Séance en hémicycle du 10 décembre 2004 à 15h15

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, établi en application de l'article 10 de la loi n° 80- 572 du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, et le rapport sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, établi en application des articles L. 2131-7, L. 3132-2 et L. 4142-2 du code général des collectivités territoriales.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : V. - Mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Haut

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est la dernière fois que nous examinons le budget de la mer. En effet, conformément aux dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le budget sera, l'année prochaine, scindé en trois blocs, dont deux programmes qui s'intégreront dans la mission « transports » du ministère de l'équipement, des transports et du logement, le troisième programme ayant vocation à figurer dans la mission « régimes sociaux et de retraite » du même ministère.

Cette nouvelle présentation des crédits affectés à la politique maritime aura, certes, le mérite de mettre fin à l'illusion d'optique qui a toujours caractérisé ce budget puisque, comme vous le savez, les deux tiers du montant global des crédits servent à financer le régime social et de retraite des marins, il serait cependant souhaitable que l'ensemble des crédits de la mer restent bien identifiés, dès lors que la subvention de l'Etat à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, sera incluse dans le programme « régimes sociaux et de retraite ». Il serait ainsi plus facile d'appréhender les efforts consentis par l'Etat au titre de sa politique maritime.

En effet, pour 2005, si l'on excepte les crédits de l'ENIM, on obtient une image plus fidèle de la progression des moyens affectés à la mer, qui augmentent cette année d'un peu moins de 1 %.

La sécurité maritime est la première priorité, ce qui inclut la sûreté des ports français, le soutien à la flotte de commerce française et la formation des marins.

Depuis 1999, en effet, la France a dû faire face à d'importantes catastrophes écologiques : l'Erika, l'Ievoli Sun et le Prestige. Depuis, les autorités nationales et internationales, notamment l'Organisation maritime internationale, se sont mobilisées pour essayer de renforcer la protection des routes maritimes.

En France, des efforts budgétaires notables ont été consentis en faveur des acteurs maritimes de la sécurité que sont les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, les centres de sécurité des navires, les CSN, le bureau des phares et balises, chargé de la signalisation maritime, ou encore les unités littorales des affaires maritimes, les ULAM.

Lors du comité interministériel de la mer du 28 février 2000, il a notamment été décidé de renforcer la sécurité en augmentant, conformément aux engagements souscrits par la France dans le cadre du Mémorandum de Paris, le nombre de navires contrôlés en escale dans nos ports.

A cette fin, il a fallu créer des postes d'inspecteur de la sécurité des navires, à défaut desquels on ne pouvait pas effectuer un nombre suffisant de contrôles. N'aurait-il pas fallu poursuivre dans cette voie en 2005 ?

Par ailleurs, le dispositif introduit en loi de finances pour 2003 permettant de recruter d'anciens officiers de la marine marchande en tant que vacataires est reconduit. Grâce à ce dispositif, depuis 2003, la France remplit ses engagements puisque, conformément au Mémorandum de Paris, elle contrôle plus de 25 % des navires en escale dans ses ports. Il faut saluer ce progrès.

Les CROSS ont également fait l'objet d'un programme de modernisation qui concerne en particulier le renouvellement des radars. L'exécution en sera accélérée cette année grâce une hausse notable des investissements, qui augmenteront de 124 %. Cette hausse compensera, espérons-le, la faiblesse des moyens qui leur ont été consentis lors des deux dernières lois de finances.

Les ULAM ne sont malheureusement pas aussi bien loties. Leurs moyens sont fortement revus à la baisse cette année. Il est vrai qu'elles avaient connu une forte augmentation en 2003 afin de financer l'acquisition d'un second patrouilleur de haute mer, qui a été mis en service au cours de l'année 2004. La fin de cette opération d'acquisition justifie-t-elle cependant une baisse des crédits de paiement de 62 % dans le projet de loi de finances pour 2005 ? Dans ces conditions, comment le plan de généralisation des ULAM peut-il s'effectuer correctement ?

De même, la signalisation maritime, qui est la tâche du bureau des phares et balises, ne pourra guère faire plus qu'assurer les capacités opérationnelles du dispositif.

Un effort a cependant pu être réalisé en faveur de la sécurité portuaire, puisque quinze emplois d'officier de port seront créés en 2005.

Les investissements en faveur des ports augmenteront cette année, et l'on peut se réjouir du lancement de l'opération Fos 2 XL dans le port de Marseille, même si celle-ci ne figure pas dans le budget de la mer, car elle sera financée par la future Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF. A ce titre, 9 millions d'euros sont prévus en 2005.

La décentralisation des ports d'intérêt national se poursuit. Qu'en est-il aujourd'hui de l'ordonnance qui doit adapter le code des ports maritimes aux dispositions de la loi relative aux libertés et responsabilités locales ?

Enfin, le projet de directive européenne sur l'accès aux services portuaires a été abandonné. Un nouveau texte a été présenté à la Commission européenne le 13 octobre dernier, mais les nouveaux Etats membres de la Communauté n'ont pas été consultés. C'est pourquoi l'avenir de ce texte semble aujourd'hui incertain.

Il semble que le Gouvernement n'ait pas d'inquiétude particulière à ce sujet - peut-être nous le confirmerez-vous tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat -, à condition que ce texte permette le respect des normes sociales en vigueur dans notre pays.

Telles sont, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais formuler en ce qui concerne la sécurité maritime et les ports maritimes.

La deuxième priorité de ce budget reste le maintien d'un système d'aides à la flotte de commerce, dont le soutien s'avère nécessaire compte tenu du handicap naturel de compétitivité dont souffre le pavillon français, en raison des garanties sociales qu'il offre. Le dispositif de soutien sera donc maintenu cette année, dans des conditions équivalant à celles des années précédentes.

Le projet de création d'un registre international français, ou RIF, qui s'inspire des registres bis créés par nos voisins européens, pourrait par ailleurs aboutir dans les mois qui viennent. Quelles suites le Gouvernement compte-t-il donner à la proposition de loi de notre collègue sénateur Henri de Richemont, adoptée le 11 décembre 2003 ?

Autre question : le projet d'autoroutes de la mer devrait faire l'objet d'une proposition du Gouvernement à la Commission européenne. Est-ce envisageable en 2005 ?

La formation maritime est la troisième priorité de ce budget. Depuis 2002, l'enseignement maritime fait l'objet d'une réforme qui doit contribuer à renforcer son attractivité. Les moyens seront maintenus cette année, et renforcés pour l'enseignement secondaire, alors que l'enseignement supérieur voit ses dotations stabilisées en attente du transfert aux régions des quatre écoles nationales de la marine marchande, les ENMM, conformément aux dispositions de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

Enfin, concernant le volet « littoral »de ce budget, on note une stabilité des dotations budgétaires, qu'il s'agisse des moyens dévolus au plan POLMAR ou à l'élaboration des schémas de mise en valeur de la mer.

Ces observations faites et ces questions posées, la commission des finances a proposé l'adoption du budget de la mer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'importance du secteur maritime pour notre pays tient en quelques chiffres : la France compte plus de 10 000 kilomètres de littoral au total et pas moins de 72 % de ses importations et exportations s'effectuent par le mode maritime.

Depuis quelques années, les mesures prises par le Gouvernement attestent sa volonté de mener une politique maritime ambitieuse, et le budget de la mer pour 2005 est cohérent avec cette volonté de redonner à la France son statut de puissance maritime.

Après une hausse de 6 % en 2004, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits affectés à la mer sont en hausse de 4, 4 % pour 2005.

Ce budget connaît de fortes augmentations dans des secteurs importants. Je relève ainsi la hausse de 8, 3 % des crédits d'investissement des ports maritimes, et celle de 124 % des crédits affectés aux CROSS, cette augmentation devant permettre de mener à bien leur programme de modernisation

S'agissant de la sécurité maritime, il convient également de saluer les efforts faits en matière de recrutement d'inspecteurs des affaires maritimes, dont le doublement de l'effectif sera atteint en 2006. Grâce à ces efforts, la France devrait atteindre, en 2004, le taux de 25 % de contrôles des navires au titre de l'Etat du port, taux fixé par le Mémorandum de Paris.

C'est donc sur fond de satisfaction que je voudrais vous soumettre, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques interrogations.

La première porte sur les aides à la flotte. Des incertitudes pèsent actuellement sur l'attitude de la Commission européenne vis-à-vis du dispositif du GIE fiscal.

Cela a amené le Gouvernement à demander aux armateurs un engagement à rembourser les aides en cas de remise en cause. Or cette demande a, semble-t-il, entraîné une chute importante du nombre de dossiers déposés sur les dix premiers mois de 2004 par rapport aux dix premiers mois de 2003. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, à quelle échéance pourrait être levée l'hypothèque qui pèse actuellement sur un dispositif primordial pour le maintien d'une flotte sous pavillon français ?

Ma deuxième préoccupation concerne les ports français, qui souffrent d'un déficit de compétitivité par rapport aux grands ports européens.

Ce déficit concerne notamment le trafic de conteneurs et l'hinterlandferroviaire. Ainsi, le port d'Anvers et celui de Rotterdam représentent chacun près du double des trafics conteneurisés français. La part des ports français dans le trafic conteneurs est, quant à elle, passée de 13 % à 9 % entre 1990 et 1999.

S'agissant de l'hinterland ferroviaire, la France est en retard, puisque beaucoup de ports, s'agissant de leur desserte terrestre, n'atteignent pas 10 % de part modale ferroviaire. Nous souhaiterions donc savoir quelles mesures peuvent être envisagées pour remédier à ce déficit de compétitivité.

Enfin, s'agissant des ports, j'avais notamment préconisé, dans mon précédent rapport, que l'on clarifie les responsabilités en matière de lutte contre les sinistres dont ils sont le lieu. Comme je l'avais indiqué, les textes sont trop complexes, la coordination des secours est mal assurée et les responsabilités sont confuses. A cet égard, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, si des mesures de clarification seront prises dans ce domaine en 2005, notamment par le biais de l'ordonnance prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ?

Ma troisième interrogation porte sur les autoroutes de la mer. Vous voyez que nous avons des références communes avec la commission des finances.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Il convient, à cet égard, de saluer la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, qui devrait affecter 200 millions d'euros au financement des autoroutes de la mer dans les années à venir. Mais force est de constater que ce chantier en est encore à ses balbutiements. Pouvez-vous nous faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, de son état d'avancement et des obstacles auxquels il se heurte ?

Ma dernière interrogation porte sur la situation préoccupante du pavillon français. Détenteur de la cinquième place mondiale dans les années 1960, notre pavillon occupe désormais la vingt-neuvième place. La flotte française a encore perdu, en 2003, cinq navires, et ne comptait plus, le 1er janvier 2004, que 207 navires.

Dans ce contexte, la création d'un registre compétitif, sur le modèle des registres créés par nos principaux partenaires européens, s'impose comme une nécessité. Pouvez-vous nous indiquer précisément, monsieur le secrétaire d'Etat, quand la proposition de loi relative à la création du registre international français pourra être examinée par l'Assemblée nationale et quelles sont les modifications de son contenu qui vous paraissent envisageables ?

Sous le bénéfice de ces quelques observations, la commission des affaires économiques a émis un avis très favorable sur l'adoption des crédits relatifs aux ports et à la marine marchande inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 21 minutes ;

Groupe socialiste, 13 minutes ;

Groupe de l'Union Centriste, 5 minutes ;

Groupe communiste, républicain et citoyen, 5minutes ;

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la France est une nation géographiquement tournée vers la mer, avec ses 5 500 kilomètres de côtes. Grâce aux départements et territoires d'outre-mer, elle possède une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés, ce qui en fait la troisième puissance maritime mondiale. La France est-elle suffisamment consciente de cette richesse ?

Les échanges maritimes connaissent des perspectives de croissance annuelle de 8 % pour les vingt prochaines années. C'est un formidable moteur dont la France capte insuffisamment les bénéfices.

Le budget que vous nous présentez pour 2005 ne répond que partiellement à ces attentes. Certes, le montant global des crédits relatifs à la mer s'élève cette année à 1, 141 milliard d'euros, ce qui représente, par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, une hausse de 4, 4 %. Toutefois, cette progression reflète surtout la hausse des charges prévisible de l'ENIM. En dehors de cette subvention, qui constitue plus de 77 % des crédits de la mer, les dotations prévues pour 2005 atteignent 320 millions d'euros.

Les dépenses ordinaires, considérées dans ces limites, s'établissent à 248 millions d'euros, soit une somme sensiblement égale aux dotations correspondantes de la loi de finances pour 2004.

Ainsi, le montant des crédits relatifs de la mer permet difficilement de faire face au maintien de nos équipements et aux besoins nés du renforcement des règles de sécurité maritime. J'insiste, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la faible marge de manoeuvre dont disposent vos services. Cela les oblige à faire des choix qui, parfois, conduisent à laisser s'accélérer la détérioration de certains équipements.

Concernant la sécurité maritime, la consolidation des moyens de fonctionnement prévue par le budget 2005 a été concentrée sur la requalification du personnel des CROSS et des centres de surveillance des navires, qui doivent assumer, sans création de postes, de nouvelles missions. Quant aux investissements, ils ont dû, eux aussi, être concentrés sur la modernisation des CROSS, en particulier sur le renouvellement et l'extension de la couverture radar en Manche et en mer du Nord, ainsi que sur la mise en place des stations d'identification automatique des navires et du système d'information sur le trafic, dit « Trafic 2 000 ».

Parallèlement, il a été nécessaire de revoir à la baisse les programmes de mise à niveau de la signalisation maritime, mise à niveau pourtant elle aussi nécessaire à la sécurité. A l'exception de l'installation des stations GPS, dont l'équipement des côtes métropolitaines a été achevé en juin 2002, tous les programmes de modernisation ont pris du retard, que ce soient les mises en service de bouées de nouvelle génération, le renouvellement de la flottille ou la remise à niveau des phares. En ce qui concerne les phares, ces retards entraînent une poursuite de leur détérioration, avec, à la clé, des surcoûts évalués à 28 millions d'euros. Si l'on a cru, par ce biais, réaliser des économies, elles ne sont que de courte durée et la dépense est, au total, bien supérieure !

Cette situation, sur le fil du rasoir, ne permet donc pas de faire évoluer de façon cohérente le dispositif de sécurité et peut même s'avérer périlleuse lorsque des mesures de régulation budgétaire viennent limiter encore ces moyens fixés au plus juste. C'est ce qu'a justement souligné la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats de la gestion budgétaire pour 2003. Elle a en effet constaté que la pratique des gels avait « conduit à des reports de projets dans des domaines qui engagent la sécurité ».

Les crédits consacrés aux ports s'inscrivent dans la poursuite des actions entreprises antérieurement. A ce titre, il faut citer le renforcement de la sécurité et de la sûreté, avec la création de deux postes d'officier de port et de treize postes d'officier de port adjoint, et la reconduction des crédits informatiques destinés au suivi du trafic maritime.

À cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, plusieurs pistes ont été évoquées pour leur financement, à la suite de l'étude que vous avez fait réaliser sur le coût des mesures de sûreté dans les ports. Il s'agit en effet de sommes très élevées, puisqu'il est question de 80 millions d'euros à partir de 2005. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les mesures qui seront prises dans ce domaine ?

Quant aux investissements portuaires, les crédits proposés sont en progression de 11, 8 %. Cependant, sur le terrain, la réalisation des programmes inscrits aux contrats de plan Etat-région 2000-2006 a pris beaucoup de retard, le taux d'exécution prévu à la fin de cette année n'étant que de 43 %.

Enfin, je souhaiterais insister sur la revitalisation de notre flotte de commerce. Sur la base des GIE fiscaux, système efficace qu'il faut absolument conforter en obtenant l'aval communautaire, nous avons dès 2002 voté le dispositif de la taxe au tonnage, qui permet aux armateurs d'avoir la meilleure lisibilité possible de leur investissement. Aujourd'hui, sous votre impulsion, nous approchons du moment où sera adopté par le Parlement le registre international français, le « pavillon français bis », correspondant à ce que tous les pays européens ont développé avec succès depuis plusieurs années. En tant qu'élue ultramarine, je ne peux que me féliciter de l'avancée de ce dossier.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, en dépit des remarques que j'ai formulées, le groupe de l'Union centriste votera ce budget.

Il me reste à féliciter de leur excellent travail les rapporteurs, M. Haut et M. Revet, ainsi que les commissions des finances et des affaires économiques.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme pour l'ensemble des autres budgets, le budget de la mer n'échappe pas à la politique de restriction budgétaire engagée par le Gouvernement.

A l'exception de l'ENIM, dont la hausse des charges était prévisible, les crédits relatifs à ce budget ne progressent que très faiblement. Sur fond de coupes dans certaines lignes budgétaires, cette faible progression ne permettra ni de renforcer les efforts en matière de sécurité - bien que, par exemple, de nouveaux emplois soient nécessaires dans les CROSS, dans le cadre du nouveau plan de sécurité - ni d'engager de nouvelles actions pour 2005.

Globalement - et malheureusement -, ce budget n'est pas à la hauteur des défis posés par le développement durable.

C'est une politique plus volontariste qu'il faudrait mener, afin de procurer à l'ensemble de la filière du transport maritime les soutiens nécessaires à son développement, dans la perspective d'un rééquilibrage intermodal.

D'après le rapport de la DATAR, Construire ensemble un développement équilibré du littoral, le transport maritime ne représente que 2 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, contre 17 % pour la route.

Les communistes ont été les premiers à mettre l'accent sur la nécessité du développement du cabotage. Mon collègue et ami François Liberti y a d'ailleurs consacré un rapport en montrant tout l'intérêt. Une telle option, qui participe du rééquilibrage intermodal, requiert cependant des infrastructures spécifiques, notamment en matière ferroviaire, afin de permettre des connexions avec les hinterlands, connexions indispensables à l'acheminement des marchandises.

En ce domaine, les efforts tardent toujours et les parts de marché de la route continuent de grimper.

Par ailleurs, vous soulignez, monsieur le rapporteur pour avis, que les ports français souffrent d'un déficit de compétitivité criant face aux grands ports européens, en raison notamment du fait d'une desserte ferroviaire insuffisante et d'encombrement des conteneurs.

Ceci, au fond, révèle l'absence d'une véritable politique portuaire globale et est la conséquence directe des choix restrictifs en matière budgétaire.

Le retard important pris dans l'exécution des contrats de plan Etat-région est tout à fait symptomatique de cette logique de restriction budgétaire, qui se manifeste aussi à travers des reports, des gels et des annulations de crédits.

Dans ma propre région, la Bretagne, le conseil économique et social a manifesté une vive inquiétude en raison de l'incertitude qui pèse sur l'achèvement des programmes prévus pour la fin de l'année 2006. Le taux de réalisation du volet portuaire, qui concerne quatre ports d'intérêt national - Brest, Concarneau, Lorient et Saint-Malo -, n'est que de 19 %, alors qu'il devrait atteindre 57, 2 %. En 2003, la sous-consommation des crédits en matière portuaire atteint plus de 26 millions d'euros. Où en sont exactement les dossiers d'exécution des projets dans les ports d'intérêt national ? Ne risque-t-on pas de perdre les financements européens ? Dans ces conditions, d'autres choix en faveur de ports régionaux ne sont-ils pas préférables ?

Où en est-on du volet portuaire, concernant la convention additionnelle « marée noire et intempéries » qui porte sur près de 75 millions d'euros de crédits supplémentaires, dont 40 millions provenant de l'Etat ?

Le conseil économique et social de Bretagne constate aussi que, à plusieurs reprises, la région a financé des programmes au-delà de ce qui était prévu, et ce afin de pallier la défaillance de l'Etat. Le taux actuel d'exécution de la région, soit 53, 3 %, est nettement supérieur à celui de l'Etat, qui n'atteint que 42, 6 %. Doit-on craindre, monsieur le secrétaire d'Etat, que de telles avances se transforment de fait en véritables dépenses supplémentaires ? Comment, dès lors, envisager des redéploiements de crédits dans le cadre, par exemple, des engagements pris lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 18 décembre 2003 ?

Au final, on a de bonnes raisons de croire que les contrats de plan Etat-région sont devenus des variables d'ajustement de la politique budgétaire de l'Etat. Cela compromet le dynamisme économique régional. Dans le même temps, les charges des collectivités territoriales s'alourdissent.

Nous ressentons ici clairement, à travers l'exemple des contrats de plan, les effets d'une politique de décentralisation qui a été menée dans la précipitation et qui n'est rien d'autre que la mise en oeuvre du désengagement budgétaire de l'Etat. Un tel empressement pose de multiples problèmes. Je voudrais vous faire part de l'un d'entre eux. Il s'agit de la propriété des voies ferrées des ports. A qui sera-t-elle transférée ? N'y a-t-il pas, dans le cadre de la décentralisation, un risque de rupture de la continuité du réseau ferré ? En dernière instance, Réseau ferré de France, RFF, ne devrait-il pas en récupérer la propriété ?

Pour terminer, je vous serais reconnaissant de nous informer de l'évolution du dossier relatif à la libéralisation des services portuaires, qui avait été bloqué, à la fin de l'année 2003, par le Parlement européen. La nouvelle mouture répond-elle mieux, notamment en matière de sûreté et de sécurité portuaires, aux soucis exprimés par les professionnels du secteur ?

Et avons-nous la garantie que la proposition de loi relative à la création du registre international français, qui sera finalement débattue en janvier à l'Assemblée nationale, préservera l'emploi ? L'effectif d'exploitation réellement embarqué sera-t-il composé obligatoirement d'un minimum de 35 % de Français ?

Au-delà de ces interrogations, et pour les raisons que nous venons de développer, vous comprendrez que le groupe communiste républicain et citoyen vote contre ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yvon Trémel

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat budgétaire qui nous mobilise autour des crédits consacrés à la mer nous donne l'opportunité d'observer une situation paradoxale.

Avec ses 5 500 kilomètres de littoral, avec un domaine public maritime de 11 millions de kilomètres carrés qui en fait la seconde superficie maritime du monde, avec une tradition et une histoire maritimes remarquables, avec un patrimoine maritime de grand intérêt, la France réunit, à coup sûr, de nombreux « ingrédients » lui permettant de valoriser une vocation maritime bien établie.

Force est pourtant de constater que notre pays, ses élus, ses institutions et sa population, manifestent à l'égard de la mer un intérêt relatif et semblent trop souvent tourner le dos à d'exceptionnels atouts.

Il convient dès lors de saisir chaque occasion, et la discussion budgétaire en est une, et même excellente - l'aurons-nous encore dans l'avenir ? -, pour dire combien cette situation paradoxale est regrettable. Le petit nombre de parlementaires convaincus, motivés et libres qui « chérissent » la mer, affirmera cette année, à nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, son attente depuis si longtemps insatisfaite d'une politique volontariste de la mer dans notre pays.

Notre débat doit porter à la fois sur le projet de budget et sur les leviers qui jouent un rôle influent sur l'économie de la mer, dont il faut rappeler le poids : 20 milliards d'euros, hors tourisme, et 450 000 emplois à la clé.

Le projet de budget consacré à la mer respecte un scénario annuel désormais bien rôdé.

Les crédits inscrits, 1 141 millions d'euros, sont affectés pour une très large part - 77 % - au financement de l'ENIM.

Hors ENIM, les dotations prévues atteignent 319 millions d'euros et connaissent une progression de 0, 9 %. C'est dire la faible marge de manoeuvre dont vous disposez, monsieur le secrétaire d'Etat, pour donner une réalité à des priorités sur lesquelles nous pouvons nous retrouver : la solidarité à l'égard des gens de mer, la sécurité, la formation, le soutien à la flotte de commerce, la modernisation des ports, la protection et la valorisation du littoral.

La subvention de l'Etat à l'ENIM, destinée équilibrer son budget, est en progression. Elle ne permet pas pour autant de répondre complètement aux attentes des pensionnés ressortissants du régime, soucieux du maintien de leur pouvoir d'achat et constants, quel que soit le Gouvernement en place, dans leurs revendications à caractère social.

La sécurité maritime est affichée comme une priorité absolue. Or l'analyse des crédits qui lui sont affectés révèle une évolution contrastée.

Le plan de modernisation des CROSS se poursuit et il faut se féliciter de la forte croissance des crédits de paiement, qui va permettre de réaliser le renforcement de la couverture radar en Manche.

Les moyens consacrés à la signalisation maritime sont, en revanche, en forte diminution, tant en fonctionnement qu'en investissement. Le plan de modernisation lancé en 1998, et qui doit durer huit années, semble vraiment en panne.

A quand, monsieur le secrétaire d'Etat, l'acquisition d'un baliseur neuf pour le Verdon ? A quand la réfection du phare de Cordouan ?

Il serait grave à mon sens d'abandonner ces deux missions de l'Etat : la sécurisation de nos côtes et la nécessaire remise à niveau de ce patrimoine maritime exceptionnel que constituent nos phares.

La sécurité des navires et de la navigation repose aussi pour une large part sur l'activité des centres de sécurité des navires. S'il convient de se réjouir du taux d'inspection des navires étrangers en 2003, et sans doute aussi en 2004, l'absence de création de postes d'inspecteur en 2005 est difficilement compréhensible.

Un plan pluriannuel 2000-2006 fixe comme objectif un effectif de 130 inspecteurs habilités à inspecter l'ensemble des navires. Sur les 125 inspecteurs actuellement recensés, 89 seulement seront habilités à effectuer les contrôles des navires étrangers, alors même que les missions confiées à ce corps continuent à s'élargir avec, par exemple, la mise en oeuvre du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, le code ISPS.

A propos de l'entrée en vigueur de ce code, qui entraînerait, dit-on, des dépenses nouvelles s'élevant à plusieurs dizaines de millions d'euros par an, il serait intéressant, monsieur le secrétaire d'Etat, de connaître les suites que vous entendez donner aux conclusions de la mission interministérielle, en particulier à la suggestion de créer une taxe de sûreté sur le transport des passagers.

En ce qui concerne la formation, qui est une autre priorité affichée, on observe également une évolution contrastée des crédits : dotation en augmentation pour l'enseignement secondaire, reconduction des moyens pour l'enseignement supérieur et réduction des moyens consacrés à la formation continue des enseignants.

Au moment où nous entrons dans une période nouvelle, avec le transfert aux régions de la responsabilité des bâtiments de nos quatre écoles nationales de la marine marchande, deux questions méritent d'être posées.

Premièrement, pourquoi ce projet de budget ne prévoit-il pas de plan de formation continue pour les enseignants, alors même que la navigation maritime connaît des évolutions technologiques permanentes ?

Deuxièmement, quelles mesures nouvelles l'Etat entend-il prendre face à la situation préoccupante entraînée par la pénurie d'officiers, le manque de candidatures aux concours de recrutement et une pyramide des âges des cadres défavorable ? Il est bon de rappeler en effet qu'il faut douze ans pour former un capitaine au long cours.

L'Etat apporte un soutien financier à la flotte de commerce. Ce soutien revêt différentes formes.

Les crédits affectés à l'allègement des charges jouent un rôle clé, mais ils sont souvent considérés comme insuffisants pour tenir les engagements concernant les cotisations d'allocations familiales et d'assurance chômage.

La taxe au tonnage est un dispositif récent. L'observation de pratiques similaires en Grande-Bretagne et en Allemagne suscite cependant des inquiétudes, puisque les emplois promis en contrepartie de l'allègement fiscal n'ont pas été créés dans ces pays.

Il est encore trop tôt pour avoir un aperçu de ce qui se passera en France. Il nous faut donc prendre date, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais nous voudrions d'ores et déjà connaître les premières initiatives prises par les armateurs à la suite de l'ouverture de ce dispositif.

Le GIE fiscal a fait la preuve de son attractivité. Je souhaite quant à moi connaître les conclusions de la Commission européenne sur la compatibilité du dispositif avec les règles relatives aux aides d'Etat. A-t-on une idée du calendrier de remise de ces conclusions ?

L'Union européenne place le cabotage parmi les orientations majeures de sa politique des transports.

Deux parlementaires, MM. François Liberti et Henri de Richemont, le nouveau président du groupe d'étude de la mer du Sénat, ont publié des rapports très intéressants démontrant l'intérêt du cabotage sur les plans économique, écologique et de l'aménagement du territoire.

Une ligne budgétaire a été ouverte, instaurant une aide au démarrage de nouvelles lignes de cabotage. Or les crédits ne sont pas consommés. Le simple constat d'inefficacité doit donc être dépassé et certaines suggestions contenues dans ces rapports méritent de connaître une suite.

Au moment où l'on parle des autoroutes de la mer, au demeurant sans voir venir grand-chose depuis les annonces du CIADT de décembre 2003 - un bilan a eu lieu cette semaine -, il vous appartient, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire des propositions permettant de « transformer une bonne idée en réalité politique et économique ».

Le développement des ports est un enjeu économique et stratégique majeur.

Avec l'adoption de la loi du 13 août 2004, les actuels ports d'intérêt national ont vocation à être décentralisés au profit des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Nous assistons à un réel mouvement d'intérêt, en particulier de la part des conseils régionaux, qui correspond au développement de « consciences maritimes régionales », ce dont nous nous réjouissons. Dans quelques mois, il sera possible d'observer les résultats de cette évolution importante.

