Intervention de Yolande Boyer

Réunion du 10 décembre 2004 à 22h00
Loi de finances pour 2005 — Iii. - aménagement du territoire

Photo de Yolande BoyerYolande Boyer :

J'en arrive à un deuxième dossier, et pas des moindres : les contrats de plan Etat-région. La délégation à l'aménagement du territoire du Sénat, sollicitée par le Premier ministre, émet un certain nombre de remarques à ce sujet, et souligne « l'impécuniosité de l'Etat qui commande à l'évidence un recentrage de l'objet des contrats ».

La délégation de l'Assemblée nationale, quant à elle, insiste sur la nécessité pour l'Etat d'assurer des cadres budgétaires plus stables aux contrats de plan et demande que celui-ci respecte, à l'occasion de chaque loi de finances annuelle, l'échéancier des dépenses.

Le rapport de M. Bonrepaux fait un bilan très préoccupant de l'exécution budgétaire des contrats de plan Etat-région. Voici quelques chiffres : gel de crédits en 2002, 13 % ; en 2003, 15 %, gel de crédit prévu pour 2004, 27 %. Le rapport précise que ce sont bien les gels et annulations de crédits qui sont les causes du retard de l'Etat, et non la complexité des procédures, la multiplicité des acteurs ou les retards dans les délais de paiement. Le taux d'exécution des contrats de plan Etat-Région risque fort de n'atteindre que 55 % à la fin de l'année 2004 alors que le taux d'exécution théorique est de l'ordre de 71 %.

On peut donc considérer le retard dans l'exécution des contrats de plan Etat-région à trois ans fin 2004.

Je sais que les estimations de la DATAR sont plus optimistes, réduisant ce retard à un an. Sont-elles pour autant plus réalistes ? Nous verrons. Mais bien plus qu'un simple problème d'exécution budgétaire, j'y vois la remise en cause de la politique d'investissement de l'Etat. En conséquence, les régions doivent assumer. Je citerai l'exemple de ma région, la Bretagne, qui a assuré le préfinancement de 9 millions d'euros.

Les autres conséquences sont une remise en cause de la politique d'aménagement du territoire, notamment dans ses volets ferroviaire et routier.

J'insisterai plus particulièrement sur le volet ferroviaire, qui est très en retard. Si l'exécution des crédits se poursuit au même rythme qu'en 2004, le contrat de plan accusera en 2006 sept ans de retard ! De plus, cela est en contradiction avec la volonté de politique de développement durable.

Prenons l'exemple de ce qui se passe dans mon département.

J'ai récemment appelé l'attention de M. le ministre de l'équipement sur la situation de la gare de Carhaix-Plouguer, dans le centre Bretagne : des décisions prises par la SNCF ont eu pour effet immédiat de réduire de moitié le trafic de fret vers cette gare, favorisant au passage le transport par la route. Les trafics « fret » et « passagers » étant étroitement liés, de telles décisions risquent fort d'aboutir, à terme, à une remise en question de l'existence même de cette infrastructure.

La mobilisation immédiate des élus, des syndicats, des citoyens et des usagers du centre Bretagne démontre l'attachement profond au maintien d'une desserte ferroviaire pour cette région enclavée. L'incompréhension et la plus vive inquiétude habitent aujourd'hui l'ensemble de ces acteurs.

J'évoquerai rapidement les comités interministériels pour l'aménagement et le développement du territoire, les CIADT.

Les deux plus récents - décembre 2003 et septembre 2004 - semblent être des inventaires sans priorité ni calendrier précis. Le premier a été consacré aux grands projets d'infrastructures, le second à l'avenir et à la préservation des zones littorales dont j'ai eu l'occasion de parler au cours du débat sur l'application de la loi « littoral ». Dans les deux cas, les crédits envisagés ne correspondent pas aux enjeux.

Au cours du dernier CIADT ont été définis les pôles de compétitivité. Ce dispositif est présenté comme le moyen de résoudre les problèmes d'attractivité du territoire et de délocalisation. Il peut paraître intéressant et suscite beaucoup d'intérêt de la part des régions. Mais il peut aussi être dangereux, si on laisse de côté toute une partie du territoire. Quid des petites et moyennes communes ? Sans maillage du territoire permettant d'avoir autour de ces pôles de compétitivité des pôles de développement, il est à craindre qu'ils ne concentrent l'ensemble de l'activité au détriment des zones défavorisées.

Je terminerai par ce qui est indispensable, de mon point de vue, à une vie équilibrée sur nos territoires : les services publics.

Je vous renvoie au congrès des maires, voilà quelques semaines, et à la grogne de ces derniers, pour protester contre la suppression d'un bureau de poste ici, d'une perception là, d'une gendarmerie, et j'en passe... Ecoles, collèges, lycées, subdivisions de l'équipement, bon réseau postal : à mon avis, tout cela contribue aussi à l'attractivité du territoire.

Je donnerai deux exemples qui me touchent de près puisqu'ils concernent le Finistère, mon département : alertée régulièrement par des représentants syndicaux, des élus de communes rurales, j'ai récemment appelé l'attention du ministre sur la situation de La Poste dans le Finistère, cette dernière procédant, comme elle le fait ailleurs en France, à des restructurations et à des suppressions de tournées, de bureaux, etc. Les mesures déclinées par La Poste semblent grignoter chaque fois un peu plus la qualité du service public.

Les premiers éléments de réponse qui me sont parvenus évoquent une « adaptation normale des moyens au trafic ». On me dit également que « toute évolution se fera en négociant avec les élus, la commission départementale de présence postale, la CDPTT, et le préfet étant les garants de cet engagement ». J'ai récemment évoqué ces éléments d'explication avec des élus locaux, mais rien n'a semblé les rassurer.

Je donnerai un autre exemple de coup porté à l'aménagement du territoire et au service public : la présence de l'enseignement public professionnel. Je citerai à cet égard un nouvel exemple finistérien : le lycée professionnel de Pont-de-Buis-lès-Quimerch, commune voisine de la mienne. Cet établissement rural fait preuve d'une réelle performance s'agissant de la qualité des formations qui y sont dispensées et de la réussite aux examens. Il se situe géographiquement dans un secteur rural vaste, est éloigné des pôles urbains et constitue un véritable maillon de l'aménagement du territoire dans le domaine de la formation. Le danger, pour cet établissement, est l'étouffement progressif par le transfert insidieux de formations vers les lycées de la ville de Brest.

Ces deux exemples illustrent le désenchantement d'élus, qui, poussés à bout - comme dans la Creuse -, finissent par rendre leur écharpe. Mais quels équilibres voulez-vous pour nos territoires et pour leurs habitants ? Comment rendre attractifs pour les citoyens, mais aussi pour les entreprises, des territoires que l'on vide peu à peu des services contribuant en grande partie au maintien de la population ? Une chose est sûre, la mission confiée aux élus locaux est de plus en plus difficile ; à ce rythme, nous serons peut-être bientôt forcés de constater qu'elle est devenue impossible.

En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je pense que nous sommes bien loin des objectifs fixés, à savoir, d'une part, l'équité entre les territoires, et, d'autre part, la possibilité pour chaque citoyen, où qu'il se trouve sur notre territoire, de bénéficier des mêmes chances, des mêmes atouts.

C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre votre projet de budget.

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