Précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une réforme des retraites. L’objet est ici d’accompagner la réforme LMD – licence, master, doctorat –, qui offre une avancée considérable dans la reconnaissance des infirmiers et, plus largement, de l’ensemble des professionnels paramédicaux.
Si vous me le permettez, je voudrais revenir en quelques mots sur cette réforme, à juste titre qualifiée d’historique.
Reconnaître le diplôme infirmier au niveau de la licence correspond à une demande forte des infirmiers et des infirmières depuis près de vingt ans, et c’est une promesse du Président de la République.
Depuis 1992, le diplôme d’État d’infirmier nécessite trois années d’études, et il était pourtant reconnu seulement au niveau « bac + 2 », et non au niveau « bac + 3 ».
Pourtant, les compétences et les responsabilités des infirmiers n’ont cessé de progresser, parallèlement aux évolutions scientifiques majeures qu’a connues notre système de santé.
C’est pourquoi, dès mon arrivée au ministère de la santé, je me suis saisie de ce dossier essentiel de la formation ; ce fut l’une de mes toutes premières priorités.
Depuis 2007, j’ai mené une très large concertation avec l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles des personnels paramédicaux. De nombreuses réunions, associant les personnels, l’appareil de formation et le monde universitaire ont permis d’élaborer un nouveau référentiel de formation.
Le nouveau diplôme d’État d’infirmier a donc été remanié et enrichi pour être reconnu, par le monde universitaire – ce n’était pas gagné !- au grade de licence. Les étudiants infirmiers qui ont entamé leur formation en 2009 en bénéficieront pleinement lorsqu’ils seront diplômés en 2012.
La même démarche est d’ailleurs entamée pour l’ensemble des professions paramédicales dont la durée des études est d’au moins trois années après le bac, soit au total près de quinze professions. Imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail de réingénierie des formations qu’il faut mener.
C’est une étape majeure dans l’histoire de la formation de ces professions.
Parallèlement à ces profondes évolutions, les formations des cadres de santé seront également réformées. J’ai d’ailleurs récemment confié à l’Inspection générale des affaires sociales une mission sur la rénovation de la formation des cadres hospitaliers.
Vous le voyez, il s’agit donc d’une réforme ambitieuse, d’une réforme qui participe de la modernisation de notre système de santé, d’une réforme qui vise la qualité des soins en nous donnant les moyens d’intégrer les progrès paramédicaux et de mieux répondre aux besoins de la population.
La réforme LMD permettra aux infirmiers et aux professionnels paramédicaux d’accéder à des formations supérieures et à de nouveaux modes d’exercice. Il s’agit donc d’une réforme non pas seulement « en stock », mais également « en flux ».
En disposant d’un diplôme d’État reconnu au grade de licence, ils pourront poursuivre plus facilement un cursus universitaire et développer une plus grande mobilité tout au long de leur carrière professionnelle, grâce à des équivalences avec tous les pays de l’Union européenne.
Celles et ceux qui s’intéressent à des prises en charge pointues ou à la recherche pourront construire des parcours professionnels innovants.
Cette réforme rend possible l’exercice de nouveaux métiers, des métiers paramédicaux experts, formés au niveau master. Aujourd’hui, en effet, il existe un hiatus entre les personnels paramédicaux, généralement formés à « bac + 3 », et les médecins, formés à « bac + 10 », en moyenne. C’est la gradation des soins qui s’en trouve empêchée, et à cela aussi, je tiens à remédier. C’est pourquoi j’ai décidé de lancer une mission sur ce sujet, confiée à Laurent Hénart, Yvon Berland et Danielle Cadet, que beaucoup d’entre vous connaissent.
Grâce à cette réforme, chacun pourra se recentrer sur son cœur de métier, en participant à la prise en charge sur les aspects qu’il connaît le mieux.
Chacun l’aura compris, cette réforme a des conséquences statutaires, et je veux m’y attarder à présent.
Nous avons voulu, sous l’impulsion du Président de la République, que cette reconnaissance du diplôme infirmier au niveau de la licence entraîne un recrutement en catégorie A, la catégorie la plus élevée de la fonction publique.
