Intervention de Sylvie Desmarescaux

Réunion du 31 mai 2010 à 15h00
Dialogue social dans la fonction publique — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Sylvie DesmarescauxSylvie Desmarescaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur, M. Jean-Pierre Vial, des échanges fructueux que nous avons eus.

Les 270 000 infirmières et infirmiers qui travaillent dans nos hôpitaux revendiquent depuis longtemps, et à juste titre, une revalorisation de leur statut. Les gouvernements des années 1990 et 2000 ont reporté la réforme, mais le Président de la République, dès 2007, s’est engagé à la mettre en œuvre. Le moins que l’on puisse dire est donc qu’il s’agit d’une amélioration très attendue par la profession.

Vous l’avez dit, madame la ministre, la revalorisation sera à la fois statutaire et financière.

Statutaire, puisque les infirmières et les infirmiers, qui relèvent aujourd’hui de la catégorie B de la fonction publique, seront promus en catégorie A dès le 1er décembre 2010.

Financière, puisque cette promotion statutaire s’accompagnera naturellement d’un gain monétaire. Le glissement indiciaire s’effectuera en trois temps : 2010, 2012 et 2015. À cette échéance, un infirmier ou une infirmière en début de carrière percevra 176 euros nets supplémentaires par mois, soit 2 118 euros de plus par an. En fin de carrière, son traitement mensuel aura augmenté de 317 euros nets, soit 3 801 euros par an.

On peut donc en conclure que, incontestablement, le Gouvernement a tenu sa promesse à l’égard des infirmières et des infirmiers.

Cela étant, il faut le reconnaître, la réforme est plus complexe dans ses modalités que les chiffres ne le donnent à entendre.

Je pense évidemment au droit d’option : les personnels infirmiers pourront choisir de passer en catégorie A ou de demeurer en catégorie B. Ce choix ne sera pas neutre, car la revalorisation aura des contreparties. Les infirmières et les infirmiers qui choisiront de passer en catégorie A perdront le bénéfice de deux avantages : le droit de partir à la retraite à 55 ans et la majoration d’assurance retraite d’une année pour dix années de service. Ils seront donc classés en catégorie dite « sédentaire », avec un âge légal de départ à 60 ans et un taux plein à 65 ans. Ceux qui préféreront conserver les droits spéciaux que je viens d’énoncer bénéficieront bien d’une revalorisation financière, mais elle sera moins importante : environ 110 euros nets par mois, soit 1 320 euros par an.

À mon sens – et les quatorze syndicats infirmiers dont j’ai auditionné les représentants ne sont pas loin de partager cette analyse –, la promesse est indéniablement tenue pour 60 % des infirmières et des infirmiers, c’est-à-dire ceux qui sont âgés de moins de 45 ans. En effet, ces derniers choisiront certainement de passer en catégorie A et se préparaient de toute façon, étant donné l’évolution démographique, à ne pas partir à la retraite à 55 ans.

Les choses sont plus complexes pour les 112 000 infirmières et infirmiers âgés de 45 ans ou plus. Pour eux, on peut dire que l’engagement n’est que partiellement respecté, puisque s’ils bénéficieront bien d’une revalorisation, elle sera de moindre ampleur, ce qui a provoqué quelques légers mouvements de protestation.

Sensible à leurs arguments, la commission des affaires sociales a cherché le moyen de résoudre ce problème, en étudiant notamment la faisabilité et le coût financier d’une disposition qui autoriserait les infirmières et infirmiers ayant déjà quinze années de service à bénéficier du passage en catégorie A tout en conservant le droit de partir à la retraite à 55 ans. Ils pourraient ainsi garder les anciens avantages tout en profitant des nouveaux. Une solution de ce type avait été adoptée pour les instituteurs lors de la création du cadre des professeurs des écoles, en 1991. Le coût de la mesure et la menace éventuelle de l’invocation de l’article 40 m’ont conduite à renoncer à présenter un tel amendement : d’après nos calculs, la charge supplémentaire serait de 6 milliards d’euros sur trente ans.

On peut comprendre que les infirmières et les infirmiers qui approchent 50 ans ne soient pas pleinement satisfaits par la réforme. Cependant, étant donné le contexte budgétaire et les efforts que nous allons demander à la nation pour faire face au vieillissement de la population, je considère que cette réforme, à un détail près sur lequel je reviendrai dans un instant, est socialement juste.

J’y insiste, la réforme, même si elle ne satisfait pas tout le monde, est profondément juste, car elle tend à répartir équitablement les efforts entre les générations : aux plus jeunes, on accorde une promotion statutaire et financière importante, tout en leur demandant en échange de travailler plus longtemps ; aux plus âgés, on accorde une revalorisation moindre, mais bien réelle, tout en leur permettant de conserver des avantages auxquels les générations suivantes devront renoncer.

Ce principe d’équité intergénérationnelle, dont l’oubli coupable aurait des conséquences dramatiques sur l’avenir de notre pays, est ici respecté. Je ne peux imaginer, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne le serait pas à l’occasion d’autres réformes à venir.

Je souhaite également rappeler que le coût de cette réforme sera déjà, pour l’année 2015, ultime étape de la revalorisation, de près de 500 millions d’euros par an. De plus, avec le recrutement de nouveaux infirmiers et infirmières, qui accèderont directement à la catégorie A à partir de 2012, la dépense augmentera chaque année de 25 millions d’euros environ, pour se stabiliser lorsque l’ensemble du corps relèvera de cette catégorie, sans doute vers 2020.

Au vu de l’état des finances publiques, personne ne contestera qu’il s’agit déjà là d’un effort exceptionnel en faveur des infirmières et des infirmiers. L’accroître davantage est apparu déraisonnable à la commission des affaires sociales. C’est la raison pour laquelle elle ne proposera pas d’amendement en ce sens.

Cela étant, si le principe de la réforme me paraît juste, celle-ci peut encore être améliorée dans sa mise en œuvre. En effet, à compter de la parution du décret, annoncée pour fin juillet ou début août, le Gouvernement a prévu de laisser six mois aux personnels infirmiers pour exercer leur droit d’option. Ils devront donc avoir fait leur choix avant le début du mois de février 2011.

Or la loi portant réforme des retraites ne sera pas adoptée avant le milieu du mois d’octobre et sera promulguée, au mieux, en novembre. Elle aura pourtant une incidence sur le statut des infirmières et des infirmiers, notamment pour ceux d’entre eux qui auront choisi de passer en catégorie A, puisque le Gouvernement a annoncé qu’il privilégiera la piste d’un report de l’âge légal de départ à la retraite. Dans ces conditions, les infirmières et les infirmiers n’auront que deux mois environ pour se déterminer une fois toutes les données disponibles.

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