait été trouvé avec les organisations syndicales sur les critères de son évaluation, les deux seuls points d’achoppement résidant dans les modalités d’appréciation de la pénibilité et dans le financement de sa prise en compte.

En effet, si le Gouvernement se dit prêt, comme d’ailleurs le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, à prendre en charge la pénibilité, c’est à la condition que cela n’entraîne aucune dépense supplémentaire. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir comment il entend compenser les faibles hausses de rémunération résultant du passage de la profession d’infirmier à la catégorie A. Selon le rapport présenté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, cette mesure est autofinancée à hauteur de 90 % par la réduction des pensions, tant dans leur montant que dans leur durée de versement : « Inversement, la suppression de la catégorie active aura pour effet de retarder le départ à la retraite des agents et donc de générer des économies importantes […]. On assistera en effet à une moindre charge de pensions, liée au décalage des départs, pour les régimes de retraite [et à] un supplément de cotisation au titre des infirmiers qui prolongent leur activité. »

Madame la ministre, la proposition que le Gouvernement a présentée aux organisations syndicales et que celles-ci ont très majoritairement refusée n’est pas acceptable ! D’une part, comme je l’ai déjà indiqué, elle constitue une remise en cause de la reconnaissance de la pénibilité du métier d’infirmier. D’autre part, elle vient amoindrir la portée de votre discours sur la nécessaire revalorisation de cette profession.

Disant cela, je pense particulièrement à la reconnaissance du diplôme d’infirmier d’État au niveau de la licence. Il ne s’agit pas là, contrairement à ce que pourrait laisser croire le « troc » imposé par le Gouvernement, d’une mesure de faveur. Depuis 1992, les études conduisant à la profession d’infirmier sont reconnues comme étant équivalentes à un diplôme de niveau bac+3. Le processus de Bologne et l’harmonisation européenne des diplômes imposent la reconnaissance de cette formation au niveau de la licence : il s’agit donc d’un droit, qui n’aurait jamais dû être conditionné par une remise en cause de la retraite à 55 ans.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Il y a le contenu de la formation !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cela est d’autant plus vrai que, depuis 1992, alors même que les responsabilités des infirmiers hospitaliers n’ont cessé de croître et leurs conditions de travail de se détériorer, leurs salaires sont restés assis sur une grille indiciaire correspondant à un niveau bac+2.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Ils n’ont pas cessé d’augmenter !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La demande de reconnaissance des professionnels est donc légitime, et, précisément pour cette raison, il ne fallait pas subordonner cette reconnaissance à la perte d’un droit acquis.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Pourquoi n’avez-vous rien fait lorsque vous étiez au gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Souhaitez-vous m’interrompre, madame la ministre ?

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Non ! Je note simplement que vous n’avez rien fait lorsque vous étiez au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

C’est dommage, car je vous aurais volontiers laissé la parole, avec la permission bien entendu de Mme la présidente !

Quoi qu’il en soit, non seulement vous entérinez la suppression du droit à la retraite à 55 ans pour les professionnels qui feraient le choix de la revalorisation, mais, en plus, vous instaurez un mécanisme rétroactif privant les infirmiers qui étaient déjà reconnus comme appartenant à une catégorie active ou qui avaient obtenu les bonifications prévues par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites d’en bénéficier. Même à l’occasion de la création du corps des professeurs des écoles, vous n’aviez pas osé proposer une telle régression ! Cela augure en tout cas de la cure d’austérité que vous entendez imposer très prochainement aux fonctionnaires…

Enfin, avant de conclure, je voudrais attirer votre attention sur la situation des infirmiers anesthésistes diplômés d’État, qui sont, d’une certaine manière, les grands perdants dans cette affaire.

En effet, les infirmiers anesthésistes diplômés d’État sont toutes et tous des professionnels très investis, qui ont fait le choix de se spécialiser et de passer un cours complémentaire d’une grande difficulté.

Ils assistent au quotidien les anesthésistes dont ils sont les seuls et uniques collaborateurs. De plus, ils sont capables d’assurer la prise en charge des patients lors de tous les types d’anesthésie, programmée ou en urgence. Ils sont les seuls aptes à effectuer des gestes d’anesthésie-réanimation, et à assurer la qualité et le maintien de l’efficience de l’acte anesthésique. Autant dire que leurs compétences, comme leurs responsabilités, sont importantes.

Ils jouent un rôle tellement important que les pouvoirs publics leur avaient reconnu la catégorie A, tout en conservant la catégorie active, c’est-à-dire le droit de bénéficier d’un départ à la retraite anticipé, en raison de la pénibilité et des contraintes de service qui s’imposent à eux.

Or, avec le passage de l’ensemble des infirmiers en catégorie A, ils perdent, sans aucune contrepartie, leur double reconnaissance : celle qui est incarnée par leur intégration en catégorie A venant reconnaître une spécialisation plus longue et très compliquée, d’une part, et celle qui est liée à la pénibilité, avec la reconnaissance de la catégorie active, d’autre part.

