Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 10 décembre 2004 à 22h00
Loi de finances pour 2005 — Iii. - aménagement du territoire

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai l'impression de répéter ce que je viens d'entendre à plusieurs reprises et j'en suis très étonnée. En effet, j'évoquerai les mêmes éléments mais je n'en tirerai pas les mêmes conclusions.

L'examen du budget de l'aménagement du territoire intervient au moment où le mécontentement des élus locaux à l'égard de la politique du Gouvernement en matière de décentralisation prend de l'ampleur.

En effet, permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que lors du dernier congrès des maires, les élus locaux ont dénoncé avec force le décalage entre le discours sur la décentralisation et la réalité des faits, c'est-à-dire le désengagement financier de l'Etat et le démantèlement des services publics, en particulier dans les zones rurales et périurbaines.

Malheureusement, cette année encore, le projet de budget de votre ministère manque cruellement d'ambitions. En effet, avec plus de 265 millions d'euros, il diminue, en 2005, de 2, 8 % par rapport à 2004 et pratiquement toutes les lignes budgétaires sont en diminution.

Les objectifs affichés lors du dernier CIADT, qui visent à renforcer « l'attractivité, la compétitivité et la solidarité des territoires » ne semblent pas crédibles au regard du projet de budget pour 2005 et surtout de l'ampleur des désengagements de l'Etat de ses missions d'aménagement.

Tout d'abord, comment peut-on légitimement espérer renforcer l'attractivité et la solidarité en laissant les services publics disparaître les uns après les autres ?

L'affaiblissement des services publics, qui touche aujourd'hui tous les secteurs - postes, trésoreries, services d'urgences, maternité, gendarmeries... - montre clairement que l'Etat ne se donne plus les moyens d'organiser l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire, ce qui pourtant devrait être son premier objectif.

Et ce n'est pas parce que les directeurs des différents services départementaux rencontrent les élus sur le terrain afin de leur expliquer leurs intentions que l'on doit véritablement parler de concertation ! On peut tout au plus parler d'information !

Nous ne pouvons accepter que les collectivités locales soient obligées de mettre la main à la poche pour maintenir la présence des services publics.

A cet égard, je citerai l'exemple d'un élu de mon département qui s'est vu proposer par des responsables de La Poste une indemnité royale de 215 euros par mois pour faire fonctionner un guichet communal, somme ridicule au regard des frais engendrés par cette activité.

Le désengagement progressif de l'Etat et la participation financière accrue des collectivités locales constituent les deux piliers de votre politique en la matière.

On retrouve, par exemple, cette approche dans la politique que vous menez pour réduire la fracture numérique. En effet, là encore, les collectivités locales sont réduites à prendre en charge une part croissante du financement de nouvelles infrastructures si elles veulent que leurs administrés aient accès aux moyens modernes de communication et d'information.

Dans le domaine des technologies des communications, 16 000 communes n'ont toujours pas accès au haut débit et plus de 3 000 n'ont pas de couverture correcte en termes de téléphonie mobile, le plan « zones blanches » ayant pris un an et demi de retard.

A cet égard, rappelons l'engagement de nombreux départements qui tentent de pallier maintenant les carences de l'Etat.

Par ailleurs, comment pouvez-vous mettre l'accent sur la solidarité tout en diminuant les crédits affectés à la prime de l'aménagement du territoire, la PAT, prime qui doit permettre d'accompagner les créations ou les extensions d'entreprises génératrices d'emplois dans les zones les plus fragiles ? Pourquoi n'avez-vous prévu que 39 millions d'euros pour 2005 alors que 50 millions d'euros ont été dépensés en 2004 ?

S'agissant de la compétitivité, je voudrais évoquer brièvement les pôles du même nom mis en place par le CIADT du 14 septembre dernier et dont l'objectif est de rapprocher sur un même territoire les entreprises, les centres de formation et les unités de recherche. Il s'agit, en soi, d'une bonne idée. Mais affirmer que ce nouvel instrument résoudra les problèmes de délocalisation relève, selon nous, de l'affichage politico-médiatique.

En réalité, de tels pôles vont permettre aux entreprises de faire prendre en charge, par les conseils régionaux et les universités, les dépenses en recherche et développement nécessaires à l'activité économique.

