Trois ans après les attentats du 11 septembre 2001, le trafic aérien retrouve à peine le niveau qu'il avait atteint en 2000 ; c'est dire l'ampleur du sinistre et le coup d'arrêt extrêmement violent qu'il a constitué pour le secteur.
Certes, les premiers chiffres dont nous disposons pour l'année 2004 témoignent d'une reprise, mais celle-ci reste fragile. Le trafic en direction du Moyen-Orient, notamment, après une baisse de plus de 20 % à la même époque l'année dernière, retrouve des niveaux plus conformes à la réalité, sans que l'on puisse pour autant parler d'autre chose que de normalisation.
Cette situation critique est due à toutes les raisons que vous connaissez : le ralentissement économique généralisé, l'instabilité géopolitique globale, notamment. A ces raisons « logiques », si l'on peut dire, semble s'ajouter une composante psychologique forte, liée à la peur persistante des attentats.
En ce qui concerne plus spécifiquement le marché français, je voudrais revenir, d'une part, sur la constitution du groupe Air France - KLM et, d'autre part, sur l'expansion des compagnies low cost.
Ainsi, la loi du 26 juillet 2004 modifiant la loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France a permis la constitution du premier groupe aérien mondial en termes de chiffre d'affaires, avec 19, 2 milliards d'euros, et le quatrième pour les passagers transportés. Ce résultat est d'autant plus remarquable que beaucoup décrivaient Air France comme une compagnie « moribonde » il n'y a pas si longtemps, c'est-à-dire incapable de faire face à la concurrence des grandes compagnies européennes comme British Airways.
Aujourd'hui, les chiffres parlent d'eux-mêmes : parmi les vingt premières compagnies aériennes mondiales, huit présentent des résultats d'exploitation négatifs, dont six compagnies nord-américaines. Il faut maintenant laisser le temps au nouvel ensemble de résoudre les inévitables difficultés qui se poseront ; mais, je dois le dire, nous avons tout lieu d'être satisfaits, à la fois par « fierté nationale », si j'ose m'exprimer ainsi, mais également pour l'Europe, le nouveau groupe étant résolument européen.
J'en viens au développement des compagnies low cost qui constitue, il faut le reconnaître, une interrogation qu'il est difficile de trancher. Doit-on se réjouir de voir des destinations plus nombreuses proposées à des prix toujours plus bas, ou bien s'alarmer des conséquences sur la sécurité et sur la compagnie nationale ?
Sur ces points, mes chers collègues, il faut faire la part des choses : les compagnies low cost ont trouvé leur place sur le marché français, en hausse de 86 % en 2002 et de 50 % en 2003. On peut remarquer qu'elles desservent souvent des aéroports peu utilisés, ce qui est positif, et participent ainsi à l'aménagement du territoire.
De plus, et j'ai interrogé l'année dernière M. Spinetta sur ce sujet, elles ne posent pas de problèmes majeurs à la compagnie nationale généraliste, puisqu'elles s'adressent clairement à un autre type de clientèle, prêt à sacrifier un peu de confort et d'accessibilité.
En conséquence, ce développement semble somme toute positif et il convient peut-être de l'encourager.
J'interviendrai sur un troisième et dernier point concernant plus spécifiquement le marché français. Nous avons débattu le mois dernier du projet de loi relatif aux aéroports. Je tiens à saisir cette occasion pour remercier notre collègue Jean-François Le Grand du travail extrêmement approfondi et de très grande qualité qu'il a fourni sur ce sujet comme rapporteur de la commission saisie au fond ; notre collaboration a permis de parvenir, notamment sur l'épineuse question de la régulation, à des solutions somme toute équilibrées. En tout état de cause, cela montre la volonté du ministre d'aller de l'avant dans ce secteur.
J'en viens maintenant à l'analyse des crédits du transport aérien. Il était composé, en 2004, de trois « supports » : le budget annexe de l'aviation civile, le compte d'affectation spéciale « FIATA » et une partie consacrée aux crédits des programmes de recherche d'aéronautique civile.
Le budget de l'aviation civile est dépendant de l'évolution du trafic, son mode de financement par des redevances et des taxes impliquant une grande sensibilité à la conjoncture.
Je vous rappelle à ce propos que l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances imposera, à l'horizon 2006, une redéfinition des missions du budget annexe ; ces évolutions ne sont pas présentées dans le projet de loi de finances puisque la « préfiguration » de 2005 ne concerne pas les budgets annexes. Cela dit, les services de la direction générale de l'aviation civile ont bien avancé dans la définition des indicateurs.
La principale difficulté consiste de fait à séparer les activités d'intérêt général, qui seront « budgétisées » dans un programme « aviation civile », inscrit dans une mission « déplacement et transport » du ministère de l'équipement pour les actions régaliennes de la DGAC, et la partie « commerciale », qui restera dans le budget annexe. Il faudra donc, pour l'année prochaine, établir un système de redevance pertinent, et je crois savoir que la loi de finances rectificative pour 2004 sera l'occasion de régler ce point.
Pour le présent projet de loi de finances, la DGAC fait l'hypothèse d'une reprise modérée du trafic, ce qui semble raisonnable, avec une hausse des recettes de 2, 5 %. Le projet de budget qui nous est soumis vise à concilier trois objectifs : ne pas faire peser sur les compagnies aériennes des charges excessives, poursuivre les investissements nécessaires pour assurer notamment la sécurité dans le transport aérien, et éviter de tomber dans un endettement massif, risque qui a été relevé par la Cour des comptes.
Si la situation du budget annexe n'appelle, pour cette année, aucune remarque particulière, il n'en est pas de même du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.
En effet, les articles 38 et 39 du projet de loi de finances suppriment ce compte d'affectation spéciale. Il faut y voir une simplification et une clarification bienvenues. Cependant, des craintes pourraient être émises. Le fait de « budgétiser » les missions du FIATA, notamment la péréquation aérienne, ne fait-il pas planer le risque de voir les sommes afférentes réduites ? Sur ce point, il faudra être attentif aux évolutions des prochaines années. Cette politique est importante et la LOLF ne doit pas être l'occasion de réaliser ce type d'économies.
Vous noterez par ailleurs, et cela est d'un grand intérêt, que la politique de « continuité territoriale en outre-mer », qui avait rejoint le FIATA en 2004, pour 30 millions d'euros, disparaît du nouveau chapitre budgétaire qui reprend ses missions.
M. le rapporteur général s'était interrogé l'année dernière, lors de la discussion des articles du projet de loi de finances, sur la pertinence du financement d'une politique de ce type par une hausse de la taxe de l'aviation civile et de sa place dans un compte d'affectation spéciale où elle n'avait pas grand-chose à faire. Je souscris pleinement à ce diagnostic et je suis donc heureux de vous annoncer que c'est dorénavant le ministère de l'outre-mer qui gérera ces crédits.
Cela dit, le diable est dans les détails, et ils ne sont pas négligeables en la matière ! En effet, comme vous le savez, c'est la taxe de l'aviation civile qui finance le FIATA. A partir de 2005, une fraction de cette taxe sera versée au budget général, pour un montant correspondant aux missions assurées par le FIATA.
Or, si l'on regarde bien, les besoins pour l'ancien FIATA sont de 83, 78 millions d'euros pour 2005 et le produit de la taxe d'environ 114 millions d'euros, soit 30 millions de plus, ce qui correspond exactement au montant de la continuité territoriale.