Pour autant, à l’inverse de l’ensemble des infirmiers diplômés d’État, les IDE, ils ne bénéficieront pas de revalorisation salariale. C’est pourtant la spécialisation la moins revalorisée au plan salarial. À titre d’exemple, la revalorisation d’un IADE en fin de carrière n’est que de 2 064 euros annuels, quand elle est de 3 801 euros annuels pour les infirmiers diplômés d’État, ou de 3 312 euros annuels pour un infirmier de bloc opératoire.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Vous venez de dire qu’ils n’en avaient aucune !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il faut que nous soyons bien clairs : il s’agit non pas pour nous d’opposer les salariés entre eux, mais de rappeler qu’il est inacceptable d’exiger de ces salariés qu’ils se forment plus que d’autres, qu’ils assument des responsabilités plus importantes sans pour autant voir leurs conditions de travail améliorées ni leurs salaires revalorisés.

Je veux ici rappeler avec force un principe fondamental que vous avez visiblement oublié : le salaire doit être la juste contrepartie du travail effectué et des qualifications qui y sont associées.

Le Gouvernement, madame le ministre, aurait pu entendre ce principe si vous aviez pris la peine de recevoir les représentants des IADE. Mais, à l’issue de leur manifestation devant le ministère de la santé et des sports, les infirmiers anesthésistes ont trouvé porte close et ont été contraints, pour se faire entendre, d’occuper les voies de la gare Montparnasse.

Le Gouvernement, sur ce sujet comme sur d’autres, est resté sourd au moment même où ce projet de loi, pourtant destiné à favoriser le dialogue social dans la fonction publique, était débattu. Tout cela est de très mauvais augure pour l’avenir.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous considérons que l’insertion de l’article 30 a perverti le sens premier du texte que nous examinons, et que nous persistons à penser qu’aucune mesure relative aux retraites ne doit être prise avant que ne soit examiné par l’Assemblée nationale le projet de loi les concernant, nous vous invitons à voter en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

En ce qui concerne le dialogue social au sein de la fonction publique, le souhait unanime des syndicats est que les accords de Bercy soient mis en œuvre au plus vite. Or l’adoption de cette question préalable aboutirait à un report de leur application. Le débat au Sénat doit permettre, comme cela a été évoqué par beaucoup, d’approfondir et de discuter certains points.

En ce qui concerne l’article 30, sur lequel Mme la ministre de la santé interviendra bien sûr plus longuement, il importe de rappeler un effet de calendrier. Le dispositif LMD entre en application cette année. Au moment même où les élèves infirmiers vont bénéficier de ce dispositif, il est donc très important que soit harmonisé le statut des infirmiers qui demandent justement à pouvoir bénéficier d’un statut correspondant, et notamment de pouvoir opter, pour ceux qui le souhaitent, pour la catégorie A.

Voilà les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

D’abord, je voudrais remercier M. Domeizel pour les propos fort aimables qu’il a tenus à mon égard ! Le rapport sur lequel j’ai travaillé n’est pas un rapport d’une page. Nous n’en avons pas la même lecture et ses propos sont injustes à l’égard du travail que j’ai pu accomplir.

Ensuite, si les propos de M. Autain ne sont pas désagréables pour ma personne, ils sont néanmoins injustes puisque le Gouvernement tient ses promesses aujourd'hui. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, tout est mis en œuvre pour permettre une véritable discussion, notamment avec les syndicats. Je les ai moi-même auditionnés, et ils ont travaillé avec le Gouvernement.

J’insiste aussi sur le principe du choix. Peut-être, Monsieur Domeizel, Monsieur Autain, n’ai-je pas été assez claire dans mon intervention à la tribune. J’ai pourtant expliqué que les infirmiers pouvaient choisir entre les catégories A et B. Je ne veux pas d’un tableau aussi sombre, tant de mon rapport que des propos que j’ai pu tenir en discussion générale.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Les conditions du reclassement en catégorie A ont été discutées dans le cadre du dialogue social.

Certes, je comprends les organisations syndicales. Certainement, si je m’étais trouvée à leur place, j’aurais adopté la même attitude ! Elles auraient sans doute voulu le treizième mois de pension de retraite supplémentaire, le treizième mois de salaire supplémentaire, le statut de catégorie A, tout en conservant le départ à la retraite avancé. Je peux tout à fait comprendre les organisations syndicales. Mais on peut aussi faire preuve de d’esprit responsabilité et comprendre que tout cela n’est pas possible.

Au début des années cinquante, les conditions de travail des infirmiers n’avaient absolument rien à voir avec celles que nous connaissons maintenant. Il faut constater que les carrières des infirmiers, notamment la pénibilité, ont fortement évolué par rapport au moment où l’on a adopté ce statut particulier.

Cette réforme est cohérente avec les évolutions démographiques que l’on constate, tant en termes d’espérance de vie qu’au regard l’invalidité. Je mentionnerai de nouveau les chiffres de la CNRACL.

Le pourcentage de départ en invalidité pour les infirmiers de la fonction publique hospitalière est en forte diminution depuis quinze ans, passant de 7, 8 % en 1993 à 4, 1 % en 2008. Ce pourcentage est nettement inférieur à celui que l’on constate en moyenne dans la fonction publique hospitalière.

Sur les trois dernières années, le taux de départ pour invalidité des infirmiers est toujours inférieur au taux moyen observé dans la fonction publique hospitalière, la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale. Ces chiffres sont absolument incontestables et ne sont d’ailleurs pas contestés par les organisations syndicales.

Il en est de même pour l’espérance de vie des infirmiers, telle qu’elle est constatée par la CNRACL. Notamment, il n’y a pas de diminution de l’espérance de vie pour les infirmières par rapport à la moyenne des femmes françaises.

