Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise mondiale que nous traversons actuellement aura au moins eu un mérite, celui de révéler l’importance de la dimension sociale de l’Union européenne. Elle a aussi montré que nos concitoyens attendaient une Europe qui protège. Enfin, elle a mis en évidence que chaque citoyen européen avait besoin d’être accompagné, soutenu et épaulé.
Nous faisons tous le même constat, et ce pour deux raisons.
D’une part, nous, Européens, et en particulier nous, Français, sommes attachés au caractère « global » du projet européen. Nous ne nous sommes jamais contentés d’une construction européenne qui serait limitée au marché ou à la monnaie. Comme l’a rappelé le 5 mai dernier le Président de la République, « l’Europe, c’est nous ».
Les politiques relatives au travail et aux affaires sociales doivent se trouver au cœur du projet européen, dans la mesure où elles concernent très directement la vie quotidienne de millions d’Européens et que la justice à l’égard des personnes les plus fragiles est un facteur indispensable à la croissance économique, au développement durable et à la stabilité.
D’autre part, il existe une conviction commune qu’aucun État membre ne pourra, isolément, ni défendre ses intérêts ni promouvoir son modèle sans l’Europe. Nous avons besoin d’une solidarité européenne pour défendre nos intérêts communs. Malgré la diversité dans l’organisation des relations et des politiques sociales en Europe, ce qui nous rapproche l’emporte de loin sur ce qui nous sépare, surtout lorsque nous comparons les États membres de l’Union européenne au reste du monde.
Il est vrai, monsieur Yung, que, pendant plusieurs années, le processus législatif communautaire avait pu donner le sentiment de ne plus produire de résultats dans le champ social. Mais des progrès ont été accomplis sous la présidence française de l’Union européenne ; j’y reviendrai.
Le modèle social européen, quel est-il ? Il représente à la fois les valeurs communes à tous les États membres et les droits que ceux-ci reconnaissent.
Nous sommes aujourd’hui parvenus à un niveau de développement social de l’Europe que nous n’avons jamais connu dans le passé.
En droit du travail, nous avons des standards minimums dans pratiquement tous les domaines : temps de travail, travail intérimaire, santé et sécurité au travail, information et consultation des travailleurs.
Par ailleurs, nous avons des mécanismes de coordination, d’évaluation et d’échange de bonnes pratiques sur l’emploi, la protection sociale, la lutte contre la pauvreté, le revenu minimum. Je prendrai un exemple très concret : un rapport d’Eurostat publié mardi dernier fait apparaître que les vingt-sept pays de l’Union européenne ont consacré en moyenne 6 350 euros par habitant à la protection sociale en 2006, soit plus d’un quart du PIB de l’Union. Dans le classement qui a été établi, la France arrive d’ailleurs en tête avec 31 % de son PIB. Ces chiffres témoignent de la réalité de la dimension sociale de l’Europe.
D’indéniables progrès ont été réalisés afin de construire ce modèle social européen qui protège. Car tel est bien notre objectif.
Je pense en particulier aux garanties contre le dumping social. Il s’agit à la fois de garanties juridiques – l’article 136 du traité précise que les directives visent à l’harmonisation dans le progrès, grâce à la clause de non-régression que comporte chaque directive – et de garanties économiques – les politiques de convergence entre les économies des États membres tendant à accélérer le développement de nos partenaires les moins avancés.
Je pense aussi à l’égalité professionnelle, dont vous rappelez dans votre rapport, monsieur Yung, qu’elle représente un acquis important à l’échelon européen. Le traité de Rome a posé des principes et des règles claires. S’il est un domaine où l’Europe a fait avancer les droits des citoyens, c’est bien celui-là.
Pourtant, les inégalités et les écarts de rémunération perdurent. C’est bien le signe que, au-delà du droit et des principes, ce sont les mentalités qu’il faut changer et qu’il importe de mobiliser l’ensemble des acteurs de la société civile, en collaboration avec les partenaires sociaux. La France milite ainsi en faveur d’un label européen pour favoriser les bonnes pratiques.
Je pense encore à des exemples très concrets d’harmonisation européenne au bénéfice de nos concitoyens, comme la carte européenne d’assurance maladie, qui permet à un Français qui passe ses vacances en Allemagne et qui doit consulter un médecin de voir ses dépenses de santé prises en charge. Cette carte a fêté ses cinq ans lundi et, à la fin de 2008, plus de 180 millions de citoyens européens en détenaient une, soit 35, 7 % de la population des trente et un pays où elle a été introduite, à savoir les vingt-sept États membres de l’Union européenne, l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.
Tous ces exemples illustrent l’action des États membres, notamment de la France, pour que l’Europe sociale s’incarne de façon concrète dans la vie de nos concitoyens.
La présidence française de l’Union européenne a marqué une étape importante dans la promotion du modèle social européen.
Durant ces six mois, sous l’autorité de Nicolas Sarkozy, nous avons défendu cette vision sociale de l’Europe et sommes parvenus à la fois à renouveler les bases d’un consensus entre États membres sur le projet européen et à obtenir des avancées concrètes pour les citoyens. Celles-ci portent sur plusieurs sujets ; vous les connaissez. Madame Papon, vous avez eu raison de souligner que nous avions relancé des dossiers qui étaient enlisés depuis des années.
Ainsi, la directive sur le travail intérimaire a été adoptée au mois de novembre 2008. Elle marque une étape importante dans l’harmonisation par le haut des conditions de travail au sein de l’Union européenne.