Intervention de Alain Lambert

Réunion du 10 décembre 2004 à 15h15
Loi de finances pour 2005 — Iii. - transports et sécurité routière

Photo de Alain LambertAlain Lambert, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les transports terrestres et l'intermodalité :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour être à l'origine de la modernisation de la discussion budgétaire de la deuxième partie du projet de loi de finances, j'ai le devoir, plus que d'autres encore, de respecter les règles qui ont été fixées.

Monsieur le ministre, nous sommes tous censés, dans cet hémicycle, avoir lu l'ensemble des documents que vous avez remis au Parlement pour l'examen du budget, ainsi que les différents rapports afférents.

Je m'efforcerai de vous poser des questions suffisamment précises pour que les réponses que vous donnerez au Sénat ne vous obligent pas à de trop longs développements.

Je ne commencerai pas cette présentation sans rendre hommage à Jacques Oudin, ancien rapporteur spécial des crédits des transports terrestres. Vous vous souvenez de son expertise et de la passion qu'il a mise au service de cette question stratégique des transports.

Puisque je lui succède, et qu'il avait déjà beaucoup travaillé sur ces questions, j'ai préféré cette année me contenter de faire un point d'étape, une sorte de photographie de la situation en ce domaine.

La création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, mérite d'être soulignée. Elle mobilisera, grâce notamment aux dividendes des sociétés d'autoroutes, un volume global d'intervention de 7, 5 milliards d'euros sur la période 2004-2012, pour permettre de soutenir un programme de travaux de l'ordre de 20 milliards d'euros.

La création de cette agence est la vraie nouveauté de ce budget, avec un volet législatif et un volet réglementaire.

Le volet législatif consiste en une affectation de ressources, réalisée par l'article 41 du projet de loi de finances. En 2005, les ressources de l'agence doivent s'élever à 635 millions d'euros, dont 280 millions d'euros de dividendes de sociétés autoroutières.

Le volet réglementaire consiste en un décret du 26 novembre 2004, récemment paru au Journal officie l, qui crée l'établissement public administratif.

Ma première question, monsieur le ministre, porte sur l'AFITF, qui va être autorisée à emprunter. Le décret récemment publié précise que le conseil d'administration « autorise les emprunts dans la limite d'un plafond fixé en loi de finances », mais que « ce plafond n'est pas applicable aux emprunts contractés pour couvrir les besoins de trésorerie en cours d'année liés aux décalages entre les encaissements et les décaissements ».

Prenons l'exemple de cette année : le plafond est fixé à 635 millions d'euros. Qu'adviendrait-il si la prévision de dividendes des sociétés d'autoroute n'était pas tenue ? L'agence serait-elle alors autorisée à emprunter au-delà du plafond, ou bien le plafond serait-il réactualisé ?

Pouvez-vous nous confirmer, et ce sera ma deuxième question, que cette dette sera bien comptabilisée comme dette publique, et nous préciser comment elle sera gérée ? S'agira-t-il, par exemple, de l'Agence France-Trésor ?

J'en viens maintenant au secteur ferroviaire.

Notre rapport retrace le bilan des relations financières entre l'Etat, la SNCF, et Réseau ferré de France, RFF, ainsi qu'une description précise de la situation de chacun des acteurs.

Il en résulte, pour simplifier, que les contributions de l'Etat au transport ferroviaire représenteront près de 6, 5 milliards d'euros en 2005, soit 85 % du budget des transports terrestres. Naturellement, la création de l'AFITF témoigne de la priorité donnée par le Gouvernement à l'investissement ; il faut s'en réjouir. Mais c'est l'occasion de rappeler que la contribution de l'Etat au secteur ferroviaire est affectée au régime de retraite de la SNCF pour 39 %, au désendettement de RFF et de la SNCF pour 23 %, et à l'investissement pour seulement 18 %. Peu de Français - et même de parlementaires - le savent.

