Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur l’article 30 du projet de loi.
Je ne reviendrai pas sur le paradoxe, déjà largement souligné, qu’il y a de voir figurer un tel article dans un projet de loi « relatif à la rénovation du dialogue social ». Outre que l’on se demande bien ce qu’il vient y faire, une telle initiative augure mal du futur dialogue social au sein de la fonction publique hospitalière !
En revanche, je m’attarderai sur ce qui m’apparaît, dans cet article, constituer un piège, dont seront victimes les infirmières et les infirmiers, spécialisés ou non, travaillant dans les structures hospitalières publiques.
En effet, voilà des années – je puis en témoigner – que les personnels paramédicaux concernés souhaitaient légitimement la prise en considération, sur les plans statutaire et financier, de leur niveau d’études, qui est au minimum de bac+3.
La réforme LMD et la reconnaissance de leur diplôme au niveau de la licence leur ouvrent l’accès à la catégorie A de la fonction publique. C’est une bonne chose. On aurait pu en rester là et opérer les reclassements qui s’imposaient pour les personnes intéressées en service dans les structures et institutions hospitalières concernées.
Tout le monde s’en serait félicité, moyennant quelques négociations salariales complémentaires, pour peu que les infirmiers anesthésistes diplômés d’État, déjà fonctionnaires de catégorie A, voient leurs cinq années d’études, soit un niveau équivalent à un diplôme universitaire de type master 2, sanctionnées par une majoration indiciaire spécifique.
Eh bien non ! Il a fallu que, dans le cadre de la réforme LMD et à la suite du protocole d’accord permettant le passage des personnels infirmiers en catégorie A, le Gouvernement introduise des dispositions visant à modifier le statut des infirmiers que nous retrouvons aujourd’hui dans ce fameux article 30 du présent projet de loi. Elles tendent à repousser de 55 ans à 60 ans la possibilité de partir à la retraite pour les infirmiers et les personnels paramédicaux.
Certes, ce faisant, le Gouvernement entend appliquer le droit commun applicable aux fonctionnaires en matière de retraite à l’occasion d’un passage de la catégorie B à la catégorie A. Toutefois, n’aurait-il pas fallu prendre le temps de négocier davantage avec les administrations et le régime de retraite concerné, afin d’obtenir une dérogation à ce principe de droit commun s’agissant du personnel infirmier et de chercher à lui conserver le bénéfice d’un classement dans la catégorie active pour son régime de pension, nonobstant son nouveau statut et le surcoût induit, d’ailleurs tout relatif par rapport à d’autres dépenses beaucoup plus critiquables ? Je pense que si ! Tel n’a pas été le choix du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, et nous le regrettons.
Dès lors, les organisations syndicales ont, presque unanimement, boycotté la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière qui avait été convoquée en urgence pour émettre un avis sur le projet. Par ce boycott, elles entendaient marquer leur désapprobation et leur refus de ce qu’elles considèrent comme un coup de force. Mon groupe dénonce et déplore la situation dans laquelle sont placés les personnels infirmiers hospitaliers.
Car enfin, pourquoi une telle précipitation ? Ne nous annonce-t-on pas depuis des semaines que nous serons bientôt saisis de projets de loi visant à remettre à plat tous les systèmes de retraite, au regard notamment de leur financement ? N’était-il pas possible de prendre en compte le cas spécifique du personnel paramédical hospitalier dans ces concertations sur les retraites ? La proposition qui nous est soumise aujourd’hui est-elle un ballon d’essai ? Dans ce cas, la cible serait pour le moins mal choisie, s’agissant de corps de métiers dont tous nos concitoyens louent les services éminents, tout en s’inquiétant de la pénibilité, due au stress croissant, au rythme de travail soutenu, à la station debout prolongée, au travail de nuit astreignant, à la nécessaire vigilance de chaque instant, au côtoiement continu de la souffrance, et souvent de la mort… Pendant plus de trente ans, j’ai pu le constater dans les hôpitaux publics que j’ai eu l’honneur de diriger !
Ainsi, le choix proposé à ce personnel est à la fois déstabilisant et injuste eu égard au classement en catégorie A d’autres corps de fonctionnaires voilà peu d’années. Je pense par exemple aux instituteurs, reclassés professeurs des écoles en 1991 sans que pareil dilemme leur ait été imposé.
Si l'article 30 est adopté, les infirmières et infirmiers qui choisiront d’être reclassés en catégorie A, outre qu’ils ne pourront plus partir à la retraite à 55 ans, se verront également privés du bénéfice de la validation d’une année d’assurance retraite supplémentaire pour dix ans de service accomplis.
Par ailleurs, les infirmiers anesthésistes diplômés d’État, qui relevaient déjà de la catégorie A, ne pourront désormais plus partir à la retraite à 55 ans, ce qui est inacceptable !
Le dispositif de cet article 30 représente un marché de dupes dont seront victimes les personnels infirmiers des hôpitaux publics. Cette question ne peut nous être soumise aujourd’hui à la sauvette, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, sujet dont le champ est suffisamment vaste pour se suffire à lui-même.
Je ne saurais terminer sans reprendre à mon compte une question que se pose le personnel infirmier : la pénibilité au travail s’achète-t-elle ? Notre réponse est non ! C’est pourquoi nous présenterons un amendement de suppression de l’article 30 et, si nécessaire, un amendement de repli.