Ainsi, les étudiants entrés en formation en septembre 2009 achèveront leur scolarité en juin 2012 avec un diplôme reconnu au grade de la licence. Celles et ceux qui choisiront d’exercer dans la fonction publique hospitalière y seront donc tout naturellement et immédiatement recrutés en catégorie A. Nous aurions pu en rester là, et exclure de cette promotion les personnels titulaires formés antérieurement. Telle n’est pas ma volonté.
Je souhaite en effet que les professionnels paramédicaux titulaires dans la fonction publique hospitalière puissent eux-aussi, et dès aujourd’hui, bénéficier de cette revalorisation, au même titre que leurs jeunes collègues prochainement diplômés.
Bien que n’étant pas titulaires de la licence – la maquette de leur formation ne correspond pas à ce niveau de diplôme –, les personnels déjà en fonction pourront ainsi, s’ils le souhaitent, demander à bénéficier de ces mêmes dispositions. Il nous aurait en effet semblé profondément injuste qu’ils ne bénéficient pas de cette mesure.
Pour définir les modalités précises de ce reclassement, j’ai mené une intense concertation, qui a conduit à un protocole d’accord signé le 2 février dernier.
Le protocole définit les conditions applicables aux personnels qui choisiront les nouveaux corps, notamment en matière de rémunération et de régime de retraite. Il précise donc les termes des futurs décrets portant statut particulier des nouveaux corps d’infirmiers de catégorie A, lesquels s’appuieront, en matière de régime de retraite applicable à ces nouveaux corps, sur les dispositions discutées aujourd’hui.
Le protocole définit aussi un calendrier de mise en œuvre – il sera lui-même mis en œuvre par voie réglementaire - et j’entends le respecter.
Je veux que, dès la publication des décrets portant statut particulier des nouveaux corps d’infirmiers de catégorie A, tous les infirmiers et toutes les infirmières qui le souhaitent puissent opter pour le passage en catégorie A, et donc bénéficier d’un supplément de rémunération immédiatement, c'est-à-dire dès décembre 2010.
C’est la raison pour laquelle nous avons intégré cette réforme dans le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Si nous ne l’avions pas fait, l’ensemble de la réforme aurait été reporté au-delà de 2010, ce qui ne correspondait pas à l’engagement fort que nous avions pris, et qui figure comme tel dans le protocole d’accord du 2 février.
Dans le cadre de cette réforme, j’ai souhaité que soit mis en place un droit d’option assorti d’un délai de réflexion.
Les professionnels qui souhaitent conserver leurs droits à un départ à la retraite à cinquante-cinq ans pourront rester dans leur corps actuel. Ils auront également une revalorisation, dans le cadre du reclassement dans le nouvel espace statutaire de la catégorie B.
Ceux qui choisiront le nouveau corps y seront reclassés dès le mois de décembre 2010 et percevront donc, dès la fin de cette année, un traitement plus élevé.
Cela implique, pour eux, de renoncer individuellement aux conditions dérogatoires en matière de retraite, comme le prévoit l’article 30 du projet de loi.
La revalorisation proposée est de 82 points d’indice brut pour les infirmiers en fin de carrière : c’est un effort considérable de la Nation en faveur des professionnels paramédicaux, un effort que le Gouvernement a décidé d’engager malgré la crise économique que nous traversons, parce qu’il constitue une juste reconnaissance et qu’il accompagne l’amélioration de notre système de soins et des 310 000 agents paramédicaux de l’hôpital public.
Les grilles salariales seront augmentées deux fois, en 2013, puis en 2015. À l’issue de ces deux glissements, les infirmières en milieu de carrière bénéficieront d’une rémunération totale annuelle majorée de 2 000 euros nets en moyenne.
Les infirmiers spécialisés et les cadres de santé qui sont déjà en catégorie A pourront également intégrer ce nouveau corps à partir de 2012.
Un grade spécifique sera créé pour les cadres et l’indice sommital du grade de cadre supérieur, prévu dans le protocole d’accord, est très sensiblement augmenté.
Ainsi, au cours des prochaines années, dès qu’une formation paramédicale sera rénovée et reconnue par l’Université, un nouveau corps, revalorisé, sera créé.
