Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est pas la première tentative pour mettre nos pratiques d’aménagement en conformité avec la jurisprudence européenne.
Par le passé, nos collègues communistes et socialistes de l’Assemblée nationale ont déjà tenté de rétablir le droit pour les collectivités locales de bénéficier du régime « in house », qui prévalait autrefois dans les projets d’aménagement.
En effet, depuis le début des années 2000, la Commission européenne a remis en cause les contrats de mandat passés entre les personnes publiques et les sociétés d’économie mixte, en critiquant la loi du 12 juillet 1985 relative à la maitrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et en déclarant contraire aux directives communautaires certaines de ses dispositions. Selon la Commission, ces contrats de mandat devaient respecter une procédure préalable de publicité et de mise en concurrence, étant assimilés à des prestations de service de droit commun.
Toujours prompte à appliquer les sacro-saintes règles de la concurrence partout où elle le peut, la Commission européenne a, de fait, limité considérablement le champ des possibles pour les collectivités locales, désormais obligées de passer par les règles du marché et de l’appel d’offres, quand bien même elles disposeraient d’une SEM au sein de laquelle elles seraient supra-majoritaires et qui ne travaillerait que pour les collectivités actionnaires.
C’est donc pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne qu’ont été créées les sociétés locales publiques d’aménagement, les SPLA, par loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Force est de le constater, trois ans plus tard, le résultat est plus que mitigé. Du fait de la complexité de leurs règles de création et de leur champ d’action très limité, ces SPLA n’ont pas su occuper la place laissée vacante par les SEM.
Désormais, les élus locaux souhaitent donc de nouveaux outils pour développer leurs territoires. En effet, il est des domaines d’activités autres que l’aménagement où l’existence de sociétés 100 % publiques présenterait le même intérêt que les SPLA. Nombre de sociétés d’économie mixte ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires, pour le compte desquelles elles exploitent un service ou un équipement publics. Il en va ainsi dans les domaines de la construction et de la gestion de logements, de l’eau et de l’assainissement, du stationnement ou des transports. Il convient de noter que le règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route définit la notion d’« opérateur interne » de la manière suivante : « une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ».
De nombreuses SEM agissant dans ces secteurs correspondent bien à une telle définition.
Il convient donc d’étendre le dispositif à d’autres domaines d’activités que l’aménagement, afin que les élus locaux puissent avoir à leur disposition, dans tous les domaines de compétence visés par la loi, l’outil leur permettant d’appliquer pleinement le droit communautaire et le principe de libre administration des collectivités territoriales.
À cela, il faut ajouter que la gestion d’un service public sous la forme d’une société anonyme détenue par les collectivités territoriales offrirait à celles-ci des avantages indéniables en termes d’efficacité, de réactivité et de sécurité, avantages dont les solutions juridiques disponibles, comme la création d’un établissement public ou d’une association loi 1901, sont dépourvues.
Enfin, le texte proposé tire les enseignements pratiques de l’expérimentation des sociétés publiques locales dans le domaine de l’aménagement, en permettant aux collectivités territoriales de déroger au code de commerce qui impose, s’agissant des sociétés anonymes, un minimum de sept actionnaires. Cette obligation peut se heurter à des difficultés réelles lorsque la société a pour objet la réalisation d’un projet ou la gestion d’un équipement intéressant un nombre inférieur de partenaires publics.
Cependant, même si elles sont dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales ne viendront pas se substituer aux sociétés d’économie mixte, dont le statut conservera toute son attractivité dès lors que des collectivités territoriales voudront s’associer à des partenaires privés pour entreprendre en commun des projets d’intérêt général.
En somme, cette proposition de loi a pour objet d’adapter les SEM à la législation européenne pour qu’elles puissent continuer leur activité comme elles le faisaient auparavant. Cela permettra d’offrir à nouveau aux collectivités locales la possibilité de mener à bien leurs politiques d’aménagement.
Dès lors, nous ne pouvons qu’accorder notre crédit à cette proposition de loi. Nous avons donc décidé de voter en sa faveur.