Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 10 décembre 2004 à 15h15
Loi de finances pour 2005 — Ii. - transports et sécurité routière

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Force est de constater que la faiblesse des crédits dévolus à l'aviation civile est presque proportionnelle aux efforts entrepris par le Gouvernement cette année pour désengager l'Etat du transport aérien.

A cet égard, je rappelle la loi entérinant le changement de statut de la société Air France, le projet de loi relatif aux aéroports, organisant le changement de statut d'Aéroports de Paris - vous connaissez notre opposition sur ce texte -, et la loi dite « de décentralisation », qui organise le transfert de très nombreux aéroports et aérodromes aux collectivités locales à l'horizon de 2007.

Cette attitude de l'Etat se traduit par l'abandon d'une politique volontariste d'aménagement du territoire.

Par exemple, sous couvert d'orthodoxie budgétaire, la re-budgétisation du FIATA pose la question de la bonne affectation des taxes de l'aviation civile et d'aéroports aux missions de sécurité et d'environnement auxquelles elles étaient normalement destinées.

De même, nombreux sont ceux qui ont vu leurs crédits de paiement baisser de manière très sensible cette année ; peut-être des crédits de report viendront-ils abonder cette ligne. Mais j'attends que vous infirmiez la baisse importante des crédits destinés au soutien des lignes déficitaires.

Je veux également souligner - c'est presque plus grave - la baisse, dans le budget général, des dotations à la recherche consacrées à la construction aéronautique civile. Selon les chiffres dont je dispose, les dotations passent de 61 millions d'euros à 51 millions d'euros, alors que ces subventions soutiennent des travaux destinés à préparer l'avenir : renforcer la sécurité et la sûreté des appareils, réduire leur impact sur l'environnement - sujet hautement sensible - et améliorer leur efficacité économique.

N'oublions pas non plus que la construction aéronautique, concentrée dans le sud-ouest de la France, participe pleinement à notre économie, en général, et à l'aménagement du territoire, en particulier. Elle mérite donc d'être soutenue.

Enfin, j'espère que le Gouvernement saura, comme nous l'y avons invité à plusieurs reprises au cours du débat sur le projet de loi relatif aux aéroports, limiter l'augmentation des redevances aéroportuaires. Le nécessaire financement des investissements des aéroports ne doit pas aboutir à étrangler des compagnies aériennes déjà mises à mal par la crise internationale et le cours du pétrole. Comme vous pouvez le constater, nous nous faisons les défenseurs des compagnies aériennes.

Je souhaiterais appeler plus particulièrement l'attention du Sénat sur l'ex-compagnie nationale Air France et sur les conséquences de la décentralisation.

En ce qui concerne Air France, je souhaite poser trois questions au Gouvernement, même si, depuis hier matin, j'en sais un peu plus par la presse sur la troisième.

Ma première question est d'ordre social.

Une disposition particulière de la loi relative à la réforme des retraites permet, sous certaines conditions - principalement le nombre d'années de cotisation -, le départ anticipé avant soixante ans pour les salariés ayant eu une carrière longue. Cette mesure permet la liquidation de la retraite de base ou des retraites complémentaires sans abattement.

Jusqu'au 1er janvier 1993, Air France disposait d'une caisse complémentaire autonome. Par conséquent, lors de l'adhésion au régime général des caisses complémentaires ARRCO et AGIRC, la caisse de retraite du personnel d'Air France, la CRAF, a cessé d'être une caisse complémentaire active. Son existence a pourtant été maintenue pour le versement des compléments de pension, sur la base des droits anciens.

Mais le règlement de la caisse ne prévoit pas le cas des départs anticipés avec versement de rente sans abattement. J'ai été sollicité par les organisations syndicales sur cette question, raison pour laquelle j'aimerais qu'elle reçoive aujourd'hui une réponse.

En effet, devant l'évolution récente de la législation sur les retraites, les organisations syndicales ont sollicité la direction d'Air France afin de faire modifier le règlement de la CRAF. Or il semble qu'aucune modification ne soit possible en vertu d'un arrêté ancien. Je tiens les documents à votre disposition, monsieur le ministre.