J’insiste sur ce point, car il est crucial : de manière générale, cette réforme attribuera aux personnels reconnus au grade de licence l’équivalent d’un treizième mois de salaire tout au long de leur carrière, mais aussi d’un treizième mois de pension tout au long de leur retraite.
Si elle ne relève pas de la réforme des retraites, comme je l’ai dit tout à l’heure, la réforme LMD se traduira bien cependant par une nette revalorisation des retraites pour les professionnels paramédicaux qui auront fait le choix d’une carrière plus longue, mais aussi plus riche et plus diversifiée.
Concernant le délai de réflexion, je tiens à apporter à votre assemblée des informations très précises.
Je rappelle tout d’abord que le droit d’option de six mois prévu dans le protocole d’accord du 2 février débute dès la publication du décret créant le nouveau corps.
Pour les infirmiers, le projet de décret, actuellement travaillé avec les organisations syndicales, sera publié après promulgation de la loi dont nous discutons aujourd’hui, et après avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et du Conseil d’État.
J’envisage donc que ce décret soit publié au plus tôt au début d’août 2010.
Les personnels disposeront alors de six mois pleins, c’est-à-dire jusqu’au début de février 2011 au plus tôt, pour faire connaître leur choix. Le reclassement, en catégorie A ou en nouvelle catégorie B – les infirmières et les infirmiers le décideront – prendra néanmoins effet au 1er décembre 2010, conformément à nos engagements, c’est-à-dire que les personnels qui se décideront en fin de période de réflexion bénéficieront de la mesure de façon rétroactive.
Autrement dit, les personnels ont largement le temps de faire leur choix, y compris au regard du calendrier de la réforme des retraites.
Vous l’aurez compris, la réforme LMD marque une avancée majeure dans l’histoire de notre système de santé et des professions paramédicales.
Fondée sur un souci d’équité et de cohésion – autant de valeurs que notre service public a à cœur de défendre –, cette réforme répond aux nouvelles évolutions démographiques.
Qui songerait à nier, en effet, que la démographie et l’exercice paramédical ont considérablement changé depuis 1969, date à laquelle le corps des infirmiers a été classé en catégorie active ?
L’espérance de vie des infirmières s’allonge : elle est aujourd’hui semblable à celle des autres femmes françaises.
L’âge de départ à la retraite recule dans les faits. De nos jours, les infirmiers cessent en moyenne leur activité à cinquante-sept ans, tendant ainsi à s’aligner sur le régime des infirmiers du secteur privé, qui partent à la retraite à partir de soixante ans, comme ceux des autres pays de l’Union européenne, quel que soit leur mode d’exercice.
Enfin, c’est aussi une mesure de cohésion et de justice sociale que de faire évoluer leur statut vers un meilleur équilibre avec celui de la majorité de nos concitoyens.
Pour l’ensemble des professionnels exerçant à l’hôpital, l’enjeu consiste davantage aujourd’hui à penser des conditions de travail « durables », favorables à l’entretien tout au long de la vie du « capital compétences » et du « capital santé » de l’agent : formation, mobilité, rendez-vous de carrière réguliers.
C’est bien l’individualisation des parcours professionnels, la variété des modes d’exercice, la qualité des organisations, des équipements et du fonctionnement des équipes qui sont garants de la qualité de vie au travail et, au final, de la qualité des soins.
C’est donc une gestion des ressources humaines innovante que j’appelle de mes vœux. Je sais que les spécialistes de la gestion des ressources humaines dans nos hôpitaux y consacrent beaucoup d’énergie et je veux les aider. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de confier une mission sur la rénovation de la GRH à Michel Yahiel, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, et Danielle Toupillier, directrice du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.
Je le redis, la création de nouveaux corps en catégorie A à la suite de la reconnaissance universitaire des formations paramédicales constitue, pour toutes et pour tous, bien plus qu’une revalorisation statutaire, une reconnaissance sans précédent des talents et des potentiels, mais aussi une nouvelle façon d’envisager les conditions de travail. C’est, en somme, une véritable chance.
À chacune et à chacun de faire le meilleur choix, en conscience et en toute liberté, en fonction de ses besoins et de ses projets de vie.