À propos de la question de la pénibilité, je rejoins un certain nombre d’entre vous. La pénibilité, pour un métier ou un corps social, ne se résume pas à l’espérance de vie et à l’invalidité. Ce sont des sujets bien plus complexes. Il est admis couramment que sont pris en compte, pour évaluer la pénibilité d’un métier, d’abord, le transport de charges lourdes, ensuite, le travail posté et, enfin, l’exposition à des agents nuisibles à la santé.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je vais y venir.

En ce qui concerne le transport de charges lourdes, seulement 13 % des infirmiers y sont exposés ; un grand nombre d’agents de la fonction publique hospitalière qui ne sont pas des infirmiers transportent des charges lourdes. Une mesure générale paraît donc peu justifiée, et il faut davantage réfléchir aux conditions de travail et ne pas se limiter à l’avancement de l’âge de la retraite.

Le travail de nuit, quant à lui, est choisi : personne n’est obligé de travailler de nuit. §D'ailleurs, lorsqu’ils sont interrogés, les infirmiers, majoritairement, disent apprécier ce travail de nuit. Toutefois, je reconnais que le travail de nuit peut être un facteur de désadaptation professionnelle. Il ne doit pas durer trop longtemps et l’enjeu est de développer de bonnes pratiques. Nous nous y employons.

Toutes les évolutions que nous allons constater à l’hôpital vont nous permettre de mieux appréhender les conditions de travail. Quand on développe l’hospitalisation à domicile, la chirurgie ambulatoire, l’hôpital de jour – et ces évolutions caractériseront l’hôpital de demain –, on améliore considérablement les conditions de travail.

De plus, je rappelle que le travail de nuit en milieu hospitalier a pour conséquence de diminuer de trois heures la durée de travail hebdomadaire de trente-cinq heures, et suscite un certain nombre de primes, de suppléments de rémunération qui ne sont pas négligeables. Je tiens à votre disposition la fiche des indemnités afférentes au travail de nuit.

L’amélioration des conditions de travail permet de combattre la pénibilité ; c’est un objectif prioritaire et une préoccupation identifiée dans le protocole LMD. Ce protocole prévoit un volet spécifique, le volet n°5, signé par cinq organisations syndicales, et qui est intitulé « Amélioration des conditions de travail des personnels paramédicaux de la fonction publique hospitalière et accompagnement de l’allongement des carrières ». Le travail déjà accompli est donc considérable.

La reconnaissance du diplôme au niveau licence, pour répondre précisément à M. Autain, ne se réduit pas à une simple question de durée. Il s’agit d’une maquette de formation. Reconnaître et transformer le diplôme, le rendre universitaire, c’est aussi la possibilité de prolonger la carrière vers d’autres métiers, et d’appréhender ainsi la question des deuxièmes parties de carrière.

Quelquefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je me demande si nous avons eu raison de vouloir que les infirmiers déjà en poste voient leur carrière et leur statut reconnus au niveau A. Peut-être aurions-nous pu limiter le champ d’application de la réforme aux infirmiers qui sont entrés à partir de 2009 et qui vont sortir à partir de 2012 ? Néanmoins, j’ai voulu que les infirmiers déjà en poste et dépourvus de diplôme universitaire puissent bénéficier de la reconnaissance en catégorie A.

J’ai voulu, sans aucune condition, sans aucun délai ni quota quelconque, permettre aux infirmiers qui n’avaient pas de diplôme universitaire d’accéder néanmoins à cette catégorie A. Ce reclassement signifie pour celles et ceux qui le choisiront – et je remercie Mme Desmarescaux de l’avoir rappelé – un départ à la retraite aligné sur le régime de leurs collègues du privé, qui partent à soixante ans au lieu de cinquante-cinq ans, mais aussi des avantages en termes de salaire, de progression de carrière et de niveau de retraite.

Le sondage que j’ai fait effectuer auprès d’un échantillon statistiquement représentatif de plusieurs centaines d’infirmiers donne le résultat suivant : huit sur dix connaissent bien la réforme LMD ; 20 % d’entre eux ne sont pas encore en mesure de se prononcer ; mais, sur ceux qui expriment une opinion, 60 % sont favorables à la réforme.

Il y a 230 000 infirmiers dans la fonction publique hospitalière. Loin de moi l’idée de nier les difficultés de ce métier, dont l’exercice représente une formidable capacité d’accomplissement de soi, seul ou en équipe. La relation soignant-soigné met en jeu l’intégralité de l’être humain.

Une activité n’est pas pénible en tant que telle : ce sont le caractère répétitif, l’absence d’intérêt des tâches et l’ambiance de travail qui rendent l’organisation du travail plus ou moins pénible. Les recherches en psychodynamique du travail établissent un lien direct entre, d’une part, la qualité du management et l’organisation du travail et, d’autre part, la qualité de vie au travail, qui a elle-même une conséquence directe sur la qualité des soins.

Il ne s’agit donc pas d’établir une mesure globale, quantitative, pour répondre à un objectif qualitatif. Rien n’est plus absurde que de vouloir résoudre les effets de la pénibilité en avançant l’âge de la retraite. Cette solution n’est absolument pas adaptée à la question de la pénibilité. J’irai même jusqu’à dire qu’elle n’est pas éthique.

