Intervention de Michel Billout

Réunion du 10 décembre 2004 à 15h15
Loi de finances pour 2005 — Ii. - transports et sécurité routière

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir connu une crise majeure, à la suite des événements tragiques du 11 septembre, le secteur aérien, malgré des prévisions de croissance du trafic passager en hausse, demeure extrêmement fragile.

Aujourd'hui, les difficultés que rencontrent les compagnies aériennes sont encore renforcées par l'augmentation du prix du pétrole.

En outre, le développement des compagnies low cost soumet à une concurrence de plus en plus importante l'ensemble du secteur.

Je sais, monsieur le ministre, puisque vous nous l'avez déclaré ici même, que vous considérez ces compagnies comme le principal outil de démocratisation du transport aérien. D'autres pensent que ce type de concurrence ne touche pas directement les grandes compagnies aériennes, qui exploitent des créneaux différents.

Quant à moi, je crois qu'il faut rester prudent face à un mouvement qui n'en est qu'à ses débuts, et qui, quoi que l'on en dise, tire l'ensemble des coûts vers le bas.

A cela s'ajoute une exacerbation de la concurrence intermodale entre les compagnies aériennes et le rail, entre Air France et la SNCF, qui, à l'exemple de iDTGV, multiplie les offres concurrentielles susceptibles de capter des parts de marché au secteur aérien.

Nous sommes là, je le répète, dans une logique où c'est l'ensemble des coûts qui est tiré vers le bas.

Face à une concurrence qui porte essentiellement sur la rationalisation des coûts, il n'y a a priori aucune raison que les compagnies classiques demeurent à l'écart d'un tel mouvement. Celui-ci ne risque-t-il pas, à terme, de remettre en cause la qualité de notre service public et la sécurité même de nos avions ? En tout cas, il y a tout lieu de s'en inquiéter, d'autant que les compagnies low cost, parce qu'elles bénéficient souvent de subventions publiques ou parapubliques, exercent une concurrence déloyale vis-à-vis des compagnies aériennes classiques et les fragilisent fortement.

Monsieur le ministre, votre laisser-faire nuit à l'aménagement de notre territoire et renforce les déséquilibres de l'ensemble de la filière, aéroports compris, avec la tendance à la hausse de la redevance payée par les grandes compagnies.

Dans vos propres rangs, certains pensent que la concurrence exercée par les compagnies à bas coûts mériterait d'être réglementée. C'est le cas de Charles de Courson, rapporteur spécial à l'Assemblée nationale du budget des transports aériens, qui, le 15 novembre 2004, insistait sur la nécessité, après la condamnation d'une partie des aides accordées à Ryanair, de rétablir une concurrence plus saine entre les compagnies aériennes.

Je demeure perplexe face à ce concept de « saine concurrence », alors que c'est une véritable politique des transports qu'il faudrait mettre en place afin d'éviter la disparition de certaines de nos lignes régionales.

Notre collègue de Courson vous a d'ailleurs interpellé : « Dès l'année dernière, j'avais dit au Gouvernement qu'il ne pouvait persister dans sa passivité. Quelle sera sa politique en matière de respect des règles de concurrence à l'égard des low cost ? »

Il est urgent de réagir aux conséquences de l'explosion des compagnies à bas coûts. En pratiquant dans bien des cas le dumping social, déréglementant de fait les règles de notre droit du travail, en utilisant les aides des acteurs locaux, et en disparaissant au moindre problème, elles agissent en véritables prédateurs.

Le transport aérien occupe une place extrêmement importante en matière d'aménagement de notre territoire, de développement durable et d'emploi. Or, c'est précisément ce rôle qui risque d'être sacrifié par pur dogmatisme libéral. La privatisation d'Air France et sa fusion avec KLM en sont le signe le plus évident, car elles privent notre pays de cet instrument de maîtrise publique du secteur des transports.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer ou infirmer le projet d'une nouvelle cession du capital d'Air France de la part de l'Etat ? Certains médias annoncent une cession de plus de 18 %, ce qui serait un nouvel abandon de notre patrimoine national.

Ce budget ne répond pas aux défis d'un secteur encore très fragilisé par le contexte géopolitique actuel. Il est pour le moins décevant.

La dilution des crédits du FIATA dans le budget général est très regrettable, comme l'ont fait remarquer certains de mes collègues. La pérennité de ses crédits et son rôle en matière de péréquation au profit des aéroports, de l'équilibre des dessertes et, donc, in fine, de l'aménagement de notre territoire, ne sont-ils pas fortement compromis par une telle décision ?

Quelles garanties avons-nous que les missions financées par le produit des taxes de l'aviation civile et d'aéroports, comme celles qui sont relatives aux missions de sûreté, de contrôles environnementaux ou de lutte contre les incendies d'aéronefs, seront préservées ? Dans le cadre de la décentralisation, de la privatisation - du moins, de la première ouverture du capital d'ADP - et du changement de statut des grands aéroports régionaux, n'est-il pas question de transférer certaines missions de sûreté aux gestionnaires d'aéroports ?

Bref, sur fond de programme de privatisation des grands acteurs de ce secteur, de nombreuses questions demeurent, et elles ne cessent d'inquiéter les élus que nous sommes.

Parce qu'il refuse cette politique d'abandon des services publics, le groupe CRC votera contre ce budget.

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