Intervention de Georges Tron

Réunion du 31 mai 2010 à 15h00
Dialogue social dans la fonction publique — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Georges Tron, secrétaire d'État :

… quand il considère qu’elles vont dans la bonne direction ? La réponse à cette question est bien entendu négative !

Je rappelle que les accords nous lient non pas juridiquement, mais politiquement. Le Gouvernement et les organisations syndicales les respectent, naturellement, mais le Gouvernement n’est nullement empêché d’agir en l’absence d’accord. Cela est très clair pour tout le monde. En 1945, Maurice Thorez lui-même affirmait nettement que la participation syndicale devait être compatible avec le pouvoir de décision des autorités responsables. Au demeurant, il arrive régulièrement que des dispositions ne figurant pas dans un accord parce qu’elles n’ont pas été approuvées par les organisations syndicales soient cependant mises en œuvre et recueillent finalement, à l’expérience, leur approbation. Dans un cadre statutaire, comme c’est le cas en l’occurrence, il est tout à fait légitime que le Gouvernement dispose de la liberté d’introduire par voie d’amendements des dispositifs qui lui semblent aller dans la bonne voie.

Je souhaite maintenant aborder la question du paritarisme, évoquée notamment par Mme Mathon-Poinat, ainsi que par MM. Mahéas et Fortassin.

Certains annoncent la fin du paritarisme, ce qui ne correspond pourtant pas au contenu du projet de loi. Pour ma part, je préfère tenter d’examiner objectivement comment les choses fonctionnent aujourd’hui.

J’observe tout d’abord que le système que nous souhaitons étendre est déjà en place, notamment dans la fonction publique hospitalière, où personne ne se plaint du fonctionnement des comités techniques d’établissement.

Ensuite, dans la fonction publique d’État, personne ne conteste non plus que les choses évoluent de façon positive. Que les représentants de l’État votent des dispositifs qu’ils ont présentés n’a vraiment aucun sens et n’aboutit qu’à une perte de temps, car un tel mode de fonctionnement est tout à fait chronophage et n’apporte aucune valeur ajoutée !

Reste enfin la fonction publique territoriale. Il existe quelque 55 000 employeurs locaux : au nom de quoi un modèle unique de fonctionnement paritaire devrait-il leur être appliqué uniformément ? De fait, ce projet de loi, contrairement à ce que j’ai souvent entendu dire, ne s’inscrit pas dans une logique de suppression du paritarisme numérique : il s’agit de laisser le choix aux collectivités territoriales, pour tenir compte de la diversité des situations.

C’est la raison pour laquelle – justement parce que nous sommes respectueux du principe de libre administration des collectivités territoriales, monsieur Mahéas – le projet de loi a évolué et accorde aujourd’hui aux collectivités locales qui le souhaitent la possibilité de maintenir ou non le paritarisme numérique. J’estime que, dans le monde actuel, c’est la souplesse qui doit caractériser nos modes d’administration ! Dans cette perspective, la mesure que nous préconisons va dans la bonne direction.

Enfin, j’aborderai la question des rémunérations.

Ce que nous avons fait ces dernières années dans ce domaine n’est pas aussi négligeable que certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ont donné à entendre.

La garantie individuelle du pouvoir d’achat, la GIPA, ce n’est pas rien ! La refonte de la grille indiciaire de la catégorie C, au travers des « accords Jacob » de 2006, ce n’est pas rien ! La refonte de la grille indiciaire de la catégorie B, menée par Éric Woerth et André Santini, avec la création du « nouvel espace statutaire », ce n’est pas rien non plus !

Dans le présent projet de loi, l’introduction du grade à accès fonctionnel, le GRAF, ne concerne pas simplement 8 000 agents, comme l’a rappelé à juste titre M. Mahéas, car cela s’accompagne d’une refonte du pied de la grille A, avec une bonification pour les premiers échelons. Le dispositif va donc nettement plus loin que la seule mise en place du GRAF.

En ce qui concerne la politique des effectifs, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ne s’applique pas uniformément à toutes les administrations, monsieur Sueur. Je n’aurais aucune difficulté à vous démontrer qu’elle est mise en œuvre dans certaines administrations mais pas dans d’autres : ce n’est pas un couperet qui s’abat de façon aveugle.

En outre, l’application de cette règle permet le financement de mesures catégorielles tout à fait importantes. Pour être précis, sur quelque 950 millions d’euros économisés annuellement, 450 millions d’euros sont « restitués » aux fonctionnaires sous forme de mesures catégorielles : nous sommes au-delà de la barre théorique des 50 %, et je crois pouvoir vous dire que ce sera encore plus vrai pour 2009.

J’ajoute qu’il ne s’agit en aucun cas, pour nous, de crier haro sur la fonction publique territoriale ; nous constatons simplement que ses effectifs ont beaucoup augmenté ces dernières années, puisqu’elle comptait, en 2008, 330 000 agents de plus qu’en 1998. Nous avons eu l’occasion d’en parler ensemble, monsieur Mahéas, lors de mon audition par la commission des lois : c’est là un chiffre objectif, non un jugement, et je souligne à nouveau ici qu’il s’agit d’une augmentation hors transferts de compétences. Par ces rappels, je souhaite simplement indiquer que notre politique mérite peut-être mieux que des jugements lapidaires.

Pour ma part, je m’abstiens de porter de tels jugements, me bornant à relever que nous pouvons sans doute améliorer notre système de gestion. À cette fin, le projet de loi prévoit la possibilité d’introduire l’intéressement collectif et la prime de fonctions et de résultats. Je me permets de vous rappeler, à cet instant, que le statut de la fonction publique de 1946 mentionnait à la fois l’intéressement collectif et la reconnaissance du mérite dans la rémunération du fonctionnaire : nous procédons donc non pas à un bouleversement, ni même à un aggiornamento, mais à une remise en ordre.

En effet, la situation actuelle manque totalement de transparence : il existe plus de 1 800 primes différentes dans la fonction publique d’État, et cet imbroglio rend difficile une mobilité répondant pourtant parfaitement aux desiderata des agents et à la nécessité de moderniser l’administration.

De plus, la clarification facilitera les évaluations. Si, au terme d’une discussion avec les organisations syndicales, nous parvenons à bien déterminer les trois critères d’attribution excellemment évoqués par M. Frassa, nous y verrons enfin un peu plus clair dans un régime indemnitaire fort compliqué. Voilà quelques jours, le président de l’Association des régions de France m’a d’ailleurs demandé que l’État envisage comment on pourrait rétablir un peu d’ordre dans tout cela, afin qu’un modèle d’organisation des primes puisse être proposé à la fonction publique territoriale. C’est sans doute là ce que M. Sueur appelle du néo-jacobinisme !

En résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement revendique la possibilité d’introduire dans un projet de loi un amendement complémentaire au texte d’un accord négocié avec les organisations syndicales, car il serait invraisemblable de ne pas le faire si le dispositif est dans l’intérêt des agents.

En ce qui concerne le paritarisme numérique, personne ne pourra valablement prétendre qu’il est supprimé dans la fonction publique territoriale.

Enfin, en matière de politique des rémunérations, je vous confirme que nous engagerons une large discussion avec les organisations syndicales à la fin du mois de juin. Elle se poursuivra jusqu’au mois de juillet, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre. Soyez assurés de notre volonté d’écoute. Cette discussion portera sur les évolutions indiciaires, certes, mais aussi, plus largement, sur le pouvoir d’achat : en 2009, si l’augmentation indiciaire s’est élevée à 0, 5 %, l’augmentation du pouvoir d’achat a été nettement supérieure.

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