II faut impérativement lutter contre la pénibilité en renforçant les facteurs protecteurs : le travailleur doit être considéré dans son travail et dans son individualité ; il doit bénéficier d’autonomie et de marges de manœuvre ; l’organisation doit être lisible et juste, l’équipe soudée, les conflits éthiques ou de rôle régulés. Ces facteurs sont de mieux en mieux connus par les acteurs hospitaliers, qui travaillent déjà à de nouvelles formes de travail plus « durables », aussi bien en termes de santé qu’en termes de compétences. La réforme LMD nous permettra d’accélérer ces démarches auxquelles nous travaillons activement.

Monsieur Autain, je voudrais vous répondre sur la question des infirmiers anesthésistes. Il est totalement faux que nous ayons refusé de recevoir les organisations syndicales, comme certains l’ont affirmé. Nous l’avons fait à deux reprises, au cours de la semaine qui a précédé la manifestation et durant celle d’avant, et des relevés de conclusions ont d’ailleurs été établis à la suite de ces réunions.

Alors que je participais à une séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale, j’ai appris que la manifestation se détournait vers la gare Montparnasse. J’ai tout de suite envoyé des membres de mon cabinet et de mes services là-bas pour rencontrer les organisations syndicales. On peut tout de même difficilement faire plus ! Après la réunion de travail qui doit se tenir au ministère ce jeudi 3 juin, deux autres sont prévues, l’une en juillet et l’autre en septembre, pour bâtir cette maquette de formation.

En recevant les organisations syndicales, je n’ai fait que mon travail. Mais n’allez pas dire, monsieur Autain, que nous avons rompu les discussions ! C’est au contraire grâce au dialogue que j’ai noué avec elles que nous avons pu définir de nouvelles grilles salariales pour les infirmiers anesthésistes, bien plus favorables.

Le protocole du 2 février 2010 prévoit une augmentation annuelle nette de 2 879 euros pour les IADE en début de carrière et de 2 164 euros pour ceux qui sont en fin de carrière, ces derniers ayant bénéficié d’une mesure très favorable il y a quelques années. Cette mesure permet aux IADE de rester les infirmiers les mieux payés de toute la fonction publique hospitalière. Ils ne sont donc pas, comme je l’ai entendu dire, les « victimes » de la réforme.

Les infirmiers anesthésistes m’ont fait part de leurs craintes relatives à la reconnaissance universitaire de leur diplôme et au maintien de l’exclusivité de l’exercice de leurs compétences aux côtés des anesthésistes. Je les ai rassurés : il n’est pas question de revenir d’une manière subreptice sur le principe de l’exclusivité. Nous ne modifierons ni le code de la santé publique dans lequel ce principe est inscrit ni les décrets qui l’ont fixé. La délégation de tâches qui a été rendue possible par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » s’arrêtera à la porte de l’exclusivité reconnue aux infirmiers anesthésistes dans le code de la santé publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, n’organisons ni faux débat ni procès d’intention : ils n’ont pas lieu d’être !

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous travaillons à la « mastérisation » du diplôme. Les droits acquis des infirmiers anesthésistes ne sont aucunement remis en cause et, contrairement à ce qui a été avancé, une concertation est bien en cours avec les organisations syndicales.

Pour toutes ces raisons, je vous demanderai, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai omis de vous féliciter pour votre nomination. Permettez-moi de le faire maintenant, car mieux vaut tard que jamais !

La discussion de ce texte aurait pu être, pour vous, un long fleuve tranquille. Sous réserve de quelques ajustements, nous aurions en effet pu voter le texte dans sa mouture initiale. Je m’intéresse aux questions relatives à la fonction publique depuis des dizaines d’années et je voudrais rappeler – M. Hyest le sait mieux que quiconque – qu’il est arrivé au groupe socialiste de voter certains textes qu’il avait contribué à enrichir par un travail très constructif.

Sur la question du paritarisme, vous n’avez fait qu’une petite moitié du chemin ! Nous aurions aimé qu’il soit la règle et que le système que vous nous proposez soit l’exception. Il aurait fallu réfléchir plus avant au Conseil commun, afin qu’un décret en Conseil d’État définisse son rôle et ses attributions. Il aurait fallu également que la durée du mandat des personnels territoriaux soit portée de quatre à six ans. Ces quelques ajustements auraient permis une convergence entre les élections dans les collectivités territoriales et la durée des mandats. Nous aurions alors pu, je le répète, donner notre aval à ce texte, ou tout au moins nous abstenir lors du vote.

Nous avons reçu les organisations syndicales et je remercie M. Vial de m’avoir donné la possibilité de participer à un grand nombre d’auditions. Pas une seule, hormis l’organisation minoritaire, n’a soutenu le dispositif de l’article 30 ! Cela signifie bien quelque chose !

Madame la ministre, vous avez proposé cet article 30, qui ne concerne pas moins de 230 000 infirmiers, ce qui n’est pas rien ! Un calcul rapide effectué sur la base du sondage de Mme le ministre – sur les 80 % d’infirmiers connaissant la réforme, 60 % en sont satisfaits – le montre bien : pour un infirmier sur deux, la réforme pose problème.

Il eût donc été logique que, s’agissant d’un projet de loi relatif à la concertation avec les syndicats, vous vous impliquiez réellement, car c’est bien cela le dialogue social ! La commission des affaires sociales n’a d'ailleurs été saisie pour avis de ce texte qu’in extremis, la commission des lois ayant commencé seule à l’examiner.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Ce n’est pas moi qui saisis les commissions !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Votre ministère avait certainement commencé à travailler sur la question, mais une lettre rectificative ne constitue pas le cœur d’un projet de loi, elle n’est qu’un ajout. Il s’agit d’une question de méthode.

