Intervention de Michel Teston

Réunion du 10 décembre 2004 à 22h00
Loi de finances pour 2005 — État c

Photo de Michel TestonMichel Teston :

Dans son rapport présenté en avril 2003, la DATAR affirmait qu'un territoire mal desservi verra presque toujours son avenir compromis. Qui pourrait ne pas souscrire à cette affirmation ?

En conséquence, il est indispensable de doter tout le territoire d'infrastructures de bonne qualité. Dans cette perspective, la création d'un organisme comme l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, va dans le bon sens. Je m'étais d'ailleurs prononcé pour la mise en place d'un fonds dédié, alimenté par la rente autoroutière, lors de la séance du 12 novembre 2003.

L'article 41 du projet de loi de finances pour 2005 précise l'affectation des recettes au profit de l'AFITF : le produit de la redevance domaniale due par les sociétés concessionnaires d'autoroutes - 155 millions d'euros sont attendus en 2005 - le produit des participations directes et indirectes de l'Etat dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes - 280 millions d'euros sont attendus en 2005. Même si celle-ci ne figure pas dans le texte, il semble aussi que l'agence doive recevoir une dotation de l'Etat de l'ordre de 200 millions d'euros.

Les choix opérés en matière de financement d'opérations par l'AFITF font logiquement une large part au ferroviaire. Mais, dans une logique d'équité entre les territoires, il convient de ne pas perdre de vue que l'Etat entend transférer des routes aux départements sans crédits d'investissement et alors qu'il n'a pas effectué au préalable les aménagements indispensables.

La question se pose avec une acuité particulière dans une vingtaine de départements, dont les douze qui ont été fléchés par la DATAR comme connaissant des difficultés d'accessibilité. II me paraît donc nécessaire de prévoir un préciput en faveur des départements enclavés sur la part des crédits de l'AFITF consacrés à la voirie.

Pour étayer cette proposition, je prendrai l'exemple du département que je représente au Sénat. Premièrement, les besoins en financement y demeurent importants, y compris sur les routes nationales « transférables » ; j'emploie volontairement ce terme. Deuxièmement, la part de l'Etat pour l'investissement sur ces seules routes est de 24 millions d'euros pour la durée du XIIe plan, somme que l'Etat n'apportera plus à l'avenir du fait du décroisement des financements, laissant le conseil général se débrouiller seul, au détriment de la solidarité nationale la plus élémentaire.

Au-delà de la question des infrastructures financées par l'agence, je souhaite aussi souligner mes interrogations quant au financement de l'AFITF.

Un fonds dédié aux infrastructures de transport financé par la rente autoroutière est une bonne solution dès lors que la pérennité de ce financement est certaine. Or tel n'est pas le cas. Après celui de la Société des autoroutes du Sud de la France, le capital de la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône a été ouvert, et d'autres sociétés concessionnaires suivront.

C'est mathématique, monsieur le président de la commission des finances ! L'ouverture du capital entraîne une augmentation du nombre des actionnaires, donc un partage des dividendes. De ce fait, la part de l'Etat va mécaniquement baisser. Dans cette perspective, comment croire que les ressources de l'agence seront suffisantes et pérennes ?

Affirmer que les transports sont une priorité et créer un fonds dédié est une chose, mais, outre des doutes sur le niveau des recettes de l'AFITF, comment ne pas s'étonner des choix budgétaires du Gouvernement ?

Le titre V est exemplaire à cet égard : le chapitre 53-46 « crédits d'entretien, de réhabilitation, d'aménagement et d'exploitation des infrastructures » connaît une évolution particulièrement inquiétante. Les autorisations de programme, qui s'élevaient à 453, 7 millions d'euros en 2004, sont fixées à 432, 6 millions d'euros pour 2005 ; les crédits de paiement qui étaient de 445, 7 millions d'euros en 2004 passent à 412, 3 millions d'euros pour 2005.

Plus encore, le chapitre 53-47, article 30, « Investissements sur le réseau routier national hors Ile-de-France », voit ses crédits réduits de manière importante, même si l'on tient compte de la diminution de 108 millions d'euros en autorisations de programme et en crédits de paiement, liée à la création de l'AFITF : 689, 6 millions d'euros en 2004 et seulement 433 millions d'euros pour 2005 en autorisations de programme ; 599 millions d'euros en 2004 et seulement 254 millions d'euros pour 2005 en crédits de paiement.

Ce n'est pas ainsi que seront compensés les très importants gels de crédits intervenus en 2003 et en 2004 sur la voirie, ainsi que vous l'avez confirmé tout à l'heure, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, bien au contraire !

En définitive, les doutes raisonnables que l'on peut avoir sur la pérennité du financement de l'AFITF, l'absence de solidarité nationale vis-à-vis des territoires souffrant d'un déficit d'accessibilité, ainsi que la ligne générale retenue pour la construction de ce budget ne nous permettent pas de voter les crédits inscrits à ce titre.

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