Je vais y venir.
En ce qui concerne le transport de charges lourdes, seulement 13 % des infirmiers y sont exposés ; un grand nombre d’agents de la fonction publique hospitalière qui ne sont pas des infirmiers transportent des charges lourdes. Une mesure générale paraît donc peu justifiée, et il faut davantage réfléchir aux conditions de travail et ne pas se limiter à l’avancement de l’âge de la retraite.
Le travail de nuit, quant à lui, est choisi : personne n’est obligé de travailler de nuit. §D'ailleurs, lorsqu’ils sont interrogés, les infirmiers, majoritairement, disent apprécier ce travail de nuit. Toutefois, je reconnais que le travail de nuit peut être un facteur de désadaptation professionnelle. Il ne doit pas durer trop longtemps et l’enjeu est de développer de bonnes pratiques. Nous nous y employons.
Toutes les évolutions que nous allons constater à l’hôpital vont nous permettre de mieux appréhender les conditions de travail. Quand on développe l’hospitalisation à domicile, la chirurgie ambulatoire, l’hôpital de jour – et ces évolutions caractériseront l’hôpital de demain –, on améliore considérablement les conditions de travail.
De plus, je rappelle que le travail de nuit en milieu hospitalier a pour conséquence de diminuer de trois heures la durée de travail hebdomadaire de trente-cinq heures, et suscite un certain nombre de primes, de suppléments de rémunération qui ne sont pas négligeables. Je tiens à votre disposition la fiche des indemnités afférentes au travail de nuit.
L’amélioration des conditions de travail permet de combattre la pénibilité ; c’est un objectif prioritaire et une préoccupation identifiée dans le protocole LMD. Ce protocole prévoit un volet spécifique, le volet n°5, signé par cinq organisations syndicales, et qui est intitulé « Amélioration des conditions de travail des personnels paramédicaux de la fonction publique hospitalière et accompagnement de l’allongement des carrières ». Le travail déjà accompli est donc considérable.
La reconnaissance du diplôme au niveau licence, pour répondre précisément à M. Autain, ne se réduit pas à une simple question de durée. Il s’agit d’une maquette de formation. Reconnaître et transformer le diplôme, le rendre universitaire, c’est aussi la possibilité de prolonger la carrière vers d’autres métiers, et d’appréhender ainsi la question des deuxièmes parties de carrière.
Quelquefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je me demande si nous avons eu raison de vouloir que les infirmiers déjà en poste voient leur carrière et leur statut reconnus au niveau A. Peut-être aurions-nous pu limiter le champ d’application de la réforme aux infirmiers qui sont entrés à partir de 2009 et qui vont sortir à partir de 2012 ? Néanmoins, j’ai voulu que les infirmiers déjà en poste et dépourvus de diplôme universitaire puissent bénéficier de la reconnaissance en catégorie A.
J’ai voulu, sans aucune condition, sans aucun délai ni quota quelconque, permettre aux infirmiers qui n’avaient pas de diplôme universitaire d’accéder néanmoins à cette catégorie A. Ce reclassement signifie pour celles et ceux qui le choisiront – et je remercie Mme Desmarescaux de l’avoir rappelé – un départ à la retraite aligné sur le régime de leurs collègues du privé, qui partent à soixante ans au lieu de cinquante-cinq ans, mais aussi des avantages en termes de salaire, de progression de carrière et de niveau de retraite.
Le sondage que j’ai fait effectuer auprès d’un échantillon statistiquement représentatif de plusieurs centaines d’infirmiers donne le résultat suivant : huit sur dix connaissent bien la réforme LMD ; 20 % d’entre eux ne sont pas encore en mesure de se prononcer ; mais, sur ceux qui expriment une opinion, 60 % sont favorables à la réforme.
Il y a 230 000 infirmiers dans la fonction publique hospitalière. Loin de moi l’idée de nier les difficultés de ce métier, dont l’exercice représente une formidable capacité d’accomplissement de soi, seul ou en équipe. La relation soignant-soigné met en jeu l’intégralité de l’être humain.