Ensuite, en déclinant toutes les difficultés liées à la catégorie A, on s’aperçoit qu’il faut procéder à des réajustements pour les 8 000 personnes concernées. S’y ajoutent les difficultés liées à la rémunération au mérite. La méthode est mauvaise !

L’opposition – sans vouloir parler au nom de mes collègues du groupe CRC-SPG – vous proposait de scinder ce texte en deux : il fallait commencer par travailler sur la première proposition, qui nous paraissait amendable quoique discutable. Ensuite, nous aurions abordé la question des retraites, en gardant à l’esprit la volonté affichée par le Président de la République de ne pas passer en force. Or, là, vous faites tout le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Scinder le projet de loi en deux aurait été une solution bien plus logique et beaucoup plus efficace.

Dans ces conditions, nous allons voter cette question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je mets aux voix la motion n° 54, tendant à opposer la question préalable, et dont l'adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement demandent le rejet de cette motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous passons donc à la discussion des articles.

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AU DIALOGUE SOCIAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Chapitre Ier

Dispositions communes aux trois fonctions publiques

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 55, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique est abrogée.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Le texte qui nous est aujourd’hui soumis constitue une nouvelle offensive contre la fonction publique.

Sous couvert d’engager une rénovation du dialogue social dans la fonction publique, acceptée par les partenaires sociaux, le Gouvernement procède à un démantèlement de la fonction publique, qui s’inscrit parfaitement dans un contexte européen. C’est d’ailleurs sans surprise que nous avons appris que Bruxelles entendait qu’il soit procédé à la transformation du statut de la SNCF en société anonyme.

Les dogmes libéraux ont pourtant encore récemment, lors de la crise, montré leurs limites. Malgré ce patent constat d’échec, nous continuons de voir transposer une logique d’entreprise au sein même la fonction publique.

Après avoir banalisé le contrat dans la fonction publique et le recours à l’intérim, on fait aujourd'hui un pas supplémentaire vers l’individualisation des rémunérations et la rémunération au mérite. Ainsi, on entend mettre en place une concurrence entre les agents d’un même service, voire entre les services eux-mêmes.

L’intérêt général est remplacé par la logique de la rentabilité et de l’efficacité, des critères que l’on évalue sans tenir compte du service rendu aux usagers. D’ailleurs, peut-on encore vraiment, aujourd'hui, parler d’usagers ? La sémantique a évolué, le terme « client » remplaçant progressivement celui d’« usager ».

Chaque nouveau texte contient des cavaliers législatifs, qui annihilent les bonnes intentions affichées en matière de concertation, de clarification et d’amélioration du service public.

Ainsi, dans le texte qui nous est aujourd'hui soumis, aux dispositions sur la rénovation du dialogue social a-t-on ajouté « diverses dispositions relatives à la fonction publiques ». Or seules les premières ont été discutées avec les organisations syndicales. C’est tout de même un comble pour un texte relatif au dialogue social !

Dans ces conditions, nous proposons d’abroger les dispositions de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, qui ne sont qu’une contribution au démantèlement du statut de la fonction publique et qui ont échappé au dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

La loi du 3 août 2009 offre aux fonctionnaires les moyens de réorienter leur carrière. En décloisonnant les fonctions publiques, elle permet de passer de l’une à l’autre.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.

La mobilité dans la fonction publique n’est pas une abstraction. C’est un élément tout à fait fondamental et indispensable, nous le verrons au cours des débats que nous allons avoir dans les prochaines semaines.

Madame la sénatrice, je ne déclinerai pas ici toutes les dispositions prévues dans la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, mais tous les agents de la fonction publique ne sont pas simplement intéressés par cette loi, ils sont directement bénéficiaires des dispositifs indemnitaires – les primes de mobilité, les indemnités de restructuration, les indemnités différentielles, etc. – prévus pour encourager le processus de mobilité.

Cette loi a été adoptée il y a juste un an. La remettre aujourd'hui en cause me semble complètement contre-productif.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Je comprends le souci de nos collègues du groupe CRC-SPG : on assiste, avec les suppressions d’emploi, à un certain démantèlement de la fonction publique. De plus, on peine à connaître le nombre réel de contractuels : on nous parle de 850 000 contractuels, alors qu’ils seraient au moins 1, 2 million !

Il ne semble donc pas absurde de demander que les organisations syndicales puissent intervenir et donner leur avis – je parle simplement de donner un avis – dans le domaine de la réorientation professionnelle ou de l’intérim pour faciliter l’emploi des contractuels. Certes, j’aurais aimé que l’on précisât un peu plus ces domaines d’intervention, mais nous partageons la philosophie qui sous-tend cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 56, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils et aux agents contractuels de droit public des administrations de l'État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales, à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire. Elle s'applique également aux agents contractuels de droit public des groupements d'intérêt public.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous estimons nécessaire de définir clairement les personnels auxquels ce texte s’appliquera : fonctionnaires, agents contractuels de droit public des administrations et des groupements d’intérêt public, les GIP.

