Désormais, les travailleurs intérimaires devront partout être traités sur un pied d’égalité avec les salariés de l’entreprise dans laquelle ils exercent leurs missions, comme c’est déjà le cas en France.
La directive sur le comité d’entreprise européen a été révisée, comme le réclamaient les syndicats européens depuis 1999. Ce texte, qui concernera 880 entreprises européennes et 15 millions de salariés européens, permettra de renforcer le dialogue social en Europe.
Le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale a connu une refonte importante. Certes, il s’agit d’un exercice technique et complexe, qui a néanmoins un impact direct sur la situation de tous les citoyens en Europe et de leurs familles. Modernisé, ce règlement garantit le maintien d’une affiliation à la sécurité sociale pour tous les citoyens européens, la reconnaissance des droits acquis d’un pays à l’autre – pour la retraite, par exemple – et l’égalité d’accès aux prestations de chaque État membre.
Je pourrais également citer un accord sur la transposition en Europe de la convention maritime de l’organisation internationale du travail en 2006 – là encore, nous nous sommes appuyés sur les partenaires sociaux – qui renforce les droits et protections des 300 000 marins soumis au droit communautaire.
Un accord sur les principes communs d’inclusion active a également été trouvé. Il s’agit d’une stratégie commune européenne pour lutter contre la pauvreté, promouvoir un revenu minimum dans chaque État membre qui puisse s’inscrire dans des politiques actives de retour à l’emploi. C’est bien la preuve que, à l’échelon européen, la question de l’exclusion est au cœur de nos préoccupations.
Une feuille de route a été adoptée, que la Commission s’est engagée à mettre en œuvre, visant notamment à garantir une meilleure sécurité juridique aux prestataires de services sociaux d’intérêt général vis-à-vis des règles des marchés publics.
En collaboration avec la Commission, a été lancée une évaluation de la situation résultant des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes – arrêts Laval, Viking, Rüffert et Luxembourg – sur le détachement des travailleurs, pour identifier les failles de la mise en œuvre de la réglementation européenne en ce domaine, étant entendu que, le cas échéant, cette dernière devra faire l’objet d’une révision. Les partenaires sociaux européens ont entamé cette tâche ardue.
Nos travaux ont également laissé une large place à la famille, en particulier aux mesures en faveur de l’activité des femmes et de l’égalité professionnelle.
Outre les avancées concrètes que je viens de rappeler, nous avons aussi posé les fondements d’un nouveau consensus entre les États membres sur la dimension sociale de l’Union européenne. Tous ces clivages paralysaient en effet les travaux du conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs », dit « conseil EPSCO », notamment depuis 2004.
Nous avons proposé un programme de travail pour mettre en œuvre l’agenda social renouvelé de l’Union européenne. Nous avons mené à bien une mission européenne sur la flexicurité, avec Gérard Larcher et le commissaire Špidla, afin de rechercher un juste équilibre entre la flexibilité et la sécurité dont ont respectivement besoin les entreprises et les salariés.
Cette mission a reçu un accueil très positif dans des pays aussi divers que la Suède, l’Espagne et la Pologne. Signe de son succès, les partenaires sociaux européens y ont participé et en ont approuvé les conclusions.
Il importe, par ailleurs, de relancer le dialogue social européen.
Le dialogue avec les partenaires sociaux constitue en effet l’un des piliers du modèle social européen. Il est la clé de réussite de l’Europe sociale. La présidence française a donc souhaité associer étroitement l’ensemble de ces partenaires sociaux.
En bref, la présidence française aura conduit à l’affirmation de la dimension sociale de l’Europe, grâce à l’adoption de textes qui étaient en discussion depuis plusieurs années et de principes communs d’action, et je répète que ce résultat est dû à une collaboration étroite avec les partenaires sociaux européens.
La France tire aujourd'hui les bénéfices des efforts qu’elle a déployés lors de cette présidence. Face à la crise, nous disposons désormais d’instruments européens rénovés, qu’il s’agisse du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation ou encore du Fonds social européen, qui ont été adaptés, sur une impulsion forte et décisive de la France, afin qu’ils soient mieux utilisés en cette période de crise. Je vous rappelle que ces fonds jouent un rôle de levier. Ils doivent compléter les financements nationaux et cibler des priorités définies au plan européen.