Deux questions concernant les ports retiennent pour l'heure notre attention : la chute continue des crédits de fonctionnement accordés aux ports autonomes, qui rend leur entretien de plus en plus difficile, et le retard constaté dans la desserte ferroviaire des espaces portuaires.

La + «Mer » de ce projet de budget consacre des crédits à la protection et à l'aménagement du littoral. Un rapport demandé à la Cour des comptes par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale nous renseignera sur le niveau et la pertinence des moyens mis en oeuvre pour lutter contre les pollutions maritimes accidentelles.

Dans l'attente des conclusions de ce rapport, nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous fassiez le point sur le projet de zone maritime particulièrement vulnérable, sur la transposition des directives européennes et sur l'Agence européenne de sécurité maritime.

S'agissant de l'aménagement du littoral, nous ne pouvons rester insensibles au fait qu'aucun schéma de mise en valeur de la mer, ou SMVM, n'a été approuvé depuis huit ans. Deux SMVM devraient, paraît-il, être bientôt finalisés : celui du Trégor-Goëlo, en Côtes-d'Armor, et celui du golfe du Morbihan. Peut-être ai-je encore toutes mes chances, grâce à vous, monsieur le secrétaire d'Etat !

Le SMVM du Trégor-Goëlo, initié en 1993, devait être finalisé en 2003. Pouvez-vous me donner, monsieur le secrétaire d'Etat, un calendrier fiable sur sa date d'approbation ?

Je souhaite à présent sortir du cadre strictement budgétaire pour aborder quelques grandes questions maritimes d'actualité.

Comment ne pas parler du registre international français ? En effet, nous sommes tous ici préoccupés par le recul du pavillon français.

La chute des effectifs des personnels navigants français est un problème majeur pour certaines régions qui ont longtemps vécu de l'emploi maritime. Nous le savons bien, en Côtes-d'Armor. La proposition de loi déposée par M. Henri de Richemont a fait se lever des « vents contraires » violents. Nous attendons des informations de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les résultats de la médiation organisée, sur votre initiative, par M. Scemama, et sur le calendrier envisagé pour la poursuite du débat autour d'un texte, je l'espère, amendé.

Il est impossible de ne pas vous interroger sur l'état des lieux concernant le nouveau projet de directive européenne relative à l'accès au marché des services portuaires. Le débat autour de l'auto-assistance reste passionné. Où en sommes-nous exactement ?

Les riverains de l'Atlantique et de la Manche restent très vigilants sur les pollutions à répétition. Il ne se passe guère de mois sans qu'un navire laissant derrière lui un sillage suspect ne soit surpris en Manche ou dans le golfe de Gascogne. Mais nous disposons désormais d'un pouvoir de sanction. Dans les milieux maritimes, on commence ainsi à connaître les « mardis de Brest ».

Vous serait-il possible, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous faire parvenir, même plus tard, un état descriptif des affaires traitées par trois tribunaux, ceux de Brest, du Havre et de Marseille, retraçant le nombre de dossiers traités, l'immatriculation des navires concernés et les sanctions prononcées ?

Enfin, il faudrait évoquer la question de la plaisance. Mais je ne peux éviter de vous interroger sur la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM. J'ai été très frappé par l'observation formulée en commission des finances de l'Assemblée nationale à propos de la sous-évaluation annuelle, constatée depuis plusieurs années, des besoins réels de financement de la SNCM, qui joue pourtant un rôle essentiel pour la sécurité des plaisanciers.

Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous poserai deux questions.

La première concerne le lien entre la mer et la production d'énergie. La France n'a pas encore expérimenté, pour l'instant, les technologies utilisant l'énergie des courants et de la houle. L'Etat a cependant lancé un appel d'offres concernant la mise en chantier de centrales éoliennes marines. Pourriez-vous nous donner quelques informations sur les résultats de cet appel d'offres ?

La seconde question est liée au lancement récent du concept de « pôle de compétitivité ». La mer recèle bien des potentialités en matière de recherche et d'innovation. Peut-on envisager le dépôt de projets de pôles de compétitivité sur la thématique Mer ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai suivi avec attention le récent colloque organisé par le Conseil économique et social, qui avait pour thème : « La mer, richesse exploitée ou richesse gâchée ? », et au cours duquel vous avez affirmé votre volonté de passer « de la richesse gâchée à la richesse créée ».

Ambition, volonté, lisibilité, continuité : nous nous retrouvons autour de principes communs. Mais une politique de la mer ne peut réussir que si les moyens financiers, matériels et humains sont au rendez-vous. Il n'y a pas de politique de la mer sans politique publique globale.

Une approche trop sectorielle, trop cloisonnée et des crédits publics trop modestes, vraiment, monsieur le secrétaire d'Etat, beaucoup de milles marins restent encore à parcourir avant de pouvoir parler d'une véritable politique de la mer dans notre pays ! Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de ce projet de budget qui ne vous permet pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre le bon cap que vous souhaiteriez atteindre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différentes interventions, et notamment les exposés de MM. les rapporteurs. La tâche de celui qui s'exprime au nom du Gouvernement est singulièrement allégée quand les rapports des commissions sont d'une telle qualité !

Vous l'avez dit, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la section « Mer » sont en augmentation de 4, 6 % par rapport à l'année précédente, et ce n'est pas le président Arthuis qui me démentira si je dis qu'on ne lit pas forcément une politique dans le taux d'augmentation ou de régression de ses crédits.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

C'est la manière dont ils sont employés qui compte.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

Nos priorités sont les suivantes.

La première priorité est une formation professionnelle maritime de qualité, tournée vers le professionnalisme : nous croyons en effet à l'essor des professions maritimes et nous tenons à ce que cette formation y prépare correctement.

La deuxième priorité, qui a été évoquée à plusieurs reprises, est l'aide à l'emploi maritime, dans le contexte de concurrence internationale extrêmement sévère que nous connaissons.

La troisième priorité est relative au maintien du soutien au régime social spécifique des gens de mer.

Enfin, quatrième priorité, l'accent est mis sur la sécurité maritime avec, pour objectif, de faire de notre pays le mieux-disant européen en la matière.

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de reprendre plus en détail certaines de ces priorités.

Nous voulons une formation maritime de qualité. Très attachés au maintien des spécificités de la formation maritime, nous avons souhaité que les lycées maritimes restent rattachés au secrétariat d'Etat à la mer.

Les crédits de vacation augmentent sensiblement pour faire face principalement à un changement statutaire lié à une intégration dans le cadre de la fonction publique d'enseignants qui relevaient autrefois d'une association. Pendant une période de transition, il est nécessaire de pallier un certain manque de disponibilité de ces professeurs en augmentant le nombre des vacations.

Notre objectif est de pérenniser et de moderniser les lycées maritimes professionnels. Dans le même temps, les écoles de la marine marchande doivent évoluer dans un contexte de décentralisation, probablement dans le sens d'une spécialisation, en intégrant le besoin de formation continue.

Il est vrai que les carrières maritimes attirent moins qu'autrefois. Nous continuons à penser que le fait de disposer d'un système de formation maritime de très grande qualité est un atout pour notre pays, pour l'emploi maritime, comme pour le développement de la pêche et de la marine marchande.

S'agissant maintenant de l'emploi maritime, il existe un certain nombre de mécanismes d'aides à la marine marchande qui contribuent à aider ce secteur, soutenu d'ailleurs dans tous les pays développés, notamment pour compenser des coûts salariaux et des charges infiniment plus faibles que ceux que nous connaissons et qui jouent tout leur rôle dans la compétition internationale.

C'est ainsi que, d'une part, nous avons réduit les taux de cotisations ENIM pour les navires inscrits au registre des Terres australes et antarctiques françaises et que, d'autre part, nous remboursons à 100 % les contributions patronales ENIM et partiellement les cotisations d'allocations familiales et d'assurance chômage. Cette seconde action est inscrite dans ce projet de loi de finances au même niveau que dans le projet de loi de finances initiale pour 2004, soit 44 millions d'euros.

Notre objectif est de pérenniser ce système d'aides, aujourd'hui soumis aux aléas de la discussion budgétaire, qui pourrait être opportunément remplacé par un système d'exonérations très avantageux en termes de lisibilité pour les entreprises maritimes françaises.

Le GIE fiscal a été évoqué à plusieurs reprises, notamment par M. le rapporteur pour avis. Nous attendons les conclusions de la Commission qui a demandé à l'administration française des précisions sur ce dispositif.

Des aides spécifiques à la marine marchande et à l'investissement existent dans plusieurs pays européens. On imagine mal que le dispositif français soit fondamentalement remis en cause par les observations de la Commission. En tout état de cause, le Gouvernement a l'intention de maintenir un régime d'aides à l'investissement maritime, faute de quoi nous n'aurions tout simplement plus de navires neufs battant pavillon français.

J'en viens aux autoroutes de la mer, enjeu d'importance pour notre marine marchande.

A propos du transfert intermodal évoqué par MM. Revet et Trémel, nous avons l'intention de lancer un appel à projets, qui pourrait avoir lieu au cours du second semestre 2005.

D'une part, l'Europe a décidé d'y affecter des crédits. D'autre part, le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003 a retenu les autoroutes de la mer parmi les grandes infrastructures de transport financées par des ressources spécialement affectées.

Nous avons des financements possibles. Il s'agit de détecter les bons projets, les projets économiquement viables qui, après une période d'amorçage, apporteront des possibilités de transfert modal qui déchargeront le transport routier sur notre réseau.

S'agissant de l'ENIM, c'est, vous l'avez dit, la majeure partie de la section « Mer », soit 822 millions d'euros, lui est attribuée. C'est l'occasion de rappeler que la décision a été prise - et réaffirmée - de maintenir un régime spécifique pour les gens de mer. Vous le savez, l'ENIM est le plus ancien régime de sécurité sociale français, le premier créé dans notre pays. Il n'est pas question de revenir sur les spécificités de ce régime.

Quant à la lisibilité budgétaire, monsieur Haut, nous aurons désormais, conformément à la nouvelle loi organique, deux programmes, celui du régime de protection sociale et le programme « sécurité maritime », gages d'une bonne lisibilité de notre politique maritime.

J'en viens à la sécurité maritime. La France renforce également le budget alloué à la sécurité et à la sûreté maritimes, qui s'élève à 46, 6 millions d'euros, conformément à ses engagements internationaux.

Je citerai également l'accélération du plan de modernisation des équipements techniques, avec, en particulier, la couverture radar des CROSS de la Manche et l'amélioration de la qualification des personnels pour tirer les conséquences, en termes d'effectifs, de la fin du service national.

A l'heure où notre pays commence à se saisir de l'idée d'une Constitution européenne, je me dois de rappeler que l'Europe a joué un rôle moteur en matière de sécurité maritime pour les Etats de l'Union européenne. Elle a été le lieu adéquat pour l'édiction de réglementations qui, par essence, doivent s'appliquer à l'ensemble des Etats membres, tant il est vrai que les accidents maritimes peuvent concerner certains d'entre eux - la France, au premier chef-, pour des transports maritimes susceptibles d'en intéresser d'autres au sein de l'Union.

Après les défaillances de 1999 et de 2000 qui ont donné lieu à des condamnations de la France pour manquement à ses obligations communautaires, nous avons désormais des taux de contrôle supérieurs, et qui resteront supérieurs, aux exigences de la réglementation européenne.

De la même façon, nous avons de manière totalement satisfaisante assumé nos nouvelles obligations au titre cette fois de l'Etat du pavillon, avec l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2004, du code ISPS. Nous sommes, là également, de bons élèves, dans le respect des règles de sûreté et de sécurité. Je crois que c'est pour nous un réel motif de satisfaction.

C'est d'ailleurs pour moi l'occasion de rendre hommage aux personnels concernés, des personnels de grande qualification qui nous assurent un degré de sécurité et de sûreté particulièrement élevé.

S'agissant des unités littorales des affaires maritimes, les ULAM, sachez, monsieur Haut, que, si les crédits diminuent, c'est tout simplement parce que le plan d'équipement, notamment avec l'acquisition du deuxième patrouilleur, le Themis, est aujourd'hui arrivé à son terme. Au surplus, ces unités bénéficient aujourd'hui des moyens de leur fonctionnement.

Là encore, la qualification des personnels est un facteur essentiel de l'efficacité de nos services qui, vous le savez, sont très largement occupés par la police des pêches.

Il a été beaucoup question des ports. Je crois pouvoir dire, avec M. le rapporteur pour avis, et sous le contrôle de Gilles de Robien, que l'amélioration de la compétitivité portuaire est une priorité de notre gouvernement, tant il est vrai que, au-delà des ports, c'est l'ensemble de la chaîne du transport qui est en jeu. Il est vrai que nous avions pris du retard en particulier pour ce qui est des dessertes ferroviaires et fluviales de nos grands ports. Or notre compétitivité et l'efficacité de nos ports en dépendent, sinon totalement, du moins dans une large mesure.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

En ce qui concerne Le Havre, monsieur le rapporteur pour avis, vous savez que le Gouvernement a retenu, en 2004 et pour 2005, la desserte Motteville-Montérolier-Buchy, à laquelle l'Etat participera à hauteur de 22 millions d'euros, ainsi que la desserte de Port 2000, avec environ 32 millions d'euros.

De la même façon et s'agissant de la réalisation du barreau de Saint-Georges au port de Dunkerque, l'Etat, pour 2005, inscrit des crédits à la section « Transports terrestres », crédits essentiels pour nos ports.

Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, il y a eu du retard, oui il y a une volonté de le combler, parce que les ports sont un outil de développement économique absolument essentiel.

Le projet de Fos 2XL, au port de Marseille, est aussi éligible aux crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. Les crédits d'investissement consacrés aux ports maritimes connaissent, pour 2005, une forte augmentation, de 8, 5 %, et atteignent 42, 6 millions d'euros.

Je crois que ce sont là autant de motifs de satisfaction pour ceux qui savent - et vous êtes de ceux-là - l'importance des ports pour notre économie et pour nos régions.

Plusieurs questions m'ont été posées concernant la directive sur l'accès au marché des services portuaires, dont le contenu a considérablement changé par rapport au projet qui avait été repoussé par le Parlement européen.

Je dirai brièvement que ce texte introduit, pour les Etats, une obligation d'agrément des intervenants portuaires, ce qui doit être plutôt rassurant, et qu'il limite l'auto-assistance aux travaux à terre, alors que le projet de directive était au contraire centré sur l'auto-assistance à bord. C'est un changement considérable, et nous estimons, pour l'instant, que ce projet de directive mérite d'être examiné et de suivre son cours au sein des instances européennes.

On ne peut pas ne pas mentionner la décentralisation, qui est une priorité après le vote de la loi du 13 août 2004. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez parlé, à juste titre, du besoin de clarification en matière de police portuaire. L'ordonnance prévue l'intègre totalement en s'inspirant notamment des réflexions qui figurent dans votre rapport de l'année dernière et que vous avez renouvelées cette année. Nous avons notamment pris bonne note de la question, au demeurant très importante, du droit applicable aux sinistres dans les ports.

Madame Payet, vous soulignez la faiblesse de la marge en matière de sécurité maritime. Il s'agit en effet de services à effectifs relativement faibles, mais dont la qualité nous permet d'assumer aujourd'hui totalement nos responsabilités.

J'en viens aux contrats de plan portuaires, évoqués par M. Le Cam. Au regard de l'exécution, les ports sont plutôt bien situés, puisque, à la fin de 2004, le taux d'exécution est de 43 % au niveau national.

Ce taux n'est, certes, pas encore satisfaisant, mais le Gouvernement tiendra ses engagements et honorera sa signature. Nous rattraperons le retard dans l'exécution des contrats de plan, retard qui a commencé, permettez-moi de le rappeler, dès le début de ces contrats, c'est-à-dire dès l'année 2000.

Monsieur Le Cam, il est certain - et nous l'évoquions à propos des connexions ferroviaires - que le transport maritime est un mode particulièrement louable du point de vue environnemental. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons le développer.

Vous avez évoqué la propriété des voies ferrées dans les enceintes portuaires. Il y avait, en effet, un vide juridique que nous nous employons à combler. Nous sommes en réflexion sur ce sujet. Un texte était nécessaire ; il sera rapidement publié.

Je reviens, après plusieurs d'entre vous, sur le registre international français. Vous avez approuvé la proposition de loi déposée par votre collègue M. de Richemont. Les milieux maritimes ont émis un certain nombre d'objections, faisant valoir notamment qu'il était nécessaire que ce texte fasse explicitement mention d'un objectif d'emploi maritime, alors que cet objectif n'est encore que sous-jacent dans la rédaction actuelle. Ce sera fait par voie d'amendement, au début de l'année prochaine, quand l'Assemblée nationale examinera le texte que vous avez adopté.

En entourant ce dispositif d'un certain nombre de garanties pour l'emploi maritime, nous avons la possibilité de disposer d'un outil nouveau pour relancer le développement de notre marine marchande. D'autres pays l'ont expérimenté avec succès ; il fallait que nous nous dotions d'un système équivalent, mais qui soit protecteur en matière sociale. Il l'est pour les marins non communautaires.

Cela a des incidences aussi en termes de sécurité maritime, puisque, dans la mesure où un navire bat pavillon français, il respecte l'ensemble des règles de sécurité édictées par notre pays, ce qui est une garantie forte.

C'est donc un texte utile, qui sera prochainement soumis aux députés.

Monsieur Trémel, dans le temps qui m'est imparti, je ne pourrai certainement pas répondre aux très nombreuses questions que vous avez posées.

En ce qui concerne les phares, nous partageons votre souci de protéger ce patrimoine, qui est en même temps un outil utile à la navigation. Je puis vous indiquer que les travaux du phare de Cordouan commenceront l'année prochaine. Quant à l'acquisition d'un baliseur neuf pour le Verdon, il n'est pas exclu que nous puissions conclure un marché dans le courant de l'année prochaine ; nous recherchons un matériel adapté aux besoins.

S'agissant du financement des coûts liés à l'entrée en vigueur du code ISPS, l'instauration d'une taxe de sûreté sur le transport de passagers se heurte à des obstacles qui ne sont pas minces, dans la mesure où des déséquilibres assez forts entre les charges et les recettes apparaîtraient pour les petits ports de passagers, qui se trouveraient pénalisés. C'est là un vrai problème, et il n'est pas exclu que nous choisissions de ne pas instaurer de taxe pour cette raison technique. Cependant, le dossier n'a pas encore fait l'objet d'une décision définitive.

En ce qui concerne les schémas de mise en valeur de la mer, celui d'Arcachon, qui fera suite à celui de l'étang de Thau, devrait être adopté très prochainement. Il a reçu un avis favorable du Conseil d'Etat, et le décret visant à l'approuver est à la signature.

Quant au schéma de mise en valeur de la mer du Trégor-Goëlo, qui vous tient particulièrement à coeur, monsieur Trémel, son élaboration est très avancée, puisque, là aussi, nous en sommes au stade de la prise d'un décret en Conseil d'Etat. Sachez que, dès que celui-ci aura été transmis aux administrations centrales, nous nous attacherons à ce que le schéma soit approuvé le plus rapidement possible. En tout état de cause, je peux d'ores et déjà vous dire que le travail préalable accompli par les instances locales est de très grande qualité.

Par ailleurs, l'Agence européenne de sécurité maritime est aujourd'hui installée et contrôle les inspections de navires dans de nombreux pays européens. Ainsi, un contrôle de notre propre centre de sécurité des navires de Marseille a été effectué.

Il est vrai, monsieur Trémel, que les crédits affectés à la SNSM, chère au coeur de tous les marins, ne sont pas très élevés. Cependant, ils font l'objet d'un traitement exceptionnel en ce qu'ils ne subissent pas de régulation budgétaire, ce qui est une bonne chose.

A cet égard, il faut souligner que tous les plaisanciers devraient avoir à coeur de verser une cotisation à la Société nationale de sauvetage en mer. C'est la pratique dans de grands pays maritimes, et nous pouvons souhaiter qu'un tel civisme maritime se développe en France.

En ce qui concerne les éoliennes, j'indiquerai que onze projets ont été déposés et sont aujourd'hui examinés par la Commission de régulation de l'électricité.

Enfin, les statistiques concernant le tribunal spécialisé dans les infractions maritimes de Brest vous seront bien entendu communiquées.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations qu'appelaient de ma part vos intéressantes contributions au débat. Je remercie vivement les deux commissions de la qualité de leurs rapports, ainsi que de leur recommandation dans le sens de l'approbation des crédits.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la mer inscrits à la ligne « Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à l'aménagement du territoire.

Titre III : moins 213 670 056 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.

Titre IV : 48 468 979 €.

Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 814 000 € ;

Crédits de paiement : 972 258 000 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.

Titre VI. - Autorisations de programme : 1 592 741 000 € ;

Crédits de paiement : 888 790 000 €.

Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la mer.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je voudrais souligner, à l'adresse de nos collègues, que le programme de nos travaux est tel pour cet après-midi et ce soir que nous devrions achever la discussion du dernier fascicule budgétaire, relatif à la jeunesse, aux sports et à la vie associative, vers quatre heures et demie, demain matin...

Par conséquent, tous les efforts de concision seront bienvenus. Il serait souhaitable, mes chers collègues, de n'exprimer que ce qui est original et constitue un apport véritablement nouveau au débat, afin que nous ne levions pas la séance à une heure trop avancée demain matin.

Je vous remercie par avance, mes chers collègues, des efforts que vous voudrez bien accomplir en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je m'associe à votre appel à la concision, monsieur le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le Sénat va donc poursuivre dans cette voie exemplaire en continuant l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer.

Aviation et aéronautique civiles

Budget annexe de l'aviation civile

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : II. - Transports et sécurité routière : aviation et aéronautique civiles, budget annexe de l'aviation civile.

M. le rapporteur spécial étant momentanément retenu, je donne la parole à M. Yannick Texier, en remplacement de M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aviation civile et le transport aérien.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Texier

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Jean-François Le Grand étant empêché, il m'a demandé de bien vouloir vous présenter le projet de budget de l'aviation civile et du transport aérien.

Je n'évoquerai pas longuement les crédits, que notre collègue Yvon Collin présentera tout à l'heure au nom de la commission des finances, me bornant, pour ma part, à insister sur quelques points.

Monsieur le ministre, le Gouvernement vient de présenter, à l'Assemblée nationale, un amendement au collectif budgétaire portant sur les redevances aériennes. La commission des affaires économiques du Sénat est pour la vérité des prix, et il est tout à fait justifié que les compagnies aériennes paient pour les services dont elles bénéficient.

De ce fait, monsieur le ministre, après la budgétisation du FIATA, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, il me semble que la TAC, la taxe de l'aviation civile, n'a plus lieu d'être. Nous en reparlerons dans quelques jours, mais je voulais d'ores et déjà vous faire part de mon intérêt pour cette question, qui rejoint celle de la budgétisation du FIATA.

Concernant la conjoncture dans le secteur du transport aérien, après une année 2003 médiocre, 2004 devait être l'année du redressement. Le premier semestre a pu conforter ces anticipations, puisqu'il a été marqué par un véritable rattrapage. Toutefois, le renchérissement du coût du pétrole a un effet très négatif, et le bilan du second semestre devrait donc être nettement moins bon que celui du premier.

Plus généralement, la question est de savoir si l'évolution des charges d'exploitation des compagnies aériennes est soutenable. Nous avons eu, voilà un mois, un débat très intéressant sur les redevances aéroportuaires : il me semble que ces redevances, que leur produit revienne aux exploitants d'aérodromes ou aux services de navigation aérienne, doivent rester à des niveaux économiquement raisonnables.

Malgré ce contexte difficile, la situation d'Air France-KLM est bonne. Son chiffre d'affaires pour le premier semestre de 2004 marque une progression de plus de 9 %, pour atteindre 9, 59 milliards d'euros. On ne peut donc que se féliciter de ce que le Gouvernement et le Parlement aient donné à l'entreprise les moyens de son développement.

Par ailleurs, les crédits inscrits au projet de budget annexe de l'aviation civile sont en augmentation de 2, 9 % par rapport à 2004. Le BAAC est en effet fondé sur une prévision de progression modérée du trafic en 2005. On peut se féliciter de cette prudence. En même temps, j'ai bien conscience que plus l'estimation de l'évolution du trafic est prudente, plus les taux des taxes sont élevés, afin que puisse être atteint un objectif de produit déterminé.

Enfin, vous avez choisi, monsieur le ministre, d'intégrer les crédits du FIATA au budget général de l'Etat. Le Gouvernement a en effet considéré que la mission que constitue l'aménagement du territoire devait concerner l'ensemble de la collectivité nationale, et non les seuls usagers du transport aérien.

J'ai également entendu votre argument selon lequel le financement du FIATA par la taxe de l'aviation civile est source d'effets procycliques : quand le transport aérien va mal, la TAC baisse, alors même que les compagnies aériennes ont besoin de davantage de soutien.

J'entends bien tous ces arguments, monsieur le ministre, même si je regrette la perte d'un outil financier spécifique à une politique précise, si importante aux yeux de la commission des affaires économiques du Sénat, je veux parler du soutien aux dessertes aériennes régionales.

Bien entendu, je partage l'idée que l'aménagement du territoire, mission régalienne, doit être financé par l'ensemble de la collectivité, et non par les seuls usagers du transport aérien. Mai, dans ce cas, monsieur le ministre - nous y revenons ! -, pourquoi maintenir la TAC ? Il me semblerait souhaitable de poursuivre votre démarche jusqu'à son terme logique.

Je saisis l'occasion de ce débat pour vous demander, monsieur le ministre, quelques éléments d'information sur l'état d'avancement du dossier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Pouvez-vous nous dire comment évolue le calendrier de ce grand chantier, et nous préciser les modalités de la concertation mise en place ?

Afin de ne pas dépasser le temps de parole qui m'est imparti, je terminerai maintenant mon intervention en signalant que M. Jean-François Le Grand a consacré le volet thématique de son rapport pour avis à la question délicate de la formation des pilotes de ligne. La situation du marché du travail est, en effet, très difficile dans ce secteur professionnel, un nombre record de pilotes étant à la recherche d'un emploi. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quelles perspectives se dessinent dans ce domaine ?

En conclusion, je vous indique que la commission des affaires économiques du Sénat est favorable à l'adoption des crédits de l'aviation civile et du transport aérien.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;

Groupe socialiste, 11 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.

Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Krattinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le climat de crise qu'il connaît depuis le 11 septembre 2001, le secteur des transports aériens poursuit sa mutation : cette année, on a assisté, notamment, au rapprochement entre Air France et KLM, à la liquidation d'Air Littoral, aux difficultés d'Alitalia et aux remous occasionnés par les arrivées et les départs mouvementés des compagnies low cost dans les aéroports.

Notre pays participe, plus ou moins efficacement, à ces évolutions, au travers du projet de loi relatif aux aéroports et, particulièrement, du changement de statut d'Aéroports de Paris, et par le biais de la loi de décentralisation, qui prévoit le transfert de nombreux aéroports aux collectivités territoriales ou à leurs groupements d'ici au 1er janvier 2007.

Dans ce contexte, la modification profonde de la présentation des crédits des transports aériens appelle toute l'attention de notre assemblée.

Jusqu'à présent, ces crédits étaient répartis entre trois supports : le BAAC, ou budget annexe de l'aviation civile, le FIATA et les crédits inscrits au budget général à la section « Transports », au titre du soutien à la recherche aéronautique.

La manière dont le Gouvernement met en oeuvre les dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances entraîne une modification majeure pour ce projet de budget. En effet, les crédits du transport aérien sont désormais regroupés selon trois missions : le budget annexe, la recherche et l'enseignement supérieur, le contrôle et l'exploitation aériens.

La difficulté de la lecture du budget et la difficulté du contrôle parlementaire vont de pair. C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de considérer plus particulièrement la décision de budgétiser les crédits du FIATA, qui avait jusqu'alors pour vocation de financer la mise en oeuvre de deux politiques, d'une part, les subventions d'investissement à certains aéroports et à des lignes jugées vitales pour le développement économique d'une région, d'autre part, la sécurité et la sûreté des aéroports.

Dans l'optique de l'introduction progressive des règles et principes posés par la loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement a décidé la suppression du FIATA à compter du 1er janvier 2005. Les crédits du budget général prendront alors le relais.

Cela soulève évidemment la question de la bonne affectation du produit de la taxe de l'aviation civile et de la taxe d'aéroport au financement des missions constituant la destination normale de celui-ci : sécurité, incendie, sauvetage et sûreté, aménagement du territoire.

Ainsi, le produit de la taxe de l'aviation civile étant affecté à hauteur de 65, 6 % au BAAC, la quote-part qui était jusqu'à présent attribuée au FIATA et qui sera désormais versée au budget général s'élèvera à 34, 4 %. Cette part correspond à un montant prévisionnel de 83, 78 millions d'euros, soit une baisse de 31 % par rapport à 2004.

