Intervention de Jean Pépin

Réunion du 10 décembre 2004 à 22h00
Loi de finances pour 2005 — Iii. - aménagement du territoire

Photo de Jean PépinJean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le délégué à l'aménagement du territoire, mesdames, messieurs les sénateurs, l'aménagement du territoire et la décentralisation ont des enjeux communs.

A la mi-janvier, le Sénat va examiner, en deuxième lecture, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Il va sans dire que de nombreux volets de cette réforme, en particulier celui qui touche à la présence et au maintien des services publics dans les petites communes, ou encore celui qui améliore la situation des zones rurales les plus fragiles, intéressent directement l'aménagement du territoire, qui reste donc au coeur des préoccupations et des débats publics.

Ainsi, depuis 2003, la commission des affaires économiques a souhaité traiter de façon thématique un certain nombre de ses avis budgétaires. C'est le cas pour le budget de l'aménagement du territoire. J'examinerai donc ce dernier en abordant quatre thèmes : l'avenir des contrats de plan Etat-région, le budget pour 2005, les pays, et l'avenir de la politique régionale européenne.

S'agissant tout d'abord de l'avenir des contrats de plan Etat-région, le Premier ministre, par une lettre en date du 1er mars 2004, a demandé à la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire de donner son point de vue sur un certain nombre d'orientations envisagées : le resserrement du périmètre de la contractualisation, la réduction de la durée des contrats de plan Etat-région, l'éventualité d'une contractualisation séparée avec des groupes de régions ou les métropoles, etc.

Sur le rapport de M. François Gerbaud, la délégation a remis un avis sur tous les points qui lui ont été soumis. De nombreuses critiques ont été émises à l'encontre des actuels contrats de plan Etat-région : périmètre trop étendu, manque de lisibilité et dilution des responsabilités, partenariat déséquilibré, mise en oeuvre aléatoire, absence d'évaluation systématique des actions programmées et impécuniosité de l'Etat. La rareté des crédits de l'Etat commande, à l'évidence, un recentrage de l'objet des contrats de plan.

A l'issue de son étude, la délégation du Sénat a abouti aux conclusions suivantes : les contrats de plan Etat-région doivent conserver une place dans le dispositif contractuel liant l'Etat et les collectivités territoriales ; il convient toutefois d'en restreindre le périmètre à un nombre limité de projets susceptibles d'exercer un impact structurant pour l'aménagement du territoire, tels que les infrastructures de transport et de communication, la recherche ou encore l'enseignement supérieur.

Ces contrats doivent être davantage adossés à un cadre stratégique, à l'échelon national comme au niveau régional. Si le volet territorial - pays, agglomérations - peut demeurer dans les contrats de plan Etat-région, il n'est pas forcément opportun d'imposer à l'Etat d'être partie prenante aux contrats qui en découlent. Il convient, en revanche, de permettre et d'encourager une contractualisation séparée de l'Etat avec des groupes de régions ou des métropoles, en vue de faire avancer des projets particuliers.

La durée des futurs contrats de plan Etat-région devrait être proche de celle qui prévalait à l'origine de la contractualisation, soit quatre ou cinq ans. Il importe de renforcer la dimension péréquatrice des contrats de plan Etat-région.

Enfin, en vue d'améliorer le pilotage des contrats, il faudrait accorder une plus grande visibilité aux crédits des contrats, dans les lois de finances, permettre une meilleure fongibilité de ceux-ci au niveau local, et procéder à une évaluation systématique des actions ainsi financées.

S'agissant du budget pour 2005, comme l'année dernière, le Gouvernement présente un budget de l'aménagement du territoire équilibré entre la participation à l'effort national de maîtrise de la dépense publique et la mise en place des moyens destinés à respecter les engagements contractuels de l'Etat et les programmes approuvés par les comités interministériels d'aménagement et de développement du territoire, les CIADT.

L'objectif recherché demeure la présentation d'un budget garantissant la couverture financière des engagements de l'Etat clairement identifiés au titre de l'année 2005. C'est en 2003, rappelons-le, que de nouveaux outils de gestion ont permis de mesurer avec plus de précision le montant des engagements financiers à couvrir en fonction de l'état d'avancement réel des projets. En améliorant le pilotage de la dépense publique, on aboutit à une diminution sensible du montant des reports.

Les dépenses ordinaires et les crédits de paiement proposés pour 2005 s'établissent à 265, 2 millions d'euros, soit une baisse de 2, 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Les autorisations de programme proposées s'élèvent à 255 millions d'euros, soit une baisse de 8, 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, en tenant compte du transfert sur le budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales de 2, 98 millions d'euros pour le programme exceptionnel d'investissement en faveur de la Corse.

Le projet de loi de finances prévoit pour le FNADT, en crédits d'intervention, une dotation de 74, 8 millions d'euros, soit 1 million d'euros de moins par rapport à 2004. Mais il est vrai qu'en 2004 5 millions d'euros de crédits de report de 2003 étaient inclus dans la dotation globale.

S'agissant des crédits d'investissement, l'enveloppe de l'aménagement du territoire se compose principalement de deux types de crédits : la PAT et le FNADT, dans son volet « investissement ».

Le Gouvernement reconnaît que le contexte budgétaire est tendu ; il n'en considère pas moins que les autorisations de programme ont été préservées, ce qui est vrai.