Quel avenir pour la dimension sociale de l’Europe ?
Je veux insister sur la nécessité de promouvoir des avancées concrètes dans les mois et les années qui viennent pour les citoyens, pour les travailleurs et leurs familles. Il faut ainsi continuer à améliorer les droits des citoyens européens, qu’il s’agisse de l’égalité de traitement dans tous les cas de discrimination possibles, de l’égalité entre hommes et femmes ou encore de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Il faut aussi améliorer les garanties en matière de droits sociaux nationaux lorsque ces derniers entrent en conflit avec des règles communautaires, comme celles du marché intérieur. À cet égard, il faudra être attentif aux suites de l’arrêt Laval et aux travaux que les partenaires sociaux européens ont engagés.
Il faut également poursuivre la réflexion menée, sous la présidence française, sur les services sociaux d’intérêt général, sur la formation professionnelle, qui est la clé à la fois de la sécurisation des transitions professionnelles, de l’amélioration de l’insertion des jeunes et du maintien des seniors dans l’emploi, et sur la méthode de travail au sein de l’Union européenne, notamment de la méthode ouverte de coordination, la MOC, qui a déjà permis une extension de la coopération entre États membres, des échanges d’expériences et de bonnes pratiques et une participation de la société civile sur le plan européen.
Monsieur Yung, vous reprochez à la MOC d’être trop bureaucratique, de manquer de visibilité. Nous avons fait le même constat. C’est pourquoi la présidence française a défendu certaines propositions telles que des objectifs plus simples, des procédures d’évaluation plus transparentes. Vous retenez d’ailleurs toutes ces propositions dans votre rapport d’information.
Pour les années qui viennent, il faut maintenir le cap. La crise a révélé l’importance de la politique sociale en Europe. Il faut donc saisir l’occasion pour réaffirmer cette dimension sociale, alors que l’Union européenne doit élaborer sa nouvelle stratégie, celle qui est appelée à succéder en 2010 à la stratégie de Lisbonne.
Dans ce travail de rénovation, nous devons aujourd’hui relever en commun un certain nombre de défis qui ne se prêtent pas à une réglementation communautaire. Je pense, en particulier, à l’adaptation à la mondialisation, au vieillissement démographique, à la modernisation des marchés du travail ou encore à la lutte contre la pauvreté.
L’Union européenne doit servir à nous enrichir réciproquement de l’expérience et des pratiques nationales pour parvenir à des objectifs définis en commun.
Enfin, ainsi que vous l’avez fort justement souligné, madame Papon, le traité de Lisbonne met en œuvre des avancées dans le domaine des droits sociaux.
Il intègre d’abord les principes et les droits de la Charte des droits fondamentaux, qui, par conséquent, lieront le juge européen, de même que la Commission. Ce n’est pas abstrait ; c’est une avancée très concrète.
Ensuite, la clause sociale dite « horizontale » impose que la Commission et le législateur européen prennent en compte, dans chacune des politiques communautaires et des législations sectorielles, les objectifs de protection sociale et de plein-emploi. Là encore, elle permettra de mieux orienter les politiques commerciales, les politiques de la concurrence ou du marché intérieur en fonction de leurs conséquences sociales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République l’avait réaffirmé dès le mois de décembre 2007 : « le projet européen doit également revêtir une dimension sociale ».
Je suis fière de l’affirmer aujourd’hui devant vous : la dimension sociale de l’Europe n’est pas un concept abstrait, c’est une réalité concrète. J’en veux pour preuve les nombreuses avancées que je viens de mentionner. Bien évidemment, certains progrès restent à accomplir, dans le droit chemin de l’action engagée au cours de la présidence française de l’Union européenne.
À force de dialogue et de concertation, nous apportons une réponse collective aux défis qui sont devant nous, en particulier dans ce contexte de crise mondiale.
Il est aujourd’hui plus que jamais de notre responsabilité à tous – élus européens, nationaux, locaux, responsables politiques et syndicaux – de placer la cohésion sociale, la protection des citoyens et la solidarité au cœur de nos priorités.
Si l’Europe doit agir vite face à la crise actuelle afin de protéger les populations, nous devons aussi développer un projet à long terme sur lequel nous devons travailler sans cesse.