De fait, la mission du FIATA, qui est d'assurer une péréquation au profit des aéroports et pour le maintien des lignes dont l'équilibre budgétaire est précaire, sera désormais reprise au travers de l'action « régulation économique ». Je rappelle que cette péréquation et cette mission d'aménagement du territoire étaient la vocation principale du fonds lors de sa création.

Dans ces conditions, on peut s'étonner, sans contester son importance, que seul le secteur « sécurité et sûreté aéroportuaires » constitue une action à part entière dans votre projet de budget, monsieur le ministre.

Cela nous paraît d'autant plus regrettable que les crédits alloués à la péréquation et à l'aménagement du territoire connaîtront apparemment une baisse importante, à concurrence de 23 % par rapport à 2004, soit 21, 5 millions d'euros au lieu de 28 millions d'euros l'an passé. Cette évolution, si elle devait être confirmée, serait particulièrement inquiétante.

Dorénavant, il s'agira d'isoler, au sein du budget général, ce qui sera dévolu aux anciennes missions du fonds. Les moyens budgétaires consacrés aux politiques qui étaient jusqu'alors financées par le FIATA seront imputés au futur programme « Transports aériens » du budget général.

De la même façon, la taxe d'aviation civile avait été relevée en 2004, pour créer une dotation de continuité territoriale destinée à favoriser les déplacements des résidents des collectivités d'outre-mer entre celles-ci et la métropole, conformément à l'article 60 de la loi de programme pour l'outre-mer, la LOPOM. Cela avait eu pour conséquence un élargissement du périmètre du FIATA, ressenti comme un poids fiscal supplémentaire par les usagers, et ce à un moment particulièrement inopportun pour les compagnies aériennes.

Malgré l'inscription de la politique de continuité territoriale au budget 2005 du ministère de l'outre-mer pour 31 millions d'euros, le taux unitaire de la TAC restera inchangé avec 4, 48 euros par passager sur un vol intracommunautaire, et 7, 60 euros par passager sur un vol extracommunautaire, ce qui ne manque pas d'étonner.

Devons-nous conclure de cette analyse que la budgétisation du FIATA ne simplifie pas le budget ni ne permet une meilleure lecture ou un contrôle plus efficace de la part du Parlement ?

L'article 21-1 de la loi organique relative aux lois de finances ne compromettait pourtant pas l'affectation de la TAC au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien puisqu'il stipule : « Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires »- par exemple, une péréquation entre aéroports - « financées au moyen de recettes particulières »- dans le cas présent, la taxe de l'aviation civile - « qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. » Cela semblait vraiment être le cas.

Cette budgétisation ne contribue donc pas, monsieur le ministre, à simplifier le contrôle. En revanche, elle permettrait apparemment à l'Etat de faire des économies. Il y aura moins de péréquation au profit des « petits » aéroports, dont les difficultés iront croissant. Il s'agit donc de la dégradation d'un instrument d'aménagement du territoire auquel nous sommes tous extrêmement attachés.

Avec la suppression du fonds affecté et 23 % de baisse des crédits de péréquation, les collectivités territoriales seront très rapidement appelées à contribuer davantage au maintien des aéroports de province. C'est pourquoi nous considérons aussi la budgétisation du FIATA comme une menace pour les finances des régions, des communes, des agglomérations et des départements.

Nous souhaitons que le Gouvernement rassure la Haute Assemblée sur ces questions essentielles.

Les évolutions importantes du cadre juridique, tant en droit communautaire, avec l'entrée en vigueur des règlements sur le « ciel unique », qu'en droit national, avec la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et le projet de loi sur le changement de statut d'Aéroports de Paris, adopté par la majorité du Sénat le 9 novembre dernier, concourent aux bouleversements du secteur et attisent de nombreuses inquiétudes.

Enfin, si la reprise du trafic aérien est réelle, le secteur connaît encore de graves incertitudes, liées, par exemple, à la concurrence du TGV sur certains itinéraires ou à l'absence de stabilité des compagnies aériennes à coût réduit qui fragilisent les équilibres des aéroports de province en particulier.

II est clair que le budget présenté par le Gouvernement n'apaise pas l'ensemble des inquiétudes exprimées par le secteur des transports aériens, d'une part, et par les élus locaux prochainement sollicités, d'autre part. C'est pourquoi nous nous y opposerons.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le transport aérien constitue un secteur économique stratégique - cela a été dit - dont l'évolution récente justifie l'optimisme prudent que traduisent les propositions budgétaires du Gouvernement pour 2005.

Je ne reviendrai pas, monsieur le ministre, sur les crédits. Ils ont été très bien commentés par nos collègues MM. les rapporteurs. Je voudrais simplement profiter de cette discussion budgétaire pour aborder l'avenir de l'aviation sportive et de loisirs dans notre pays.

En effet, définie par rapport à l'aviation commerciale, l'aviation sportive et de loisirs rassemble toutes les activités exercées à titre non professionnel avec des aéronefs de moins de 2, 7 tonnes, quel qu'en soit le type : avions, hélicoptères, planeurs, ultra-légers motorisés, ballons, deltaplanes ou même modèles réduits téléguidés.

On compte en France, et c'est important, environ 2 500 aéro-clubs - il s'agit d'une densité très forte, par rapport à d'autres pays - rassemblant actuellement quelque 200 000 pratiquants. Autant dire que l'aviation sportive et de loisirs contribue tout autant à la formation des jeunes qu'à l'aménagement du territoire.

Et les résultats sportifs sont excellents. La France se situe, dans toutes les disciplines, au tout premier rang mondial. Trente-quatre médailles ont été remportées en 2003 aux championnats du monde et d'Europe, dans la quasi-totalité des disciplines : vol à voile, voltige, parachutisme, aéromodélisme.

Il n'en demeure pas moins que le secteur est en crise s'agissant, en particulier, de la construction aéronautique industrielle d'aéronefs légers qui connaît, en France, un véritable effondrement. Cela ne date d'ailleurs pas d'aujourd'hui. Il faut reconnaître que ces entreprises ont connu, au fil des années, un certain nombre de tracasseries administratives propres à la France.

Les contraintes administratives imposées aux usagers ainsi que les multiples entraves à la circulation des aéronefs ont conduit nombre d'adeptes à délaisser les disciplines traditionnelles telles que l'avion et le planeur, et les nouveaux venus à se porter vers l'ultra-léger motorisé et le vol libre.

Cette évolution, monsieur le ministre, n'aurait certes rien d'alarmant, si elle ne se produisait au détriment du pavillon français.

Il est un fait certain que la sécurité est toujours le premier argument invoqué par l'administration pour justifier l'édiction de nouvelles règles. Or, si le haut niveau de sécurité atteint par l'aviation civile correspond à la réalité pour le transport aérien commercial, la situation est plus contrastée s'agissant de l'aviation sportive et de loisirs. Avec 314 accidents et 80 morts en 2003, le niveau de sécurité ne s'améliore pas, en effet ! Pour l'avion, le nombre d'accidents et de tués est, depuis près de trente ans, en étroite corrélation avec celui des heures de vol. Et la diminution du nombre d'accidents constatée ces dernières années reflète seulement la baisse de l'activité.

Les statistiques des organisations internationales, bien que difficiles à exploiter, semblent indiquer que le nombre d'accidents en France est supérieur, à activité comparable, à celui qui est enregistré dans d'autres pays, tels que le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Notre collègue Claude Belot a fait un excellent rapport qu'il conclut ainsi : « En trente ans, la réglementation s'est alourdie et complexifiée. Le nombre de personnels chargés de la sécurité de l'aviation légère a augmenté. Il n'en est résulté globalement aucun résultat positif ».

Dans ces conditions, monsieur le ministre, il est urgent de permettre aux pilotes de voler plus facilement, plus librement, en desserrant certaines des contraintes administratives actuelles, coûteuses et excessives, sans apport concomitant à la sécurité des vols.

Dès lors, les procédures de délivrance et de renouvellement des licences méritent d'être largement facilitées. Il en va de même du dépôt du plan de vol et de l'information des pilotes.

Force est de constater que personne ne peut sérieusement prétendre naviguer de Paris vers Strasbourg sans risquer une infraction ! Espaces impossibles et manque de fluidité dans le contrôle caractérisent notre pays. Seuls les vols sans visibilité sont considérés comme sérieux par les contrôleurs, contrairement à ce qui prévaut chez nos voisins allemands ou anglais, par exemple.

Une des solutions pourrait alors consister à faciliter l'accès des pilotes privés à la qualification de vol aux instruments.

En outre, les textes européens relatifs à la navigabilité et à l'entretien sont souvent interprétés de manière restrictive par les autorités françaises. Cette rigueur excessive, que tout le monde connaît et dénonce depuis des années, a pour conséquence immédiate la fuite vers des pavillons plus souples, pas seulement américains, mais allemands, anglais, grecs, belges ou luxembourgeois.

Par conséquent, il est essentiel de simplifier, dans toute la mesure du possible, l'exercice d'une activité aérienne tout comme l'espace aérien lui-même.

A titre d'exemple, il est difficilement compréhensible que la réglementation actuelle ne considère le GPS que comme un moyen secondaire d'aide au pilotage, alors que son apport à la sécurité et à la navigation est significatif pour le vol.

Aussi je vous remercie de nous dire, monsieur le ministre, quelles suites vous entendez donner aux propositions excellentes de notre collègue Claude Belot, selon quelles modalités et quel calendrier, pour que souffle enfin, sur l'aviation légère française, un vent de liberté !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après une année 2002 marquée par les contrecoups des attentats du 11 septembre et un exercice 2003 qui a pâti de la guerre en Irak et de l'épidémie de pneumopathie atypique, 2004 devait être l'année du redressement pour le transport aérien. En effet, le trafic a progressé de quelque 10 % entre le premier semestre 2003 et le premier semestre 2004. Pour autant, la situation des compagnies ne s'est pas véritablement redressée.

Les compagnies aériennes attendaient un bénéfice d'au moins 4 milliards de dollars. Au lieu de cela, elles prévoient dorénavant un déficit d'un montant équivalent, car elles n'ont pas pu répercuter intégralement la hausse du prix du pétrole sur le prix du billet d'avion. Par exemple, Air France n'a pu le faire que dans la proportion de 40 %, soit une somme de 200 millions d'euros par rapport à un surcoût de 500 millions.

Parallèlement, les charges aéroportuaires ne cessent de s'alourdir. Aéroports de Paris, dont nous avons récemment voté le changement de statut, a proposé récemment un relèvement de 6 % pour chacune des années 2005, 2006 et 2007. En somme, les sociétés aériennes sont actuellement confrontées à un environnement financier dégradé.

J'en viens à un autre chamboulement du paysage aérien national : l'émergence des compagnies à bas coûts, qui sont les seules à avoir vu leurs résultats progresser en 2002 et 2003. Je tiens à souligner qu'il n'y a aucune compagnie française parmi elles. Air France, qui refuse de se doter d'une filiale de ce genre ne serait-elle pas bien avisée de revoir sa stratégie ? Après la condamnation d'une partie des aides accordées à Ryanair, quelles sont les perspectives de réglementation pour rétablir une concurrence plus saine ?

Si ces deux évolutions de fond posent le cadre général de l'évolution du budget annexe de l'aviation civile, il est un point sur lequel je souhaiterais revenir plus longuement. Cette année le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, est intégré au budget de l'aviation civile. Permettez-moi de regretter, comme Jean-François Le Grand, cette mesure dont nous n'avons pas compris la nécessité.

Ce fonds, financé depuis 1999 par une quote-part, déterminée chaque année en loi de finances initiale, de la taxe de l'aviation civile, avait notamment pour objectif de mettre en oeuvre une péréquation au profit des aéroports dont le trafic est fragile et de les aider à financer leur mission. Les subventions pour les lignes d'aménagement représentaient ainsi 28 millions d'euros en 2004.

Je voudrais également souligner que la budgétisation du FIATA entraîne des conséquences dommageables pour les dessertes de ces lignes d'aménagement du territoire. En effet, les articles 38 et 39 du projet de loi de finances pour 2005 organisent la clôture du FIATA. Or, en ce qui concerne l'exercice 2005, il est prévu une recette de 83, 78 millions d'euros pour ce nouveau chapitre, contre 118 millions d'euros en 2004, soit une baisse de 31 %. De plus, les dépenses de ce chapitre consacrées aux subventions aux entreprises de transport, connaissent une baisse sensible de 23, 21 %, passant de 28 millions d'euros en 2004 à 21, 5 millions d'euros.

Je suis tout à fait conscient, monsieur le ministre, que l'année 2004 a été atypique, puisque cette ligne budgétaire était seulement de 16 millions d'euros en 2003. J'espère cependant que cette diminution ne remettra pas en cause les engagements qui ont été pris pour les lignes d'aménagement du territoire.

Je souhaite aborder plus spécialement le cas de la ligne Agen-Paris, ligne qui me tient particulièrement à coeur et qui ne fonctionne plus depuis le 17 février 2004, date de la faillite d'Air Littoral. Dernièrement et après beaucoup de recherches, car la concurrence est faible dans ce secteur, un contrat a été signé entre le syndicat mixte de l'aéroport départemental d'Agen, le SMAD, et la société portugaise Aero Condor, pour le redécollage - si je puis dire - de la ligne, prévu pour le 15 décembre. Or il semblerait que cette date ne puisse être maintenue. Cette ligne, structurellement déficitaire, était soutenue par le FIATA à hauteur de 77, 5 %. Mais, avec la réforme prévue du FIATA, seulement 67, 5 % du déficit pourraient être pris en charge. Avec l'application de ce nouveau taux de 67, 5 %, le SMAD devrait alors débourser 200 000 euros supplémentaires, ce qui est une charge insupportable pour le département.

Je tiens à rappeler qu'Agen est loin de Toulouse et de Bordeaux, que les liaisons routières avec Paris sont très mauvaises et que la ligne à grande vitesse, selon les prévisions les plus optimistes, se profile seulement à l'horizon de 2025. Nous avons absolument besoin, monsieur le ministre, de ce désenclavement aérien. Pourriez-vous me confirmer le pourcentage de prise en charge du déficit par le FIATA ?

D'autre part, les lignes d'aménagement du territoire sont aujourd'hui confrontées au manque d'opérateurs. Une seule compagnie française est capable de répondre aux appels d'offres concernant un avion supérieur à trente places. Cette situation a pour conséquence une hausse des demandes de subventions supportées par l'Etat dans le cadre du FIATA. Quelles sont les dispositions et améliorations que compte décider le Gouvernement pour développer la concurrence indispensable parmi les opérateurs aériens ?

Je voudrais enfin aborder un dernier point, monsieur le ministre. Serait-il possible d'avoir quelques éclaircissements sur la situation d'Air Bourbon ? Son certificat de transporteur aérien a été suspendu vendredi dernier, ce qui signifie que la compagnie réunionnaise « ne peut ni effectuer, ni affréter de vol, ni vendre de titres de transport ».

Pourtant, dans la journée, la compagnie avait été placée en redressement judiciaire par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis pour une période de huit mois. Quelle évolution les Réunionnais et les passagers d'Air Bourbon peuvent-ils espérer ? Le certificat de transporteur aérien pourra-t-il être restitué à la compagnie ?

Monsieur le ministre, avec mes collègues de l'Union centriste, je voterai ce budget. Nous avons conscience de vos efforts et de votre travail en faveur du développement du transport aérien. La fusion avec KLM, qui fait d'Air France le premier transporteur aérien mondial, en est le meilleur exemple.

Depuis votre arrivée, vous avez permis aussi bien à Air France qu'à ADP ainsi qu'aux concessionnaires d'aéroports de s'adapter aux nouvelles exigences du transport aérien. Sachez que nous vous soutenons dans cette voie.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir connu une crise majeure, à la suite des événements tragiques du 11 septembre, le secteur aérien, malgré des prévisions de croissance du trafic passager en hausse, demeure extrêmement fragile.

Aujourd'hui, les difficultés que rencontrent les compagnies aériennes sont encore renforcées par l'augmentation du prix du pétrole.

En outre, le développement des compagnies low cost soumet à une concurrence de plus en plus importante l'ensemble du secteur.

Je sais, monsieur le ministre, puisque vous nous l'avez déclaré ici même, que vous considérez ces compagnies comme le principal outil de démocratisation du transport aérien. D'autres pensent que ce type de concurrence ne touche pas directement les grandes compagnies aériennes, qui exploitent des créneaux différents.

Quant à moi, je crois qu'il faut rester prudent face à un mouvement qui n'en est qu'à ses débuts, et qui, quoi que l'on en dise, tire l'ensemble des coûts vers le bas.

A cela s'ajoute une exacerbation de la concurrence intermodale entre les compagnies aériennes et le rail, entre Air France et la SNCF, qui, à l'exemple de iDTGV, multiplie les offres concurrentielles susceptibles de capter des parts de marché au secteur aérien.

Nous sommes là, je le répète, dans une logique où c'est l'ensemble des coûts qui est tiré vers le bas.

Face à une concurrence qui porte essentiellement sur la rationalisation des coûts, il n'y a a priori aucune raison que les compagnies classiques demeurent à l'écart d'un tel mouvement. Celui-ci ne risque-t-il pas, à terme, de remettre en cause la qualité de notre service public et la sécurité même de nos avions ? En tout cas, il y a tout lieu de s'en inquiéter, d'autant que les compagnies low cost, parce qu'elles bénéficient souvent de subventions publiques ou parapubliques, exercent une concurrence déloyale vis-à-vis des compagnies aériennes classiques et les fragilisent fortement.

Monsieur le ministre, votre laisser-faire nuit à l'aménagement de notre territoire et renforce les déséquilibres de l'ensemble de la filière, aéroports compris, avec la tendance à la hausse de la redevance payée par les grandes compagnies.

Dans vos propres rangs, certains pensent que la concurrence exercée par les compagnies à bas coûts mériterait d'être réglementée. C'est le cas de Charles de Courson, rapporteur spécial à l'Assemblée nationale du budget des transports aériens, qui, le 15 novembre 2004, insistait sur la nécessité, après la condamnation d'une partie des aides accordées à Ryanair, de rétablir une concurrence plus saine entre les compagnies aériennes.

Je demeure perplexe face à ce concept de « saine concurrence », alors que c'est une véritable politique des transports qu'il faudrait mettre en place afin d'éviter la disparition de certaines de nos lignes régionales.

Notre collègue de Courson vous a d'ailleurs interpellé : « Dès l'année dernière, j'avais dit au Gouvernement qu'il ne pouvait persister dans sa passivité. Quelle sera sa politique en matière de respect des règles de concurrence à l'égard des low cost ? »

Il est urgent de réagir aux conséquences de l'explosion des compagnies à bas coûts. En pratiquant dans bien des cas le dumping social, déréglementant de fait les règles de notre droit du travail, en utilisant les aides des acteurs locaux, et en disparaissant au moindre problème, elles agissent en véritables prédateurs.

Le transport aérien occupe une place extrêmement importante en matière d'aménagement de notre territoire, de développement durable et d'emploi. Or, c'est précisément ce rôle qui risque d'être sacrifié par pur dogmatisme libéral. La privatisation d'Air France et sa fusion avec KLM en sont le signe le plus évident, car elles privent notre pays de cet instrument de maîtrise publique du secteur des transports.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer ou infirmer le projet d'une nouvelle cession du capital d'Air France de la part de l'Etat ? Certains médias annoncent une cession de plus de 18 %, ce qui serait un nouvel abandon de notre patrimoine national.

Ce budget ne répond pas aux défis d'un secteur encore très fragilisé par le contexte géopolitique actuel. Il est pour le moins décevant.

La dilution des crédits du FIATA dans le budget général est très regrettable, comme l'ont fait remarquer certains de mes collègues. La pérennité de ses crédits et son rôle en matière de péréquation au profit des aéroports, de l'équilibre des dessertes et, donc, in fine, de l'aménagement de notre territoire, ne sont-ils pas fortement compromis par une telle décision ?

Quelles garanties avons-nous que les missions financées par le produit des taxes de l'aviation civile et d'aéroports, comme celles qui sont relatives aux missions de sûreté, de contrôles environnementaux ou de lutte contre les incendies d'aéronefs, seront préservées ? Dans le cadre de la décentralisation, de la privatisation - du moins, de la première ouverture du capital d'ADP - et du changement de statut des grands aéroports régionaux, n'est-il pas question de transférer certaines missions de sûreté aux gestionnaires d'aéroports ?

Bref, sur fond de programme de privatisation des grands acteurs de ce secteur, de nombreuses questions demeurent, et elles ne cessent d'inquiéter les élus que nous sommes.

Parce qu'il refuse cette politique d'abandon des services publics, le groupe CRC votera contre ce budget.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le ministre, vous avez le mérite d'être cohérent !

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Force est de constater que la faiblesse des crédits dévolus à l'aviation civile est presque proportionnelle aux efforts entrepris par le Gouvernement cette année pour désengager l'Etat du transport aérien.

A cet égard, je rappelle la loi entérinant le changement de statut de la société Air France, le projet de loi relatif aux aéroports, organisant le changement de statut d'Aéroports de Paris - vous connaissez notre opposition sur ce texte -, et la loi dite « de décentralisation », qui organise le transfert de très nombreux aéroports et aérodromes aux collectivités locales à l'horizon de 2007.

Cette attitude de l'Etat se traduit par l'abandon d'une politique volontariste d'aménagement du territoire.

Par exemple, sous couvert d'orthodoxie budgétaire, la re-budgétisation du FIATA pose la question de la bonne affectation des taxes de l'aviation civile et d'aéroports aux missions de sécurité et d'environnement auxquelles elles étaient normalement destinées.

De même, nombreux sont ceux qui ont vu leurs crédits de paiement baisser de manière très sensible cette année ; peut-être des crédits de report viendront-ils abonder cette ligne. Mais j'attends que vous infirmiez la baisse importante des crédits destinés au soutien des lignes déficitaires.

Je veux également souligner - c'est presque plus grave - la baisse, dans le budget général, des dotations à la recherche consacrées à la construction aéronautique civile. Selon les chiffres dont je dispose, les dotations passent de 61 millions d'euros à 51 millions d'euros, alors que ces subventions soutiennent des travaux destinés à préparer l'avenir : renforcer la sécurité et la sûreté des appareils, réduire leur impact sur l'environnement - sujet hautement sensible - et améliorer leur efficacité économique.

N'oublions pas non plus que la construction aéronautique, concentrée dans le sud-ouest de la France, participe pleinement à notre économie, en général, et à l'aménagement du territoire, en particulier. Elle mérite donc d'être soutenue.

Enfin, j'espère que le Gouvernement saura, comme nous l'y avons invité à plusieurs reprises au cours du débat sur le projet de loi relatif aux aéroports, limiter l'augmentation des redevances aéroportuaires. Le nécessaire financement des investissements des aéroports ne doit pas aboutir à étrangler des compagnies aériennes déjà mises à mal par la crise internationale et le cours du pétrole. Comme vous pouvez le constater, nous nous faisons les défenseurs des compagnies aériennes.

Je souhaiterais appeler plus particulièrement l'attention du Sénat sur l'ex-compagnie nationale Air France et sur les conséquences de la décentralisation.

En ce qui concerne Air France, je souhaite poser trois questions au Gouvernement, même si, depuis hier matin, j'en sais un peu plus par la presse sur la troisième.

Ma première question est d'ordre social.

Une disposition particulière de la loi relative à la réforme des retraites permet, sous certaines conditions - principalement le nombre d'années de cotisation -, le départ anticipé avant soixante ans pour les salariés ayant eu une carrière longue. Cette mesure permet la liquidation de la retraite de base ou des retraites complémentaires sans abattement.

Jusqu'au 1er janvier 1993, Air France disposait d'une caisse complémentaire autonome. Par conséquent, lors de l'adhésion au régime général des caisses complémentaires ARRCO et AGIRC, la caisse de retraite du personnel d'Air France, la CRAF, a cessé d'être une caisse complémentaire active. Son existence a pourtant été maintenue pour le versement des compléments de pension, sur la base des droits anciens.

Mais le règlement de la caisse ne prévoit pas le cas des départs anticipés avec versement de rente sans abattement. J'ai été sollicité par les organisations syndicales sur cette question, raison pour laquelle j'aimerais qu'elle reçoive aujourd'hui une réponse.

En effet, devant l'évolution récente de la législation sur les retraites, les organisations syndicales ont sollicité la direction d'Air France afin de faire modifier le règlement de la CRAF. Or il semble qu'aucune modification ne soit possible en vertu d'un arrêté ancien. Je tiens les documents à votre disposition, monsieur le ministre.

Il me semblerait donc justifié que vos services examinent ce point précis et proposent des dispositions réglementaires propres au moins à aligner le système de retraite d'Air France sur le système général, en permettant aux salariés les plus anciens de faire valoir leurs droits.

Deuxième question : après la création d'une filiale d'Air France, qui reprend le personnel, la loi dispose qu'une convention collective doit être négociée dans un délai de deux ans. Ce délai a commencé à courir le 6 mai dernier. Où en est cette négociation ? Nous avons cru comprendre qu'elle rencontrait quelques difficultés.

Enfin, monsieur le ministre, j'avais l'intention de vous demander, dans une troisième question, si l'Etat avait l'intention de céder de nouveau de ses participations au capital d'Air France. Depuis hier matin, je sais que 18 % seront mis sur le marché. Mais jusqu'où descendrez-vous ? Bien que ce ne soit écrit nulle part, il semblerait que le Gouvernement souhaite descendre la participation de l'Etat sous la barre des 20 %. Aujourd'hui, l'Etat ne détient plus guère que 25 %.

J'en viens à la décentralisation des aéroports régionaux.

La loi du 13 août 2004 prévoit le transfert aux collectivités territoriales de tous les aéroports appartenant à l'Etat, qui ne seront pas reconnus d'intérêt national au plus tard le 1er janvier 2007. Pour l'instant, il semblerait qu'il y en ait une douzaine.

Après un appel à candidature de ces collectivités, et au cas où un aéroport n'aurait pas trouvé preneur au 1er janvier 2006, le préfet devra désigner un bénéficiaire. Ce sera un exercice difficile ! Comment comptez-vous régler cette question ?

Je souhaite appeler votre attention sur les difficultés qui attendent ces collectivités au regard des pressions exercées par les compagnies à bas coûts.

Ces compagnies bénéficient de subventions publiques, et, devant cette concurrence, des compagnies traditionnelles finissent par abandonner des aéroports ou réduire leurs liaisons. Quand ces compagnies décident à leur tour de quitter l'aéroport, la situation devient critique.

A titre d'exemple, à Bergerac, la chambre de commerce et d'industrie, la CCI, a dû lancer une souscription publique pour financer les travaux d'agrandissement de l'aéroport exigés par l'une de ces compagnies que je ne citerai pas. Ce genre d'exemple n'est pas rare ! On le retrouve à Strasbourg, à Clermont-Ferrand ou à Bordeaux.

Les grands aéroports pourront, eux, résister à de telles pressions, mais les petits, qui seront désormais transférés aux collectivités locales, n'en auront pas les moyens. Le contribuable local, une fois de plus, est tout désigné pour en faire les frais.

Je voudrais particulièrement appeler votre attention sur le cas de l'aéroport de Beauvais.

Le conseil régional, le conseil général et la CCI souhaiteraient que Beauvais soit inclus dans le décret fixant la liste des aéroports, qui, en vertu du projet de loi que le Sénat a adopté récemment, pourront être classés parmi les aéroports régionaux d'intérêt national. A ce titre, ces aéroports ne seront pas transférés aux collectivités locales et pourront être administrés par des sociétés de gestion aéroportuaires.

Cet aéroport a vu son trafic passagers passer en quelques années de 200 000 à un million et demi de voyageurs. Reliant la Picardie, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, à quinze destinations européennes, il est désormais au dixième rang des aéroports métropolitains, et même devant certains aéroports dont nous avons des raisons de penser, sans en avoir de confirmation officielle, qu'ils figureront sur la liste prévue par le projet de décret.

Il serait bon que cette liste soit établie dans une certaine transparence, comme je l'avais déjà demandé. Il n'y a pas d'évolution sur ce point, mais peut-être pourrez-vous nous répondre à propos de l'aéroport de Beauvais, ce qui nous donnerait une idée des critères retenus pour le choix de ceux qui verraient leur statut transformé.

Nous le disons une fois de plus, nous souhaitons maintenir une très forte présence publique dans le capital des sociétés de gestion aéroportuaires, conformément à l'engagement que vous avez pris.

Monsieur le ministre, comme vous l'a indiqué mon estimé collègue Yves Krattinger, ces multiples remises en question du système aéronautique français et l'insuffisance des crédits qui en découle ne nous permettront naturellement pas d'approuver votre budget !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon retard, dû à des transports défaillants. Soyez néanmoins rassurés, il ne s'agissait pas de transport aérien.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Trois ans après les attentats du 11 septembre 2001, le trafic aérien retrouve à peine le niveau qu'il avait atteint en 2000 ; c'est dire l'ampleur du sinistre et le coup d'arrêt extrêmement violent qu'il a constitué pour le secteur.