En effet, ces dernières années, nous avons assisté à une forte multiplication du nombre de personnels contractuels embauchés dans les administrations, le recours à des contractuels étant de plus en plus fréquent dans les structures publiques et parapubliques. Aujourd'hui, cohabitent, au sein des mêmes structures, des personnels de droit public et de droit privé.

La volonté clairement affichée du Gouvernement est de restreindre toujours plus le statut et les règles spécifiques applicables aux agents publics. Chaque réforme est, pour lui, l’occasion de tenter d’appliquer le droit privé du travail aux personnels, notamment à leurs instances représentatives.

Le présent texte, même s’il respecte certaines spécificités de la fonction publique quant à la validité des accords, par exemple, n’échappe pas à cette tendance.

C’est pourquoi il nous paraît nécessaire d’être précis et d’insister sur le fait que ce texte doit aussi s’appliquer aux personnels contractuels des groupements d’intérêt public.

Dans la mesure où les groupements d’intérêt public sont des personnes morales de droit public, les conditions des négociations collectives doivent être les mêmes que pour les autres personnes morales de droit public. C’est d’autant plus vrai que les dispositions du code du travail relatives aux instances représentatives ne s’appliquent qu’aux GIP relevant du domaine industriel et commercial.

En conséquence, il est opportun de préciser que le texte s’applique également aux agents contractuels de droit public des GIP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Cet amendement, à l’instar d’autres amendements déposés par les mêmes auteurs sur différents articles, prévoit d’étendre les dispositions inscrites dans ce texte aux contractuels de droit public des groupements d’intérêt public, les GIP.

Toutefois, il convient de rappeler que les GIP sont des personnes morales de droit public. Les conditions de recrutement de leurs personnels sont précisées dans leur convention constitutive, selon le principe de la mise à disposition ou du détachement par les membres du groupement. Il peut donc s’agir d’agents publics ou de salariés ; c’est d’ailleurs la particularité des GIP.

Précisons que la mise à disposition ou le détachement sont ouverts à tous les fonctionnaires, y compris lorsqu’ils n’appartiennent pas à un corps ou cadre d’emplois d’un membre du groupement.

Certains GIP bénéficient de la possibilité de recruter du personnel propre, à la condition que ce recrutement conserve un caractère subsidiaire et se justifie par la qualification ou un besoin particulier. Celui-ci doit être décidé par le conseil d’administration, après autorisation du commissaire du Gouvernement et du contrôleur d’État.

Il est vrai que la multiplication des GIP et des dispositions les régissant entraîne parfois des imprécisions pour ce qui concerne le statut des personnels. C’est pourquoi un texte législatif unique a été élaboré, ainsi que l’avait préconisé le Conseil d’État dans une étude de 1996 ; il fait l’objet des articles 58 à 82 de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Ainsi mieux vaut renvoyer à la discussion de ce texte d’ensemble la proposition de nos collègues du groupe CRC-SPG.

En conséquence, la commission vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Pour les raisons précises exposées par M. le rapporteur, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 92, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dès lors que le Gouvernement entend, par voie d'amendement, de projet de loi ou de toute autre manière, réduire, diminuer ou supprimer un droit acquis aux personnels relevant de la fonction publique nationale, territoriale ou hospitalière, il est tenu d'assurer, par le ministère de tutelle, la concertation avec les organisations syndicales représentant les fonctionnaires concernés.

La parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cet amendement d'appel a pour objet de rappeler le Gouvernement à son obligation de dialogue avec les organisations syndicales dès lors que celui-ci entend porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, aux droits attachés aux fonctionnaires.

Cet amendement vise l’affaire de la gare Montparnasse. Vous vous êtes expliquée, madame la ministre, déclarant que vous aviez reçu les syndicats et que ceux-ci étaient, malgré tout, allés interrompre ensuite la circulation ferroviaire.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Au même moment !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mais si vous les avez réellement reçus, madame la ministre, les infirmiers anesthésistes n’avaient plus aucune raison de se rendre à la gare Montparnasse ! Pourtant, ils ont manifesté au prétexte que vous leur auriez opposé un refus !

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Ce sont de mauvais bergers !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J’avoue ne pas bien comprendre !

Je crois plutôt qu’ils ont demandé à être reçus le mardi 18 mai 2010 et que vous n’y avez pas donné suite.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mais si, ils ont été reçus par mes services, car j’étais à l'Assemblée nationale pour la séance de questions au Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J’aimerais donc savoir pour quelle raison vous ne les avez pas reçus ce jour-là.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je vais tout vous réexpliquer, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

M. François Autain. Je vous en remercie, car j’avoue que quelque chose m’échappe. Mais, vous savez, je suis un peu diminué…

Sourires

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oh non, pas du tout !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En fonction des explications qui me seront fournies, je retirerai peut-être mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

L’article 1er du projet de loi élargit le champ de la négociation aux conditions de travail, à la formation professionnelle et à l’action sociale notamment. Il devrait donc répondre aux préoccupations des auteurs de l’amendement.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, vous n’êtes absolument pas diminué, au moins dans votre pugnacité…

Sourires

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement, et je vais vous en donner les raisons.

Tout d’abord, je tiens à réaffirmer que l’augmentation des rémunérations profite également aux infirmiers anesthésistes, ce qui est d’ailleurs tout à fait normal, avec, certes, des modulations adaptées au fait que les augmentations avaient déjà fait l’objet d’un précédent protocole, relativement récent. Ainsi, en début de carrière, l’augmentation est bien de 2 879 euros nets, ce qui est considérable.

