Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi de M. Daniel Raoul relative au développement des sociétés publiques locales n’est pas la seule initiative parlementaire qui traite de ce sujet puisque votre collègue M. Jean-Léonce Dupont et M. Jean-Pierre Schosteck, député, ont également déposé des propositions de loi rédigées en termes comparables.
Cette convergence d’initiatives entre les deux assemblées et entre différents groupes politiques, appartenant à la majorité à l’opposition, démontre s’il en est besoin la volonté du Parlement de proposer des outils nouveaux aux collectivités locales. Le Gouvernement ne peut évidemment que s’en réjouir.
Les collectivités assurant plus des deux tiers de l’investissement public dans notre pays, elles jouent évidemment, particulièrement dans la période de crise que nous traversons, un rôle majeur. Il est donc essentiel de soutenir leur action et de leur permettre d’agir dans un cadre juridique sûr et efficace.
L’adoption de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a permis, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de créer des sociétés publiques locales d’aménagement dont ils détiennent l’intégralité du capital.
Ces sociétés sont compétentes pour conduire des opérations d’aménagement, au sens du code de l’urbanisme. À ce jour, selon mes sources, six de ces sociétés ont été créées et une dizaine est en cours de constitution. J’ai bien entendu, monsieur le rapporteur, que vous faisiez état de sept SPLA créées : c’est sans doute que l’une de celles qui était en cours de constitution a été formée entre le moment où j’ai recueilli des informations et celui où vous vous avez établi votre rapport.
Les différentes initiatives parlementaires tendent à aller plus loin, d’une part, en pérennisant les sociétés publiques locales d’aménagement, et surtout, d’autre part, en créant des sociétés publiques locales, aux compétences élargies.
Dans cet esprit, le Gouvernement est favorable aux simplifications et allégements de procédures ainsi qu’au développement de l’économie mixte, mais il doit aussi – j’ai cru comprendre que tel était aussi le sentiment de l’auteur de cette proposition de loi – s’assurer de la fiabilité du cadre juridique proposé aux collectivités. C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, je défendrai plusieurs amendements en ce sens.
Différents textes adoptés récemment tendent à alléger les procédures et à simplifier le cadre juridique dans lequel évoluent les collectivités locales.
Ainsi, la création des contrats de partenariat entre le public et le privé permet de faire émerger les projets des collectivités et de trouver les financements nécessaires à leur réalisation.
Les décrets du 19 décembre 2008 visant à relever les seuils des procédures formalisées pour les marchés de travaux ainsi que ceux qui sont relatifs aux dispenses de publicité et de mise en concurrence offrent plus de réactivité et de souplesse aux élus locaux, dans le respect des normes européennes.
Enfin, l’adoption de la loi du 17 février dernier sur l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés permet au conseil municipal, par exemple, d’accorder une délégation au maire concernant les marchés quel qu’en soit le montant.
Toutes ces mesures de simplification vont dans le bon sens.
Je ne veux pas dresser ici un catalogue exhaustif, mais personne ne peut nier que, dans bon nombre de domaines, le recours à des montages juridiques associant initiatives publiques et initiatives privées permet de réaliser des opérations de grande envergure. Je pourrais donner l’exemple, pour en être l’un des praticiens, de la rénovation urbaine, indispensable à nos villes et à leurs habitants, qui fait appel à des fonds publics, mais aussi à des interventions privées.
De la même manière, la réalisation et la gestion d’un nombre non négligeable de services publics à caractère industriel et commercial sont possibles grâce à l’intervention combinée des collectivités territoriales et de la sphère privée.
Il ne fait aucun doute que, demain, le recours à des systèmes mixtes sera très utile pour mettre en œuvre la grande ambition du Grenelle de l’environnement, qui doit amener un certain nombre de collectivités à prendre des décisions d’ampleur.
Il est important que les collectivités puissent recourir, selon leurs besoins et selon leurs moyens, à des procédures et à des opérateurs différents : délégation de service public, régie, société d’économie mixte, société publique locale d’aménagement et, demain, société publique locale. La palette doit être large, clarifiée et aussi simple que possible d’utilisation, pour permettre à chacun d’y trouver l’instrument dont il a besoin.
Nous devons évidemment offrir un cadre juridique fiable aux collectivités locales ; à défaut, ce sont leurs procédures qui risqueraient d’être annulées par le juge, avec toutes les conséquences tant financières qu’humaines qui en découlent.
Je ne voudrais pas être un oiseau de mauvais augure en refaisant l’historique du dossier concernant les concessions d’aménagement, mais il constitue une bonne illustration de ce qu’il convient désormais d’éviter. Tous, vous savez les fragilités juridiques de cette procédure. De nombreuses conventions antérieures à la loi du 30 juillet 2005 pourraient être requalifiées en marchés publics de travaux par le juge administratif à la suite de la question préjudicielle transmise à la Cour de justice des communautés européennes.
Le Gouvernement a donc déposé plusieurs amendements permettant d’éviter ces écueils, de simplifier les dispositifs et surtout de s’assurer de la compatibilité de la proposition de loi avec les exigences communautaires.
À l’instar des sociétés publiques locales d’aménagement, les futures SPL doivent bien entendu exercer leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires. Cela a été dit et est, semble-t-il, accepté par tous. Le Gouvernement a déposé un amendement de précision en ce sens.
Par ailleurs, ainsi que vous le savez, la jurisprudence communautaire exige que le contrôle opéré par l’autorité publique soit analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services. À défaut, le juge communautaire estime que le lien de type in house entre la personne publique et la société est rompu.
Je vous proposerai donc d’adopter un amendement qui vise à offrir la possibilité aux seules collectivités et à leurs groupements de créer des SPL mais à exclure la présence d’établissements publics parmi les actionnaires de la société. Je remercie M. le rapporteur de son ouverture sur cette question : cette attitude amènera sans doute le Gouvernement à faire preuve lui-même d’ouverture en ce qui concerne l’amendement n° 3, sur lequel nous divergeons. Pour que la coproduction soit parfaite, nous essaierons chacun de faire un pas vers l’autre, de manière que les souhaits de la commission et de l’auteur de la proposition de loi soient satisfaits.
Par ailleurs, je suis conduit à appeler l’attention de la Haute Assemblée sur une ouverture trop large du champ de compétences des SPL. La loi n’empêchera pas que des contentieux soient introduits par des sociétés privées aujourd’hui prestataires des collectivités territoriales après publicité et mise en concurrence. Il serait donc hasardeux de ne pas limiter le champ d’intervention des SPL, si ce n’est aux seules missions des services publics à caractère industriel et commercial et aux activités d’intérêt général.
L’absence de soumission aux règles de publicité et de concurrence, dans le cadre du in house, n’est jamais qu’une dérogation, et le juge administratif, s’il est saisi, devra se prononcer au cas par cas sur la qualité des actionnaires et le champ d’intervention de la société.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage votre ambition : aider nos collectivités territoriales à réaliser dans les meilleures conditions de rapidité, de simplicité et de transparence leurs projets, au bénéfice non seulement de leurs habitants, mais aussi de toute l’économie de notre pays. Le Gouvernement est donc soucieux de supprimer procédures et formalismes inutiles.
Toutefois, il nous appartient aussi de donner des repères et de nous assurer de la fiabilité du cadre juridique sur lequel seront fondés les projets locaux.
C’est ainsi que, j’en suis sûr, nous saurons concilier, au cours du débat qui va s’ouvrir, le dynamisme et l’innovation dont savent faire preuve les élus locaux, la confiance que nous avons dans nos collectivités territoriales, mais aussi la sécurité juridique que nous leur devons.