Certes, les premiers chiffres dont nous disposons pour l'année 2004 témoignent d'une reprise, mais celle-ci reste fragile. Le trafic en direction du Moyen-Orient, notamment, après une baisse de plus de 20 % à la même époque l'année dernière, retrouve des niveaux plus conformes à la réalité, sans que l'on puisse pour autant parler d'autre chose que de normalisation.

Cette situation critique est due à toutes les raisons que vous connaissez : le ralentissement économique généralisé, l'instabilité géopolitique globale, notamment. A ces raisons « logiques », si l'on peut dire, semble s'ajouter une composante psychologique forte, liée à la peur persistante des attentats.

En ce qui concerne plus spécifiquement le marché français, je voudrais revenir, d'une part, sur la constitution du groupe Air France - KLM et, d'autre part, sur l'expansion des compagnies low cost.

Ainsi, la loi du 26 juillet 2004 modifiant la loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France a permis la constitution du premier groupe aérien mondial en termes de chiffre d'affaires, avec 19, 2 milliards d'euros, et le quatrième pour les passagers transportés. Ce résultat est d'autant plus remarquable que beaucoup décrivaient Air France comme une compagnie « moribonde » il n'y a pas si longtemps, c'est-à-dire incapable de faire face à la concurrence des grandes compagnies européennes comme British Airways.

Aujourd'hui, les chiffres parlent d'eux-mêmes : parmi les vingt premières compagnies aériennes mondiales, huit présentent des résultats d'exploitation négatifs, dont six compagnies nord-américaines. Il faut maintenant laisser le temps au nouvel ensemble de résoudre les inévitables difficultés qui se poseront ; mais, je dois le dire, nous avons tout lieu d'être satisfaits, à la fois par « fierté nationale », si j'ose m'exprimer ainsi, mais également pour l'Europe, le nouveau groupe étant résolument européen.

J'en viens au développement des compagnies low cost qui constitue, il faut le reconnaître, une interrogation qu'il est difficile de trancher. Doit-on se réjouir de voir des destinations plus nombreuses proposées à des prix toujours plus bas, ou bien s'alarmer des conséquences sur la sécurité et sur la compagnie nationale ?

Sur ces points, mes chers collègues, il faut faire la part des choses : les compagnies low cost ont trouvé leur place sur le marché français, en hausse de 86 % en 2002 et de 50 % en 2003. On peut remarquer qu'elles desservent souvent des aéroports peu utilisés, ce qui est positif, et participent ainsi à l'aménagement du territoire.

De plus, et j'ai interrogé l'année dernière M. Spinetta sur ce sujet, elles ne posent pas de problèmes majeurs à la compagnie nationale généraliste, puisqu'elles s'adressent clairement à un autre type de clientèle, prêt à sacrifier un peu de confort et d'accessibilité.

En conséquence, ce développement semble somme toute positif et il convient peut-être de l'encourager.

J'interviendrai sur un troisième et dernier point concernant plus spécifiquement le marché français. Nous avons débattu le mois dernier du projet de loi relatif aux aéroports. Je tiens à saisir cette occasion pour remercier notre collègue Jean-François Le Grand du travail extrêmement approfondi et de très grande qualité qu'il a fourni sur ce sujet comme rapporteur de la commission saisie au fond ; notre collaboration a permis de parvenir, notamment sur l'épineuse question de la régulation, à des solutions somme toute équilibrées. En tout état de cause, cela montre la volonté du ministre d'aller de l'avant dans ce secteur.

J'en viens maintenant à l'analyse des crédits du transport aérien. Il était composé, en 2004, de trois « supports » : le budget annexe de l'aviation civile, le compte d'affectation spéciale « FIATA » et une partie consacrée aux crédits des programmes de recherche d'aéronautique civile.

Le budget de l'aviation civile est dépendant de l'évolution du trafic, son mode de financement par des redevances et des taxes impliquant une grande sensibilité à la conjoncture.

Je vous rappelle à ce propos que l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances imposera, à l'horizon 2006, une redéfinition des missions du budget annexe ; ces évolutions ne sont pas présentées dans le projet de loi de finances puisque la « préfiguration » de 2005 ne concerne pas les budgets annexes. Cela dit, les services de la direction générale de l'aviation civile ont bien avancé dans la définition des indicateurs.

La principale difficulté consiste de fait à séparer les activités d'intérêt général, qui seront « budgétisées » dans un programme « aviation civile », inscrit dans une mission « déplacement et transport » du ministère de l'équipement pour les actions régaliennes de la DGAC, et la partie « commerciale », qui restera dans le budget annexe. Il faudra donc, pour l'année prochaine, établir un système de redevance pertinent, et je crois savoir que la loi de finances rectificative pour 2004 sera l'occasion de régler ce point.

Pour le présent projet de loi de finances, la DGAC fait l'hypothèse d'une reprise modérée du trafic, ce qui semble raisonnable, avec une hausse des recettes de 2, 5 %. Le projet de budget qui nous est soumis vise à concilier trois objectifs : ne pas faire peser sur les compagnies aériennes des charges excessives, poursuivre les investissements nécessaires pour assurer notamment la sécurité dans le transport aérien, et éviter de tomber dans un endettement massif, risque qui a été relevé par la Cour des comptes.

Si la situation du budget annexe n'appelle, pour cette année, aucune remarque particulière, il n'en est pas de même du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.

En effet, les articles 38 et 39 du projet de loi de finances suppriment ce compte d'affectation spéciale. Il faut y voir une simplification et une clarification bienvenues. Cependant, des craintes pourraient être émises. Le fait de « budgétiser » les missions du FIATA, notamment la péréquation aérienne, ne fait-il pas planer le risque de voir les sommes afférentes réduites ? Sur ce point, il faudra être attentif aux évolutions des prochaines années. Cette politique est importante et la LOLF ne doit pas être l'occasion de réaliser ce type d'économies.

Vous noterez par ailleurs, et cela est d'un grand intérêt, que la politique de « continuité territoriale en outre-mer », qui avait rejoint le FIATA en 2004, pour 30 millions d'euros, disparaît du nouveau chapitre budgétaire qui reprend ses missions.

M. le rapporteur général s'était interrogé l'année dernière, lors de la discussion des articles du projet de loi de finances, sur la pertinence du financement d'une politique de ce type par une hausse de la taxe de l'aviation civile et de sa place dans un compte d'affectation spéciale où elle n'avait pas grand-chose à faire. Je souscris pleinement à ce diagnostic et je suis donc heureux de vous annoncer que c'est dorénavant le ministère de l'outre-mer qui gérera ces crédits.

Cela dit, le diable est dans les détails, et ils ne sont pas négligeables en la matière ! En effet, comme vous le savez, c'est la taxe de l'aviation civile qui finance le FIATA. A partir de 2005, une fraction de cette taxe sera versée au budget général, pour un montant correspondant aux missions assurées par le FIATA.

Or, si l'on regarde bien, les besoins pour l'ancien FIATA sont de 83, 78 millions d'euros pour 2005 et le produit de la taxe d'environ 114 millions d'euros, soit 30 millions de plus, ce qui correspond exactement au montant de la continuité territoriale.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

De plus, se surajoutent à ce complexe édifice juridique des subtilités intervenues en cours d'année. Ainsi, vous vous rappelez que la continuité territoriale devait être en partie financée par une hausse de la redevance pour services terminaux en outre-mer de 75 %. Je rappelle à ce propos que, même avec cette hausse, cette redevance n'en est pas vraiment une, puisqu'elle ne couvre qu'imparfaitement les coûts. En cours d'année, il a été décidé « d'étaler » cette hausse pour la rendre plus supportable, soit une augmentation de 25 % par an.

En conséquence, on observe une perte de recettes pour le budget annexe. Dès lors, un décret d'avance de 12 millions d'euros pour la continuité territoriale a été pris en cours d'année et un article de loi de finances rectificative attribue a posteriori au budget annexe une fraction plus importante de la taxe de l'aviation civile afin de compenser ces pertes de recettes.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout cela est fort simple ! Il serait en conséquence bienvenu que M. le ministre veuille bien nous apporter des éclaircissements sur ce point.

Enfin, en ce qui concerne les crédits de la construction aéronautique, le système est conçu autour d'avances remboursables versées aux industriels de l'aéronautique, notamment Airbus, afin de financer des projets de développement lourds, comme celui de l'Airbus A380, pour environ 160 millions d'euros.

En conclusion, madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur l'ensemble des crédits, je note les efforts engagés par la DGAC afin de contenir son endettement sans nuire à ses missions traditionnelles, le niveau modéré de la progression des crédits et les estimations réalistes de la reprise du trafic.

Il serait cependant souhaitable que M. le ministre nous précise son opinion sur le devenir des missions du FIATA et nous donne des éclaircissements sur ce qui est envisagé dans le collectif pour redéfinir le système des redevances du budget annexe.

Je voudrais enfin féliciter M. le ministre et l'ensemble des services de la DGAC pour la très grande qualité de leurs réponses aux questionnaires budgétaires, pour la rapidité avec laquelle ils nous ont transmis ces réponses et, d'une manière générale, pour leur totale disponibilité et leur grand professionnalisme. Et ce ne sont pas mes collègues de la commission des finances qui me démentiront.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Il nous arrive souvent, à cette tribune, de formuler des remarques plutôt négatives sur ces points, et je suis heureux de pouvoir décerner une forme de « prix d'excellence » à la DGAC !

M. le président de la commission des finances applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je remercierai pour conclure M. Yannick Texier, qui a remplacé excellemment M. Jean-François Le Grand, et féliciterai le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, pour la qualité du travail que nous réalisons au sein de la commission des finances et l'excellent esprit qu'il y fait régner.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer

Monsieur le rapporteur spécial, je suis heureux de monter à cette tribune, alors que vous venez de tresser des couronnes de laurier à mes services, en particulier à la DGAC. Ces éloges sont mérités et, bien entendu, je les transmettrai à qui de droit.

Je tiens, en retour, à saluer le formidable travail que vous avez réalisé en tant que rapporteur. Cette semaine a été très marquée par l'actualité aéronautique, vous le savez, et nous allons essayer, avec François Goulard, de répondre à vos questions dans le temps qui nous est imparti en intégrant, si vous le voulez bien, quelques éléments de cette actualité.

J'insisterai d'abord sur la construction aéronautique, qui est au coeur de l'actualité. Les signes annonciateurs d'une reprise mondiale se multiplient, malgré les cours élevés du pétrole et la fragilité de plusieurs compagnies étrangères ou françaises ; l'augmentation du trafic en 2004 et les excellents résultats d'Air France - KLM sont la manifestation de cette reprise.

En matière de construction aéronautique, les entreprises françaises enregistrent d'excellentes performances, de même que les entreprises européennes installées en France, en particulier Airbus. En 2003 déjà, pour la première fois de son histoire, Airbus a réussi à faire au moins jeu égal avec son concurrent américain. Ces résultats confortent l'entreprise, évidemment, mais aussi la politique du Gouvernement à l'égard de ce secteur industriel.

Actuellement, vous le savez, la construction aéronautique civile génère un chiffre d'affaires de près de 15 milliards d'euros, dont près de 16 % sont consacrés à la recherche et au développement. Le secteur aéronautique et spatial emploie directement 100 000 personnes, dont 60 % d'ingénieurs ou de techniciens très qualifiés. Cette haute technicité et ce fonctionnement en réseau sont deux de nos meilleurs atouts pour créer et conforter des emplois de haut niveau en France.

Le projet de loi de finances pour 2005 traduit de nouveau la volonté du Gouvernement de maintenir au meilleur niveau les budgets consacrés à cette politique de soutien à l'innovation. Il prévoit, comme les années précédentes, des moyens pour aider les actions de recherche et le développement de produits, qu'il s'agisse d'avions, de moteurs ou d'équipements ; 64 millions d'euros sont destinés à la recherche et aux études.

Ces travaux visent à préparer l'avenir en favorisant les innovations technologiques, notamment pour renforcer l'efficacité économique et la productivité des aéronefs, pour améliorer toujours leur sécurité et leur sûreté et, naturellement, pour réduire l'impact de l'exploitation sur l'environnement.

En aval, 196 millions d'euros sont destinés au développement, et les moyens de 2005 se situent dans la continuité des actions déjà initiées. Et d'autres projets voient le jour, comme le projet franco-russe associant la société Sukhoi, qui développe le RJJ, le jet régional russe, au motoriste russe NPO Saturn ainsi qu'à la SNECMA, qui assureront la motorisation.

Le séminaire, très constructif, que nous avons tenu ce matin avec M. Raffarin et des membres du gouvernement russe, a permis de confirmer l'attachement des deux Etats à ce projet et, notamment, leur intention de lui apporter un soutien financier. Cette décision est évidemment trop récente pour que ses conséquences soient inscrites dans le projet de loi de finances. En revanche, je vous indique dès à présent, comme je l'ai annoncé ce matin devant le Premier ministre russe, qu'un plan pluriannuel d'avance remboursable est prévu en faveur de la SNECMA à hauteur de 140 millions d'euros. Cela répond peut-être à l'une des préoccupations exprimées par M. Reiner.

Concernant la fusion d'Air France et de KLM, je vous avais fait savoir, monsieur Billout, lors de la présentation du projet de loi modifiant la loi relative aux entreprises de transport aérien et notamment Air France, que le but du Gouvernement était de permettre cette fusion, créatrice de valeurs et d'emplois, dont l'une des conditions était une réduction de la part de l'Etat dans le capital de l'entreprise.

La fusion a conduit mécaniquement à la privatisation et la réduction de notre part est en cours. A la fin de cette semaine, l'Etat devrait détenir environ 26 % des parts et ensuite - comme cela a été voté au Sénat - les dispositions en faveur des salariés seront mises en oeuvre. Il s'agit, vous le savez bien, de l'offre réservée aux salariés, l'ORS, et de l'échange salaire contre actions qui est proposé, cette fois, à tous les salariés. Auparavant, je vous le rappelle, lorsque le capital d'Air France avait été ouvert, les actions n'avaient pas été réservées à l'ensemble des salariés. C'est donc un vrai progrès social dont cette majorité peut être fière.

A l'issue de ces deux opérations, la participation de l'Etat devrait effectivement avoisiner 20 %.

C'est parce que nous avons fait voter cette loi l'année dernière, pour faciliter l'élargissement, l'ouverture du capital, puis la privatisation d'Air France, que la fusion a pu avoir lieu. Sans cette loi, qui était la confirmation de la volonté du Gouvernement de privatiser, c'est-à-dire passer en dessous des 50 % de participation, jamais Air France n'aurait pu espérer cet accord avec KLM. KLM a osé s'associer avec Air France parce que cette dernière n'était plus, potentiellement, une entreprise étatique. Voyez combien elle est utile, cette formidable liberté donnée aux entreprises ! Cela a créé une véritable synergie et ce groupe est maintenant l'une des premières sinon la première entreprise de transport aérien au monde ! La majorité peut être fière d'avoir su voter les textes qu'il fallait à ce moment-là.

A l'issue de ces opérations, l'Etat détiendra 20 % des parts. Cette fusion est un succès. Les synergies sont importantes, plus importantes encore que prévues. Le groupe est en pleine croissance. J'ai rencontré les deux présidents mercredi soir et je vous assure qu'ils faisaient plaisir à entendre quand ils commentaient leurs premiers succès, bien sûr, mais aussi quand ils disaient leurs espérances dans un environnement aérien on ne peut plus morose.

Cette fusion a permis d'améliorer l'offre aux clients en conjuguant les facilités offertes par les deux réseaux, grâce aux lois votées par la majorité. Nous avons construit, comme l'a très bien souligné M. le rapporteur spécial, un géant mondial qui a résisté à la conjoncture, à la différence de beaucoup d'autres compagnies. Et ce géant continue à créer de la valeur, ce géant continue à créer des emplois et il contribue à l'attractivité et au rayonnement de la France et de l'Europe.

Rassurez-vous, monsieur Krattinger, le projet de loi sur les aéroports vise, dans le même esprit, à adapter notre outil à ces évolutions et aux nouvelles attentes des clients. Vous le voyez, ce n'est pas un bouleversement pour Aéroports de Paris, c'est une adaptation indispensable, en particulier pour favoriser les investissements.

J'ajoute que, dans ce cadre, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi, déjà voté au Sénat, que l'Etat restera majoritaire dans ADP. Donc, si le projet de loi est voté à l'Assemblée nationale dans les mêmes termes, l'Etat restera le principal actionnaire d'ADP...

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

M. Gilles de Robien, ministre. Jusqu'à ce qu'une autre loi soit votée, monsieur le sénateur ! Et un républicain tel que vous ne saurait s'étonner que la loi fasse autorité en ce domaine. Il n'est pas dit d'ailleurs, que, si un jour la majorité basculait à gauche - le plus tard possible, espérons-le ! -, vous ne seriez pas le premier, sous la force des événements et la contrainte de la réalité, à faire voter cette loi !

Souriressur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

...alors, aujourd'hui, vous ne manquez pas d'audace de venir nous reprocher cette adaptation !

Concernant l'aviation civile, l'évolution rapide du secteur, les orientations communautaires et la loi organique relative aux lois de finances nous ont conduits à engager une vaste réorganisation de la DGAC qui sera mise en place en 2005. Pour les structures, on distinguera clairement les fonctions d'opérateur de celle de contrôle et de régulation.

Sur le financement, le FIATA est budgétisé dans le présent projet de loi de finances et nous vous proposerons, en loi de finances rectificative, de financer les prestations de contrôle technique par des redevances versées au budget annexe plutôt que par la taxe actuelle.

Cette évolution, prévue en loi de finances rectificative, s'inscrit dans une logique de vérité des prix, comme a très bien su le dire M. Texier. Elle s'accompagnera d'une baisse de la taxe de l'aviation civile.

Par ailleurs, dans le domaine de la sécurité, de la qualité et de la transparence, le label sera opérationnel en 2005. D'autres initiatives ont également porté leurs fruits au niveau européen pour multiplier et coordonner des contrôles inopinés des avions de tous les pays. Nous avons enregistré des progrès au niveau international, en particulier en actant le principe de la diffusion à tous les Etats des audits détaillés réalisés par l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI. C'est un grand progrès.

En matière de sûreté, nous maintenons les efforts, mais nous allons pouvoir baisser le taux de la taxe correspondante à Paris en 2005. Outre la stabilité des redevances de contrôle aérien, cette baisse devrait aller dans le bon sens pour un secteur qui reste fragile.

Monsieur Billout, vous craignez les compagnies à bas coûts, vous craignez la démocratisation du transport. Mais en fait, vous craignez peut-être la démocratisation tout court !

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Je vous donne deux exemples. Les plus grandes compagnies à bas coûts sont celles qui ont les flottes les plus modernes, CQFD ! Et je voudrais vous rappeler que, sur le trajet Paris-Marseille, c'est la SNCF qui a chassé les compagnies à bas coûts. Il n'y a donc pas de vérité unique dans ce domaine et la SNCF sait aussi être compétitive.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Vous avez raison, la SNCF a bénéficié de fonds de l'Etat, monsieur le président de la commission des finances, mais on ne peut pas dire qu'Air France n'en a jamais reçu de son côté ! Si Air France se porte bien, c'est parce que la majorité actuelle lui a autorisé une recapitalisation qui lui a permis de « re-décoller » sur de bonnes bases.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ce n'est pas demain la veille que nous saurons à combien se montaient ces sommes...

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Un mot enfin sur la décentralisation des aéroports. M. Reiner craint que les aéroports aient moins de moyens demain. L'Etat ne les a jamais financés, contrairement aux collectivités. C'est un constat. Dans ces conditions, il me semble juste que, dans chaque région, le préfet recherche les collectivités qui, déjà mobilisées pour ces outils d'aménagement, souhaitent devenir concédantes demain.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos questions et laisse à François Goulard le soin de vous apporter d'autres réponses.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais apporter quelques précisions complémentaires à celles que vous a déjà communiquées M. Gilles de Robien.

A propos du FIATA, permettez-moi quelques rappels. Créé en 1995, le FIATA succédait à un fonds de péréquation pour le transport aérien. Il est financé, vous le savez, par une quote-part de la taxe de l'aviation civile, soit 106 millions d'euros en 2004.

Il finance deux politiques distinctes : d'une part, les dessertes aériennes dans l'intérêt de l'aménagement du territoire pour celles d'entre elles qui sont structurellement déficitaires ; d'autre part, la politique en matière de sécurité, de sûreté en faveur des petits et moyens aéroports, par une politique de péréquation. S'y est ajouté, cette année, en loi de finances initiale pour 2004, le financement de la continuité territoriale en outre-mer pour 30 millions d'euros.

La budgétisation du FIATA est née de la volonté de supprimer des comptes d'affectation spéciale, dans la perspective d'entrée en vigueur de la nouvelle organisation financière de l'Etat. Elle est prévue par les articles 39 et 40 du projet de loi de finances rectificative pour 2005. La politique de continuité territoriale pour l'outre-mer sera également imputée sur le budget général, précisément sur le budget de l'outre-mer en 2005.

Ce soir, nous voulons vous dire de manière très claire que les missions précédemment dévolues au FIATA, et financées par ce compte d'affectation spéciale, ne deviennent pas, pour autant, caduques. Elles seront financées directement par le budget général des transports, pour une part, et par le budget de l'outre-mer, pour l'autre.

Pour les deux premières missions du FIATA, c'est-à-dire l'intervention pour les dessertes aériennes et la politique de sûreté et de sécurité sur les aéroports, 83, 78 millions d'euros ont été attribués. Il convient d'y ajouter les 31 millions d'euros pour la continuité territoriale en 2005. Contrairement à ce que nous avons entendu tout à l'heure, cela signifie que les montants consacrés à ces politiques d'aménagement du territoire au sens large et de desserte de l'outre-mer ne diminuent pas. Je fais le calcul devant vous : 83, 78 millions d'euros plus 31 millions d'euros font 114, 78 millions d'euros, soit un montant supérieur à celui qui est affecté aux mêmes politiques cette année, c'est-à-dire 106 millions d'euros. Nous constatons donc une progression des crédits pour ce budget, une fois les redressements effectués en raison des changements d'affectation.

Bien sûr, rien n'échappe à un rapporteur subtil et M. Collin a remarqué qu'il y avait coïncidence d'affectation de la TAC au budget général et du total que je viens d'obtenir à l'instant. Pour le FIATA, il y a donc un changement de présentation, mais aucune rupture dans la politique conduite.

Gilles de Robien l'a évoqué à l'instant, nous avons aussi de bonnes nouvelles concernant les recettes, puisque les taux sont inchangés pour la taxe de l'aviation civile - 4, 48 euros pour les vols intracommunautaires et 7, 60 euros pour les passagers extracommunautaires - ; la taxe à la tonne pour le fret est, elle aussi, inchangée et nous aurons, en 2005, une baisse de 1, 61 % de la redevance de route, et de 1, 54 % de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne pour les redevances d'approche. Autrement dit, le coût de la navigation aérienne est diminué cette année.

Monsieur Texier, vous avez remplacé avec brio l'extraordinaire connaisseur du monde aérien qu'est Jean-François Le Grand et je voudrais vous apporter quelques précisions sur le grand projet aéroportuaire de l'ouest de la France, je veux dire Notre-Dame-des Landes. Le débat public a eu lieu en 2003 et le calendrier annoncé sera tenu : les travaux débuteront en 2008 pour un achèvement au début de l'année 2012.

Ce projet majeur a été confirmé et il sera réalisé de manière concomitante, en quelque sorte, avec l'autre projet d'infrastructure de transport pour l'ouest de la France, à savoir la ligne à grande vitesse Bretagne. Le rapprochement des deux projets n'est pas innocent tant il est vrai que les deux régions, Bretagne et Pays-de-la-Loire, ont été d'accord pour appuyer ces deux grands dossiers de leurs efforts communs.

Je voulais dire également à M. Fouché que le rapport remis par M. Belot au Premier ministre a retenu toute l'attention du Gouvernement. En effet, l'aviation légère est une force de notre pays : avec 200 000 pratiquants, elle permet à des sportifs de très haut niveau d'exceller dans toutes les disciplines. Le Premier ministre a trouvé les conclusions du rapport de M. Belot particulièrement pertinentes et il a demandé que les ministres concernés fassent une communication en conseil des ministres au cours du premier semestre 2005, de telle sorte que nous puissions examiner attentivement toutes les propositions d'ordre très pratique contenues dans ce rapport.

Monsieur Soulage, la participation de l'Etat à la ligne Agen-Paris sera bien maintenue à 77, 5 % dans la limite, comme le veulent les règles du FIATA, de 50 % des recettes commerciales. Nous souhaitons vivement - et, selon toute probabilité, ce sera le cas après la signature d'une nouvelle convention par la DGAC - que les vols entre Agen et Paris reprennent avant le 31 décembre de cette année.

J'en viens à la compagnie aérienne Air Bourbon ; sa situation est dramatique, chacun en a bien conscience. Malheureusement, sa liquidation a été prononcée mercredi dernier ; il n'y a donc plus d'espoir pour cette compagnie qui avait fort peu d'actifs, comme vous le savez.

Il s'agit aujourd'hui d'organiser une cellule de reclassement pour les personnels concernés. L'Etat et les collectivités territoriales ont assisté les clients, qui étaient désemparés, en assurant leur transport vers la métropole et en leur accordant une aide financière destinée à compenser les dépenses liées à l'achat d'un nouveau billet.

Nous comptons demander au Conseil national des clients aériens une réflexion sur les mécanismes d'assurance et de garantie, afin d'éviter que de telles catastrophes - hélas ! trop courantes dans le domaine aérien - ne se multiplient. Car les faillites ont touché des compagnies aussi bien françaises qu'étrangères. Il est important que, dans de pareilles circonstances, les clients soient mieux protégés qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Monsieur Reiner, vous parlez de désengagement de l'Etat. Permettez-moi de vous dire que le budget de l'aviation civile augmente cette année de 5, 8 %, avec un total de crédits de 1 546 millions d'euros, et qu'il est prévu la création de 215 emplois pour le contrôle de la navigation aérienne. C'est dire si nous nous préoccupons de sujets aussi sensibles et sérieux que la sécurité dans le domaine aérien !

Comme l'a rappelé Gilles de Robien, l'Etat reste majoritaire dans le capital d'ADP et dans les sociétés aéroportuaires. Il manifeste donc une réelle préoccupation pour la bonne marche du secteur aérien, même s'il envisage des adaptations - c'est également chose courante dans ce secteur d'activités important - tenant compte des réalités économiques internationales.

Concernant l'aéroport de Beauvais, nous pouvons vous indiquer que le décret fixant la liste des aéroports d'intérêt national n'est pas aujourd'hui paru mais qu'il est en voie de finalisation.

Tout en étant importants, certains aéroports présentent, vous l'avez dit, des caractéristiques particulières. L'aéroport de Beauvais, par exemple, est voué, pour l'essentiel, aux compagnies à bas coûts. Nous avons donc souhaité, avant de prendre une décision définitive, établir un contact avec les collectivités locales pour connaître leur point de vue.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques précisions que je voulais vous apporter.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aviation et l'aéronautique civiles, inscrits à la ligne « Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer », seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à l'aménagement du territoire.

Titre III : moins 213 670 056 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.

Titre IV : 48 468 979 €.

Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

Titre V. -Autorisations de programme:1 726 814 000 € ;

Crédits de paiement : 972 258 000 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.

Titre VI. - Autorisations de programme : 1 592 741 000 € ;

Crédits de paiement : 888 790 000 €.

Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.

Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe de l'aviation civile et figurant aux articles 50 et 51.

Services votés

Crédits : 1 413 350 110 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 50, au titre des services votés.

Ces crédits sont adoptés.

Mesures nouvelles

I. - Autorisations de programme : 272 967 000 €.

II. - Crédits : 143 231 245 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 51, au titre des mesures nouvelles.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'appelle en discussion l'article 73 octies, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'aviation et à l'aéronautique civiles.

Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer

II. - Transports et sécurité routière

I. - L'article 6-1 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « cessation d'activité », sont insérés les mots : « ou pendant une durée de treize ans pour ceux d'entre eux radiés dans ces conditions à compter du 1er janvier 2004 » ;

2° La même phrase est complétée par les mots : « ou, pour ceux d'entre eux qui la perçoivent, pendant treize ans à 108 % du montant de l'indemnité spéciale de qualification pendant les huit premières années puis 54 % de cette même indemnité pendant les cinq dernières années » ;

3° Dans la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « au deuxième alinéa de l'article L. 86 » sont remplacés par les mots : « au I de l'article L. 86 » ;

4° Dans la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « cessation d'activité », sont insérés les mots : « ou moins de treize ans en cas de perception pendant cette durée ».

II. - Dans l'article 6-2 de la même loi, les mots : « A compter du 1er janvier 1998 » sont remplacés par les mots : « A compter du 1er janvier 2004 » et le taux : « 13 % » est remplacé par le taux : « 24, 6 % ».

L'article 73 octies est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aviation et l'aéronautique civiles.

Transports terrestres et intermodalité

Routes et sécurité routière

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire, le tourisme et la mer : III. - Transports et sécurité routière : transports terrestres et intermodalité, routes et sécurité routière.

J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.

Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement aux deux rapporteurs spéciaux, puis aux deux rapporteurs pour avis, et, enfin, à chaque orateur des groupes.

Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.

La parole est à M. Alain Lambert, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour être à l'origine de la modernisation de la discussion budgétaire de la deuxième partie du projet de loi de finances, j'ai le devoir, plus que d'autres encore, de respecter les règles qui ont été fixées.

Monsieur le ministre, nous sommes tous censés, dans cet hémicycle, avoir lu l'ensemble des documents que vous avez remis au Parlement pour l'examen du budget, ainsi que les différents rapports afférents.

Je m'efforcerai de vous poser des questions suffisamment précises pour que les réponses que vous donnerez au Sénat ne vous obligent pas à de trop longs développements.

Je ne commencerai pas cette présentation sans rendre hommage à Jacques Oudin, ancien rapporteur spécial des crédits des transports terrestres. Vous vous souvenez de son expertise et de la passion qu'il a mise au service de cette question stratégique des transports.

Puisque je lui succède, et qu'il avait déjà beaucoup travaillé sur ces questions, j'ai préféré cette année me contenter de faire un point d'étape, une sorte de photographie de la situation en ce domaine.

La création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, mérite d'être soulignée. Elle mobilisera, grâce notamment aux dividendes des sociétés d'autoroutes, un volume global d'intervention de 7, 5 milliards d'euros sur la période 2004-2012, pour permettre de soutenir un programme de travaux de l'ordre de 20 milliards d'euros.

La création de cette agence est la vraie nouveauté de ce budget, avec un volet législatif et un volet réglementaire.

Le volet législatif consiste en une affectation de ressources, réalisée par l'article 41 du projet de loi de finances. En 2005, les ressources de l'agence doivent s'élever à 635 millions d'euros, dont 280 millions d'euros de dividendes de sociétés autoroutières.

Le volet réglementaire consiste en un décret du 26 novembre 2004, récemment paru au Journal officie l, qui crée l'établissement public administratif.

Ma première question, monsieur le ministre, porte sur l'AFITF, qui va être autorisée à emprunter. Le décret récemment publié précise que le conseil d'administration « autorise les emprunts dans la limite d'un plafond fixé en loi de finances », mais que « ce plafond n'est pas applicable aux emprunts contractés pour couvrir les besoins de trésorerie en cours d'année liés aux décalages entre les encaissements et les décaissements ».

Prenons l'exemple de cette année : le plafond est fixé à 635 millions d'euros. Qu'adviendrait-il si la prévision de dividendes des sociétés d'autoroute n'était pas tenue ? L'agence serait-elle alors autorisée à emprunter au-delà du plafond, ou bien le plafond serait-il réactualisé ?

Pouvez-vous nous confirmer, et ce sera ma deuxième question, que cette dette sera bien comptabilisée comme dette publique, et nous préciser comment elle sera gérée ? S'agira-t-il, par exemple, de l'Agence France-Trésor ?

J'en viens maintenant au secteur ferroviaire.

Notre rapport retrace le bilan des relations financières entre l'Etat, la SNCF, et Réseau ferré de France, RFF, ainsi qu'une description précise de la situation de chacun des acteurs.

Il en résulte, pour simplifier, que les contributions de l'Etat au transport ferroviaire représenteront près de 6, 5 milliards d'euros en 2005, soit 85 % du budget des transports terrestres. Naturellement, la création de l'AFITF témoigne de la priorité donnée par le Gouvernement à l'investissement ; il faut s'en réjouir. Mais c'est l'occasion de rappeler que la contribution de l'Etat au secteur ferroviaire est affectée au régime de retraite de la SNCF pour 39 %, au désendettement de RFF et de la SNCF pour 23 %, et à l'investissement pour seulement 18 %. Peu de Français - et même de parlementaires - le savent.

L'endettement total de la SNCF est de 16 milliards d'euros, répartis dans ses comptes pour 7, 3 milliards d'euros et dans le service annexe d'amortissement de la dette, le SAAD, pour 8, 8 milliards d'euros. La dette initialement transférée à RFF en 1997 a, quant à elle, augmenté rapidement : 26 milliards d'euros en 2004. La contribution du budget de l'Etat au désendettement du secteur ferroviaire s'élève à 800 millions d'euros en faveur de RFF et à 677 millions d'euros pour le SAAD. Or cette dette du SAAD n'est pas comptabilisée comme dette publique, vous le savez, puisque le SAAD n'a pas la personnalité morale. Cette dette n'est pas non plus consolidée dans les comptes de la SNCF.

Ma troisième question, monsieur le ministre, concerne la dette du SAAD : le Gouvernement envisage-t-il sa reprise par l'Etat ou bien sa réintégration dans les comptes de la SNCF ? En l'absence de reprise par l'Etat, la mise en oeuvre des normes comptables internationales impliquera en effet une réintégration de la dette du SAAD dans les comptes de la SNCF, ce qui pourrait être préjudiciable à l'entreprise.

Ma quatrième question porte sur les performances obtenues en matière de gestion de la dette ferroviaire : quel est le spread, c'est-à-dire l'écart de coût entre cette dette et celle de l'Etat ?

Monsieur le ministre, la commission des finances souhaite vous poser deux autres questions sur le secteur ferroviaire.

J'ai qualifié le plan de redressement du fret ferroviaire de « plan de la dernière chance », compte tenu de la situation de ce secteur, dont le déficit d'exploitation est de plus de 400 millions d'euros en 2003. Monsieur le ministre, êtes-vous confiant au regard des premiers résultats et des perspectives du plan « Fret 2006 » ?

Enfin, monsieur le ministre, ma dernière question concernera le partage des actifs entre la SNCF et RFF. M. Vigouroux, dans son rapport, a suggéré des solutions. Le Gouvernement avait demandé aux deux entreprises de finaliser le partage de leurs actifs avant le 31 octobre 2004. Or ce travail n'est toujours pas achevé. La réforme ferroviaire a eu lieu il y a presque huit ans maintenant. Peut-on espérer le règlement rapide de cette question du partage des actifs ?

Je ne m'étendrai pas sur la question des transports collectifs parce que certains de mes collègues ne manqueront certainement pas de vous interpeller sur ce sujet.

J'en termine par la LOLF. Ce budget des transports terrestres s'articulera donc désormais autour de trois programmes : « transports terrestres et maritimes », « passifs financiers ferroviaires » et « régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ».

Ces programmes nous semblent tout à fait cohérents. Ils ont l'immense mérite de nous faire découvrir que ce budget des transports est massivement consacré à la dette et au régime de retraite, les investissements devenant, hélas ! la variable d'ajustement. Compte tenu du regroupement des transports terrestres, de la route et de la mer, nous souhaiterions, monsieur le ministre, disposer d'une déclinaison par mode pour avoir une vue parfaite du sujet.

Les indicateurs de performance, pour bien intentionnés qu'ils soient, s'orientent vers des calculs de taux de réalisation des investissements, certes, très intéressants, mais dont il faut souligner qu'ils sont largement dépendants des crédits ouverts par le Parlement. Ces indicateurs de performance ne sont donc guère convaincants.

En revanche, ne pourrait-on pas, monsieur le ministre, renforcer les indicateurs de productivité, d'efficacité et de comparaison avec nos voisins, et les critères de satisfaction des usagers ? Cela pourrait être une façon moderne d'aborder cette question des indicateurs de performance.

Pour conclure, je dirai que ce budget des transports terrestres est un budget de clarification, de transition qui traduit tout à la fois une nouvelle politique de financement des infrastructures par la création de l'AFITF, gage de la priorité donnée à l'investissement - il en a bien besoin -, une clarification - qu'il faudra poursuivre - du financement du secteur ferroviaire, ainsi qu'une mise en oeuvre de la LOLF satisfaisante, mais qui reste à parfaire en ce qui concerne les indicateurs de performance.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances propose l'adoption de cette partie du budget des transports.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des routes et de la sécurité routière est marqué, cette année, par de profondes modifications.

Il se caractérise, en effet, comme tous les budgets, par la perspective de mise en application de la loi organique relative aux lois de finances. Mais il connaît, par ailleurs, des facteurs d'évolution propres, avec, d'une part, la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, et, d'autre part, la décentralisation d'une partie du réseau routier national, en application de la loi du 13 août 2004, qui suscite un certain nombre d'inquiétudes.

Les moyens disponibles du budget des routes et de la sécurité routière sont en baisse de 2, 4 % en moyens de paiement et en progression de 13, 5 % en moyens d'engagement.

En réalité, ces chiffres incluent, au titre de 2005, le montant d'un report de crédits. Hors report, les moyens de paiement sont en baisse, non pas de 2, 4 %, mais de 13, 4 %.

Il est vrai, toutefois, monsieur le ministre, que les moyens susceptibles d'être alloués aux routes et à la sécurité routière seront augmentés, non seulement de 144 millions d'euros au titre du report que je viens de mentionner, mais également de 150 millions d'euros de crédits de paiement ainsi que 300 millions d'euros d'autorisations de programme, figurant au projet de loi de finances rectificative.

Je voudrais néanmoins souligner que ce budget a fait l'objet, comme l'année dernière, de mesures de régulation infra-annuelles particulièrement sévères, qui réduisent la portée des évolutions observées de loi de finances à loi de finances. Les crédits destinés à l'entretien des routes ont été épargnés par la régulation, car jugés prioritaires en raison de leurs effets sur la sécurité routière. En revanche, les trois chapitres concourant à l'investissement routier ont fait l'objet de gels significatifs affectant, notamment, la réalisation des contrats de plan Etat-région.

En ayant terminé avec ces propos de présentation générale, je souhaiterais maintenant, monsieur le ministre, vous poser quatre questions.

Ma première observation et ma première question concerneront l'investissement routier.

La baisse des crédits du budget des routes tient, tout d'abord, à une diminution de l'enveloppe en faveur de l'investissement routier. Les crédits qui y sont relatifs diminuent de 53 % en moyens de paiement et de 33 % en moyens d'engagement, ce qui est, mais seulement pour partie, la conséquence de la création de l'AFITF.

Celle-ci sera essentiellement alimentée par des produits liés à la route, mais consacrera plus des deux tiers de ses moyens aux autres modes de transport, ce qui correspond à une volonté de péréquation intermodale et de rééquilibrage en faveur des modes alternatifs, considérés comme plus sûrs et moins polluants.

S'agissant des routes, l'AFITF disposera de 187 millions d'euros de crédits de paiement et de 445 millions d'euros d'autorisations de programme, ce qui correspond à 30 % des moyens de l'Agence.

La création de l'AFITF n'explique pas en totalité la baisse des crédits budgétaires en faveur de l'investissement routier. Ces crédits baissent encore de 25 % à structure constante, même si la comparaison de loi de finances initiale à loi de finances initiale n'est pas forcément très significative, comme je l'ai déjà dit.

Je parlais, à l'instant, des gels de crédits qui ont affecté le budget des routes : dans le domaine de l'investissement, ceux-ci furent particulièrement préjudiciables à la réalisation des contrats de plan. En effet, la dotation de la loi de finances initiale pour 2004 en matière d'investissements routiers contractualisés a été ramenée à 44 % de son montant initial : ainsi, à la fin 2004, le taux d'exécution des contrats de plan Etat-région dans le domaine routier est de 52, 1 %, pour un taux d'exécution théorique de 71, 4 %.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les conséquences du retard des financements sur les chantiers en cours d'étude ou de réalisation ? Dans quelle mesure la relance des contrats de plan récemment annoncée par le Gouvernement permettra-t-elle de combler le retard accumulé depuis plusieurs années ?

Ma deuxième question concerne l'avenir des contrats de plan Etat-région.

La loi relative aux libertés et responsabilités locales prévoit la décentralisation d'une partie, environ les deux tiers, du réseau routier national.

Au cours de cette année, j'ai interrogé le ministère de l'équipement au sujet des enjeux financiers d'une telle décentralisation. Vous trouverez, mes chers collègues, le détail des réponses qui m'ont été transmises dans le rapport de la commission des finances.

S'agissant de l'investissement, le principe retenu consiste, après achèvement des contrats de plan Etat-région actuels, à décroiser les financements entre l'Etat et les départements. L'Etat ne participerait plus au financement sur le réseau transféré ; les départements ne participeraient plus au financement sur le réseau structurant demeurant national. Le ministère estime que, pour une large majorité de départements, les comptes seront proches de l'équilibre. Seuls six départements seraient en situation défavorable.

A l'issue des contrats de plan actuels, que deviendront les contrats de plan Etat-région dans la perspective du décroisement des financements ? Comment l'Etat et les départements pourront-ils, dans ce nouveau contexte, s'inciter mutuellement à investir ?

Ma troisième question concerne les modalités de la compensation du transfert de compétence au profit des départements.

La loi du 13 août 2004 prévoit, pour les crédits d'investissement, une compensation fondée sur une moyenne quinquennale actualisée. Pour les routes, cette compensation sera fondée sur les dépenses qui étaient consacrées à l'« entretien, préventif et curatif », à la réhabilitation, à l'exploitation, aux aménagements de sécurité et à la prise en compte des risques naturels. Ces notions doivent être précisée par un décret en Conseil d'Etat.

Monsieur le ministre, ces modalités de compensation ne risquent-elles pas de favoriser les départements dont les routes ont déjà bénéficié d'investissements élevés au cours des dernières années et, au contraire, de pénaliser les départements dont les routes étaient déjà les plus dégradées ?

Enfin, ma dernière question touche à la procédure, mais elle n'en est pas moins importante.

Un décret en Conseil d'Etat doit venir préciser la consistance du nouveau domaine public routier national. Un autre décret, que je mentionnais à l'instant, concernera la compensation financière des charges nouvelles qui incomberont aux départements.

Monsieur le ministre, une concertation avec les départements a été annoncée. Pouvez-vous nous en préciser le calendrier et les modalités ?

Avant de conclure, je souhaiterais dire quelques mots sur la sécurité routière.

Les progrès accomplis en 2003 ont été spectaculaires : une diminution de 20 % du nombre de tués sur la route, ce qui ne s'était jamais vu auparavant. En 2004, cette tendance favorable se confirme, ce qui signifie qu'une nouvelle culture de l'usage de la route semble se mettre en place.

D'un point de vue budgétaire, toutefois, 2005 se caractérise par une légère baisse des crédits consacrés par l'Etat à la sécurité routière. Le « jaune » budgétaire, annexé au projet de loi de finances, fait apparaître un effort global de l'Etat de 1, 7 milliard d'euros, en baisse de 4, 4 % par rapport à la loi de finances pour 2004. Les dépenses du ministère de l'équipement en matière de sécurité routière s'élèvent, quant à elles, à 658 millions d'euros, en baisse de 3, 2 %.

Enfin, je terminerai par quelques remarques sur l'application de loi organique du 1er août 2001 au budget des routes, qui s'articulera, l'année prochaine, autour de deux programmes de la mission « transports » : le programme « réseau routier national », qui représente 2, 4 milliards d'euros en 2005, et le programme « sécurité routière », qui représente, quant à lui, 247 millions d'euros. La dimension interministérielle de la sécurité routière sera traitée à travers un document de politique transversale.

S'agissant des indicateurs, le ministère a effectué un travail de grande qualité ; cependant, beaucoup d'entre eux sont assez complexes et certains ne seront pas disponibles l'année prochaine, mais seulement en 2007, voire en 2008. De façon générale, je crains que l'interprétation de certains indicateurs ne soit réservée à quelques spécialistes. Or ils doivent, avant tout, avoir pour fonction d'informer non seulement le Parlement, mais aussi les citoyens. Peut-être pourra-t-on réexaminer ces indicateurs à l'usage.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur le budget des routes et de la sécurité routière, que la majorité des membres de la commission des finances vous propose d'adopter.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer

Monsieur Miquel, la décentralisation consiste à rapprocher les décisions locales des usagers.

Le Gouvernement a engagé la phase de consultation des départements sur la consistance du futur réseau routier national ; à l'issue du délai de trois mois prévu par la loi, les avis seront émis, avis que le Gouvernement prendra ensuite en compte pour définir le réseau national par décret ; enfin, s'engagera la phase du transfert proprement dit, qui devrait prendre effet au 1er janvier 2006.

Quant au principe des financements, il n'est pas moins simple : l'Etat ne finance plus les routes départementales et les départements ne financent plus les routes nationales ; c'est ce qu'on appelle le décroisement. Les simulations que nous avons effectuées montrent qu'avec cette méthode, en prenant en compte la TVA, la situation des départements est globalement équilibrée. S'il y a lieu, nous procéderons, en toute équité, à des ajustements.

Alain Lambert a posé une question très importante sur l'AFITF.

Cette agence est la réponse au problème le plus grave auquel j'ai été confronté lorsque j'ai pris mes fonctions : 15 milliards d'infrastructures annoncées, mais non financées. Comment y faire face dans une situation budgétaire en très grande difficulté ?

Nous avons eu des débats très riches au cours de l'année 2003, qui ont donné l'occasion de formuler une série d'hypothèses, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Le Parlement s'est exprimé, notamment le Sénat, en faveur d'une politique d'équipement toujours ambitieuse, dans une Europe qui s'élargit, même si certains pouvaient avoir des avis différents.

En tout cas, ces débats ont largement inspiré la décision du Gouvernement qui a été prise lors du CIADT du 18 décembre 2003 : la création de l'AFITF.

Celle-ci bénéficiera de ressources affectées, directement issues des autoroutes. Cela signifie le transport finance le transport ; on peut même dire que le transport routier finance l'ensemble des transports.

La mission de l'AFITF consiste à apporter la part de l'Etat dans le financement des grands projets d'infrastructures de transport.

L'Agence est maintenant créée et sera opérationnelle dès le début de l'année 2005, le décret d'application ayant été publié le 1er décembre dernier.

Il s'agit d'un établissement public, placé sous la tutelle de mon ministère. Toutefois, l'AFITF reste conçue comme un outil collectif de la politique des transports.

Elle sera dotée d'un conseil d'administration paritaire, composé pour moitié de représentants de l'Etat et pour moitié d'élus nationaux et locaux ainsi que de personnalités qualifiées, dont la nomination aura lieu d'ici à la fin du mois de décembre.

L'importance de la contribution de cette agence au développement de notre infrastructure de transport dépendra en partie des décisions du Parlement. En effet, le Gouvernement a tenu à ce que le plafond des emprunts à mobiliser par l'AFITF soit fixé en loi de finances. Ayant la haute main sur le dimensionnement de la dette de l'AFITF, vous tiendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, avec les députés, le levier essentiel permettant d'accélérer ou de freiner son rythme d'engagement, c'est-à-dire la cadence de mise en oeuvre de nos projets.

Je répondrai maintenant à trois questions plus précises d'Alain Lambert.

Premièrement, les emprunts de trésorerie obéissent à des règles de gouvernance adaptées, la capacité d'emprunt étant proportionnée à des prévisions de ressources réalistes, qu'il faut évidemment surveiller de manière continue, le trafic pouvant évoluer d'une année sur l'autre.

L'action de l'AFITF par la nature même des opérations à financer s'inscrira nécessairement dans une vision pluriannuelle.

Ainsi que je le disais à l'instant, il reviendra au Parlement, dès l'examen du projet de loi de finances pour 2006, de fixer un plafond d'emprunt. Pour 2005, une dotation exceptionnelle en capital - de 200 millions d'euros, me semble-t-il - permettra à l'agence d'oeuvrer sans recours à l'emprunt.

D'ici à la fin 2005, monsieur le rapporteur spécial, je suis prêt à discuter avec vous de cette question de la gouvernance de l'AFITF et de ses modalités.

Deuxièmement, s'agissant de la nature de la dette, elle est bien « maastrichtienne » et sera comptabilisée comme dette publique.

Troisièmement, l'article 6 du décret portant statut de l'AFITF confie à l'Agence France Trésor la réalisation et le suivi des opérations d'emprunt de l'établissement.

En 2005, l'AFITF bénéficiera de 635 millions d'euros, dont 435 millions d'euros issus des ressources autoroutières, complétés par une dotation en capital de 200 millions d'euros. Ainsi, l'agence n'aura pas besoin d'emprunter la première année.

Ces moyens nouveaux vont nous permettre de poursuivre sans attendre la mise en oeuvre des projets annoncés lors du CIADT du 18 décembre 2003, sachant que nous avons bien évidemment veillé au bon avancement de ces projets en 2004.

Ainsi, pour la première fois, nous sortons de la logique où l'Etat ne pouvait financer, par exemple, qu'une ligne à grande vitesse à la fois. En un an, le Gouvernement a traduit concrètement la décision du CIADT du 18 décembre 2003.

Avec une agence opérationnelle dès 2005, les plus grandes espérances sont permises pour les dix ou vingt prochaines années pour ce qui est de l'équipement de notre pays, nonobstant une gestion rigoureuse.

En ce qui concerne les contrats de plan Etat-région, les CPER, le taux d'avancement à la fin 2003 était d'un peu plus de 45 % pour l'ensemble des ministères, proche de 44 % pour les routes, un peu moins pour le ferroviaire : 27 %. Ce retard s'explique en particulier par un démarrage très lent en 2000 et 2001 - 4, 4 %, puis 5, 6 % -, et la conjoncture n'a pas permis de rattraper ce retard.

A la fin de l'année 2003, les crédits délégués par l'ensemble des ministères portent le taux de mise en oeuvre des crédits d'Etat à 45, 70 %, à comparer avec un taux théorique de 57, 14 %. Fin 2004, selon la programmation projetée par les ministères, le taux de mise en oeuvre des crédits d'Etat devrait atteindre 55 %.

La question de l'avancement des contrats de plan n'est bien évidemment pas une question partisane. En effet, à la fin de l'année 2002, le niveau d'engagement ne s'élevait qu'à 35 % pour un avancement théorique de 42 %, soit déjà la moitié du retard.

Après la mise en place de l'agence, les contrats de plan constituent pour Frédéric de Saint-Sernin et moi-même un sujet majeur, d'autant que ce ministère recouvre, depuis quelques mois, le champ de l'aménagement du territoire.

La première réponse, vous la connaissez : c'est le plan de relance qui vient d'être décidé par M. le Premier ministre sur le volet routier, avec 300 millions d'euros d'autorisations de programme et 150 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires pour 2005. Ces crédits sont inscrits au projet de loi de finances rectificative pour 2004.

Merci, monsieur Miquel, d'avoir évoqué la sécurité routière.

Vous avez évoqué la réduction des crédits, mais je rappelle que la formation à la conduite et à la sécurité routière se traduira par de nouveaux recrutements d'inspecteurs du permis de conduire, avec la création de 65 postes en 2005, en liaison avec le déploiement sur l'ensemble du territoire des nouvelles modalités de l'examen. Cet objectif sera également accompagné d'investissements pour l'installation de centres d'examen dignes de ce nom.

En ce qui concerne la communication, l'augmentation des moyens de la sécurité routière permettra des actions spécifiques en direction des catégories jusqu'alors moins touchées par les campagnes de sensibilisation.

S'agissant du déploiement des radars automatiques, il se poursuivra pour atteindre l'objectif de 1 000 appareils d'ici à la fin de l'année prochaine. A ce jour, plus de 300 radars automatiques sont installés et nous allons nous efforcer de porter ce nombre à 400 à la fin de l'année.

J'ajoute que le premier rapport annuel sur le produit des amendes, notamment celles qui sont liées aux radars automatiques, vous sera remis dans les prochains jours. De cette façon, vous pourrez savoir quelle utilisation sera faite du produit des amendes lorsque ce dernier aura dépassé le coût d'installation des radars automatiques.

Je compléterai mon propos par quelques réponses à des points très précis soulevés par Alain Lambert, qui maîtrise évidemment parfaitement les chiffres, concernant les grands équilibres budgétaires et la LOLF.

D'abord, l'écart entre le taux de la dette de RFF et le taux supporté par l'Etat est évalué à 10 points de base environ, soit 0, 1 %. C'est ce que M. Mariton, député, avait indiqué dans un récent rapport, et je confirme ces chiffres. Dans le cas de la dette de la SNCF, cet écart est de l'ordre de 15 points de base, soit 0, 15 %.

Ensuite, les indicateurs de performance des programmes ne sont pas figés. Ils doivent être consolidés d'ici au projet de loi de finances pour 2006, et il nous faudra encore les améliorer. Vos remarques, monsieur Lambert, nous rappellent les bonnes questions que nous devons nous poser.

Enfin, en ce qui concerne le SAAD, le service annexe d'amortissement de la dette, qui représente 8, 1 milliards d'euros, l'année 2005 sera consacrée à l'analyse de son traitement, qui est fort complexe. J'ai noté votre intérêt pour le sujet et je puis vous assurer que, avec le ministère des finances, nous vous tiendrons régulièrement informé de nos travaux sur ce sujet majeur.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les remarques que je tenais à faire à ce stade du débat. Je laisse le soin à M. Goulard de répondre aux autres questions.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'attarderai un instant sur le partage des actifs entre Réseau ferré de France et la SNCF, car il s'agit là d'une question qui est en suspens depuis sept ans.

Alors que les principes sont fixés par la loi, alors que la commission nationale de répartition des actifs a rendu soixante-cinq avis sur le sujet, permettant de fixer des règles de partage, et alors que les conclusions du rapport Vigouroux relatives à des points précis tels que les cours de marchandises, les bâtiments et les logements ont été rendues, nous avons, Gilles de Robien et moi-même, constaté, l'été dernier, que ce dossier n'avançait pas.

Nous avons alors clairement fait savoir aux présidents des deux établissements publics que cette situation était inadmissible, d'une part, parce qu'elle est source de désordre, et, d'autre part, parce que l'absence de répartition des actifs a pour effet de geler des opérations dont les collectivités territoriales attendent souvent beaucoup.

Ainsi, au sein des villes, autour des gares, des terrains appartenant aux entreprises ferroviaires sont parfois gelés ou ne font l'objet que d'une utilisation très réduite, alors que la commune concernée souhaite réaliser des opérations d'urbanisme. Or l'absence de partage des actifs a pour effet d'empêcher la réalisation de ces opérations. Se trouvent ainsi pénalisés, non seulement les deux entreprises, mais aussi les collectivités territoriales et leurs habitants.

Aujourd'hui, après plusieurs mois de travail, nous sommes réellement sur le point d'aboutir. En effet, une commission d'arbitrage a été constituée, un cabinet a été missionné pour mettre au point une procédure d'automatisation du partage en fonction des règles arrêtées. Nous attendons maintenant le feu vert de la commission arbitrale, qui devrait intervenir dans quelques jours, pour passer à la phase opérationnelle. Nous pouvons d'ores et déjà affirmer que, dans quelques mois, ce partage des actifs sera effectif. Cette mesure était très attendue et une impulsion politique, pour parler en termes mesurés, était nécessaire pour que, enfin, nous aboutissions.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

Tout à fait !

S'agissant du plan « fret », il convient de rappeler quelques données.

Le chiffre d'affaires de la SNCF sur le fret baisse d'environ 1 % par an depuis 1990, à telle enseigne qu'en 2003 ou 2004 il était sensiblement inférieur, de plus de 10 points, à celui qui avait été atteint en 1998.

Le résultat du fret ferroviaire connaît donc une dégradation absolument impressionnante : en 1998, il représentait une perte de près de 84 millions d'euros ; en 2003, cette perte a atteint 450 millions d'euros, avec un rythme d'accroissement de l'ordre de 100 millions d'euros par an ! Autrement dit, il s'agit d'une véritable catastrophe financière.

Par ailleurs, en douze ans, le fret a perdu, cinq points de parts de marché, passant de plus de 25 % à quelque 20 % à peine.

Pour ce qui est des tonnages, qui devaient doubler à en croire les promesses de M. Gayssot en 1998, c'est l'inverse qui s'est produit : il se réduit année après année, passant de 55, 4 gigatonnes par kilomètre en 2000, à 4, 68 gigatonnes par kilomètre en 2003 !

C'est dire si le fret ferroviaire était en danger. C'est dire aussi combien le plan de redressement s'imposait. Certes, ce plan comporte des mesures qui ne sont pas agréables, car il est toujours regrettable d'abandonner des trafics de fret, mais c'est une nécessité absolue si nous voulons sauver cette activité, qui est vitale. Nous devons impérativement concentrer les efforts de la SNCF sur les trafics les plus massifs, de telle sorte que le transfert modal, c'est-à-dire le fait de faire passer du fret de la route vers le rail, soit significatif. En effet, ce n'est pas en transférant un wagon par-ci par-là dans une gare qui voit passer quelques trains par an que nous obtiendrons des résultats. C'est, au contraire, en constituant des trains entiers, cadencés, que nous obtiendrons un effet sensible sur l'environnement et que nous redresserons le fret ferroviaire.

Pour ce faire, le Gouvernement a prévu des moyens massifs : 800 millions d'euros sont consacrés à ce plan, auxquels s'ajoutent 700 millions d'euros d'actifs cédés par la SNCF et affectés au fret, le tout, naturellement, sous le contrôle de la Commission européenne ; nous attendons le résultat des travaux que celle-ci mène actuellement. Dès qu'elle aura approuvé le plan de restructuration, une première tranche de 250 millions d'euros sera débloquée.

