Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez n'échappe pas à la logique générale de maîtrise des déficits publics qui a guidé l'ensemble du projet de loi de finances pour 2005.
En baisse de 2, 83 % par rapport à 2004, les crédits inscrits dans ce budget ne retracent cependant qu'une partie de l'effort financier en faveur de la politique d'aménagement du territoire national. En effet, d'autres ministères, tels que l'équipement ou l'éducation nationale, et les fonds structurels européens contribuent aussi à la mise en valeur du territoire français. Cela participe peut-être au manque de lisibilité de ce budget et brouille un peu l'image positive de l'action gouvernementale en la matière, que je salue.
Au total, l'effort financier en faveur de l'aménagement des territoires devrait représenter l'an prochain 8, 664 milliards d'euros. Cette nouvelle donne budgétaire est satisfaisante au regard des trois priorités clairement fixées par le Gouvernement : renforcement de la compétitivité des territoires, consolidation de la solidarité inter-territoriale et, enfin, développement de l'attractivité des territoires.
En tant que sénateur de la Corrèze, département rural s'il en est, je me permettrai, malgré l'heure tardive, de formuler quelques remarques, reflétant celles que M. Mouly et moi-même avons pu recueillir auprès des maires et élus que nous rencontrons régulièrement sur le terrain.
S'agissant du volet relatif à l'attractivité des territoires, je voudrais souligner, à l'instar de mon voisin et ami Roger Besse, que la question du maintien des services publics en milieu rural reste primordiale et préoccupe tous les maires ruraux, toutes tendances politiques confondues.
En effet, le maintien d'un maillage de services publics de qualité est un élément déterminant d'une ruralité vivante. Il ne peut y avoir maintien de vie ni continuité des activités en zone rurale sans la présence de ces services. Ils sont le gage de l'équité territoriale et représentent le vrai lien entre le citoyen et l'Etat. C'est aussi le meilleur signe d'encouragement, la meilleure leçon de civisme et de citoyenneté pour les jeunes qui souhaitent fonder une famille dans ces zones rurales.
Je ne saurais vous dire combien la disparition de ces services publics est difficile à accepter pour les maires, lorsqu'elle est le résultat de décisions arbitraires, technocratiques, loin des réalités de leur mandat au quotidien.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner dans l'hémicycle, il me semble important que soient enfin reconnus les droits des collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant. Les élus, de toutes tendances, sont conscients de la nécessité de procéder à certaines réformes afin de moderniser notre service public. Ils sont prêts à vous aider à les mettre en oeuvre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à condition, d'une part, qu'ils soient les acteurs de la réforme et que celle-ci soit inscrite dans le temps et dans l'espace, et, d'autre part, que l'Etat adresse une communication pertinente et transparente aux citoyens qui sont - ne vous y trompez pas ! - de plus en plus avertis.
Je pense que nous avons avancé sur ce dossier puisque, sur l'initiative du Sénat, l'objectif de maintien du service public a été réaffirmé et précisé dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux que nous serons amenés à réexaminer prochainement en deuxième lecture.
Toute décision devra dorénavant faire l'objet d'une concertation préalable avec les élus locaux et les usagers, afin d'être non seulement la plus pertinente possible, mais aussi parfaitement comprise. Aujourd'hui, nous manquons essentiellement de pédagogie. Il s'agit d'une avancée indéniable, bien qu'elle ne soit peut-être pas encore parfaitement assimilée par des élus locaux qui ont souvent été frustrés, voire trompés, du fait d'annonces maladroites. De fait, il me semble opportun que ces dispositions entrent maintenant en vigueur suivant un rythme maîtrisé.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il convient de mettre un terme à la désinformation politicienne. Mais il ne faut pas sous-estimer la colère légitime, le désarroi réel des maires et des élus confrontés à une réalité qui ne grandit pas l'image de notre République. Par vocation, un maire est un élu courageux et responsable, qui ne renonce jamais. Lors de la tempête de 1999, par exemple, les maires se sont vraiment comportés, sur le terrain et à l'égard de leurs concitoyens, en dignes représentants de la République ; ne l'oublions pas ! Donnons-leur des raisons d'espérer et les moyens pour se battre à armes égales avec leurs homologues des zones plus favorisées.
A ce sujet, lors du dernier congrès des maires de France, le Premier ministre a annoncé la création d'une conférence nationale des services publics en milieu rural. Avez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions à nous apporter sur ce sujet ? Il faut accélérer ce processus de concertation, d'écoute, et généraliser les solutions concrètes qui devraient rapidement émerger des expérimentations annoncées dans certains départements, comme la Corrèze.
Je voudrais ensuite attirer votre attention sur l'attachement que manifestent les élus locaux à la mise en oeuvre et au respect de la programmation des contrats de plan Etat-région. A la fin de l'année 2003, le taux de mise en oeuvre des crédits délégués était de 45, 7 % pour un taux théorique de 55, 4 %. Le retard est donc désormais à moitié comblé, mais il reste encore beaucoup à faire, sachant que l'échéance de l'actuelle génération de contrats de plan doit intervenir à la fin de l'année 2006.
Le Gouvernement a envisagé une réforme de la contractualisation entre l'Etat et les régions, en se fondant sur le rapport de notre excellent collègue François Gerbaud fait au nom de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire. En tant que président du club national des réseaux de ville, il me paraît essentiel de recentrer ces contrats sur les grands projets structurants, et d'améliorer les outils de pilotage mis à la disposition des collectivités.
Il importe tout autant de renforcer la dimension péréquatrice des contrats de plan. C'est une évidence, les territoires les plus fragiles ont besoin d'un soutien particulier, d'une solidarité qui ne peut qu'être inégalitaire en leur faveur. Si j'osais reprendre votre expression, monsieur le ministre, je parlerais de la nécessité d'établir une discrimination équitable ; voilà ce dont nous avons besoin. Ne vous y trompez pas, les clés de péréquation entre les territoires dits riches et ceux qui doivent se battre tous les jours pour assurer leur développement durable feront le succès ou l'échec des lois de décentralisation.
Enfin, je souhaite aborder le problème des fonds structurels européens qui permettent de financer la politique régionale et qui visent à réduire les disparités économiques et sociales entre les différentes régions d'Europe. Ainsi, une grande partie du territoire métropolitain bénéficie actuellement des programmes régionaux européens, tel est le cas du Limousin. Or chacun s'interroge aujourd'hui sur le devenir de la politique européenne puisque l'enveloppe augmentera très peu, et ce malgré l'élargissement.
Au vu des orientations de la Commission européenne, les nouveaux Etats membres seront favorisés au détriment des anciens. Il est ainsi prévu que, après 2006, la métropole cesse de recevoir des aides structurelles, ce qui représente une perte de 2, 5 milliards par an. Se pose alors le problème de la pérennité des aides perçues actuellement par nos territoires ruraux, qui connaissaient déjà des difficultés parfois ubuesques pour leur consommation. Malheureusement trop peu discuté, l'avenir des fonds structurels européens constitue un enjeu primordial.
Je tenais à le signaler ce soir car, dans nos campagnes, bien loin de Paris et encore plus de Bruxelles, nous nous inquiétons ; je ne parle ici que des investissements et non du fonctionnement. Monsieur le ministre, nous comptons sur votre vigilance.
Je sais que vous allez bientôt venir nous rendre visite en Corrèze. Nous serons là pour vous accueillir.