Par ailleurs, je redis ici que l’exercice réservé aux infirmiers anesthésistes – l’exclusivité même de leurs compétences – est absolument sauvegardé. Cette mesure est extrêmement importante, et nous sommes même en train de travailler avec les organisations syndicales sur la question de la mastérisation du diplôme.

Bien entendu, les organisations syndicales sont reçues au ministère ! Elles l’ont été les 3 et 10 mai dernier. Le mardi 18 mai, elles ont été reçues par mes services, puisque je me trouvais à l’Assemblée nationale, pour répondre aux questions au Gouvernement. Car nous sommes questionnées, monsieur Autain ! Vous le savez, ayant vous-même été ministre !

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Certes ! Mais vous vivez de souvenirs, et ceux-là doivent être vivaces. Les ministres sont interpellés par la représentation nationale et se doivent de répondre ! Néanmoins, j’ai veillé à ce que mes collaborateurs et mes services entendent les organisations syndicales.

Celles-ci seront de nouveau reçues jeudi prochain, conformément à un nouveau calendrier de négociation. Elles ne peuvent raisonnablement pas prétendre qu’elles ne sont pas traitées avec la considération qui leur est due !

Au bénéfice de ces explications, je vous demande donc, monsieur Autain, de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J’ai bien compris que Mme la ministre aurait souhaité rencontrer, si elle avait été disponible, les organisations syndicales. Toutefois, pour des raisons indépendantes de sa volonté, elle n’a pas pu les recevoir ce jour-là.

Satisfait de vos explications, madame la ministre, je retire cet amendement.

I. –

Non modifié

II. – Après l’article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, il est inséré un article 8 bis ainsi rédigé :

« Art. 8 bis. – I. – Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer au niveau national à des négociations relatives à l’évolution des rémunérations et du pouvoir d’achat des agents publics avec les représentants du Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers.

« II. – Les organisations syndicales de fonctionnaires ont également qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives :

« 1° Aux conditions et à l’organisation du travail, et au télétravail ;

« 2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ;

« 3° À la formation professionnelle et continue ;

« 4° À l’action sociale et à la protection sociale complémentaire ;

« 5° À l’hygiène, à la sécurité et à la santé au travail ;

« 6° À l’insertion professionnelle des personnes handicapées ;

« 7° À l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

« III. – Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s’exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l’objet et du niveau de la négociation.

« Une négociation dont l’objet est de mettre en œuvre à un niveau inférieur un accord conclu au niveau supérieur ne peut que le préciser ou en améliorer l’économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles.

« IV. – Un accord est valide s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l’accord est négocié. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par MM. Mahéas, Le Menn, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

représentants des employeurs publics territoriaux

insérer les mots :

formant le collège employeur du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale

La parole est à M. Claude Domeizel.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

La fonction publique territoriale comporte plus de deux millions d’agents. Elle est l’expression même de la décentralisation, bien mise à mal par le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui est en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

Surtout, la fonction publique territoriale comporte près de 60 000 employeurs : communes, départements, régions et établissements publics de coopération intercommunale. C’est d’ailleurs ce qui fait sa spécificité par rapport à la fonction publique d’État.

Cet amendement prévoit que le collège employeur du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, est consulté par le Gouvernement sur toute question relative à la politique salariale ou à l’emploi public territorial.

Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale est en effet l’instance paritaire de consultation nationale de la fonction publique territoriale. Il rassemble des élus locaux des communes, départements et régions et les représentants des organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale. Il est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur tout projet de loi ou texte réglementaire relatif à la fonction publique territoriale.

Bien entendu, il serait incompréhensible que cette obligation de consultation soit écartée, surtout pour ce qui concerne les salaires, quand bien même le collège employeur du CSFPT comprendrait des élus de l’opposition !

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

En l’état actuel du droit, le collège employeur du CSFPT est consulté par le Gouvernement sur toute question relative à la politique salariale ou à l’emploi public territorial. Cette précision a été introduite en 2007.

Les employeurs territoriaux invités à la table des négociations sont désignés par les associations d’élus.

Ensuite, le collège employeur du CSFPT est consulté sur les projets de texte mettant en œuvre les conclusions des accords signés. Il est donc associé aux différents niveaux de l’évolution de la politique salariale et de l’emploi public territorial et peut s’exprimer sur les propositions arrêtées à chaque étape.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui ne prévoit que l’intervention du collège employeur du CSFPT au cours des différentes étapes, en laissant de côté les associations des élus.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

La loi relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, une fois adoptée, viendra consacrer la pratique de la négociation et la légitimité des employeurs territoriaux à s’inscrire dans cette évolution.

La démarche qu’elle traduit illustre l’importance que le Gouvernement attache, d’une manière générale, au dialogue social, et plus particulièrement au rôle concret des collectivités dans ce dialogue. Cette démarche est d’autant plus justifiée qu’il est essentiel que leurs représentants puissent débattre des sujets susceptibles de faire évoluer les conditions d’emploi des agents publics ainsi que leurs rémunérations.

C’est dans cet esprit que le Gouvernement associe systématiquement, depuis le début de l’actuel quinquennat, les représentants du collège employeur du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, mais aussi les représentants des associations d’élus au travail de concertation ou de négociation de niveau inter-fonctions publiques. C’est le cas pour la négociation sur les salaires, la santé et la sécurité.

