Mais, à vrai dire, cela ne nous étonne guère.
En effet, lors du débat d’initiative sénatoriale intitulé « Pénibilité, emploi des seniors, âge de la retraite : quelle réforme en 2010 ? », les sénatrices et sénateurs qui sont intervenus au nom du groupe UMP proposaient de compenser en espèces la pénibilité. Pour notre part, nous considérions – et c’est la position que nous défendrons encore lors du débat sur le projet de réforme des retraites – que le travail ne devait pas réduire le temps de vie à la retraite, d’où la nécessité que la reconnaissance de la pénibilité ouvre droit à un départ anticipé.
D’une manière plus générale, madame la ministre, on voit bien que votre conception de la pénibilité est très restrictive. Votre volonté de soumettre l’octroi du bénéfice des mesures particulières liées à la pénibilité au contrôle d’une commission médicale l’atteste. La pénibilité n’est pour vous que la constatation d’un état de santé à un moment donné –celui de l’examen médical –, alors que nous considérons, pour notre part, que sa reconnaissance doit être fondée sur la carrière du salarié et ouvrir droit à une compensation en temps de retraite de la réduction de l’espérance de vie.
Cet article 30 démontre que le Gouvernement, dès lors qu’il est en situation d’employeur, ne se comporte pas différemment des organisations patronales. Celles-ci, je le rappelle, ont refusé la signature de l’accord sur la pénibilité, alors même qu’un terrain d’entente avait été trouvé avec les organisations syndicales sur les critères de son évaluation, les deux seuls points d’achoppement résidant dans les modalités d’appréciation de la pénibilité et dans le financement de sa prise en compte.
En effet, si le Gouvernement se dit prêt, comme d’ailleurs le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, à prendre en charge la pénibilité, c’est à la condition que cela n’entraîne aucune dépense supplémentaire. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir comment il entend compenser les faibles hausses de rémunération résultant du passage de la profession d’infirmier à la catégorie A. Selon le rapport présenté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, cette mesure est autofinancée à hauteur de 90 % par la réduction des pensions, tant dans leur montant que dans leur durée de versement : « Inversement, la suppression de la catégorie active aura pour effet de retarder le départ à la retraite des agents et donc de générer des économies importantes […]. On assistera en effet à une moindre charge de pensions, liée au décalage des départs, pour les régimes de retraite [et à] un supplément de cotisation au titre des infirmiers qui prolongent leur activité. »
Madame la ministre, la proposition que le Gouvernement a présentée aux organisations syndicales et que celles-ci ont très majoritairement refusée n’est pas acceptable ! D’une part, comme je l’ai déjà indiqué, elle constitue une remise en cause de la reconnaissance de la pénibilité du métier d’infirmier. D’autre part, elle vient amoindrir la portée de votre discours sur la nécessaire revalorisation de cette profession.
Disant cela, je pense particulièrement à la reconnaissance du diplôme d’infirmier d’État au niveau de la licence. Il ne s’agit pas là, contrairement à ce que pourrait laisser croire le « troc » imposé par le Gouvernement, d’une mesure de faveur. Depuis 1992, les études conduisant à la profession d’infirmier sont reconnues comme étant équivalentes à un diplôme de niveau bac+3. Le processus de Bologne et l’harmonisation européenne des diplômes imposent la reconnaissance de cette formation au niveau de la licence : il s’agit donc d’un droit, qui n’aurait jamais dû être conditionné par une remise en cause de la retraite à 55 ans.