Nous savons tous que la recherche privée est insuffisante. A nouveau se pose la question de l'utilisation des fonds publics et du contrôle de leur utilisation. En outre, avec ce système, nous assisterons, encore une fois, à une mise en concurrence des territoires pour le moins-disant fiscal.

Je souhaiterais maintenant, monsieur le ministre, saisir l'occasion qui m'est donnée ici pour vous faire part de mes inquiétudes concernant les outils d'investissement de l'Etat dans les régions, à savoir les contrats de plan Etat-régions et les fonds structurels européens.

Tout d'abord, l'exécution locale des contrats de plan Etat-régions 2000-2006 traduit le désengagement de l'Etat en matière d'aménagement du territoire. Après avoir gelé 20 % des crédits affectés à de tels contrats ces trois dernières années, vous affichez une hausse de cette ligne budgétaire pour 2005.

Vous conviendrez qu'entre gels, annulations et reports intervenus, depuis quelques années, l'exercice manque de lisibilité. Aujourd'hui, la philosophie même des contrats de plan est remise en cause, l'Etat ne respectant pas l'échéancier des dépenses résultant des contrats qu'il a signés.

D'après la DATAR, le retard de l'Etat dans la mise en oeuvre des contrats de plan serait de plus d'un an à la fin de 2004, ce que conteste d'ailleurs le député Augustin Bonrepaux. Tous les secteurs sont concernés : santé, social, environnement, routes nationales, réseaux ferrés.

J'aimerais évoquer plus particulièrement le volet territorial des contrats de plan Etat-régions.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques éclaircissements sur le retard pris par l'Etat dans la signature des contrats territoriaux ? A titre d'exemple, en Lorraine, l'Etat ne dégage plus les moyens nécessaires à la signature des contrats de pays. La politique de création des pays serait-elle remise en cause ?

Toujours dans son rapport, le député Augustin Bonrepaux montre que le problème majeur des contrats de plan est conjoncturel et non structurel, et que le décrochage s'est opéré en 2002-2003 et non pas dans les premières années, comme cela a été affirmé par ailleurs. Désormais, en raison de l'ampleur des annulations de crédits, les contrats sont exécutés à la carte.

Les conséquences de ce désengagement sont connues : les présidents de région, face aux nombreux chantiers menacés, n'ont, en fait, pas d'autre choix que de suppléer financièrement l'Etat et, donc, d'augmenter leur fiscalité.

Enfin, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, ce que vont devenir ces contrats, sachant que les fonds structurels européens, qui constituent actuellement un tiers de leur financement, vont fortement diminuer après 2006, en raison de la réorientation profonde de la politique régionale, d'une part, et sachant qu'ils compensent, de fait, les carences de l'Etat, d'autre part ?

L'enquête menée par le député Jean-Louis Dumont auprès des préfectures de région et des conseils régionaux révèle que les substitutions de crédits communautaires aux crédits d'Etat sont fréquentes.

Par ailleurs, soulignons que, malgré l'amélioration du taux de programmation des fonds structurels européens, le montant des dégagements d'office pourrait représenter 1, 3 fois le budget de l'aménagement du territoire en 2005. Les annulations de financements communautaires prévues en cas de retards importants dans les programmations risquent de mettre les collectivités locales dans de graves difficultés. Et, comme le souligne ce même rapporteur, « ce sont bien des dysfonctionnements de l'Etat, et non pas seulement l'insuffisance des projets locaux, qui semblent être à l'origine de ces retards très dommageables ».

Monsieur le ministre, comment comptez-vous remédier à ces dysfonctionnements ?

En conclusion, j'évoquerai brièvement les moyens affectés à la DATAR, dont le budget de fonctionnement diminuera, en 2005, de 3, 85 %, après une baisse de 2, 2 % en 2004 et de 4, 27 % en 2003. Jusqu'où irez-vous dans la rationalisation de cet outil de prospective ?

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que j'aie quelques raisons d'être sceptique quant à la volonté de l'Etat de mener une politique d'aménagement du territoire cohérente, porteuse d'ambitions et soucieuse d'un développement harmonieux de tous les territoires.

Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas le projet de budget que vous nous présentez.

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