Les tranches suivantes ne le seront que si les résultats correspondent aux attentes, car il convient que le Gouvernement, appuyé naturellement par le Parlement, surveille de près les résultats obtenus. Notre objectif n'est pas seulement de parvenir à un redressement financier ; nous voulons susciter un regain d'intérêt, un nouvel essor du fret ferroviaire. C'est là un impératif tant pour l'entreprise, dans la perspective de la concurrence qui s'ouvrira bientôt, qu'au regard de l'émission des gaz à effet de serre. Il s'agit bien d'un enjeu national.

J'ajouterai à ce qu'a dit Gilles de Robien concernant les crédits des CPER que, sur le plan strictement ferroviaire, pour les années 2000, 2001 et 2002, un total de 211 millions d'euros avait été inscrit par la majorité d'alors dans les trois lois de finances initiales, alors que, pour la seule année 2005, c'est pratiquement le même montant - 210, 5 millions d'euros exactement - qui vous est proposé. C'est dire que l'accélération est tout à fait significative en ce qui concerne l'exécution des contrats de plan Etat-région !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des transports terrestres inscrit dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvera à 7, 6 milliards d'euros en moyens de paiements, soit une augmentation d'un peu plus de 1 % par rapport à 2004.

Le budget « actif » des transports terrestres représente environ un tiers du montant total de ce budget, les deux autres tiers étant constitués de dotations que je qualifierai de « captives » puisqu'un tiers est consacré au régime de retraite de la SNCF et un autre tiers aux charges d'exploitation et de désendettement du ferroviaire.

L'innovation, en 2005, réside dans la nouvelle ressource « débudgétisée », constituée par l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, qui devrait être recevoir 635 millions d'euros. La création de l'AFITF témoigne de la priorité que le Gouvernement entend donner à l'investissement dans le domaine des transports terrestres.

La France a retenu, on le sait, une série de projets routiers et ferroviaires représentant un programme de travaux d'environ 20 milliards d'euros, à réaliser d'ici à 2012.

L'agence est un établissement public qui sera chargé de financer les contributions publiques de l'Etat pour un certain nombre d'opérations, notamment celles qui ont été prévues par le CIADT du 18 décembre 2003.

Dans le domaine ferroviaire, ce CIADT a confirmé plusieurs projets : la deuxième phase du TGV-Est ainsi que les lignes à grande vitesse Nîmes-Montpellier, Rhin-Rhône, Sud-Europe-Atlantique et Bretagne, auxquelles il convient d'ajouter des études concernant la liaison Lyon-Turin.

L'article 41 du projet de loi de finances prévoit pour l'Agence, au titre de 2005 : une dotation en capital de 200 millions d'euros, un montant de dividendes versés par les sociétés d'autoroutes à hauteur de 280 millions d'euros, un montant de redevance domaniale versée par les sociétés d'autoroutes à hauteur de 155 millions d'euros.

A l'évidence, la création de l'AFITF, qui fut particulièrement appréciée au Sénat, tendra à sécuriser les dotations de l'Etat affectées aux grandes infrastructures.

On se rappelle que la commission des affaires économiques s'était élevée avec vigueur contre la suppression, par la loi de finances de 2001, du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, qui avait une finalité comparable.

J'en viens au plan « fret » de la SNCF.

Lors de son audition devant la commission, le président de la SNCF, M. Louis Gallois, a insisté sur l'importance de ce programme dans la stratégie de l'entreprise.

Le volume d'activité du fret de la SNCF a baissé de 6, 4 % entre 2002 et 2003, passant de 50 milliards à 46, 8 milliards de tonnes par kilomètre. Pour 2005, l'opérateur prévoit 44 milliards de tonnes par kilomètre, soit, au fil des années, une baisse en valeur absolue du tonnage transporté.

Le plan « fret » comporte quatre orientations : la refonte de l'outil de production, qui serait désormais centré sur cinq axes seulement ; une amélioration de la productivité grâce à des investissements d'un montant de l'ordre de 600 millions d'euros ; une politique commerciale plus stricte, tendant à mieux rentabiliser les trafics avec des majorations des tarifs ; une offre élargie sur le plan international, en coopération avec d'autres opérateurs.

Le coût du plan « fret » serait de 1, 5 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros supportés par l'Etat et 700 millions d'euros à la charge de la SNCF.

Le volet financier du plan fait actuellement l'objet d'une enquête de la part des services de la concurrence de la Commission européenne.

Nous attendons une réponse pour les semaines qui viennent. Si le blocage devait perdurer, il en coûterait environ 40 millions d'euros de frais financiers à la SNCF.

S'agissant du financement du secteur ferroviaire, je tiens tout d'abord à apporter quelques précisions sur la contribution de l'Etat, en 2005, à la SNCF et à Réseau ferré de France, RFF.

La dotation de 3, 3 milliards d'euros de l'Etat à la SNCF se décomposera de la manière suivante : 109 millions d'euros au titre des tarifs sociaux, 677 millions d'euros au titre du service annexe d'amortissement de la dette et 2, 5 milliards d'euros au titre des charges de retraite.

La dotation de 3, 2 milliards d'euros à Réseau ferré de France se décomposera de la manière suivante : 1, 2 milliard d'euros au titre de la contribution aux charges d'infrastructures ferroviaires, 244 millions d'euros en subventions d'investissement, 800 millions d'euros au titre de la contribution au désendettement et 900 millions au titre des investissements de régénération du réseau.

Par ailleurs, on observe deux flux financiers de sens contraire et d'un montant comparable : le financement de RFF par la SNCF, d'une part, avec les péages d'infrastructures, soit 3 milliards d'euros prévus en 2005, et le financement la SNCF par RFF, d'autre part, au titre de la « convention de gestion » qui finance la gestion déléguée du réseau par la SNCF, pour un montant de 2, 5 milliards d'euros en 2005.

La contribution de l'Etat au désendettement de RFF - 800 millions d'euros - a remplacé en 2004 les dotations annuelles en capital, dont le montant cumulé s'élevait à 8, 9 milliards d'euros au 31 décembre 2002.

La subvention à la régénération du réseau de RFF - 900 millions d'euros - permet, quant à elle, la prise en charge d'investissements qui, jusqu'à présent, étaient financés par la seule augmentation de l'endettement de RFF !

Il convient de toujours garder à l'esprit quelques données structurelles.

Tout d'abord, le seul pôle rentable de la SNCF est celui des trains à grande vitesse.

Ensuite, le pôle des trains classiques, dits « Corail », que la SNCF souhaite baptiser « trains interrégionaux », ou TIR, perd chaque année de l'argent : environ 150 millions d'euros en 2004, dont 50 millions pour les seules lignes Bordeaux-Lyon, Nantes-Lyon, Quimper-Bordeaux et Lille-Strasbourg.

Enfin, le fret pouvait être considéré, avant le lancement du plan « fret », comme en quasi-faillite, puisque, en 2003, par exemple, il a enregistré une perte de 451 millions d'euros, soit 20 % du chiffre d'affaires global du fret.

Ces constats montrent l'importance des deux orientations stratégiques de l'opérateur ferroviaire dans les années à venir.

La première est la réorganisation du pôle fret. A cet égard, il faut rappeler que, dès 2007, le transport de fret devrait être « libre » sur les réseaux de l'Union européenne. Mon rapport contient toutes les précisions utiles sur la mise en oeuvre des différentes directives ferroviaires.

La seconde orientation réside dans une demande de prise en charge partielle des lignes interrégionales classiques par les régions.

En ce qui concerne la RATP, mon rapport écrit apporte des précisions sur les trafics et sur la situation financière de l'entreprise. Je tiens toutefois à indiquer que la RATP a enregistré, en 2003, un résultat courant bénéficiaire de 10, 2 millions d'euros, en baisse de 10 millions d'euros par rapport à 2002, en raison des grèves des mois de mai et juin 2003, qui ont provoqué une réduction importante des recettes voyageurs.

En 2003, les recettes de la RATP se sont établies à 3, 6 milliards d'euros, dont plus de la moitié au titre de la subvention versée par le Syndicat des transports d'Ile-de-France, le STIF, qui exerce une responsabilité directe dans l'exploitation des transports collectifs en Ile-de-France.

On rappellera que le contrat signé le 12 juillet 2000, entre le STIF et la RATP, visait à améliorer la qualité du service rendu aux voyageurs et à assurer une meilleure responsabilisation de l'entreprise quant à la maîtrise de ses charges.

En conclusion, je dirai que l'effort accompli par les pouvoirs publics dans le domaine des investissements me paraît devoir être salué eu égard à l'actuel contexte de rigueur budgétaire.

Les choix effectués par le CIADT du 18 décembre 2003, tout comme la création de l'AFITF, qui vise à sécuriser et à pérenniser le financement d'un certain nombre de grands projets, constituent des orientations qui vont dans le sens des souhaits que la commission des affaires économiques a maintes fois formulés.

Pour ces raisons, elle a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits du budget des transports terrestres dans le projet de loi de finances pour 2005.

Je vous poserai toutefois deux questions, monsieur le ministre.

En premier lieu, la SNCF souhaite manifestement que l'Etat, et surtout les régions, participent au financement des liaisons dites interrégionales, assurées par des trains Corail. Quelle est la position officielle du Gouvernement sur ce sujet ?

En second lieu, lors de la manifestation du jeudi 25 novembre dernier, les représentants d'une organisation syndicale de cheminots - la CGT - ont clairement laissé entendre que l'accord sur le dialogue social et la prévention des conflits, signé le 28 octobre, ne devait en aucun cas remettre en cause le droit de grève des cheminots, tel qu'il est habituellement exercé. Y aurait-il plusieurs lectures de l'accord ? Quelle est, en tout cas, celle du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

J'en viens au rapport de mon collègue Georges Gruillot pour les routes et les voies navigables.

Le projet de budget des routes et voies navigables pour 2005 est marqué par deux innovations : la mise en place de l'AFITF et la conduite d'expérimentations dans le cadre budgétaire de la LOLF.

Tout d'abord, l'AFITF permettra à l'Etat d'apporter sa part dans le financement des nouvelles infrastructures de transport. Une grande partie des fonds de cet établissement, dont les ressources pourraient représenter jusqu'à 7, 5 milliards d'euros sur la période 2004-2012, devrait être consacrée aux infrastructures ferroviaires.

Dès 2005, l'agence devrait verser des fonds en vue de la poursuite de l'équipement routier et fluvial du territoire, ce qui justifie la diminution de certains crédits d'investissement dans les lignes budgétaires examinées par le rapport de M. Gruillot.

Par ailleurs, 2005 est la dernière année de présentation du projet de loi de finances selon les règles de l'ordonnance de 1959. Néanmoins, la LOLF permet d'expérimenter dès cette année le cadre budgétaire qui s'appliquera à l'avenir.

S'agissant du budget des transports pour 2005, deux expérimentations affectent les crédits des routes : l'une concerne le programme « réseau routier national », dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Pays de la Loire, l'autre le programme « sécurité routière », dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie.

Normalement éclatés entre différentes lignes budgétaires, les crédits destinés à ces régions sont regroupés sur un même chapitre créé spécialement à cet effet, en vue d'être confiés aux gestionnaires du budget routier à l'échelle régionale.

En outre, une autre expérimentation est conduite s'agissant des subventions allouées à Voies navigables de France.

Celles-ci sont inscrites dans un nouveau chapitre correspondant au programme « Transports terrestres et maritimes », qui a vocation à intégrer, notamment, les financements destinés aux infrastructures fluviales.

Ces expérimentations donnent lieu à des suppressions de crédits dans les chapitres composant traditionnellement le budget des routes et des voies navigables. Elles en perturbent d'autant plus la lecture que le champ des nouveaux programmes ne recouvre pas celui des agrégats du « bleu » budgétaire des transports.

Ainsi, il faut l'avouer, les changements induits tant par la création de l'AFITF que par les expérimentations conduites au titre de la LOLF rendent difficiles des comparaisons avec le budget de l'année dernière.

Il est toutefois possible de mettre en évidence quelques données financières.

Tout d'abord, si les dotations budgétaires destinées au développement du réseau routier national enregistrent une baisse de 270 millions d'euros en autorisations de programme et de 370 millions d'euros en crédits de paiements, les financements dont bénéficiera la route au titre de l'AFITF devraient atteindre 445 millions d'euros en autorisations de programme et 190 millions d'euros en crédits de paiement.

Les crédits destinés aux infrastructures routières permettront notamment la poursuite des travaux de l'autoroute A75, entre Clermont-Ferrand et Béziers, l'aménagement en route express à deux fois deux voies de la route Centre-Europe-Atlantique, la RCEA, et le démarrage de la construction du deuxième tube dans le tunnel de Toulon.

Ensuite, l'entretien et la réhabilitation du réseau national se voient attribuer une enveloppe de 558 millions d'euros, à laquelle il convient d'ajouter les 117 millions d'euros destinés l'expérimentation du programme « réseau routier national », soit un total de 675 millions d'euros, en hausse de plus de 10 %.

Une partie de ces crédits est destinée à financer l'entretien courant du réseau, la part principale - 390 millions d'euros - étant consacrée aux réparations importantes et au gros entretien préventif.

Les crédits relatifs au renforcement des ouvrages d'art sont augmentés de 3, 7 millions d'euros en autorisations de programme.

Les crédits destinés aux aménagements de sécurité sont en hausse de 6 millions d'euros en autorisations de programme et de 8 millions d'euros en crédits de paiement.

Les crédits directement affectés à la sécurité routière et à l'exploitation de la route sont en augmentation de 14 % en autorisations de programme et de 4 % en crédits de paiements, si l'on intègre l'expérimentation du programme « sécurité routière » dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie.

Les résultats de la politique conduite dans ce domaine sont, on le sait, particulièrement encourageants puisque, en 2003, le nombre d'accidents corporels sur les routes françaises a reculé de presque 15 % et le nombre de tués de près de 21 %.

Les fameux radars automatiques devraient être au nombre de 550 à la fin de l'année 2004, et l'installation de 450 unités supplémentaires est programmée pour 2005.

Dans ce domaine, les améliorations envisagées concernent la reconnaissance des plaques étrangères, la prise en compte des poids lourds et la conduite d'études en vue d'une extension du dispositif à d'autres infractions que celles qui sont liées à la vitesse, telles que le non-respect des feux rouges et des distances de sécurité.

J'en viens aux crédits destinés aux voies navigables.

Ceux-ci devraient s'élever à 56 millions d'euros en autorisations de programme et à un montant analogue en crédits de paiements, en hausse 17, 6 %.

Les crédits des voies navigables serviront à financer : des interventions en faveur de la batellerie, à hauteur de 1 million d'euros ; des actions de restauration du réseau restant géré par l'Etat, à hauteur de 2 millions d'euros en autorisations de programme ; les crédits consacrés au développement des voies navigables dans les contrats de plan Etat-région.

Je souligne que les crédits d'investissement alloués à Voies navigables de France, qui étaient traditionnellement inscrits sur la ligne 63-44/50, devraient transiter en 2005 par d'autres créneaux : l'AFITF, d'une part, la dotation expérimentale du programme « Transports terrestres et maritimes », dotée en tout de 72 millions d'euros, d'autre part.

Monsieur le ministre, je souhaite maintenant vous poser trois questions.

Premièrement, quel est aujourd'hui le calendrier de réalisation de la fameuse liaison routière Centre-Europe-Atlantique ?

Deuxièmement, pouvez-vous faire le point sur les difficultés actuelles que rencontrent les transporteurs routiers ? Quelles mesures, à court et à moyen terme, seraient selon vous de nature à soulager des professionnels dont de nombreuses doléances nous paraissent parfaitement fondées, qu'il s'agisse du coût excessif des carburants ou de la concurrence déloyale de la part d'entreprises étrangères pratiquant le social ?

Troisièmement, où en est le dossier de la liaison fluviale Saône-Rhin ? En 2002, le Gouvernement a laissé entendre qu'il n'était pas, à l'inverse de son prédécesseur, complètement « fermé » sur le sujet, ce qui a allumé quelques lueurs d'espoir. Malheureusement, pour le moment, rien de concret n'est venu les raviver. Quelle est aujourd'hui l'approche du Gouvernement ?

En tout état de cause, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable quant à l'adoption du budget des routes et des voies navigables dans le projet de loi de finances pour 2005.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Monsieur Soulage, vous avez d'abord évoqué la question de la continuité du service public.

Je voudrais souligner combien est historique l'accord qui a été signé à la SNCF le 28 octobre 2004 entre la direction et six fédérations de cheminots représentant près de 80 % des salariés : la CGT, la FGAAC, la CFDT, la CFTC, l'UNSA et la CFE-CGC.

Cette très forte représentativité est un élément très positif, mais surtout très encourageant et de bon augure pour les discussions qui se dérouleront au cours du premier trimestre de 2005 sur la prévisibilité et sur l'optimisation du service en période de conflit.

Un bonheur ne venant jamais seul, voilà que, parallèlement à cette réussite à la SNCF, les partenaires sociaux de la branche du transport urbain de voyageurs, sur l'initiative de l'UTP, l'Union des transports publics, ont ouvert mardi dernier une négociation sur la prévention des conflits, qui se poursuivra dès le mois de janvier.

Enfin, autre élément favorable, la présidente de la RATP m'a présenté la semaine dernière les résultats obtenus par son entreprise en matière de réduction de la conflictualité grâce au dispositif d'alarme sociale. Elle s'est engagée à améliorer encore la prévisibilité du trafic et à rechercher, dans le dialogue avec les organisations syndicales, la garantie d'un niveau de service beaucoup plus élevé en période de conflit.

Vous constatez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que la voie contractuelle paraît aujourd'hui la plus fructueuse, et j'aurai l'occasion mercredi d'en débattre ici même plus en détail avec vous.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Tant qu'elle peut prospérer, c'est en tout cas celle que préconise la majorité ! Nous sommes pour le contrat plutôt que pour la loi, qui impose. Il en va d'ailleurs de même en matière de temps de travail !

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

En ce qui concerne les transports routiers, monsieur Soulage, la lutte contre le dumping social est au coeur de l'action de la France à l'échelon européen : il faut évidemment harmoniser les données sociales dans le transport routier.

Des progrès importants ont été obtenus avec l'adoption en mars 2002 de la directive sur le temps de travail des conducteurs routiers. La transposition de ce texte, qui doit intervenir d'ici à mars 2005, obligera un certain nombre d'Etats européens à limiter le temps de travail de leurs conducteurs : il ne sera plus possible de travailler, comme c'est le cas actuellement, soixante heures et plus sur les routes. Cela représente, en outre, un progrès pour la sécurité.

En France, cette transposition est l'occasion d'assouplir certaines règles applicables en matière de durée de travail des conducteurs routiers. L'ordonnance du 12 novembre 2004, qui transpose les directives communautaires et modifie le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail, en constitue la première étape. Le décret d'application concernant le transport routier de marchandises a été rédigé et sera présenté aux partenaires sociaux dès la semaine prochaine.

J'en viens à la hausse des prix des produits pétroliers, qui, c'est évident, a une forte incidence pour les professions, puisque leurs coûts, vous le savez bien, dépendent dans une forte proportion du prix des carburants. Très conscient de ces difficultés, le Gouvernement a agi immédiatement en faveur de ces professions.

J'ai annoncé, le 14 octobre, des mesures fiscales venant renforcer les mesures structurelles du 8 septembre. Je vous les rappelle : le dégrèvement spécifique de la taxe professionnelle est doublé ; il est élargi à tous les camions d'un poids supérieur à 7, 5 tonnes et sera appliqué de façon rétroactive pour l'ensemble de l'année 2004 ; au 1er janvier 2005, il sera triplé, passant de 244 euros à 366 euros par véhicule de plus de 7, 5 tonnes ; enfin, le remboursement de la TIPP est accéléré et sa base déplafonnée.

J'ai aussi élaboré, en collaboration avec les donneurs d'ordres et les transporteurs, un guide des bonnes pratiques, qui vaudra pour le secteur fluvial comme pour le secteur routier, qui doit permettre que soit mieux prise en compte dans les contrats la hausse du prix du gazole. Ce guide est aujourd'hui achevé. Il a été relu avec les professionnels et pourra donc être distribué incessamment dans les entreprises.

François Goulard a, par ailleurs, annoncé le 21 octobre 2004 une série de mesures en faveur des transporteurs fluviaux de marchandises et de passagers : un dégrèvement de la taxe professionnelle au même niveau que pour les entreprises de transport routier, soit 244 euros par bateau en 2004 et 366 euros en 2005 ; une aide exceptionnelle correspondant au remboursement des péages payés par les professionnels pendant un mois ; le remboursement de trois mois de la taxe payée spécifiquement par les artisans.

Enfin, monsieur Soulage, je terminerai mon propos en évoquant la RCEA, la route Centre-Europe-Atlantique, et je sais tout l'intérêt que M. Emorine lui porte. Son achèvement est important à deux titres : d'abord, pour l'avenir des territoires qu'elle traverse, mais aussi parce qu'elle est une liaison est-ouest de premier plan. Son aménagement à deux fois deux voies est donc une priorité.

C'est pour cette raison que le Gouvernement a souhaité, au cours du CIADT de décembre 2003, que l'AFITF puisse apporter un financement complémentaire à celui des contrats de plan afin d'accélérer les travaux des grands programmes routiers. Ainsi, sur l'enveloppe de 7, 5 milliards d'euros d'investissements qu'apportera l'Agence entre 2005 et 2012, environ 500 millions d'euros sont réservés à des axes d'aménagement du territoire, parmi lesquels figure naturellement la RCEA.

Par ailleurs, la RCEA bénéficiera de la relance exceptionnelle des contrats de plan qu'a décidée et annoncée le Premier ministre et qui mobilisera 300 millions d'euros.

Ces deux mesures contribueront très positivement à l'aménagement de la RCEA, notamment en Saône-et-Loire, département particulièrement concerné par cet axe majeur.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter et, si Mme la présidente le permet, je laisse maintenant à M. Goulard le soin de répondre aux autres questions.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'apporterai quelques compléments rapides au sujet des lignes interrégionales, dites liaisons « Corail ».

Vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, certaines lignes sont très déficitaires : Nantes-Lyon connaît des pertes de 14 millions d'euros ; Bordeaux-Lyon, de 11 millions d'euros ; Lille-Strasbourg, de 6 millions d'euros ; Nantes-Bordeaux, de 14 millions d'euros. La fréquentation de leurs trains est faible : une centaine de passagers en moyenne.

Cette situation appelle de la part de la SNCF, de notre part, une réflexion qui ne néglige ni le rôle que jouent ces liaisons ferroviaires dans l'aménagement du territoire - tous les élus y sont sensibles - ni leur rôle social. Car, ne l'oublions pas, certains de nos compatriotes n'ont d'autres moyens de transport que les transports collectifs, et nous devons être attentifs à cette préoccupation : la SNCF exerce une mission de service public !

Quelle est la bonne façon d'aborder ce problème ?

Il n'est certainement pas question de se placer dans une alternative brutale, de vouloir choisir entre fermeture ou financement par les régions. Une telle réponse, pour les raisons que je viens d'évoquer, serait inadaptée.

La circulation de certains trains express régionaux, les TER, dépend partiellement du trafic des trains Corail sur certaines parties de ces liaisons. Les régions sont donc concernées. C'est pourquoi, au cours de l'année 2005, nous devons, en étroite concertation avec leurs élus, examiner comment adapter la fréquence des trains, organiser le service, assurer sa meilleure coordination avec les TER. Car nous pensons que ces liaisons doivent être maintenues et que des solutions existent.

A propos du transport fluvial, vous avez très justement rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, le récent changement de méthode. Nous devons en souligner un élément important : l'Etat et Voies navigables de France ont passé un contrat qui, pendant quatre ans, permettra de consacrer des moyens nouveaux, d'un montant de 50 millions d'euros par an, à la modernisation de notre réseau fluvial.

Le transport fluvial est, aujourd'hui, en très nette croissance. Il est évidemment intéressant à de nombreux points de vue, notamment au point de vue environnemental, car il est particulièrement économe en énergie et minimise les nuisances que d'autres modes de transport peuvent comporter.

Nous nous attachons à sécuriser le réseau magistral, à le moderniser et à mieux organiser son interconnexion avec les grands réseaux européens.

Les grands investissements, ce sont bien sûr les liaisons portuaires, avec le projet d'écluse de Port 2000, qui a été retenu par la décision du CIADT du 18 décembre 2003. C'est également le grand projet de liaison Seine-Nord Europe, également éligible à l'AFITF, dont la pertinence économique est extrêmement forte et la réalisation certainement moins coûteuse que celle d'autres projets auxquels il a été fait allusion.

J'en viens donc à la liaison fluviale à grand gabarit entre la Saône et le Rhin. Ce projet est ancien puisque la déclaration d'utilité publique remonte à 1978. Un décret du 30 octobre 1997, pris par le gouvernement précédent, avait ensuite marqué son abandon officiel. Le principal motif avancé, à l'époque, était que la réalisation du projet porterait des atteintes jugées insupportables à l'environnement. Avait également été invoqué, à juste titre, le coût très élevé du projet.

Aujourd'hui, le temps a passé. D'autres projets se sont imposés, en particulier celui du canal Seine-Nord Europe, qui nous connectera avec le réseau fluvial le plus dense de notre continent et mettra en relation le grand port du Havre avec l'est de la France et l'Europe. La construction de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône a également été décidée. Elle permettra de transférer vers le fret ferroviaire des transports qui se font aujourd'hui par la route. La remise à l'étude de la liaison fluviale à grand gabarit Saône-Rhin n'est donc pas d'actualité.

Cela étant, l'avenir dure longtemps ! Le transport fluvial a retrouvé une modernité, connaît de véritables perspectives, et il est possible que ce que nous disons et pensons aujourd'hui soit appelé à évoluer au fil du temps.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous passons aux questions des orateurs des groupes.

Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

La parole est à M. Michel Billout.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de revenir quelques instants sur la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, la future AFITF.

Monsieur le ministre, vous avez déjà apporté certains éclaircissements, mais je souhaiterais obtenir quelques précisions supplémentaires sur les questions de financement. Et, puisque la parole m'est donnée, je ne manquerai pas de vous présenter mon point de vue sur le sujet.

Je tiens, tout d'abord, à faire remarquer que la création d'une telle agence, destinée à financer de grands projets d'infrastructures de transport, ne va pas de soi, car sont concernés de véritables grands travaux qui, par leurs retombées potentielles et prévisibles, dépassent de fait le strict cadre de notre territoire national.

Vous l'avez indiqué tout à l'heure, d'autres choix étaient possibles et, en tous les cas, avaient été examinés à l'échelon gouvernemental.

Pour ma part, j'aurais préféré la création d'un véritable pôle public de financement autour de la Caisse des dépôts et consignations, de La Poste, de la Caisse d'épargne, de la Banque de développement des PME et d'autres institutions bancaires. Il était tout à fait possible de procéder ainsi, et cela aurait sans doute contribué à une meilleure maîtrise publique à la fois des besoins de financement et de la mobilisation des moyens existants, au service de l'aménagement équilibré de notre territoire.

La CDC ne dispose-t-elle pas dans ses réserves de 100 milliards d'euros, qui, au lieu d'alimenter les marchés financiers, pourraient être utilement employés au financement de nos infrastructures de transport ?

La mobilisation de tels fonds d'origine publique aurait aussi permis d'éviter que les projets ne soient soumis à des taux de retour sur investissement extrêmement courts et à des taux de rendement élevés, de l'ordre de 7 % à 15 %, alignés sur les taux des marchés financiers.

Enfin, l'intervention d'un pôle bancaire public aurait mieux permis d'assurer la pérennité des financements nécessaires.

D'autres ressources auraient également pu être obtenues pour répondre à la perte de parts de marché du fret ferroviaire, par exemple en recourant à une taxation sur les chargeurs ou sur les gros transporteurs routiers, dans le cadre d'une politique de rééquilibrage intermodal.

Bref, il était possible de faire de tout autres choix, qui auraient à tout le moins mérité un débat : vous me permettrez d'en faire l'observation, monsieur le ministre ! Or tel n'a pas été le cas, puisque la création de cette nouvelle agence de financement, décidée lors du CIADT de décembre 2003, a fait l'objet d'un décret, ce qui a privé le Parlement d'un débat sur sa nature, son fonctionnement et ses ressources.

Nous découvrons donc un organisme, qui plus est assez difficile à qualifier, dont les principales ressources seront, aux termes de l'article 5, les dotations de l'Etat, le produit des dividendes des sociétés d'autoroutes, le produit de placements, des emprunts et, sans plus de précision, « toute autre ressource directement affectée à l'établissement ».

Pour l'instant, le projet de loi de finances pour 2005 permet de lui allouer 635 millions d'euros de crédits de paiement, dont 435 millions provenant des prévisions de dividendes des sociétés d'autoroutes, le reste étant issu des dotations de l'Etat. Ce montant est particulièrement faible compte tenu des énormes besoins de financement !

D'après le Gouvernement, le niveau de financement de l'agence pourrait atteindre 7, 5 milliards d'euros, ce qui, selon vous, monsieur le ministre, permettrait de faire face à environ 20 milliards d'euros de dépenses. Cela montre bien le niveau de l'investissement de l'Etat par rapport aux besoins !