Une activité n’est pas pénible en tant que telle : ce sont le caractère répétitif, l’absence d’intérêt des tâches et l’ambiance de travail qui rendent l’organisation du travail plus ou moins pénible. Les recherches en psychodynamique du travail établissent un lien direct entre, d’une part, la qualité du management et l’organisation du travail et, d’autre part, la qualité de vie au travail, qui a elle-même une conséquence directe sur la qualité des soins.
Il ne s’agit donc pas d’établir une mesure globale, quantitative, pour répondre à un objectif qualitatif. Rien n’est plus absurde que de vouloir résoudre les effets de la pénibilité en avançant l’âge de la retraite. Cette solution n’est absolument pas adaptée à la question de la pénibilité. J’irai même jusqu’à dire qu’elle n’est pas éthique.
II faut impérativement lutter contre la pénibilité en renforçant les facteurs protecteurs : le travailleur doit être considéré dans son travail et dans son individualité ; il doit bénéficier d’autonomie et de marges de manœuvre ; l’organisation doit être lisible et juste, l’équipe soudée, les conflits éthiques ou de rôle régulés. Ces facteurs sont de mieux en mieux connus par les acteurs hospitaliers, qui travaillent déjà à de nouvelles formes de travail plus « durables », aussi bien en termes de santé qu’en termes de compétences. La réforme LMD nous permettra d’accélérer ces démarches auxquelles nous travaillons activement.
Monsieur Autain, je voudrais vous répondre sur la question des infirmiers anesthésistes. Il est totalement faux que nous ayons refusé de recevoir les organisations syndicales, comme certains l’ont affirmé. Nous l’avons fait à deux reprises, au cours de la semaine qui a précédé la manifestation et durant celle d’avant, et des relevés de conclusions ont d’ailleurs été établis à la suite de ces réunions.
Alors que je participais à une séance de questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale, j’ai appris que la manifestation se détournait vers la gare Montparnasse. J’ai tout de suite envoyé des membres de mon cabinet et de mes services là-bas pour rencontrer les organisations syndicales. On peut tout de même difficilement faire plus ! Après la réunion de travail qui doit se tenir au ministère ce jeudi 3 juin, deux autres sont prévues, l’une en juillet et l’autre en septembre, pour bâtir cette maquette de formation.
En recevant les organisations syndicales, je n’ai fait que mon travail. Mais n’allez pas dire, monsieur Autain, que nous avons rompu les discussions ! C’est au contraire grâce au dialogue que j’ai noué avec elles que nous avons pu définir de nouvelles grilles salariales pour les infirmiers anesthésistes, bien plus favorables.
Le protocole du 2 février 2010 prévoit une augmentation annuelle nette de 2 879 euros pour les IADE en début de carrière et de 2 164 euros pour ceux qui sont en fin de carrière, ces derniers ayant bénéficié d’une mesure très favorable il y a quelques années. Cette mesure permet aux IADE de rester les infirmiers les mieux payés de toute la fonction publique hospitalière. Ils ne sont donc pas, comme je l’ai entendu dire, les « victimes » de la réforme.
Les infirmiers anesthésistes m’ont fait part de leurs craintes relatives à la reconnaissance universitaire de leur diplôme et au maintien de l’exclusivité de l’exercice de leurs compétences aux côtés des anesthésistes. Je les ai rassurés : il n’est pas question de revenir d’une manière subreptice sur le principe de l’exclusivité. Nous ne modifierons ni le code de la santé publique dans lequel ce principe est inscrit ni les décrets qui l’ont fixé. La délégation de tâches qui a été rendue possible par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » s’arrêtera à la porte de l’exclusivité reconnue aux infirmiers anesthésistes dans le code de la santé publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, n’organisons ni faux débat ni procès d’intention : ils n’ont pas lieu d’être !
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous travaillons à la « mastérisation » du diplôme. Les droits acquis des infirmiers anesthésistes ne sont aucunement remis en cause et, contrairement à ce qui a été avancé, une concertation est bien en cours avec les organisations syndicales.
Pour toutes ces raisons, je vous demanderai, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable.