Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le climat de crise qu'il connaît depuis le 11 septembre 2001, le secteur des transports aériens poursuit sa mutation : cette année, on a assisté, notamment, au rapprochement entre Air France et KLM, à la liquidation d'Air Littoral, aux difficultés d'Alitalia et aux remous occasionnés par les arrivées et les départs mouvementés des compagnies low cost dans les aéroports.
Notre pays participe, plus ou moins efficacement, à ces évolutions, au travers du projet de loi relatif aux aéroports et, particulièrement, du changement de statut d'Aéroports de Paris, et par le biais de la loi de décentralisation, qui prévoit le transfert de nombreux aéroports aux collectivités territoriales ou à leurs groupements d'ici au 1er janvier 2007.
Dans ce contexte, la modification profonde de la présentation des crédits des transports aériens appelle toute l'attention de notre assemblée.
Jusqu'à présent, ces crédits étaient répartis entre trois supports : le BAAC, ou budget annexe de l'aviation civile, le FIATA et les crédits inscrits au budget général à la section « Transports », au titre du soutien à la recherche aéronautique.
La manière dont le Gouvernement met en oeuvre les dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances entraîne une modification majeure pour ce projet de budget. En effet, les crédits du transport aérien sont désormais regroupés selon trois missions : le budget annexe, la recherche et l'enseignement supérieur, le contrôle et l'exploitation aériens.
La difficulté de la lecture du budget et la difficulté du contrôle parlementaire vont de pair. C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de considérer plus particulièrement la décision de budgétiser les crédits du FIATA, qui avait jusqu'alors pour vocation de financer la mise en oeuvre de deux politiques, d'une part, les subventions d'investissement à certains aéroports et à des lignes jugées vitales pour le développement économique d'une région, d'autre part, la sécurité et la sûreté des aéroports.
Dans l'optique de l'introduction progressive des règles et principes posés par la loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement a décidé la suppression du FIATA à compter du 1er janvier 2005. Les crédits du budget général prendront alors le relais.
Cela soulève évidemment la question de la bonne affectation du produit de la taxe de l'aviation civile et de la taxe d'aéroport au financement des missions constituant la destination normale de celui-ci : sécurité, incendie, sauvetage et sûreté, aménagement du territoire.
Ainsi, le produit de la taxe de l'aviation civile étant affecté à hauteur de 65, 6 % au BAAC, la quote-part qui était jusqu'à présent attribuée au FIATA et qui sera désormais versée au budget général s'élèvera à 34, 4 %. Cette part correspond à un montant prévisionnel de 83, 78 millions d'euros, soit une baisse de 31 % par rapport à 2004.
De fait, la mission du FIATA, qui est d'assurer une péréquation au profit des aéroports et pour le maintien des lignes dont l'équilibre budgétaire est précaire, sera désormais reprise au travers de l'action « régulation économique ». Je rappelle que cette péréquation et cette mission d'aménagement du territoire étaient la vocation principale du fonds lors de sa création.
Dans ces conditions, on peut s'étonner, sans contester son importance, que seul le secteur « sécurité et sûreté aéroportuaires » constitue une action à part entière dans votre projet de budget, monsieur le ministre.
Cela nous paraît d'autant plus regrettable que les crédits alloués à la péréquation et à l'aménagement du territoire connaîtront apparemment une baisse importante, à concurrence de 23 % par rapport à 2004, soit 21, 5 millions d'euros au lieu de 28 millions d'euros l'an passé. Cette évolution, si elle devait être confirmée, serait particulièrement inquiétante.
Dorénavant, il s'agira d'isoler, au sein du budget général, ce qui sera dévolu aux anciennes missions du fonds. Les moyens budgétaires consacrés aux politiques qui étaient jusqu'alors financées par le FIATA seront imputés au futur programme « Transports aériens » du budget général.
De la même façon, la taxe d'aviation civile avait été relevée en 2004, pour créer une dotation de continuité territoriale destinée à favoriser les déplacements des résidents des collectivités d'outre-mer entre celles-ci et la métropole, conformément à l'article 60 de la loi de programme pour l'outre-mer, la LOPOM. Cela avait eu pour conséquence un élargissement du périmètre du FIATA, ressenti comme un poids fiscal supplémentaire par les usagers, et ce à un moment particulièrement inopportun pour les compagnies aériennes.
Malgré l'inscription de la politique de continuité territoriale au budget 2005 du ministère de l'outre-mer pour 31 millions d'euros, le taux unitaire de la TAC restera inchangé avec 4, 48 euros par passager sur un vol intracommunautaire, et 7, 60 euros par passager sur un vol extracommunautaire, ce qui ne manque pas d'étonner.
Devons-nous conclure de cette analyse que la budgétisation du FIATA ne simplifie pas le budget ni ne permet une meilleure lecture ou un contrôle plus efficace de la part du Parlement ?
L'article 21-1 de la loi organique relative aux lois de finances ne compromettait pourtant pas l'affectation de la TAC au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien puisqu'il stipule : « Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires »- par exemple, une péréquation entre aéroports - « financées au moyen de recettes particulières »- dans le cas présent, la taxe de l'aviation civile - « qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. » Cela semblait vraiment être le cas.
Cette budgétisation ne contribue donc pas, monsieur le ministre, à simplifier le contrôle. En revanche, elle permettrait apparemment à l'Etat de faire des économies. Il y aura moins de péréquation au profit des « petits » aéroports, dont les difficultés iront croissant. Il s'agit donc de la dégradation d'un instrument d'aménagement du territoire auquel nous sommes tous extrêmement attachés.
Avec la suppression du fonds affecté et 23 % de baisse des crédits de péréquation, les collectivités territoriales seront très rapidement appelées à contribuer davantage au maintien des aéroports de province. C'est pourquoi nous considérons aussi la budgétisation du FIATA comme une menace pour les finances des régions, des communes, des agglomérations et des départements.
Nous souhaitons que le Gouvernement rassure la Haute Assemblée sur ces questions essentielles.
Les évolutions importantes du cadre juridique, tant en droit communautaire, avec l'entrée en vigueur des règlements sur le « ciel unique », qu'en droit national, avec la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et le projet de loi sur le changement de statut d'Aéroports de Paris, adopté par la majorité du Sénat le 9 novembre dernier, concourent aux bouleversements du secteur et attisent de nombreuses inquiétudes.
Enfin, si la reprise du trafic aérien est réelle, le secteur connaît encore de graves incertitudes, liées, par exemple, à la concurrence du TGV sur certains itinéraires ou à l'absence de stabilité des compagnies aériennes à coût réduit qui fragilisent les équilibres des aéroports de province en particulier.
II est clair que le budget présenté par le Gouvernement n'apaise pas l'ensemble des inquiétudes exprimées par le secteur des transports aériens, d'une part, et par les élus locaux prochainement sollicités, d'autre part. C'est pourquoi nous nous y opposerons.