Le Gouvernement ne peut donc accepter l’amendement proposé, qui vise à écarter les partenaires, à ses yeux essentiels, que sont l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des régions de France.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 23, présenté par MM. Mahéas, Le Menn et Domeizel, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II ci-dessus :

« 1° les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation ;

« 2° les organisations syndicales qui ont recueilli aux dernières élections des titulaires de ces organismes consultatifs au moins 10 % des suffrages exprimées au sein des ou de la catégorie(s) de fonctionnaires que leurs règles statutaires leur donnent vocation à représenter.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Il s’agit d’un amendement de bon sens.

Les accords de Bercy ont prévu de consacrer le champ de la négociation dans le statut général de la fonction publique. Par ailleurs, l’obligation de négocier a été élargie aux sujets relatifs au pouvoir d’achat et aux conditions de travail. C’est cet esprit qui semble animer l’article 1er du texte que nous examinons aujourd’hui.

En effet, celui-ci prévoit que sont appelées à participer aux négociations les organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s’exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l’objet et du niveau de la négociation.

Pourtant, cette disposition n’est pas suffisante. On peut tout à fait imaginer que certaines organisations syndicales puissent ne pas disposer d’un siège dans les organismes consultatifs et, dans le même temps, représenter un pourcentage non négligeable de fonctionnaires.

Or, comme l’a souligné Éric Woerth lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a conduit « une réforme similaire dans le secteur privé avec la loi de rénovation de la démocratie sociale du 20 août 2008. Le présent projet de loi présente un certain parallélisme, mais aussi quelques spécificités très fortes ».

Cette loi de 2008 a notamment prévu que « sont représentatives […] les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale […] qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ». Cette disposition figure à l’article L. 2122-2 du code du travail. Elle permet aux syndicats catégoriels d’être considérés comme représentatifs dès lors qu’ils obtiennent 10 % des suffrages exprimés dans le ou les collèges des personnels qu’ils ont vocation à représenter.

L’amendement prévoit que les organisations syndicales qui ont recueilli aux dernières élections professionnelles au moins 10 % des suffrages exprimés peuvent participer aux négociations.

La position du rapporteur de ce projet de loi à l’Assemblée nationale n’est pas satisfaisante, bien qu’elle semble avoir évolué. Il a en effet affirmé que, « dans la fonction publique, les sièges seront répartis de manière strictement proportionnelle, sans seuil. Cela permettra à des organisations ayant obtenu moins de 10 % des voix d’être représentées ». Mais il s’agit ici non pas des conditions de représentation des organisations syndicales mais de la participation à la négociation.

D’ailleurs, le ministre lui-même a dit : « ma réponse est défavorable, mais avec une ouverture ». Or nous avons compris ce matin en commission des lois que cette réponse était peut-être liée à un autre amendement, qui aurait reçu un avis assez favorable.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous saisir de l’opportunité qui vous est donnée et à voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

J’essaie de comprendre les allusions de notre collègue, qui a évoqué très longuement la représentation catégorielle.

Tout d’abord, cet amendement est formellement contraire aux accords de Bercy, qui ont prévu la participation des organisations aux différents niveaux de négociation par référence à leur présence dans l’instance consultative du niveau.

Mais sans doute faut-il également réfléchir au pourcentage qui est proposé. L’étude, plus précise que les chiffres, montre que ce seuil entraînerait un émiettement qui irait à l’encontre des orientations des accords de Bercy, lesquelles visent justement à renforcer la représentation des organisations syndicales.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

L’alinéa 12 de l’article 1er a vocation à préciser qui est habilité à négocier, du côté des organisations syndicales, avec le Gouvernement et les représentants des employeurs publics.

Il s’agit, conformément aux accords de Bercy, M. le rapporteur vient de le rappeler, de consacrer dans le statut général le principe selon lequel l’administration ne peut négocier qu’avec des organisations syndicales représentatives.

Pour apprécier cette représentativité, le critère qui a été retenu dans ces accords et qui est repris ici fidèlement par le projet de loi est celui de la présence de l’organisation au sein de l’instance de concertation correspondant à l’objet et au niveau de la négociation.

Vous l’avez souligné, monsieur Mahéas, ce dispositif diffère, il est vrai, de celui qui est retenu pour le secteur privé, mais il est cohérent avec l’organisation du dialogue social dans la fonction publique.

À la différence du secteur privé, aucun seuil de représentativité n’est fixé par avance. Le nombre de sièges, qui varie en fonction du niveau de l’instance, détermine le quotient électoral, ce qui constitue une façon plus ouverte d’entrer dans le système.

Il n’y a pas, dans la fonction publique, de collèges électoraux distincts selon la catégorie hiérarchique des personnels.

Il existe des instances chargées des questions individuelles des personnels – ce sont les CAP, les commissions administratives paritaires – et des instances chargées des questions collectives, organisées par service : les CTP, les comités techniques paritaires, et les CHS, les comités d’hygiène et de sécurité.

L’esprit même des accords de Bercy est de promouvoir le vote de l’ensemble des agents d’un service – j’insiste sur cet aspect, qui reviendra dans le cadre de nos discussions – dans le cadre du comité technique dont ils relèvent, quels que soient leur statut, leur administration d’origine ou leur catégorie.

Pour cette raison, je ne peux être favorable à un amendement qui, en l’état, modifierait cet équilibre.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.