Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 10 décembre 2004 à 15h15
Loi de finances pour 2005 — Iii. - transports et sécurité routière

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

C'est suffisamment rare pour qu'ils ouvrent mon propos !

Il s'agit, d'une part, de l'indiscutable amélioration de la sécurité routière, à laquelle nous sommes évidemment tous extrêmement sensibles.

Il s'agit, d'autre part, de l'opiniâtreté dont vous avez fait preuve et qui a abouti à la création de l'AFITF, agence que nous appelions de nos voeux.

J'avoue ma perplexité quant au reste de votre politique. J'ai l'impression que nous n'avons pas les mêmes yeux pour regarder la même réalité !

Une politique de transport est un enjeu de développement économique, social, et environnemental extraordinaire. Dans le cadre d'une politique de transport très volontaire, un objectif majeur doit être d'encourager le développement des modes de transport alternatifs à la route.

Toutes les déclarations portent le sceau du développement durable et rappellent nos engagements internationaux. Toutes les études montrent qu'il faut s'attendre à un développement considérable de la demande en transports dans les vingt années à venir. Tous les rapports sur la compétitivité de notre pays insistent sur la nécessaire qualité de ses infrastructures.

Hélas, à l'évidence, le budget qui nous est proposé ne répond pas à ces exigences. Il ne permet pas de faire face à ces enjeux. Il ne traduit pas cet engagement en faveur d'un véritable report modal.

Or, sans un engagement politique clair, il est impossible de rompre avec la logique des entreprises demandeuses de transport, pour lesquelles seuls comptent les coûts. Si l'on tient à cette logique, c'est toujours la route qui gagnera !

Aussi ma question, monsieur le ministre, est-elle simple : le Gouvernement a-t-il encore une véritable politique de rééquilibrage modal et de développement des transports alternatifs à la route ?

Pour illustrer cette question, je prendrai l'exemple du volet ferroviaire du projet de budget que nous examinons aujourd'hui.

Je commencerai par examiner le problème de la dette ferroviaire

La France a adopté en 1997 une nouvelle organisation de son système ferroviaire, en séparant le réseau, confié à RFF, de l'exploitation, confiée à la SNCF. Cette séparation, voulue par le gouvernement de droite de l'époque, allait au-delà de la simple obligation de séparation comptable issue de nos engagements européens.

Ce choix de création de deux établissements publics avait été présenté comme un moyen de maîtriser la dette ferroviaire, en allégeant la dette de la SNCF.

Plus de sept ans après la mise en place de ce dispositif, le moins que l'on puisse dire est que cet objectif est loin d'être atteint.

Nous sommes en présence de trois partenaires : l'Etat, RFF et la SNCF. Le système reste cependant « plombé », et pour longtemps. La dette ferroviaire est passée de 15 milliards d'euros en 1990 à 41 milliards d'euros en 2004. RFF supporte 25 milliards d'euros, la SNCF 7, 5 milliards, et le service annexe d'amortissement de la dette, 8 milliards.

M. Lambert a posé d'importantes questions concernant l'impact du basculement aux normes comptables internationales sur cet « objet financier non identifié ». Faut-il rattacher cette dette aux comptes de la SNCF ou à la dette de l'Etat ? Chacun a compris qu'il n'était pas possible de rattacher la dette à la SNCF, à moins de vouloir « plomber » cette entreprise.

De plus, c'est bien à la demande de l'Etat que la SNCF s'est endettée lorsqu'elle a créé l'ensemble des infrastructures, en particulier les lignes de TGV.

Les seuls frais financiers supportés par l'ensemble du système ferroviaire en 2003 représentaient environ 2, 5 milliards d'euros. Or les dotations d'Etat pour le désendettement n'ont pas augmenté depuis l'année dernière et représentent toujours 1, 5 milliard d'euros. Ce décalage nous conduit immanquablement « dans le mur ».

Face à ce système qui se dégrade gravement, le Gouvernement va-t-il se résoudre à prendre des mesures qui seraient à la hauteur réelle du problème ?

Nous avions eu un temps l'espoir que d'autres sources de financement seraient trouvées. Je songe en particulier à la taxation des poids lourds. Qu'en est-il de cette mesure ?

La création de l'AFITF est un progrès. Le décret a été publié le 26 novembre au Journal officiel.

Cela étant, j'ai été surpris, à la lecture de l'article 1er de ce décret, de constater que la liste des infrastructures s'ouvraient sur les routes, mises sur le même plan que le chemin de fer, les voies d'eau et les ports. Où est, dans ces conditions, l'affirmation de l'objectif d'un réel transfert modal ? On nous annonçait que 70 % des moyens de l'agence seraient consacrés aux modes de transport alternatifs à la route. J'espère que cela reste vrai, mais le décret est muet sur ce point.

La création de l'agence, d'autre part, ne règle pas le problème de la dette ferroviaire actuelle, qui va continuer à grandir.

Ajoutons que l'AFITF sera elle-même amenée à s'endetter, sans doute même dès le début, car les dividendes des sociétés autoroutières seront insuffisants dans les premières années.

On nous dit qu'un plafond d'emprunt sera fixé chaque année en loi de finances : le rapporteur de la commission des finances évoque dans son rapport un plafond d'un montant de 635 millions d'euros pour 2005. Quelles seront les règles d'évolution de ce plafond dans les années à venir ?

Quand les 200 millions d'euros de dotation en capital promis par l'Etat en 2005 seront-ils versés à l'agence ?

Le Gouvernement prépare l'entrée en bourse de deux sociétés autoroutières une augmentation de capital : quelle sera la part de l'Etat à l'issue de cette opération ? Cela aura nécessairement des implications sur la perception des dividendes, ce qu'on appelait la « rente autoroutière ».

On entend que l'agence pourrait injecter 400 millions d'euros par an dans des investissements ferroviaires. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer cette information ?

Quant aux relations entre l'Etat et RFF, j'ai déjà évoqué l'insuffisance de l'aide au désendettement de cet organisme. La dette atteint 800 millions d'euros comme l'an passé, alors que les frais financiers seuls atteignent 1 milliard d'euro.

Par ailleurs, la dotation pour travaux de régénération pour 2005 est de 900 millions d'euros. On est encore très loin du compte.

Je sais qu'il y a, à l'heure actuelle, un débat à propos des trains qui doivent ralentir sur près de 1 500 kilomètres de voies, mais il n'y a guère que ceux qui ne prennent pas le train pour tenter de mettre en doute ce qui est, hélas, bien réel.

On constate, certes, un léger effort pour 2005, mais les dotations 2004 ont-elles bien été effectivement versées : le doute subsiste. On connaît l'ampleur de la régulation budgétaire de ces deux dernières années ! Il semble qu'elle ait atteint des proportions sans précédent en 2004 : 270 millions d'euros de crédits d'investissement annulés, après 317 millions d'euros en 2003. Voilà qui relativise un peu nos débats sur les chiffres.

Bien entendu, cela contribue au retard colossal des contrats de plan.

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