J'ai de sérieux doutes sur le fait que les moyens de l'agence puissent être abondés à cette hauteur, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, une partie de ses ressources est loin d'être pérenne puisqu'elle proviendra des dividendes des sociétés d'autoroutes ; or certaines sont en voie de privatisation. En témoignent par exemple l'ouverture, déjà engagée, du capital de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, la SAPRR, et celle, prévue, du capital de la société des autoroutes du nord et de l'est de la France, la SANEF.

Pourquoi le Gouvernement, qui privatise abondamment, renoncerait-il à ces privatisations de sociétés autoroutières ?

Ensuite, les ressources provenant de placements sont, par définition, incertaines et elles sont aujourd'hui pratiquement nulles si l'on en croit l'affectation actuelle de 635 millions d'euros.

Enfin, l'ultime solution consistera à faire appel à des partenariats public- privé, ce qui suppose des exigences de rentabilité et un certain taux de retour sur investissement à court terme. Le groupe Bouygues, par exemple, pourrait-il se satisfaire de taux de rentabilité inférieurs à ceux qui se pratiquent sur les marchés ?

De nombreux projets sont concernés, monsieur le ministre, vous l'avez vous-même souligné : la poursuite de la réalisation du TGV -Est, la modernisation de la ligne Paris-Limoges-Toulouse, la modernisation de la ligne Dijon-Modane. Vous me permettrez d'y ajouter l'indispensable et urgente électrification de la ligne Paris-Provins-Troyes-Bâle ; à cet égard, l'Etat doit tenir tous ses engagements, et je sais que M. François Baroin, notamment, partage cette opinion.

En bref, monsieur le ministre, l'agence doit faire face à d'énormes besoins de financement. Or ceux-ci ne peuvent être soumis aux critères de rentabilité exigés par les marchés financiers, dans la mesure où l'agence remplit une mission de service public et d'intérêt général, et où certains de ses objectifs nécessitent des actions à long terme.

Dès lors, comment cette agence sera-t-elle abondée in fine, de quels moyens disposera-t-elle exactement, sur quels mécanismes financiers s'appuiera-t-elle ?

De tout cela dépend la réussite de ce programme de développement d'infrastructures dont les ambitions, à la suite d'un audit financier d'ailleurs tout à fait contestable, ont été largement revues à la baisse.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Monsieur Billout, je suis étonné que vous puissiez poser cette question. .

D'une part, je vous le rappelle, durant la précédente législature, vous avez supprimé le FITTVN, qui était un bon outil de financement, même s'il n'était pas aussi performant que l'AFITF.

Quand je suis entré en fonction au ministère de l'équipement et des transports, j'ai découvert qu'un grand nombre de promesses avait été faites, que même des décisions avaient été prises au niveau du CIADT, tout cela pour un montant de 15 milliards d'euros, mais que rien n'était financé.

Cela signifiait un ralentissement de l'équipement de notre pays, au moment où l'Europe s'élargissait. La France, qui est la première destination touristique, qui a un rôle de plaque tournante, de pays de transit, aurait perdu cette vocation s'il n'y avait pas eu d'alternance ! Restaient à financer ces 15 milliards d'euros d'équipements promis.

Eh bien, monsieur Billout, nous avons pris des décisions, parce que gouverner, c'est décider.

Mais, avant d'arrêter nos décisions, nous avons organisé un débat, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ici même, il a duré au moins huit heures et quatre-vingts questions ont été posées. Je m'étonne donc que vous disiez qu'il n'y a pas eu concertation ni débat ! Ce fut d'ailleurs un débat de grande qualité, où chacun s'est efforcé d'oublier un moment son petit bout de route, sa petite rocade, pour se prononcer sur ce que devrait être la France dans vingt ans, sur les méthodes de financement, sur les types de transport qu'il fallait privilégier, sur l'intermodalité. Ce fut un débat magnifique !

A la suite de ce débat, le Gouvernement a décidé de continuer à équiper le pays et recherché le moyen d'assurer les investissements nécessaires à un moment où le budget n'en pouvait mais parce que la croissance était faible.

Nous avons donc créé une agence. J'espère que, celle-là, il n'y aura pas d'alternance pour la supprimer ! Nos ressources proprement budgétaires étant limitées, nous avons choisi d'alimenter cette agence grâce aux produits apportés par les transports eux-mêmes.

Vous parliez de « produits financiers » : il s'agit en fait des péages ! Quand vous réglez votre péage à une société autoroutière non privatisée, vous participez à ce financement !

A ce propos, je vous précise qu'ouvrir le capital, ce n'est pas privatiser ! Cessez donc de prétendre le contraire, car vous pourriez tromper des personnes éventuellement mal informées. Ouvrir 10 %, 20 % 30 %, et jusqu'à 49 % du capital, ce n'est pas privatiser, c'est faire appel à des partenaires susceptibles d'apporter des capitaux. C'est ce qui est fait pour la SAPRR : nous demandons à des partenaires privés de rembourser la dette plus rapidement, afin de pouvoir distribuer davantage de dividendes.

Si l'on additionne le produit des autoroutes jusqu'à 2030, avec une prévision de croissance du trafic de l'ordre de 2 % à 4 % par an, on arrive à une somme de 30 milliards d'euros. Pourquoi donc cette somme n'alimenterait-elle pas l'agence de financement ? Avec, en outre, les redevances domaniales, on pourra financer les infrastructures dont notre pays a besoin.

De 2005 à 2012, il y aura ainsi 7, 5 milliards au titre de la part de l'Etat, mais, sachant que des fonds européens et des financements venus des collectivités locales - pour les canaux, par exemple, ou le TGV - viennent s'y ajouter, la capacité de financement s'élèvera, dans les prochaines années, à 20 milliards d'euros.

Equiper en faisant appel à l'usager et non au contribuable constitue, me semble-t-il, un bon système. Je le rappelle, celui-ci sera géré par deux parlementaires - un sénateur et un député -, par deux autres élus, deux personnalités qualifiées et six représentants de l'administration.

Je vous invite donc, monsieur le sénateur, à réviser votre position : vous vous réjouirez probablement, dans votre région ou ailleurs, de voir davantage d'infrastructures.

J'ajoute que soixante-quinze des infrastructures décidées par le CIADT de décembre 2003 seront des infrastructures « propres » puisque la route va financer des canaux, des autoroutes maritimes et le transport ferroviaire, ce qui correspond à une politique de transport véritablement respectueuse du développement durable

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Je voudrais simplement remercier M. le ministre de ces précisions. Je reviendrai sur ce dossier lors de mon explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord, monsieur le ministre, vous décerner deux satisfecit.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

M. Gilles de Robien, ministre. Seulement deux ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

C'est suffisamment rare pour qu'ils ouvrent mon propos !

Il s'agit, d'une part, de l'indiscutable amélioration de la sécurité routière, à laquelle nous sommes évidemment tous extrêmement sensibles.

Il s'agit, d'autre part, de l'opiniâtreté dont vous avez fait preuve et qui a abouti à la création de l'AFITF, agence que nous appelions de nos voeux.

J'avoue ma perplexité quant au reste de votre politique. J'ai l'impression que nous n'avons pas les mêmes yeux pour regarder la même réalité !

Une politique de transport est un enjeu de développement économique, social, et environnemental extraordinaire. Dans le cadre d'une politique de transport très volontaire, un objectif majeur doit être d'encourager le développement des modes de transport alternatifs à la route.

Toutes les déclarations portent le sceau du développement durable et rappellent nos engagements internationaux. Toutes les études montrent qu'il faut s'attendre à un développement considérable de la demande en transports dans les vingt années à venir. Tous les rapports sur la compétitivité de notre pays insistent sur la nécessaire qualité de ses infrastructures.

Hélas, à l'évidence, le budget qui nous est proposé ne répond pas à ces exigences. Il ne permet pas de faire face à ces enjeux. Il ne traduit pas cet engagement en faveur d'un véritable report modal.

Or, sans un engagement politique clair, il est impossible de rompre avec la logique des entreprises demandeuses de transport, pour lesquelles seuls comptent les coûts. Si l'on tient à cette logique, c'est toujours la route qui gagnera !

Aussi ma question, monsieur le ministre, est-elle simple : le Gouvernement a-t-il encore une véritable politique de rééquilibrage modal et de développement des transports alternatifs à la route ?

Pour illustrer cette question, je prendrai l'exemple du volet ferroviaire du projet de budget que nous examinons aujourd'hui.

Je commencerai par examiner le problème de la dette ferroviaire

La France a adopté en 1997 une nouvelle organisation de son système ferroviaire, en séparant le réseau, confié à RFF, de l'exploitation, confiée à la SNCF. Cette séparation, voulue par le gouvernement de droite de l'époque, allait au-delà de la simple obligation de séparation comptable issue de nos engagements européens.

Ce choix de création de deux établissements publics avait été présenté comme un moyen de maîtriser la dette ferroviaire, en allégeant la dette de la SNCF.

Plus de sept ans après la mise en place de ce dispositif, le moins que l'on puisse dire est que cet objectif est loin d'être atteint.

Nous sommes en présence de trois partenaires : l'Etat, RFF et la SNCF. Le système reste cependant « plombé », et pour longtemps. La dette ferroviaire est passée de 15 milliards d'euros en 1990 à 41 milliards d'euros en 2004. RFF supporte 25 milliards d'euros, la SNCF 7, 5 milliards, et le service annexe d'amortissement de la dette, 8 milliards.

M. Lambert a posé d'importantes questions concernant l'impact du basculement aux normes comptables internationales sur cet « objet financier non identifié ». Faut-il rattacher cette dette aux comptes de la SNCF ou à la dette de l'Etat ? Chacun a compris qu'il n'était pas possible de rattacher la dette à la SNCF, à moins de vouloir « plomber » cette entreprise.

De plus, c'est bien à la demande de l'Etat que la SNCF s'est endettée lorsqu'elle a créé l'ensemble des infrastructures, en particulier les lignes de TGV.

Les seuls frais financiers supportés par l'ensemble du système ferroviaire en 2003 représentaient environ 2, 5 milliards d'euros. Or les dotations d'Etat pour le désendettement n'ont pas augmenté depuis l'année dernière et représentent toujours 1, 5 milliard d'euros. Ce décalage nous conduit immanquablement « dans le mur ».

Face à ce système qui se dégrade gravement, le Gouvernement va-t-il se résoudre à prendre des mesures qui seraient à la hauteur réelle du problème ?

Nous avions eu un temps l'espoir que d'autres sources de financement seraient trouvées. Je songe en particulier à la taxation des poids lourds. Qu'en est-il de cette mesure ?

La création de l'AFITF est un progrès. Le décret a été publié le 26 novembre au Journal officiel.

Cela étant, j'ai été surpris, à la lecture de l'article 1er de ce décret, de constater que la liste des infrastructures s'ouvraient sur les routes, mises sur le même plan que le chemin de fer, les voies d'eau et les ports. Où est, dans ces conditions, l'affirmation de l'objectif d'un réel transfert modal ? On nous annonçait que 70 % des moyens de l'agence seraient consacrés aux modes de transport alternatifs à la route. J'espère que cela reste vrai, mais le décret est muet sur ce point.

La création de l'agence, d'autre part, ne règle pas le problème de la dette ferroviaire actuelle, qui va continuer à grandir.

Ajoutons que l'AFITF sera elle-même amenée à s'endetter, sans doute même dès le début, car les dividendes des sociétés autoroutières seront insuffisants dans les premières années.

On nous dit qu'un plafond d'emprunt sera fixé chaque année en loi de finances : le rapporteur de la commission des finances évoque dans son rapport un plafond d'un montant de 635 millions d'euros pour 2005. Quelles seront les règles d'évolution de ce plafond dans les années à venir ?

Quand les 200 millions d'euros de dotation en capital promis par l'Etat en 2005 seront-ils versés à l'agence ?

Le Gouvernement prépare l'entrée en bourse de deux sociétés autoroutières une augmentation de capital : quelle sera la part de l'Etat à l'issue de cette opération ? Cela aura nécessairement des implications sur la perception des dividendes, ce qu'on appelait la « rente autoroutière ».

On entend que l'agence pourrait injecter 400 millions d'euros par an dans des investissements ferroviaires. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer cette information ?

Quant aux relations entre l'Etat et RFF, j'ai déjà évoqué l'insuffisance de l'aide au désendettement de cet organisme. La dette atteint 800 millions d'euros comme l'an passé, alors que les frais financiers seuls atteignent 1 milliard d'euro.

Par ailleurs, la dotation pour travaux de régénération pour 2005 est de 900 millions d'euros. On est encore très loin du compte.

Je sais qu'il y a, à l'heure actuelle, un débat à propos des trains qui doivent ralentir sur près de 1 500 kilomètres de voies, mais il n'y a guère que ceux qui ne prennent pas le train pour tenter de mettre en doute ce qui est, hélas, bien réel.

On constate, certes, un léger effort pour 2005, mais les dotations 2004 ont-elles bien été effectivement versées : le doute subsiste. On connaît l'ampleur de la régulation budgétaire de ces deux dernières années ! Il semble qu'elle ait atteint des proportions sans précédent en 2004 : 270 millions d'euros de crédits d'investissement annulés, après 317 millions d'euros en 2003. Voilà qui relativise un peu nos débats sur les chiffres.

Bien entendu, cela contribue au retard colossal des contrats de plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Il me semble tout de même utile de préciser que l'on se situera, à la fin de cette année, à 33 % de la réalisation des contrats de plan, quand on devrait se situer à 71 %.

Voilà quelques questions, monsieur le ministre, auxquelles j'attends que vous répondiez.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Madame la présidente, je ne peux pas répondre à dix-sept questions en trois minutes ! Je vais donc aller à l'essentiel.

Monsieur Reiner, je vous remercie de saluer la politique de sécurité routière. On peut féliciter l'ensemble des Français du résultat obtenu. Le Gouvernement a suivi une instruction du président de la République ; il s'est mobilisé dans une action interministérielle. Les Français ont écouté les messages, suivi les mesures. Certes, ils ont parfois « rouspété » à cause des contraventions ! Mais les résultats sont là : 3 000 vies sauvées et plusieurs dizaines de milliers de blessés en moins ! J'espère, nous espérons tous, que cela va continuer.

Vous vous êtes réjoui de la création de l'AFITF ; tant mieux ! Vous aviez supprimé le FITTVN. A tout péché miséricorde !

Selon vous, le Gouvernement ne consacre pas assez d'argent au chemin de fer. Rien que pour la période 2005-2012, sur les 7, 5 milliards d'euros de ressources de l'agence pour le financement des infrastructures, plus de 5 milliards, c'est-à-dire les deux tiers, y sont consacrés ; on n'avait jamais vu cela !

J'ai entendu des discours sur le fret ferroviaire, sur le ferroutage, sur l'écologie et le transport propre, etc. Maintenant, il y a l'argent nécessaire ! Les chiffres sont là et c'est quand même autre chose que les discours !

J'ai l'honneur de vous faire aujourd'hui un discours sur les transports propres, mais avec un gage, celui de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, qui apportera les moyens nécessaires !

Pour 2005, les ressources totales s'élèvent à 635 millions d'euros, dont 425 millions sont consacrés aux opérations ferroviaires. Voilà la réalité ! Vous ne pouvez donc pas dire que nous ne faisons rien contre la pollution, que nous ne remplissons pas les obligations du Protocole de Kyoto, etc. C'est faux !

S'agissant de la pérennité des financements, nous accordons, par an, 800 millions d'euros à RFF et 677 millions d'euros à la SNCF. Je l'ai écrit - j'ai signé la lettre hier matin - aux organisations syndicales qui se posaient la question : 1, 477 milliard d'euros pour RFF et la SNCF. On n'avait jamais vu un tel effort dans le passé ! Nous avons également budgétisé 900 millions d'euros l'an passé pour les grosses réparations ; cela, on ne l'avait jamais vu non plus !

Vous m'avez demandé comment était fixé le plafond d'endettement de l'AFITF. Il est tout simplement voté par le Parlement. On ne peut pas trouver plus démocratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le ministre, je vous l'avais bien dit, nous n'avons pas le même regard sur les réalités !

Vous m'opposez des chiffres qui ont été budgétés l'année dernière, mais moi, je vous parle de régulation budgétaire. On n'avait jamais vu de tels gels de crédits !

Debut de section - Permalien
Mm. Gilles de Robien, ministre

Ces crédits-là n'ont pas été régulés !

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

Pas ceux-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

J'ai sous les yeux des chiffres de la régulation sur le ministère des transports. Vous allez me dire s'ils sont mauvais : 270 millions d'euros de crédits d'investissements annulés en 2004.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

Pas ces investissements-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que les 15 milliards d'euros de travaux d'infrastructures annoncés lors de la signature des contrats de plan n'étaient pas financés. Bien sûr, qu'ils n'étaient pas financés en 1999 et 2000 puisque, dans notre pays, le budget est annuel ! Mais cela valait engagement de l'Etat à financer chaque année la part nécessaire pour compléter les financements des régions, des départements et des grandes collectivités. Vous ne pouvez donc pas dire qu'ils n'étaient pas financés !

S'agissant du FITTVN, vous savez bien que ce ne sont pas les parlementaires qui l'ont supprimé !

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

C'est votre majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

En la circonstance, je ne vais pas faire la différence entre les deux, mais, si vous avez pu obtenir la création de l'AFITF, c'est bien parce que l'unanimité des deux assemblées a pesé lourd dans votre discussion avec le ministère des finances ; il faut le reconnaître !

Un mot sur le transport combiné : c'est une question essentielle. Je suis surpris que vous ayez demandé, une étude au Comité national des transports, alors que le transport combiné est à l'ordre du jour depuis des années et que les rapports sont déjà multiples.

Donnez-nous plutôt les résultats de l'autoroute ferroviaire qui a été mise en place à titre expérimental en direction de l'Italie. Examinons objectivement ce qu'il est possible de faire dans ce domaine.

En conclusion, il y a deux façons de voir les choses : l'une avec les yeux, l'autre avec des lunettes roses. Mais, pour une fois, ce n'est pas nous qui portons ces lunettes-là !

Sourires

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Puisque vous parlez de lunettes roses, je vous renvoie le compliment, car c'est vous qui vous trompez : le FITTVN a bien été supprimé par la majorité parlementaire de l'époque, donc par vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

M. Daniel Reiner. Absolument, mais poussée par le Gouvernement !

Sourires

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Bel exemple de solidarité !

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Vous savez bien comment les choses se passent !

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Alors, nous sommes d'accord !

L'expérimentation de la première autoroute ferroviaire française entre Aiton et Or Bassano se poursuit et monte en puissance. Nous nous rendrons sur place, François Goulard et moi, au cours du printemps.

Par ailleurs, avec d'autres pays voisins, nous commençons à imaginer - les négociations viennent juste de commencer - la réalisation d'un grand corridor nord-sud pour le ferroutage.

Enfin, s'agissant des 15 milliards d'euros, bien sûr qu'il fallait en budgéter une partie chaque année ! Mais, avec 1 000 milliards de dette et presque 3 % de déficit, comment trouver une telle somme, même sur trois, cinq ou sept ans ? C'était impossible ! Il fallait donc garder les sociétés d'autoroute et « flécher » le produit des dividendes pour abonder soit le budget de l'Etat, soit le financement des infrastructures. Nous avons choisi de créer l'AFITF pour recueillir cette « ressource nouvelle ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, en février 2003, le Premier ministre recevait les résultats d'un audit qu'il avait commandé sur les grands projets d'infrastructures et qui établissait la liste des équipements pour lesquels un investissement de la part de l'Etat était nécessaire d'ici à 2020. Les besoins sont évalués à 23 milliards d'euros à la charge de l'Etat sur cette période.

La réflexion a abouti aujourd'hui à la création de l'AFITF, ce dont je me félicite. Je voterai les crédits inscrits dans la loi de finances et destinés à cette agence.

Ce nouvel établissement a pour but de rendre plus visibles les efforts du Gouvernement en matière d'infrastructures. Je m'en réjouis, car il m'était difficile, en tant qu'élue et parlementaire, de répondre aux attentes des élus locaux comme des citoyens lorsqu'ils m'interpellaient sur les projets d'équipements qui leur tiennent à coeur parce qu'ils amélioreraient leur vie quotidienne et la sécurité, mais qui n'aboutissent pas toujours !

A ce titre, je rappelle que, parmi les équipements préconisés par l'audit de 2003, figure le bouclage de l'autoroute A 86 à l'est, reconnue d'utilité publique, comme l'a rappelé récemment François Goulard.

C'est une erreur des services de l'Etat qui, voilà vingt ans, a fait converger l'A 86 et l'A 4 sur un seul et même tronçon, à la hauteur de Joinville-le-Pont et de Nogent-sur-Marne, comme vous l'a rappelé par lettre Marie-Anne Montchamp et mon collègue Christian Cambon.

La coexistence, sur ce même tronçon autoroutier, d'un axe radial est-ouest, l'A 4, et d'une rocade qui relie tous les départements autour de Paris, l'A 86, provoque un bouchon reconnu par tous comme étant non seulement le plus grand bouchon de France, mais aussi l'un des plus importants points noirs d'Europe.

Ce sont 260 000 véhicules, dont 25 000 poids lourds, qui empruntent chaque jour cet itinéraire, utilisé pour le trafic nord-sud de l'Europe qui transite par Paris.

En outre, nous sommes au coeur du triangle : Roissy Charles-de-Gaulle-Orly-MIN de Rungis.

Il faut compter, en moyenne, six heures de bouchons, et encore n'est-ce vrai que les bons jours !

Ces bouchons se répercutent sur les axes de circulation contigus - voiries départementales et communales -, sur les autoroutes A l et A 3 vers le nord et sur la N 104 vers l'est. La paralysie est maintenant régionale et nationale ; on pourrait même dire qu'elle est européenne !

Les conséquences sur la qualité de vie des Franciliens sont énormes : le temps de trajet travail-domicile ne cesse de s'allonger pour tous ; les entrepreneurs estiment même qu'ils perdent quasiment deux heures d'activité chaque jour sur ce tronçon ; la pollution atmosphérique atteint des niveaux alarmants.

Sur le plan du développement économique, ce bouchon nuit considérablement à l'image du Val-de-Marne, que je représente. Malgré les atouts de ce département - l'aéroport d'Orly et le MIN de Rungis -, de plus en plus d'entreprises partent s'installer dans des lieux où la circulation est plus facile.

Ce problème perdure maintenant depuis une vingtaine d'années. Cela ne veut pas dire que rien n'a été tenté. En 1998, le projet de réalisation du maillon manquant de l'A 86 par voie souterraine et sous-fluviale a été déclaré d'utilité publique. Mais seuls des crédits d'étude ont été inscrits au contrat de plan Etat-région 2000-2006. En attendant, une solution temporaire a été imaginée, mais elle n'est pas encore mise en oeuvre. Elle consisterait à aménager la bande d'arrêt d'urgence. Nous sommes quelques-uns à nous interroger sur une telle hypothèse.

Des millions de Franciliens sont concernés au premier chef, mais, comme le rappelait à M. Bussereau, en 2002, notre collègue Gérard Longuet, « c'est tout l'est de la France qui ne cesse de s'éloigner de Paris » à cause de ce bouchon.

Nous sommes là au coeur du problème. L'audit de 2003 a qualifié ce projet d'infrastructure de « prioritaire pour l'Ile-de-France ». Mais les financements nécessaires à cette opération ne sont pas mobilisés. Ce problème dépasse le cadre régional : faute d'une intervention et d'un financement de l'Etat, rien ne sera possible.

La création de l'AFITF et la relance annoncée dans le collectif budgétaire des contrats de plan Etat-région peuvent-elles redonner quelque espoir à cet égard ?

J'attire également votre attention sur un autre point mis en exergue par l'audit de 2003, mais qui ne requiert pas une mobilisation de fonds aussi considérable ; je veux parler de la déviation et de la mise en sécurité de la RN 19.

Lors de sa visite sur le site en septembre 2003, le préfet de région, Bertrand Landrieu, avait confirmé l'engagement de l'Etat de financer à 70 % les 230 millions d'euros nécessaires à la réalisation de la déviation, le reste étant pris en charge par la région d'Ile-de-France. Si le chantier a commencé, son importance ne permet malheureusement pas d'en espérer le terme avant 2011.

Au-delà de l'aspect environnemental de la déviation, c'est surtout le souci de la sécurité routière qui anime les élus locaux. On déplore en effet, sur cet axe à très fort trafic, de trop nombreux accidents mortels.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'indiquer vos intentions concernant ces deux projets. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous féliciter de l'action menée par le Gouvernement dans le domaine de la sécurité routière, qui est l'une de nos préoccupations fondamentales, y compris s'agissant des deux projets que je viens d'évoquer.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Madame Procaccia, il est vrai que, lorsqu'on habite Alençon ou Amiens, par exemple, on « rouspète » quand on passe deux ou cinq minutes dans un bouchon ! Il faut avoir été bloqué pendant deux, trois, voire quatre heures sur le tronçon commun de l'A 4 et de l'A 86, d'une longueur de trois kilomètres environ, pour comprendre ce qu'est véritablement un bouchon routier !

Nous sommes bien conscients des difficultés que rencontrent, pour venir travailler, les automobilistes qui habitent à l'est de Paris. Ce tronçon commun, sur lequel 250 000 véhicules circulent quotidiennement, est vraiment le point le plus difficile de la région d'Ile-de-France.

La réalisation d'une traversée sous la Marne, qui pourrait améliorer la situation, est estimée à 660 millions d'euros en 2003 ; elle n'a pu être incluse dans le contrat de plan actuel, comme vous le savez.

Ce coût si important devrait conduire tous les responsables, sinon à trouver des solutions consensuelles, du moins à s'interroger sur le financement d'infrastructures hors péage en Ile-de-France. Cela peut-il durer indéfiniment ? C'est une question qu'on est amené à se poser.

Des projets sont aujourd'hui éligibles au financement de l'AFITF parce que cette dernière tire ses ressources des péages autoroutiers situés en dehors de l'Ile-de-France. Par conséquent, une réflexion d'ensemble s'impose ; la révision du schéma directeur de la région doit être l'occasion, me semble-t-il, de l'engager de manière globale, cohérente et non partisane.

Sans attendre, on a pris certaines mesures. Vous avez cité celle de 1998. On a aussi offert, ce qui coûte évidemment moins cher, une voie supplémentaire aux usagers pendant les heures de pointe, ...

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Cela va venir, la décision est prise.

Pendant les heures de pointe, en effet, la circulation est tellement lente que l'on peut, sans mettre à mal la sécurité, ouvrir une voie de droite « additionnelle », neutralisée par des barrières mobiles lorsque la circulation est fluide. Cette voie, qui pourra servir de refuge en cas de besoin, sera mise en service dès 2005 et offrira 20 % de « bande roulante »supplémentaires, ce qui représente une amélioration substantielle.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

En tout cas, il est indispensable de mener une réflexion d'ensemble sur les grandes infrastructures d'Ile-de-France et sur leur financement. Nous avons su le faire pour toutes les grandes infrastructures de France en mettant en place l'AFITF. Ne faudrait-il pas suivre une telle « voie » pour la région parisienne ?

Par ailleurs, les travaux sur la RN 19 seront lancés prochainement, grâce à la mise en oeuvre du plan de relance annoncé il y a peu par le Premier ministre, et qui prévoit, je le rappelle, des crédits supplémentaires à hauteur de 300 millions d'euros en autorisations de programme et de 150 millions d'euros en crédits de paiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

M. Claude Biwer. Comme pour illustrer le propos de Mme Procaccia, je dirai que la Lorraine souhaiterait, elle aussi, se rapprocher de Paris.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Sans aller jusqu'à faire totalement mienne l'analyse de mon ami Daniel Reiner, monsieur le ministre, je ne peux que rappeler combien est préoccupante, et depuis longtemps, la situation lorraine, que vous connaissez particulièrement bien, tant sur le plan routier que sur le plan ferroviaire.

Nous avons souvent des difficultés pour nous mettre d'accord sur le périmètre à prendre en compte : faut-il le réduire à un seul sillon, fût-il mosellan, ou envisager une Lorraine élargie.

A cet égard, le doublement de l'autoroute A 31 pose incontestablement un très important problème d'aménagement du territoire. Soit on s'oriente vers une A 32 parallèle à l'autoroute existante et, il est vrai, très largement saturée par un trafic international, interrégional et interurbain particulièrement dense aujourd'hui, ce qui aurait pour conséquence de concentrer tous les équipements autoroutiers dans le seul sillon mosellan. Soit on privilégie l'aménagement du territoire, par la création nécessaire d'une voie reliant la Belgique à Toul, puis se prolongeant au sud, en prenant appui sur les routes nationales existantes, notamment la RN 18.

S'agissant d'infrastructures routières, je sais, monsieur le ministre, que vous avez l'habitude de trancher et de prendre les décisions qui s'imposent.

Or trop de temps a déjà été perdu sur ce dossier du doublement de l'A 31, pour lequel trois solutions sont possibles.