Il me semblerait donc justifié que vos services examinent ce point précis et proposent des dispositions réglementaires propres au moins à aligner le système de retraite d'Air France sur le système général, en permettant aux salariés les plus anciens de faire valoir leurs droits.

Deuxième question : après la création d'une filiale d'Air France, qui reprend le personnel, la loi dispose qu'une convention collective doit être négociée dans un délai de deux ans. Ce délai a commencé à courir le 6 mai dernier. Où en est cette négociation ? Nous avons cru comprendre qu'elle rencontrait quelques difficultés.

Enfin, monsieur le ministre, j'avais l'intention de vous demander, dans une troisième question, si l'Etat avait l'intention de céder de nouveau de ses participations au capital d'Air France. Depuis hier matin, je sais que 18 % seront mis sur le marché. Mais jusqu'où descendrez-vous ? Bien que ce ne soit écrit nulle part, il semblerait que le Gouvernement souhaite descendre la participation de l'Etat sous la barre des 20 %. Aujourd'hui, l'Etat ne détient plus guère que 25 %.

J'en viens à la décentralisation des aéroports régionaux.

La loi du 13 août 2004 prévoit le transfert aux collectivités territoriales de tous les aéroports appartenant à l'Etat, qui ne seront pas reconnus d'intérêt national au plus tard le 1er janvier 2007. Pour l'instant, il semblerait qu'il y en ait une douzaine.

Après un appel à candidature de ces collectivités, et au cas où un aéroport n'aurait pas trouvé preneur au 1er janvier 2006, le préfet devra désigner un bénéficiaire. Ce sera un exercice difficile ! Comment comptez-vous régler cette question ?

Je souhaite appeler votre attention sur les difficultés qui attendent ces collectivités au regard des pressions exercées par les compagnies à bas coûts.

Ces compagnies bénéficient de subventions publiques, et, devant cette concurrence, des compagnies traditionnelles finissent par abandonner des aéroports ou réduire leurs liaisons. Quand ces compagnies décident à leur tour de quitter l'aéroport, la situation devient critique.

A titre d'exemple, à Bergerac, la chambre de commerce et d'industrie, la CCI, a dû lancer une souscription publique pour financer les travaux d'agrandissement de l'aéroport exigés par l'une de ces compagnies que je ne citerai pas. Ce genre d'exemple n'est pas rare ! On le retrouve à Strasbourg, à Clermont-Ferrand ou à Bordeaux.

Les grands aéroports pourront, eux, résister à de telles pressions, mais les petits, qui seront désormais transférés aux collectivités locales, n'en auront pas les moyens. Le contribuable local, une fois de plus, est tout désigné pour en faire les frais.

Je voudrais particulièrement appeler votre attention sur le cas de l'aéroport de Beauvais.

Le conseil régional, le conseil général et la CCI souhaiteraient que Beauvais soit inclus dans le décret fixant la liste des aéroports, qui, en vertu du projet de loi que le Sénat a adopté récemment, pourront être classés parmi les aéroports régionaux d'intérêt national. A ce titre, ces aéroports ne seront pas transférés aux collectivités locales et pourront être administrés par des sociétés de gestion aéroportuaires.

Cet aéroport a vu son trafic passagers passer en quelques années de 200 000 à un million et demi de voyageurs. Reliant la Picardie, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, à quinze destinations européennes, il est désormais au dixième rang des aéroports métropolitains, et même devant certains aéroports dont nous avons des raisons de penser, sans en avoir de confirmation officielle, qu'ils figureront sur la liste prévue par le projet de décret.

Il serait bon que cette liste soit établie dans une certaine transparence, comme je l'avais déjà demandé. Il n'y a pas d'évolution sur ce point, mais peut-être pourrez-vous nous répondre à propos de l'aéroport de Beauvais, ce qui nous donnerait une idée des critères retenus pour le choix de ceux qui verraient leur statut transformé.

Nous le disons une fois de plus, nous souhaitons maintenir une très forte présence publique dans le capital des sociétés de gestion aéroportuaires, conformément à l'engagement que vous avez pris.

Monsieur le ministre, comme vous l'a indiqué mon estimé collègue Yves Krattinger, ces multiples remises en question du système aéronautique français et l'insuffisance des crédits qui en découle ne nous permettront naturellement pas d'approuver votre budget !

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