Intervention de Gérard Miquel

Réunion du 10 décembre 2004 à 15h15
Loi de finances pour 2005 — Iii. - transports et sécurité routière

Photo de Gérard MiquelGérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité routière :

monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des routes et de la sécurité routière est marqué, cette année, par de profondes modifications.

Il se caractérise, en effet, comme tous les budgets, par la perspective de mise en application de la loi organique relative aux lois de finances. Mais il connaît, par ailleurs, des facteurs d'évolution propres, avec, d'une part, la création de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, et, d'autre part, la décentralisation d'une partie du réseau routier national, en application de la loi du 13 août 2004, qui suscite un certain nombre d'inquiétudes.

Les moyens disponibles du budget des routes et de la sécurité routière sont en baisse de 2, 4 % en moyens de paiement et en progression de 13, 5 % en moyens d'engagement.

En réalité, ces chiffres incluent, au titre de 2005, le montant d'un report de crédits. Hors report, les moyens de paiement sont en baisse, non pas de 2, 4 %, mais de 13, 4 %.

Il est vrai, toutefois, monsieur le ministre, que les moyens susceptibles d'être alloués aux routes et à la sécurité routière seront augmentés, non seulement de 144 millions d'euros au titre du report que je viens de mentionner, mais également de 150 millions d'euros de crédits de paiement ainsi que 300 millions d'euros d'autorisations de programme, figurant au projet de loi de finances rectificative.

Je voudrais néanmoins souligner que ce budget a fait l'objet, comme l'année dernière, de mesures de régulation infra-annuelles particulièrement sévères, qui réduisent la portée des évolutions observées de loi de finances à loi de finances. Les crédits destinés à l'entretien des routes ont été épargnés par la régulation, car jugés prioritaires en raison de leurs effets sur la sécurité routière. En revanche, les trois chapitres concourant à l'investissement routier ont fait l'objet de gels significatifs affectant, notamment, la réalisation des contrats de plan Etat-région.

En ayant terminé avec ces propos de présentation générale, je souhaiterais maintenant, monsieur le ministre, vous poser quatre questions.

Ma première observation et ma première question concerneront l'investissement routier.

La baisse des crédits du budget des routes tient, tout d'abord, à une diminution de l'enveloppe en faveur de l'investissement routier. Les crédits qui y sont relatifs diminuent de 53 % en moyens de paiement et de 33 % en moyens d'engagement, ce qui est, mais seulement pour partie, la conséquence de la création de l'AFITF.

Celle-ci sera essentiellement alimentée par des produits liés à la route, mais consacrera plus des deux tiers de ses moyens aux autres modes de transport, ce qui correspond à une volonté de péréquation intermodale et de rééquilibrage en faveur des modes alternatifs, considérés comme plus sûrs et moins polluants.

S'agissant des routes, l'AFITF disposera de 187 millions d'euros de crédits de paiement et de 445 millions d'euros d'autorisations de programme, ce qui correspond à 30 % des moyens de l'Agence.

La création de l'AFITF n'explique pas en totalité la baisse des crédits budgétaires en faveur de l'investissement routier. Ces crédits baissent encore de 25 % à structure constante, même si la comparaison de loi de finances initiale à loi de finances initiale n'est pas forcément très significative, comme je l'ai déjà dit.

Je parlais, à l'instant, des gels de crédits qui ont affecté le budget des routes : dans le domaine de l'investissement, ceux-ci furent particulièrement préjudiciables à la réalisation des contrats de plan. En effet, la dotation de la loi de finances initiale pour 2004 en matière d'investissements routiers contractualisés a été ramenée à 44 % de son montant initial : ainsi, à la fin 2004, le taux d'exécution des contrats de plan Etat-région dans le domaine routier est de 52, 1 %, pour un taux d'exécution théorique de 71, 4 %.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les conséquences du retard des financements sur les chantiers en cours d'étude ou de réalisation ? Dans quelle mesure la relance des contrats de plan récemment annoncée par le Gouvernement permettra-t-elle de combler le retard accumulé depuis plusieurs années ?

Ma deuxième question concerne l'avenir des contrats de plan Etat-région.

La loi relative aux libertés et responsabilités locales prévoit la décentralisation d'une partie, environ les deux tiers, du réseau routier national.

