… et le souci qu’elle nous inspire en matière de finances publiques, comme l’a dit M. le président Jean Arthuis.
Pour autant, les dispositions de cette proposition de loi ne nous paraissent pas du tout de nature à répondre de manière pertinente à cette double préoccupation.
Je ne reviendrai pas, monsieur Rebsamen, sur le dispositif que vous avez présenté et que M. le président Jean Arthuis a commenté. Je voudrais cependant dire que le Gouvernement conteste l’idée de rechercher des boucs émissaires chez les grandes entreprises ou chez les ménages qui acquittent l’ISF comme si cela permettait de régler les très sérieux problèmes auxquels, c’est vrai, nombre de nos PME et nombre de nos compatriotes sont confrontés.
Dans le cas d’une crise mondiale, il serait particulièrement dangereux de détériorer la situation relative de nos entreprises, particulièrement celle de nos grandes entreprises, qui, compte tenu de la structure de notre appareil industriel, sont aujourd’hui des leaders mondiaux qui tirent nos échanges.
Je voudrais insister sur cette question de la compétitivité par rapport à l’étranger et sur les risques, signalés par M. le président Jean Arthuis, de délocalisation en raison des différents taux d’impôt sur les sociétés.
Je pense que nous devons nous réjouir que nos grandes entreprises, comme d’autres d’ailleurs, investissent à l’étranger. De même devons-nous nous réjouir du fait que la France soit le deuxième pays d’accueil des investissements étrangers. Il n’en reste pas moins que le souci de l’attractivité de notre territoire, qui va de pair avec la compétitivité de nos entreprises, doit, en cette période de crise mondiale, être le fil directeur de notre politique économique et, en l’occurrence, de notre politique fiscale.
Notre analyse des différents articles procède de cette idée.
Le Gouvernement n’est pas favorable à l’article 1er parce qu'il est à l'exact opposé de ses orientations de politique économique, qui consistent à réduire les charges fixes des entreprises, telles l’imposition forfaitaire annuelle ou la taxe professionnelle, et à éviter de léser celles qui affrontent un contexte économique défavorable.
S’agissant de l’article 2, qui vise à moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices distribués, M. le président Jean Arthuis a parfaitement présenté la situation réelle des entreprises et les difficultés techniques qui résulteraient de l’adoption de cette disposition. Je rappellerai que c’est un dispositif tellement complexe, tant pour les entreprises que pour l’administration, que la majorité à laquelle vous apparteniez, monsieur Rebsamen, y avait renoncé en l’an 2000.
Ce dispositif serait source de distorsions de concurrence parce que la politique de distribution des bénéfices ne procède pas seulement en réalité du libre arbitre de l’entreprise elle-même ; elle dépend, entre autres choses, de la structure de ses financements, de la composition de son actionnariat et de son secteur d’activité. Il est donc inapproprié de parler, à ce sujet, de la situation des entreprises publiques qui, dans les secteurs que vous avez indiqués, ont été appelées à participer au financement d’infrastructures spécifiques à leur secteur d’activité, par exemple des infrastructures de transport ou des investissements en matière électrique.
Enfin, le Gouvernement n’est pas non plus favorable, monsieur le sénateur, à l’article 3 de votre proposition, qui crée une taxe sur les entreprises pétrolières. Ce débat a déjà eu lieu au Sénat, et vous n’ignorez pas que les grandes entreprises du secteur de l’énergie sont déjà toutes fortement taxées. Leurs bénéfices sont, dans la généralité des cas, soumis à l’impôt sur les sociétés au taux de 33, 33 %, auquel s’ajoute une contribution sociale de 3, 3 %, soit un taux effectif d’imposition de 34, 43 %.
Quant au cas de l’entreprise Total, sur lequel vous vous êtes plus particulièrement arrêté, vous savez bien que les bénéfices que vous avez évoqués sont en réalité ses bénéfices comptables mondiaux consolidés et non les bénéfices imposables en France. Ils ne représentent d’ailleurs que moins de 5 % du résultat net du groupe et ont déjà été lourdement taxés à l’étranger. Il ne me semble pas opportun de surtaxer notre champion national au seul motif que ses activités imposables chez nous dégagent peu de bénéfices, alors qu’il investit et crée des emplois, en son sein mais aussi dans les entreprises dans lesquelles il détient une participation financière ou chez ses nombreux sous-traitants, comme je peux moi-même le constater à travers le monde.
Vous comprenez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui.
Je voudrais, en outre, monsieur Rebsamen, m’inscrire en faux contre certains de vos propos et donner quelques informations complémentaires au Sénat.
Tout d’abord, je voudrais vous confirmer que nous n’avons renoncé à rien s’agissant du contrôle des montages abusifs ! Nous avons d’ailleurs un dispositif de répression de l’abus de droit particulièrement performant, dont le Sénat a eu connaître à la fin de l’année dernière.
Ensuite, je voudrais rappeler que nous sommes, avec l’Allemagne, le pays qui, en Europe, procède au plus grand nombre de redressements en matière de prix de transfert. Nous faisons preuve d’une extrême vigilance, et les services de mon collègue Éric Woerth travaillent même, comme vous le savez sans doute, à un durcissement des outils de contrôle des grandes entreprises, avec la création d’une obligation documentaire.
Quant aux niches fiscales, j’ai parlé de l’impôt sur les sociétés, mais il faudrait que vous nous précisiez à laquelle vous pensez. S’il s’agit du bénéfice mondial consolidé, sachez que c’est un régime fort ancien – il existe depuis les années soixante – et, en réalité, très peu attractif, qui ne bénéficie qu’à moins de cinq entreprises. Il est, en tout état de cause, parfaitement transparent, puisque le Gouvernement fournit chaque année au président et au rapporteur général de la commission des finances toutes les informations utiles relatives aux bénéficiaires.
Pour terminer, j’indiquerai que, dans ce très difficile contexte de crise, il importe de soutenir les entreprises et l’activité, non pas en revenant sur les avancées de la loi TEPA – M. le président Jean Arthuis s’est exprimé très clairement à ce sujet – mais en construisant face à la crise un plan de relance cohérent et responsable.
Cela passe, bien sûr, par les mesures d’urgence prises à la fin de l’année 2008 pour soutenir notre système financier, au bénéfice des entreprises et des ménages, par le plan de soutien à l’activité, au travers des chantiers de relance, suivis, notamment, par Patrick Devedjian, par l’accélération, que vous avez votée à la fin de l’année 2008, des remboursements de crédits de TVA et de trop-perçus d’impôts sur les sociétés, pour renforcer la trésorerie des entreprises, par les mesures prises à l’issue du sommet social du 18 février 2009 ou encore par le plan de soutien à la filière automobile conclu, également en février dernier, par Christine Lagarde et Luc Chatel.
En conclusion, je répète que, pour préparer la sortie de crise, nous devons renforcer la compétitivité des entreprises françaises par l’innovation, par l’information et par l’investissement. C’est à cela que s’attache le Gouvernement, plutôt qu’à des mesures qui semblent largement inspirées, on peut le dire, par une approche idéologique.