En ce qui concerne la PAT, les autorisations de programme seront prioritairement centrées sur les grands projets dans les territoires les plus en difficulté et dans les pôles de compétitivité qui, comme on le verra, font l'objet d'une nouvelle stratégie de développement dans le dernier CIADT du 14 septembre 2004.

Comme l'année dernière, le Gouvernement fait valoir que les crédits de paiement ont été calculés en prenant en considération les engagements devant être couverts en 2005, et notamment, en ce qui concerne le FNADT, la nécessité de réduire le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement.

J'en viens au thème des pays. Dans mon rapport écrit, j'évoque plus en détail la situation des pays et des agglomérations.

S'agissant des pays, rappelons simplement que les dispositions concernées ont été modifiées par l'article 95 de la loi du 2 juillet 2003 « urbanisme et habitat ». La distinction entre périmètre d'étude et périmètre définitif a été supprimée, de même que l'obligation de recueillir l'avis conforme de la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, la CRADT, et l'avis simple de la commission départementale de coopération intercommunale sur le projet de périmètre du pays. C'est donc une simplification.

La réforme a aussi prévu que les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre d'un territoire présentant une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale à l'échelle d'un bassin de vie ou d'emploi, élaboreront, en association avec le conseil de développement, un projet commun de développement durable, qui prendra la forme d'une charte. Ces communes ou leurs groupements approuveront ensuite le projet de charte et le périmètre du pays, sur lesquels les conseils régionaux et généraux concernés auront été consultés pour avis simple. Au vu des délibérations des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés et des avis recueillis, le préfet publiera le périmètre du pays par arrêté.

J'aborderai enfin le thème de l'avenir de la politique régionale européenne. Cette dernière devra être nécessairement refondue à l'occasion du renouvellement des règlements européens qui expirent le 31 décembre 2006, accompagnant la définition de nouvelles perspectives financières pour la période 2006 à 2013 dans l'Union européenne élargie.

Des orientations de la Commission européenne ont d'ores et déjà été présentées dans un troisième rapport sur la cohésion économique et sociale adopté le 18 février 2004.

Le montant proposé pour le budget de la politique régionale s'élèverait à 336, 3 milliards d'euros, ce qui représente 0, 41 % du revenu national brut de l'Union européenne élargie contre 215 milliards d'euros sur la période allant de 2000 à 2006. C'est une forte progression, mais il y aura bien sûr des besoins.

Plus des trois quarts des crédits seraient affectés au financement d'un objectif de convergence, l'ancien objectif 1, en faveur des Etats et des régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire.

Un objectif 1 bis, doté de 10 milliards d'euros, serait temporairement maintenu au profit des régions, qui sont actuellement éligibles à l'objectif 1 et qui devraient en sortir mécaniquement du fait de l'entrée des dix nouveaux pays.

Un objectif de compétitivité régionale et d'emploi, constituant un objectif 2 rénové qui se substitue aux précédents objectifs 2 et 3, serait doté de 18 % des crédits de cohésion, soit 60, 5 milliards d'euros, desquels seraient soustraits les 10 milliards d'euros destinés transitoirement à l'objectif 1 bis. Ces crédits seraient répartis à parts égales entre des programmes nationaux consacrés au soutien de l'emploi et des programmes régionaux destinés à mettre l'accent sur la compétitivité ; j'espère pour ma part que cela pourra concerner des secteurs tels que ceux qu'a évoqués notre excellent collègue et ami M. Roger Besse.

Un objectif de coopération territoriale, doté de 4 % de l'enveloppe financière, serait enfin destiné à soutenir la coopération transfrontalière dans des domaines tels que la mise en réseau des PME et la recherche.

J'en viens à ma conclusion.

Les moyens budgétaires stricto sensu de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire les crédits de la DATAR, de la PAT et du FNADT, seront au mieux stabilisés en 2005 subissant, à cet égard, les effets de la contrainte budgétaire pesant sur de nombreux ministères.

Toutefois, il ne faut pas oublier qu'un effort financier quelque dix fois supérieur en dépenses d'investissement et quelque vingt fois supérieur en dépenses de fonctionnement et d'intervention est globalement consenti, en matière d'aménagement du territoire, par d'autres administrations, et notamment, par ordre décroissant, par le ministère de l'équipement, le ministère de l'agriculture, le ministère de l'industrie et le ministère l'éducation nationale. Pour 2005, le Gouvernement évalue cet effort à 4, 662 milliards d'euros en dotations ordinaires et crédits de paiement et à 3, 930 milliards d'euros en autorisations de programme, soit une progression d'environ 22, 6 % par rapport à 2004, année au cours de laquelle les autorisations de programme s'élevaient à 3, 203 milliards d'euros.

En définitive, il est difficile, dans ces conditions, de considérer l'aménagement du territoire comme sacrifié dans le projet de loi de finances, puisqu'il jouit de tous les compléments que je viens d'évoquer.

Par ailleurs, comme cela a été dit, la nouvelle étape de la décentralisation de même que l'attention portée au développement prioritaire des territoires ruraux les plus fragiles dénotent, de la part des pouvoirs publics, un intérêt soutenu et bienvenu pour des orientations caractéristiques d'une véritable politique d'aménagement et de développement du territoire.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour ces raisons, et après avoir écouté avec attention l'excellent et émouvant rapport de M. Roger Besse, je vous invite, au nom de la commission des affaires économiques, à émettre un avis favorable sur les crédits de l'aménagement du territoire dans le projet de budget pour 2005.

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