Au cours de cette année, j'ai interrogé le ministère de l'équipement au sujet des enjeux financiers d'une telle décentralisation. Vous trouverez, mes chers collègues, le détail des réponses qui m'ont été transmises dans le rapport de la commission des finances.

S'agissant de l'investissement, le principe retenu consiste, après achèvement des contrats de plan Etat-région actuels, à décroiser les financements entre l'Etat et les départements. L'Etat ne participerait plus au financement sur le réseau transféré ; les départements ne participeraient plus au financement sur le réseau structurant demeurant national. Le ministère estime que, pour une large majorité de départements, les comptes seront proches de l'équilibre. Seuls six départements seraient en situation défavorable.

A l'issue des contrats de plan actuels, que deviendront les contrats de plan Etat-région dans la perspective du décroisement des financements ? Comment l'Etat et les départements pourront-ils, dans ce nouveau contexte, s'inciter mutuellement à investir ?

Ma troisième question concerne les modalités de la compensation du transfert de compétence au profit des départements.

La loi du 13 août 2004 prévoit, pour les crédits d'investissement, une compensation fondée sur une moyenne quinquennale actualisée. Pour les routes, cette compensation sera fondée sur les dépenses qui étaient consacrées à l'« entretien, préventif et curatif », à la réhabilitation, à l'exploitation, aux aménagements de sécurité et à la prise en compte des risques naturels. Ces notions doivent être précisée par un décret en Conseil d'Etat.

Monsieur le ministre, ces modalités de compensation ne risquent-elles pas de favoriser les départements dont les routes ont déjà bénéficié d'investissements élevés au cours des dernières années et, au contraire, de pénaliser les départements dont les routes étaient déjà les plus dégradées ?

Enfin, ma dernière question touche à la procédure, mais elle n'en est pas moins importante.

Un décret en Conseil d'Etat doit venir préciser la consistance du nouveau domaine public routier national. Un autre décret, que je mentionnais à l'instant, concernera la compensation financière des charges nouvelles qui incomberont aux départements.

Monsieur le ministre, une concertation avec les départements a été annoncée. Pouvez-vous nous en préciser le calendrier et les modalités ?

Avant de conclure, je souhaiterais dire quelques mots sur la sécurité routière.

Les progrès accomplis en 2003 ont été spectaculaires : une diminution de 20 % du nombre de tués sur la route, ce qui ne s'était jamais vu auparavant. En 2004, cette tendance favorable se confirme, ce qui signifie qu'une nouvelle culture de l'usage de la route semble se mettre en place.

D'un point de vue budgétaire, toutefois, 2005 se caractérise par une légère baisse des crédits consacrés par l'Etat à la sécurité routière. Le « jaune » budgétaire, annexé au projet de loi de finances, fait apparaître un effort global de l'Etat de 1, 7 milliard d'euros, en baisse de 4, 4 % par rapport à la loi de finances pour 2004. Les dépenses du ministère de l'équipement en matière de sécurité routière s'élèvent, quant à elles, à 658 millions d'euros, en baisse de 3, 2 %.

Enfin, je terminerai par quelques remarques sur l'application de loi organique du 1er août 2001 au budget des routes, qui s'articulera, l'année prochaine, autour de deux programmes de la mission « transports » : le programme « réseau routier national », qui représente 2, 4 milliards d'euros en 2005, et le programme « sécurité routière », qui représente, quant à lui, 247 millions d'euros. La dimension interministérielle de la sécurité routière sera traitée à travers un document de politique transversale.

S'agissant des indicateurs, le ministère a effectué un travail de grande qualité ; cependant, beaucoup d'entre eux sont assez complexes et certains ne seront pas disponibles l'année prochaine, mais seulement en 2007, voire en 2008. De façon générale, je crains que l'interprétation de certains indicateurs ne soit réservée à quelques spécialistes. Or ils doivent, avant tout, avoir pour fonction d'informer non seulement le Parlement, mais aussi les citoyens. Peut-être pourra-t-on réexaminer ces indicateurs à l'usage.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur le budget des routes et de la sécurité routière, que la majorité des membres de la commission des finances vous propose d'adopter.

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