Nous pourrions, d'abord, envisager la construction d'une nouvelle autoroute dans le sillon mosellan, mais cette idée est, si j'ai bien compris, désormais combattue par la nouvelle majorité régionale. §Disons qu'elle est pour le moins discutée, mon cher collègue !

Nous pourrions, ensuite, prévoir des aménagements ponctuels sur l'A 31, mais cela ne suffira probablement pas pour permettre au trafic de s'écouler normalement.

Nous pourrions, enfin, opter pour la création d'une voie, qui transiterait, comme je viens de le dire, par les routes nationales existantes. A l'instar de ce que fait la SNCF pour le fret ou le ferroutage, on utiliserait les voies existantes.

Quant au nord de la Meuse, il souffre d'un éloignement encore plus important. Or, dans le cadre de la décentralisation et du transfert aux départements de certaines routes nationales, l'Etat abandonnerait la RN 43, qui couvre la Meuse et une partie des Ardennes et de la Meurthe-et-Moselle, de Sedan à Longwy. Cela aurait pour conséquence une rupture de l'axe Calais-Bâle, plus connu sous le nom de « rocade nord-Lorraine » du temps où notre regretté collègue Jacques Sourdille était président du conseil général des Ardennes. Cette rupture entre Sedan et Longwy représenterait une cinquantaine de kilomètres.

Les élus concernés s'accordent pour dire qu'il s'agit d'un axe économique important puisqu'il longe la frontière et assure une continuité. Monsieur le ministre, nous devrions pouvoir réfléchir, ensemble, aux moyens d'éviter une telle rupture.

Ma question est donc double : l'Etat va-t-il enfin privilégier l'aménagement du territoire dans la réalisation des infrastructures en question ? Une réflexion commune est-elle encore envisageable entre vos services et les élus concernés, dont je fait partie, afin d'éviter la rupture de la continuité d'un axe majeur sur le plan économique ?

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Monsieur Biwer, si l'A 31 est saturée, c'est parce qu'elle assure des fonctions très importantes. Comme vous venez de le souligner, cette saturation crée un handicap important pour l'économie régionale et nationale.

A l'évidence, il faut remédier à ce problème. Le débat public a eu lieu en 1999. Le tracé ouest a été abandonné, au double motif qu'il ne permettait pas un délestage suffisant de l'autoroute actuelle et qu'il traversait le parc naturel régional de Lorraine. Or vous savez combien les questions d'environnement sont de plus en plus aigues.

Par conséquent, il faut concentrer notre attention soit sur le tracé est, soit sur un tracé qui combine des sections existantes de l'A 31, notamment entre Dieulouard et Fey, et des tronçons nouveaux. Tel est le sens du mandat que j'ai confié au préfet. Nous attendons les résultats des études opérationnelles qui ont été lancées.

Par ailleurs, vous avez exprimé le souhait que la RN 43 et la RN 18 demeurent dans le réseau national. Or les usagers de grand transit entre le nord et le nord-est ont déjà deux possibilités. Ils peuvent ainsi emprunter l'A 26 ou l'A 4, voire le réseau autoroutier belge. La RN 43 et la RN 18 représentent donc un itinéraire parallèle et assurent naturellement, il faut le reconnaître, des fonctions de desserte locale, avec une moyenne inférieure à 5 000 véhicules par jour sur les sections interurbaines.

Le transfert de ces routes aux départements correspond bien à la logique de subsidiarité qui est inhérente à la loi de décentralisation. Leur exploitation sera probablement beaucoup mieux assurée par une gestion de proximité. Néanmoins, la consultation des départements sera lancée officiellement le 1er janvier, et ce pour une durée de trois mois, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars.

Cette concertation permettra aux conseils généraux de discuter avec le Gouvernement. A l'issue de cette concertation, le Gouvernement rédigera le décret, qui sera ensuite soumis au Conseil d'Etat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, on laisse les routes dans l'état où elles sont, c'est-à-dire en mauvais état, pour s'assurer que personne ne les emprunte, et l'on tire argument du fait qu'elles sont peu empruntées pour dire qu'il n'est pas nécessaire de les améliorer !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

On raconte souvent des « histoires belges », mais, en l'occurrence, ils peuvent nous donner quelques leçons : pendant que nous nous amusons sur nos petits chemins, eux développent l'économie ! En effet, monsieur le ministre, l'économie en général passe bien souvent par la route, et le tracé d'aujourd'hui, c'est l'axe de développement de demain.

C'est là une forme essentielle d'aménagement du territoire. Au-delà de la route, si je puis dire, il y a les activités économiques, et l'on ne peut pas laisser des pans importants de notre territoire trop à l'écart.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Je suis très sensible à cet argument d'aménagement du territoire. Pour autant, il ne faut pas tout confondre : le réseau départemental n'est pas forcément mauvais et le réseau national n'est pas obligatoirement magnifique !

Le transfert aux départements des routes actuellement gérées par l'Etat va s'accompagner d'un transfert des moyens correspondants, à l'euro près.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Par conséquent, les départements pourront entretenir ces routes au moins aussi bien que l'Etat.

Tantôt on estime que c'est l'Etat qui entretiendra le mieux telle ou telle route, tantôt on affirme que la gestion de proximité assurée par le département sera beaucoup plus efficace.

En tout cas, les départements disposeront des mêmes moyens financiers. S'ils veulent faire aussi bien que l'Etat, ils le pourront. S'ils veulent faire mieux, à eux de faire les choix les plus judicieux : c'est toute le responsabilité des élus parce que, comme chacun sait, gouverner, c'est choisir !

Monsieur le sénateur, je ne veux pas pour autant préjuger de la concertation qui aura lieu au cours des trois prochains mois.

Si le débat démontre qu'il faut privilégier la logique d'un réseau structurant à l'échelon national, il en sera ainsi. Sinon, ne craignez pas le transfert aux départements, car ceux-ci ont tout de même prouvé leur capacité à améliorer une partie du réseau routier de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le ministre, lors d'un récent débat, vous avez indiqué que, à structure constante, le budget des routes était « en progression de 13, 5 % en moyens d'engagement et en baisse de 2, 4 % en moyens de paiement ».

Il s'agit toutefois de l'évolution des moyens disponibles et non de l'évolution des crédits d'une loi de finances à une autre loi de finances.

Or force est de constater qu'un report de crédits de 144 millions d'euros vient, opportunément, augmenter les moyens disponibles au 1er janvier, ce qui permet d'afficher une baisse « supportable » de 2, 4 %, au lieu d'une réelle reculade de 13, 4 %.

Alors, monsieur le ministre, et c'est ma première question, après les épisodes 2003 et 2004 et les gels de crédits successifs, pouvez-vous nous affirmer qu'il n'y aura aucun gel budgétaire en 2005 ?

M. le ministre s'esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Ensuite, je m'attacherai aux investissements et à l'entretien dans le domaine routier, en tenant compte, de la création de l'AFITF - vous en avez abondamment parlé - et de la préparation du transfert des deux tiers du réseau national aux départements au 1er janvier 2006.

Dans le budget de l'Etat, les crédits inscrits au titre des investissements routiers sont en baisse en 2005. La programmation s'élève à 332 millions d'euros, soit une baisse de 53 %, tandis que les moyens d'engagement sont fixés à 541 millions d'euros, soit une baisse de 33 %.

Par ailleurs, l'AFITF bénéficiera de 635 millions d'euros en 2005, sachant que 30 % de ces crédits devraient être globalement affectés aux routes, comme vous en avez donné l'assurance tout à l'heure, lesquelles bénéficieront de 187millions d'euros de crédits de paiement et de 445 millions d'euros d'autorisations de programme.

Ainsi, malgré la création de l'AFITF, le total des crédits en faveur de l'investissement routier est en baisse. En effet, la diminution des crédits de paiement en faveur du développement du réseau routier national est encore de 25 %, hors tout gel de crédit, en additionnant aux sommes inscrites au budget celles qui seront probablement affectées par l'agence.

Or, monsieur le ministre, ces crédits font, pour une grande partie, l'objet d'une contractualisation dans le cadre des contrats de plan Etat-région, dont les départements, en général, sont co-financeurs.

L'enveloppe du volet routier de ces contrats, hors exploitation financée sur le budget de la sécurité routière, s'élève sur la durée du XIIe Plan 2000-2006, en ce qui concerne la part de l'Etat, à 5, 1 milliards d'euros.

Globalement, les participations des collectivités territoriales atteignent 8 milliards d'euros.

Dans ce projet de budget pour 2005, la part de l'Etat s'élèvera à 465, 5 millions d'euros. Au regard du volume financier engagé actuellement, il faudrait, à ce rythme, au moins onze années pour exécuter les contrats de plan !

La dotation de la loi de finances initiale pour 2004, en matière d'investissements routiers contractualisés, était de 647, 7 millions d'euros. Après régulation, cette dotation a été ramenée à 287, 88 millions d'euros, soit 44 % du montant initialement prévu. La conséquence est imparable : à la fin de l'année 2004, le taux d'exécution des contrats de plan Etat-région ne sera que de 52, 1 % - vous avez parlé de 55 % tout à l'heure, et je m'en réjouis si c'est bien le cas -, alors que le taux d'exécution théoriquement attendu à cette échéance aurait dû atteindre 71, 4 %.

Au passage, je déplore vivement que la région Franche-Comté, que je connais un peu mieux que les autres, soit encore au-dessous de la moyenne nationale, avec un taux d'exécution de 47, 1 %.

Au nom de tous ceux qui ont signé ces contrats, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous apportiez des informations : le retard accumulé sera-t-il rattrapé ? Dans quels délais l'Etat tiendra-t-il ses engagements ? Je serais très heureux, monsieur le ministre, d'entendre de votre part des propos rassurants sur ce point particulier des contrats de plan, dans le contexte du transfert des deux tiers des routes nationales aux conseils généraux.

Il est vrai que ce transfert s'effectue dans un contexte de dialogue entre les présidents de conseils généraux et votre administration, monsieur le ministre. Je souhaite donc vous féliciter de l'état d'esprit qui a régné jusqu'à présent lors de ces discussions.

Cependant, un doute doit être levé. En effet, les crédits consacrés à l'entretien et à la réhabilitation du réseau routier national, qui s'élèvent à 611, 1 millions d'euros, sont stables, à structure constante. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, en avoir fait une priorité forte du Gouvernement, ce dont nous vous félicitons.

Les grands travaux à entreprendre concernent prioritairement la réhabilitation du réseau autoroutier non concédé. Les niveaux de dégradation relevés montrent que certaines chaussées ont atteint la limite de leur durée de vie. L'entretien courant et préventif ne suffit pas à enrayer cette détérioration ; ces voies nécessitent des interventions lourdes, spécifiques et programmées sur plusieurs années.

Si les moyens ont effectivement progressé depuis 1997, il faut toutefois noter - c'est une estimation que nous a livrée M. le rapporteur spécial - que 75 % à 80 % des investissements et dépenses de fonctionnement réalisées ces dernières années l'ont été sur le réseau qui devrait rester dans le réseau routier national. En conséquence, ce serait donc le réseau le moins bien entretenu qui serait transféré aux départements. Cette information, bien entendu, mérite d'être infirmée ou confirmée.

Quoi qu'il en soit, les conseils généraux sont évidemment très inquiets en ce qui concerne les compensations financières, calculées sur la moyenne des dernières années, qui seront versées par l'Etat pour l'entretien et le développement des routes. Cette situation très préoccupante doit absolument être prise en compte et les présidents des conseils généraux doivent être informés au sujet de la consommation réelle des crédits. Ils sont en effet extrêmement soucieux de l'état du réseau qui leur est proposé et des conditions financières du transfert. Certains d'entre eux savent d'ores et déjà qu'il leur sera très difficile, voire impossible de faire face aux dépenses indispensables imposées par ce transfert pour l'entretien et l'aménagement des voies de communication.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir nous préciser la façon dont le ministère entend répondre à toutes ces interrogations et, surtout, la façon dont il interprète la loi relative aux libertés et responsabilités locales, dont l'un des articles précise : « Il est établi, dans les douze mois de l'entrée en vigueur de la présente loi, une étude exhaustive portant sur l'état de l'infrastructure, au moment de son transfert, ainsi que sur les investissements prévisibles à court, moyen et long termes, liés à la gestion de ce domaine routier. » Il est très important que vous nous donniez, monsieur le ministre, votre interprétation de cet article, qui a été rédigé à la suite des interventions des parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Une telle étude doit permettre de recenser les investissements et l'entretien qui auraient dû ou devraient être réalisés sur le réseau transféré, pour les chiffrer et permettre ainsi à l'Etat de corriger, ici ou là, les difficultés qui pourraient apparaître.

Nous attendons de votre part, monsieur le ministre, des engagements clairs sur les relations entre les conseils généraux, qui vont hériter des routes, et l'Etat, engagements qui permettront aux conseils généraux de se prononcer en toute connaissance de cause.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Monsieur le sénateur, vous ne m'en voudrez pas si j'ai du mal à répondre en trois minutes à une question qui en a pris dix !

Tout d'abord, le réseau qui serait transféré - je parle au conditionnel puisque le décret ne sera pris qu'après concertation - est plutôt celui qui est dans le meilleur état.Nous disposons aujourd'hui d'indicateurs qui me permettent de vous le dire. Vous pouvez donc être rassuré sur ce point.

Ensuite, je vous remercie d'avoir souligné la qualité des relations entre les préfets et les présidents de conseils généraux lors de cette concertation. J'ai rencontré le président de l'Assemblée des départements de France, et j'ai pu constater qu'il était dans cet état d'esprit tout à fait positif, ce dont je me réjouis.

Par ailleurs, à la fin de l'année 2004, les contrats de plan Etat-région auront été financés à hauteur d'un peu plus de 50 %. Grâce au plan de relance décidé par le Premier ministre, 65 % à 66 %, soit les deux tiers, auront été financés à la fin de l'année 2005. Il s'agit d'un effort exceptionnel, qui permettra d'accélérer les opérations routières prévues dans ces contrats.

Enfin, nous sommes évidemment des personnes responsables et vous savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs que, lorsque la conjoncture ralentit, les recettes des collectivités locales, lissées dans le temps, continuent bon an mal an de croître, alors que l'Etat, lui, subit de plein de fouet des taux de croissance déprimés parce que ses recettes sont très élastiques, à la hausse comme à la baisse, par rapport à l'activité.

Et pourtant, l'Etat continue, à travers la DGF, les DGE et les DSU, à faire son devoir à l'égard des collectivités locales, personne ne peut le nier !

En tant qu'élu local, je vois bien que les recettes propres de ma collectivité et les différentes dotations continuent de croître raisonnablement. L'Etat fait son devoir, et c'est là l'essentiel.

Dans ces conditions, il ne me paraît ni anormal ni immoral que l'Etat module l'exécution des contrats de plan en fonction de la conjoncture. Cela vaut mieux que d'endetter le pays ! Si nous sommes des citoyens locaux, nous sommes aussi des citoyens nationaux. En réalité, nous sommes des citoyens tout court. Faisons donc preuve d'un peu de souplesse : ce n'est pas la première fois que les contrats de plan sont adaptés en fonction de la conjoncture. Dès que celle-ci repartira, leur financement sera de nouveau réexaminé.

A ce titre, permettez-moi de saluer le geste du Premier ministre, qui, dès que cela a été possible, a décider de relancer, avec 300 millions d'euros d'autorisations de programme et 150 millions de crédits de paiement, le volet routier des contrats de plan, lequel, c'est vrai, avait pris un peu de retard. Mais ce retard était, reconnaissez-le, également imputable aux premières années de ces contrats de plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le ministre, vous avez répondu à la plus grande partie de mes questions. Vous avez cependant oublié - c'était sûrement involontaire - la première d'entre elles : y aura-t-il des gels de crédits durant l'année 2005 ?

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

M. Gilles de Robien, ministre. Je veux bien que l'on fasse des routes « hors gel » !

Sourires

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Vous savez que personne n'est prophète en son pays. Nous ne pouvons pas connaître exactement la conjoncture qui sera celle de l'année 2005. Certes, nous avons prévu un taux de croissance de 2, 5 %. Mais supposez qu'il y ait un trou d'air durant l'année ou une croissance plus forte que prévue : nous adapterions alors le budget, comme le fait quotidiennement un ménage ou un bon élu local. Vous ne pouvez tout de même pas en vouloir à un gouvernement de faire son devoir : s'il s'aperçoit qu'il risque d'être amené à dépenser plus que les recettes constatées ne le lui permettent, il doit adapter son budget !

Bien évidemment, aucun ministre des transports ni, d'ailleurs, aucun ministre du budget ne peut prendre l'engagement qu'il n'y aura pas de gel de crédits. On fait des prévisions, mais on ne connaît pas exactement, un an à l'avance, les recettes dont disposera l'Etat pour alimenter, par exemple, le budget des routes. Dire le contraire ne serait pas sérieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Les crédits affectés au budget des transports viennent de nous être parfaitement détaillés, tant par vous-mêmes, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que par nos collègues rapporteurs.

C'est pourquoi, pour ma part, dans le cadre de la procédure des questions-réponses qui régit notre débat, je souhaiterais vous interroger sur le secteur ferroviaire, dont le financement reste préoccupant.

La situation financière de la SNCF s'améliore. Ainsi, le résultat net de l'entreprise a été positif en fin d'année, mais son niveau d'endettement demeure élevé et le secteur du fret doit être impérativement redressé.

Les enjeux actuels sont, en effet, très importants. Il s'agit, pour la SNCF, d'être un acteur compétitif dans un marché européen où les frontières sont amenées à disparaître.

Nous sommes également très vigilants quant à l'évolution des relations entre la SNCF et RFF et à la capacité de financement de RFF.

Par ailleurs, la mise en place de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France devrait permettre une vraie lisibilité en matière d'investissements.

Enfin, les régions sont aujourd'hui fortement mobilisées dans le cadre de la réalisation de notre politique ferroviaire.

Dans ce tableau rapidement brossé, l'engagement de l'Etat est important, que ce soit pour le régime spécial des retraites, la compensation des tarifs sociaux, qui est tout de même en baisse cette année, l'investissement, la compensation au titre des charges transférées, la gestion de la dette, et le transport combiné, dont la dotation est également en diminution.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous puissiez détailler l'effort financier de l'Etat en faveur du secteur ferroviaire pour 2005.

Debut de section - Permalien
François Goulard, secrétaire d'Etat

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre question, qui me permet d'informer complètement la Haute Assemblée sur un point fondamental.

En effet, les chiffres ne sont pas toujours connus avec précision.

La SNCF bénéficiera, pour 2005, au titre de la contribution à l'exploitation et à l'entretien, la CCI, et à la régénération ferroviaire, d'un montant de 2, 144 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 7 % par rapport à 2004.

Pour la maîtrise de l'endettement du système ferroviaire, les crédits sont de 1, 477 milliard d'euros.

Par ailleurs, les crédits consacrés à l'équilibre du régime social augmentent de 3 %, pour atteindre 2, 5 milliards d'euros.

Au total, ces contributions au système ferroviaire représentent 6 milliards d'euros.

Il convient d'y ajouter les financements attribués aux infrastructures ferroviaires : les 450 millions d'euros affectés au transport ferroviaire dans le budget de l'AFITF, soit les deux tiers du montant total de ses ressources ; les 186 millions d'euros destinés aux CPER ferroviaires ; les 1 830 millions d'euros que représentent les dotations versées en 2004 aux régions pour les services régionaux de voyageurs, en compensation de leurs propres dépenses, et qui sont inscrits au budget du ministère de l'intérieur au titre de la décentralisation ; les 250 millions d'euros destinés à la réalisation de la première tranche du plan « fret » ; la compensation de certains surplus de dépenses liées aux services régionaux ; enfin, des versements affectés au STIF au titre des services ferroviaires.

Pour avoir un ordre de grandeur significatif et facile à retenir, considérons, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'Etat consacre actuellement 10 milliards d'euros au système ferroviaire dans son ensemble. Il s'agit d'un effort qui est considérable et délibéré. Nous avons fait le choix, en France, d'avoir un réseau ferroviaire performant et, très récemment, nous avons décidé d'accroître sa performance, notamment par la construction de lignes à grande vitesse qui vont irriguer une grande partie de notre territoire national.

Mais les contributions d'argent public ne permettent pas de tout résoudre. Il faut aussi, et vous l'avez souligné à juste titre, que la SNCF gomme de ses comptes les sources de pertes les plus flagrantes, celles qui relèvent en réalité d'une gestion insuffisamment rigoureuse. C'est toute la logique du plan « fret » que nous développons grâce à l'aide de l'Etat, à des cessions d'actifs de la part de la SNCF et à des efforts commerciaux et de gestion, afin de faire disparaître les 450 millions d'euros de pertes enregistrés.

Tels sont les grands chiffres et les réalités. Notre système ferroviaire est globalement performant. L'effort que la collectivité y consacre est sensiblement plus élevé en France que dans les autres pays européens. Il faut savoir que l'Europe a fait le choix du rail et a décidé de soutenir les grandes infrastructures ferroviaires. Il faut savoir aussi que, compte tenu de l'argent public consacré au transport ferroviaire, les entreprises de ce secteur doivent avoir une gestion rigoureuse, pour que tous nos compatriotes bénéficient de services qu'ils financent largement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous venez de me fournir, qui intéressent, je crois, tous nos collègues sénateurs et, au-delà de cette enceinte, l'ensemble de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'une des principales innovations du budget des transports pour 2005 est bien, on l'a vu au travers des interventions, la création de l'AFITF. La vocation de cette agence, on le sait, sera exclusivement financière.

Le décret de création de cet établissement public est paru le 1er décembre au Journal officiel, comme l'a rappelé M. Reiner. En outre, les députés et les sénateurs ont déjà approuvé l'article 41 du présent projet de loi de finances, qui fixe les ressources dont disposera l'AFITF. Je voudrais m'arrêter sur ce dernier aspect.

Ces ressources sont constituées par une dotation en capital de 200 millions d'euros, qui sera prélevée sur le compte d'affectation spéciale n° 902-24, au bénéfice de l'AFITF. S'y ajoute le montant de la redevance domaniale versée par les sociétés autoroutières en contrepartie de l'occupation du domaine public ; on en a parlé tout à l'heure. Cette redevance est calculée en fonction, d'une part, du nombre de kilomètres de voies autoroutières exploitées par le concessionnaire et, d'autre part, du chiffre d'affaires réalisé par la société au titre de son activité sur le domaine public national. Cette ressource présente l'avantage d'être stable et est en augmentation continue depuis 1998, passant de 122 millions d'euros à 155 millions pour 2005.

Enfin, dernière ressource affectée à l'AFITF, les dividendes perçus directement ou indirectement par l'Etat, au titre des participations détenues dans les sociétés d'autoroutes, pour un montant estimé à 280 millions d'euros. A ce titre, je souhaite souligner que le montant des dividendes des sociétés d'autoroutes n'était que de 133 millions d'euros. La croissance supposée de ces dividendes est liée aux augmentations de capital de la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône et de la Société d'autoroutes du Nord et de l'Est de la France. Il semble donc légitime de s'interroger sur le risque de surévaluation de cette ressource pour 2005, puisque celle-ci fait plus que doubler d'une année sur l'autre !

Comme nous tous, ici, je ne peux que me féliciter de la création de cette agence, qui rendra plus visible l'effort de l'Etat en matière d'infrastructures, mais - et je mets un bémol à mes propos - je crains fort que les 635 millions d'euros de crédits annoncés pour cette année ne soient pas, finalement, au rendez-vous.

En outre, comme MM. les rapporteurs Alain Lambert, Gérard Miquel, Georges Gruillot, sans oublier Daniel Soulage, le soulignent dans leurs excellents rapports, la création de l'AFITF ne compense qu'en partie la diminution des crédits que le ministère consacre aux investissements dans les infrastructures. Cela est particulièrement vrai pour les investissements routiers et fluviaux, puisque l'essentiel des subventions de l'AFITF ira au transport par rail, conformément au souhait qui a été exprimé par les parlementaires lors du débat sur les infrastructures de transport.

Face à cette contraction des crédits disponibles, je me fais l'écho, monsieur le ministre, des inquiétudes d'un certain nombre de professionnels quant à la pérennité des ressources de l'AFITF. En effet, les fonds consacrés aux infrastructures ont tous été plus ou moins supprimés. Ainsi, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, a été supprimé par la loi de finances pour 2001.

MM Bécot, Besse et Leroy ont déposé un amendement à l'article 41 du présent projet de loi de finances, visant à transférer à l'AFITF la propriété des participations détenues par l'Etat et l'établissement public Autoroutes de France dans le capital des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Malheureusement, force est de constater que cet amendement qui, en assurant en partie l'autonomie financière de l'AFITF, garantissait l'affectation durable de ressources aux infrastructures et la pérennité de l'Agence n'a pas été adopté.

C'est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, s'il est envisagé de transférer en propre des ressources à l'AFITF, alors qu'un ambitieux programme de construction d'infrastructures de transport a été décidé sur plusieurs décennies et qu'il est, bien sûr, nécessaire de garantir aux professionnels un financement pérenne.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Madame la sénatrice, je connais votre attachement au débat sur les transports, vous y avez participé l'année dernière. Vous appelez de vos voeux un système de financement pérenne et alimenté de façon directe : l'AFITF correspond exactement à l'outil souhaité par tous les parlementaires qui se sont exprimés sur ce sujet. Cette agence est créée depuis le 26 novembre 2004.

La structure des ressources de l'AFITF, que j'ai décrite précédemment, repose sur des recettes affectées - cela ne passe donc pas par le budget et va directement à l'agence -, pérennes et suffisamment prévisibles. Ces recettes sont, d'une part, les redevances domaniales et, d'autre part, les dividendes émanant des concessionnaires autoroutiers. En outre, des emprunts peuvent être mobilisés, qui lui permettront d'anticiper sur ses recettes, moyennant le respect de règles de gouvernance rigoureuses. Son budget devrait être de l'ordre de 1 milliard d'euros par an, afin d'atteindre en 2012 l'objectif fixé, que j'ai déjà rappelé ici, de 7, 5 milliards.

Sur dix ans, le trafic autoroutier croît en moyenne de 2 à 4 % par an, ce que me confirme le directeur des routes. A moins que le trafic sur les autoroutes ne s'effondre -mais si tel était le cas, cela signifierait que toute l'économie s'est effondrée -, les chiffres seront les suivants. Pour 2005, on escompte 280 millions d'euros de dividendes et 155 millions d'euros de redevances, soit les 435 millions d'euros que nous avons prévus, auxquels s'ajoutent les 200 millions d'euros inscrits dans le budget, ce qui fait bien un total de 635 millions d'euros.

On connaît à peu près les chiffres pour 2006 : 320 millions d'euros de dividendes et 160 millions d'euros de redevances, ce qui fera 480 millions d'euros, soit beaucoup plus que la progression de 2% à 3 %.

De plus, grâce à toutes les études qui ont été faites, on connaît les ressources tirées des sociétés d'autoroutes non privatisées. Elles sont exponentielles : en quatre, cinq ou six ans, on arrive à un montant de l'ordre de 800 millions d'euros, sans compter la capacité d'emprunts, compte tenu des recettes prévisibles.

Sur ce point, à moins d'un effondrement de tous les transports et de toutes les autoroutes françaises et probablement européennes, vous n'avez rien à craindre. D'ailleurs, observez ce qui s'est passé pour l'ouverture du capital de la SAPRR : si cette opération a eu autant de succès, c'est parce que les gens ont confiance non seulement dans le système autoroutier français, mais aussi dans la pérennité des ressources qui sont procurées par les usagers.

Ce qui est intéressant dans ce système, c'est que le transport paie le transport et - mon point de vue est partagé, bien sûr, par tous les membres du Gouvernement et certainement de la majorité, et même au-delà sans doute - que le transport routier paie pour les autres modes de transport : ferroviaire, fluvial et autoroutes maritimes. Il me paraît très intéressant que, lors CIADT du 18 décembre dernier, seulement un quart des mesures concerne les transports routiers. C'est vous dire à quel point, grâce à l'AFITF, le transport pourra s'inscrire dans le cadre du développement durable.

Voilà les quelques chiffres que je pouvais vous fournir. Je tiens à votre disposition les calculs prévisionnels portant sur les cinq, dix, quinze, vingt prochaines années, qui montrent que, dans tous les cas de figure, sauf événement exceptionnel bien sûr, à l'horizon 2030, l'AFITF aura probablement reçu 30 milliards d'euros.

Debut de section - Permalien
Gilles de Robien, ministre

Il s'agit d'une somme considérable, que nous pouvons conserver précisément parce que les autoroutes sont maintenues dans le giron de l'Etat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, qui se veut raisonnablement optimiste et rassurante.

Si j'ai posé cette question, c'est tout simplement pour être sûre que nous serons en mesure de respecter les engagements que nous avons pris ensemble et d'honorer cette grande ambition que nous affichons concernant les infrastructures routières, qui engagent l'avenir sur plusieurs décennies. J'espère que nous aurons effectivement les moyens de tenir nos promesses.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures cinq.