L'endettement total de la SNCF est de 16 milliards d'euros, répartis dans ses comptes pour 7, 3 milliards d'euros et dans le service annexe d'amortissement de la dette, le SAAD, pour 8, 8 milliards d'euros. La dette initialement transférée à RFF en 1997 a, quant à elle, augmenté rapidement : 26 milliards d'euros en 2004. La contribution du budget de l'Etat au désendettement du secteur ferroviaire s'élève à 800 millions d'euros en faveur de RFF et à 677 millions d'euros pour le SAAD. Or cette dette du SAAD n'est pas comptabilisée comme dette publique, vous le savez, puisque le SAAD n'a pas la personnalité morale. Cette dette n'est pas non plus consolidée dans les comptes de la SNCF.

Ma troisième question, monsieur le ministre, concerne la dette du SAAD : le Gouvernement envisage-t-il sa reprise par l'Etat ou bien sa réintégration dans les comptes de la SNCF ? En l'absence de reprise par l'Etat, la mise en oeuvre des normes comptables internationales impliquera en effet une réintégration de la dette du SAAD dans les comptes de la SNCF, ce qui pourrait être préjudiciable à l'entreprise.

Ma quatrième question porte sur les performances obtenues en matière de gestion de la dette ferroviaire : quel est le spread, c'est-à-dire l'écart de coût entre cette dette et celle de l'Etat ?

Monsieur le ministre, la commission des finances souhaite vous poser deux autres questions sur le secteur ferroviaire.

J'ai qualifié le plan de redressement du fret ferroviaire de « plan de la dernière chance », compte tenu de la situation de ce secteur, dont le déficit d'exploitation est de plus de 400 millions d'euros en 2003. Monsieur le ministre, êtes-vous confiant au regard des premiers résultats et des perspectives du plan « Fret 2006 » ?

Enfin, monsieur le ministre, ma dernière question concernera le partage des actifs entre la SNCF et RFF. M. Vigouroux, dans son rapport, a suggéré des solutions. Le Gouvernement avait demandé aux deux entreprises de finaliser le partage de leurs actifs avant le 31 octobre 2004. Or ce travail n'est toujours pas achevé. La réforme ferroviaire a eu lieu il y a presque huit ans maintenant. Peut-on espérer le règlement rapide de cette question du partage des actifs ?

Je ne m'étendrai pas sur la question des transports collectifs parce que certains de mes collègues ne manqueront certainement pas de vous interpeller sur ce sujet.

J'en termine par la LOLF. Ce budget des transports terrestres s'articulera donc désormais autour de trois programmes : « transports terrestres et maritimes », « passifs financiers ferroviaires » et « régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ».

Ces programmes nous semblent tout à fait cohérents. Ils ont l'immense mérite de nous faire découvrir que ce budget des transports est massivement consacré à la dette et au régime de retraite, les investissements devenant, hélas ! la variable d'ajustement. Compte tenu du regroupement des transports terrestres, de la route et de la mer, nous souhaiterions, monsieur le ministre, disposer d'une déclinaison par mode pour avoir une vue parfaite du sujet.

Les indicateurs de performance, pour bien intentionnés qu'ils soient, s'orientent vers des calculs de taux de réalisation des investissements, certes, très intéressants, mais dont il faut souligner qu'ils sont largement dépendants des crédits ouverts par le Parlement. Ces indicateurs de performance ne sont donc guère convaincants.

En revanche, ne pourrait-on pas, monsieur le ministre, renforcer les indicateurs de productivité, d'efficacité et de comparaison avec nos voisins, et les critères de satisfaction des usagers ? Cela pourrait être une façon moderne d'aborder cette question des indicateurs de performance.

Pour conclure, je dirai que ce budget des transports terrestres est un budget de clarification, de transition qui traduit tout à la fois une nouvelle politique de financement des infrastructures par la création de l'AFITF, gage de la priorité donnée à l'investissement - il en a bien besoin -, une clarification - qu'il faudra poursuivre - du financement du secteur ferroviaire, ainsi qu'une mise en oeuvre de la LOLF satisfaisante, mais qui reste à parfaire en ce qui concerne les indicateurs de performance.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances propose l'adoption de cette partie du budget des transports.

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